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Date : 20040304

Dossier : T-635-02

Référence : 2004 CF 341

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                  SARASIN CONSULTADORIA E. SERVICOS LDA

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                                  ROOX'S INC.

                                                                                                                                                intimée

et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, et ses modifications (la Loi), de la décision rendue sur une opposition le 18 février 2002 (la décision) par le registraire des marques de commerce (le registraire). Roox's Inc. (l'intimée) était l'opposante devant le registraire et Sarasin Consultadoria E Servicos Lda (appelante) était la requérante.


CONTEXTE

[2]                 L'appelante indique que son prédécesseur en titre, Edit- S.R.L. (Edit), a déposé, le 8 mai 1996, une demande d'enregistrement de NOSE DESIGN (la marque de l'appelante) afin de l'employer en liaison avec des chaussures, des bottes, des pantoufles et des sandales (les marchandises) étant donné qu'elle employait cette marque depuis le 23 mars 1995.

[3]                La marque de l'appelante a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 20 mai 1998.

[4]                L'intimée a déposé une déclaration d'opposition le 20 octobre 1998.

[5]                Le 9 décembre 1998, l'appelante a déposé et signifié une contre-déclaration à la déclaration d'opposition.

[6]                La preuve produite par l'intimée était une copie certifiée de l'enregistrement de la marque de commerce TOES ON THE NOSE & DESIGN (la marque de l'intimée) au soutien de son opposition.


[7]                L'intimée souligne que sa marque de commerce a été enregistrée notamment pour des [Traduction] « ... chaussures de sport, chaussures, sandales, espadrilles, chaussures de tennis » . La marque de l'appelante a été enregistrée notamment pour des [Traduction] « ... chaussures, bottes, pantoufles et sandales » .

[8]                La demande concernant la marque de l'appelante a été cédée à l'appelante par Edit le 31 décembre 1999.

[9]                Le registraire a rejeté tous les motifs d'opposition sauf celui selon lequel la demande ne respectait pas l'alinéa 30b) de la Loi. Il a estimé qu'il n'était pas clair si l'emploi à la date alléguée, soit le 23 mars 1995, était celui du prédécesseur en titre de l'appelante et s'il pouvait être invoqué au bénéfice de l'appelante. Il a conclu que la facture fournie en réponse à la demande de l'intimée faisait renvoi à [Traduction] « une partie dont l'identité et le rôle n'ont pas été expliqués » . Le registraire a ensuite dit :

[Traduction] ... la requérante n'a pas démontré comme il le lui incombait qu'un tel emploi joue en sa faveur plutôt qu'en faveur de l'entité dont le nom figure sur la facture, et c'est pourquoi le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) est retenu.

C'est le seul motif sur lequel le registraire s'est fondé pour refuser la demande et c'est ce refus qui fait l'objet de l'appel. L'appelante est par ailleurs d'accord avec la décision du registraire.

La décision du registraire

[10]            Un appel de la décision du registraire a été déposé le 19 février 2002. Un deuxième affidavit, fait sous serment le 16 avril 2002, par Lino Fornari, le seul dirigeant d'Edit, a été déposé devant la Cour d'appel le 22 avril 2002.


[11]            L'appelante soutient que, dès le 1er janvier 1994, par suite d'un contrat de licence intervenu entre Edit, qui était alors propriétaire de la marque de l'appelante, et Ubi-Maior S.R.L. (Ubi-Maior), Ubi-Maior était le détenteur exclusif d'une licence pour la marque de l'appelante et Edit avait un contrôle direct sur la nature et la qualité des marchandises. Ubi-Maior était le détenteur exclusif d'une licence pour la marque de l'appelante en liaison avec ses marchandises en 1994 ainsi qu'à la date du premier emploi le 23 mars 1995.

[12]            L'appelante soutient que la facture d'Ubi-Maior en date du 23 mars 1995 concernait une commande passée le 7 octobre 1994 pour des marchandises qui ont été livrées le 23 mars 1995 à Aldo au Canada et que le paiement devait être fait à Redax AG, une compagnie affiliée d'Ubi-Maior, le détenteur exclusif de la licence.

[13]            L'intimée a déposé une comparution le 25 avril 2002, indiquant son intention de participer à l'appel.

[14]            L'appelante prétend que sa marque a été employée en liaison avec les marchandises à la date du premier emploi, soit le 23 mars 1995, par le détenteur exclusif d'une licence du propriétaire de la marque de commerce à l'époque, et qu'un tel emploi profite à l'appelante.

[15]            L'intimée affirme que ni l'autre affidavit de M. Lino Fornari déposé en appel ni le présumé contrat de licence joints comme pièces A et B à l'affidavit n'établissent l'emploi par l'appelante à la date du premier emploi allégué dans la présente demande.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[16]            L'article 3 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, et ses modifications, traite de la question de l'adoption présumée :


3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédécesseur en titre a commencé à l'employer au Canada ou à l'y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l'avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l'un d'eux a produit une demande d'enregistrement de cette marque au Canada.                                                        

3. A trade-mark is deemed to have been adopted by a person when that person or his predecessor in title commenced to use it in Canada or to make it known in Canada or, if that person or his predecessor had not previously so used it or made it known, when that person or his predecessor filed an application for its registration in Canada.


[17]            Le paragraphe 4(1) indique les cas où une marque de commerce est réputée employée :


4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.


[18]            L'article 6 concerne la question de la confusion :



6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

(3) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(4) L'emploi d'un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.     

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

(3) The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

(4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.


[19]            L'alinéa 30b) prévoit ce qui suit :


30. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant_:

[...]

b) dans le cas d'une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

[...]

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

...

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

...


QUESTIONS EN LITIGE

En appel, l'appelante soulève la question suivante :

La demande d'enregistrement de la marque de l'appelante respectait-elle l'alinéa 30b) de la Loi vu l'emploi par le détenteur exclusif d'une licence obtenue du prédécesseur en titre de l'appelante, emploi qui profite à l'appelante?

En appel, l'intimée soulève la question suivante :

La décision du registraire était-elle erronée en ce qui concerne la confusion?


ANALYSE

Alinéa 30b)

[1]                L'appelante soutient que la Cour peut substituer sa décision à celle du registraire si ce dernier a tiré une conclusion erronée ou si, en appel, il y a dépôt d'une preuve additionnelle qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire (Brasseries Molson c. John Labatt Ltd., [2000] C.F. 145, par. [51], 2000, 5 C.P.R. (4th) 180, 196 (C.A.F.)).

[2]                L'appelante soutient que la preuve additionnelle, c'est-à-dire l'affidavit de M. Lino Fornari (fait sous serment le 16 avril 2002) qu'elle a déposé dans le présent appel, répond à l'ambiguïté soulevée dans sa décision par le registraire en ce qui concerne l'alinéa 30b) de la Loi.

[3]                L'appelante affirme que, le 1er janvier 1994 et le 23 mars 1995, Ubi-Maior était le détenteur exclusif d'une licence d'Edit, le prédécesseur en titre de l'appelante, et qu'elle a fabriqué et vendu les marchandises.

[4]                La facture d'Ubi-Maior en date du 23 mars 1995 concerne une commande passée le 7 octobre 1994 relativement à des marchandises qui ont été livrées au Canada le 23 mars 1995, à Aldo, un détaillant canadien.

[5]                La marque de l'appelante était apposée sur les marchandises livrées le 23 mars 1995 à Aldo, au Canada.

[6]                C'est pourquoi l'appelante affirme que sa marque a été employée en liaison avec les marchandises par le détenteur exclusif d'une licence de son prédécesseur en titre, Edit, qui avait le contrôle sur la nature ou la qualité des marchandises. Selon l'appelante, un tel emploi profite au propriétaire de sa marque, qu'une marque de commerce ait ou non été enregistrée.

[7]                L'intimée soutient que l'appelante n'a pas déposé en appel une preuve de fond additionnelle qui aurait pu avoir un effet sur la décision du registraire en l'espèce.

[8]                L'intimée affirme que la preuve additionnelle déposée en appel par l'appelante est ambiguë et, au mieux, équivoque, et que l'appelante doit produire une preuve [Traduction] « établissant formellement » la date de premier emploi alléguée (Coca-Cola Ltd. c. Compagnie Française de Commerce International Cofci, S.A. (1991), 35 C.P.R. (3d) 406).

[9]                L'intimée prétend que, pour diverses raisons, la nouvelle preuve déposée par l'appelante ne règle pas les problèmes soulevés dans la décision quant à l'alinéa 30b).


[10]            Pour commencer, l'intimée fait valoir que, dans son affidavit du 16 avril 2002, M. Fornari n'indique pas clairement que la marque de l'appelante a été employée à la période pertinente en liaison avec les marchandises mentionnées dans la facture du 23 mars 1995 qui a été produite pour prouver l'emploi au Canada.

[11]            La facture concerne l'envoi de 179 paires de souliers de toile de trois catégories différentes. L'intimée affirme que M. Fornari aurait pu facilement indiquer que la marque de l'appelante avait été employée en liaison avec ces articles, mais qu'il a choisi de ne pas le faire. C'est pourquoi l'ambiguïté concernant l'emploi de la marque de l'appelante en vertu de l'alinéa 30b) subsiste.

[12]            L'appelante soutient qu'il n'y a aucune ambiguïté sur ce point. L'affidavit de M. Fornari en date du 16 avril 2002 doit être lu avec son affidavit du 26 avril 2000. Dans son premier affidavit, M. Fornari indique clairement que la marque de l'appelante [Traduction] « a été employée au Canada depuis au moins le 23 mars 1995 en liaison avec des chaussures, des bottes, des pantoufles et des sandales » et il fournit des exemples représentatifs montrant cet emploi au Canada, notamment des échantillons des bottes de style « 477 » dont il est question dans la facture d'Ubi-Maior en date du 23 mars 1995; la marque de l'appelante est apposée sur le côté des bottes.

[13]            À mon avis, si on examine ensemble les deux affidavits de M. Fornari, l'emploi de la marque de l'appelante en liaison avec les marchandises est démontré.


[14]            L'intimée ajoute toutefois que le contrat de licence exclusive conclu par Edit et Ubi-Maior et invoqué par l'appelante n'établit pas que l'emploi au Canada peut être attribué à Edit, le prédécesseur en titre de l'appelante. Elle souligne que le contrat de licence ne mentionne pas expressément le Canada et que le préambule précise que l'emploi devra [Traduction] « respecter les limites et conditions prévues au présent contrat » . La concession est accordée pour [Traduction] « le territoire national et international » .

[15]            Après avoir lu le préambule du contrat de licence, je n'ai pas l'impression qu'il comporte de restriction territoriale quant à l'emploi de la marque de l'appelante ou qu'on puisse déduire du contrat lui-même une telle restriction, qui exclurait le Canada.

[16]            L'intimée soutient que cette question a été examinée lorsque M. Fornari a été contre-interrogé sur son affidavit le 16 avril 2002 et qu'aucune réponse claire n'a jamais été fournie à la question de savoir si le Canada était visé. En fait, selon l'intimée, l'avocat s'est opposé à la question, jugeant celle-ci inacceptable.

[17]            La lecture de la transcription du contre-interrogatoire me permet de croire que les extraits pertinents des propos qui ont été échangés concernaient la question de l'enregistrement et qu'il n'y a rien au dossier ni dans le contrat de licence lui-même qui permette de croire que le Canada a été exclu dans le contrat de licence.

[18]            Dans l'affidavit du 16 avril 2002 de M. Fornari, la facture d'Ubi-Maior est clairement liée à l'envoi des marchandises à Aldo, au Canada. Il semble ne pas avoir été contesté, lors du contre-interrogatoire de M. Fornari, que la marque de l'appelante a été employée au Canada avec les marchandises à l'époque pertinente.


[19]            L'intimée conteste également l'affidavit de M. Fornari en date du 16 avril 2002 parce que M. Fornari n'avait pas une connaissance directe de la facture cruciale d'Ubi Maior en date du 23 mars 1995 qu'il a invoquée pour prouver l'emploi de la marque de l'appelante au Canada, et que l'affidavit ne suit pas les règles habituelles en ce qui concerne la connaissance et la croyance. Autrement dit, l'intimée affirme que cette information aurait dû être fournie par une autre personne en ayant une connaissance plus directe et qu'elle ne peut servir pour prouver l'emploi en l'espèce.

[20]            Il me semble toutefois que, lors de son contre-interrogatoire, M. Fornari a expliqué qu'il était un associé ou un actionnaire d'Ubi Maior, qu'il se rendait souvent à l'usine d'Ubi Maior et qu'en sa qualité de dirigeant d'Edit, il avait [Traduction] « le contrôle total sur la qualité de la production de la marque "NOSE" » . Il affirme en outre qu'en sa qualité d'associé d'Ubi Maior, il avait accès aux documents de cette entreprise :

[Traduction] En ma qualité de dirigeant d'Edit, je recevais des copies des factures concernant la production d'Ubi Maior.

[21]            Mes conclusions sur cette première question sont que l'appelante a déposé en appel une preuve additionnelle, c'est-à-dire l'affidavit de M. Fornari en date du 16 avril 2002, qui aurait pu avoir un effet sur la décision du registraire à cet égard et qui convainc la Cour que le seul motif invoqué dans la décision pour rejeter la demande en vertu de l'alinéa 30b) de la Loi est désormais écarté par suite de la production d'une preuve convaincante établissant l'emploi de la marque de l'appelante avec les marchandises au Canada dès le 23 mars 1995.


La confusion

[22]            Relativement à cette question, l'intimée affirme que même si le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) est écarté, la marque de l'appelante continue à créer de la confusion avec la marque de l'intimée et la décision du registraire quant à la question de la confusion était manifestement erronée.

[23]            L'intimée renvoie la Cour aux propos du juge Strayer, tel était alors son titre, dans la décision Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.), à la page 207, pour soutenir qu'il incombe à l'appelante de prouver qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion. Elle soutient que le critère pertinent, lorsqu'on applique les éléments prévus au paragraphe 6(5) de la Loi, est celui de la première impression et du souvenir imparfait.

[24]            La décision du registraire indique clairement que [Traduction] « [c]ertains des motifs d'opposition sont plutôt confus » , mais le registraire les examine néanmoins. Pour ce qui est de cette question, son interprétation est la suivante :


[Traduction] J'ai certains doutes quant à savoir si l'opposante a invoqué l'enregistrabilité en vertu de l'alinéa 12(1)d) dans le troisième motif de son opposition en plus des motifs fondés sur l'article 16. Le troisième motif d'opposition indique qu'il a été invoqué en vertu de l'alinéa 38(2)c) (qui concerne le droit à l'enregistrement et non pas l'enregistrabilité) et, même si la première phrase du motif mentionne l'enregistrabilité de même que le droit à l'enregistrement, elle mentionne expressément que l'article 16 (qui concerne uniquement le droit à l'enregistrement) est le fondement de l'opposition. La prétention de l'opposante concernant l'enregistrabilité est donc ambiguë et peut-être même contraire à l'alinéa 38(3)a). Quoi qu'il en soit, un examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne permettrait pas à l'opposante d'avoir gain de cause en invoquant l'alinéa 12(1)b). Il en est ainsi principalement à cause du faible degré de ressemblance entre la marque NOSE (dessin) de la requérante et la marque TOES ON THE NOSE de l'opposante, de l'absence d'une preuve de l'emploi de la marque de l'opposante ou du caractère distinctif qu'elle a acquis, et malgré le fait que les deux marques possèdent un caractère distinctif inhérent et doivent être utilisées en liaison avec des marchandises qui se chevauchent et qui seraient vraisemblablement distribuées par les mêmes voies commerciales. Pour arriver à cette décision, je n'ai accordé aucune importance significative aux éléments de preuve présentés par la requérante au sujet de l'état du registre parce que je ne considère pas que le nombre ou la nature des marques NOSE trouvées par Mme Luciani permettent de faire des déductions valables au sujet de la situation du marché [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. J'ai toutefois constaté que la marque de la requérante est plus connue que celle de l'opposante et ce, depuis plus longtemps, même si on peut se demander à qui une telle réputation et un tel emploi profitent. Évidemment, le critère de la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait et c'est à la requérante qu'il incombe ultimement d'établir qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.

[25]            L'appelante affirme que la confusion avec une marque de commerce déposée n'a pas été expressément plaidée dans la déclaration d'opposition. L'intimée n'a pas produit de preuve de l'emploi antérieur mais s'est uniquement appuyée sur une copie certifiée de son enregistrement.

[26]            L'intimée n'a soumis en appel aucun élément de preuve sur cette question et, compte tenu des circonstances, je ne suis pas convaincu que le registraire n'était pas justifié de tirer la conclusion à laquelle il est parvenu sur la question de la confusion.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :


1.          La demande présentée par l'appelante afin d'obtenir l'enregistrement de la marque NOSE (dessin) est conforme à l'alinéa 30b) de la Loi et l'appelante devrait être autorisée à procéder à l'enregistrement.

2.          L'intimée, Roox's Inc., doit payer à l'appelante les dépens du présent appel.

« James Russell »

          Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-635-02

INTITULÉ :                                                   SARASIN CONSULTADORIA E. SERVICOS LDA c. ROOX'S INC. ET LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

LIEU DE L'AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 9 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                  LE 4 MARS 2004

COMPARUTIONS :

                                                           

Rose-Marie Perry                                              POUR L'APPELANTE

Kenneth D. McKay                                           POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP                        POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

Sim, Hughes, Ashton & McKay LLP     POUR L'INTIMÉE

Toronto (Ontario


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