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Date : 20050225

Dossier : T-1687-02

Référence : 2005 CF 305

ENTRE :

                                  TODD Y. SHERIFF, titulaire d'une licence de syndic

                                                   et SEGAL & PARTNERS INC.,

                                 titulaire d'une licence de syndic pour personne morale

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                            LE SURINTENDANT DES FAILLITES

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                Les présents motifs concernent ma décision de rejeter la demande de contrôle judiciaire présentée par les syndics demandeurs à l'égard de trois décisions du surintendant des faillites prises aux termes de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3 et ses modifications (la LFI ou la Loi).


[2]                Les décisions en question ont été prises au cours de l'examen de la conduite des syndics à la suite d'une enquête et d'un rapport préparé par une analyste disciplinaire principale (ADP) concernant des allégations de fautes professionnelles commises dans l'administration de deux actifs. La première décision concerne une allégation de faute commise par les syndics, une décision prise le 3 septembre 2002, à la suite d'audiences qui avaient été tenues aux mois de mai et juin précédents. Avec la seconde décision, prise le 12 février 2003, le surintendant rejetait une requête présentée par les syndics en vue d'obtenir le sursis de l'instance ou une nouvelle audience, une requête fondée sur le motif que l'ADP aurait omis de communiquer une preuve matérielle avant la tenue des audiences de mai et juin 2002. La troisième décision, prise le 23 juin 2003, concernait les pénalités imposées pour le défaut des syndics de respecter les normes professionnelles applicables.

[3]                Aux termes de l'article 302 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance d'un office fédéral pour laquelle une réparation est demandée. Les circonstances de l'affaire justifient la délivrance d'une ordonnance, comme les termes de l'ordonnance délivrée par les présentes le confirment, indiquant que la présente instance concerne trois décisions interreliées et interdépendantes concernant le fond, une demande de sursis et les peines applicables dans le cadre d'une instance découlant d'une enquête et d'audiences concernant des allégations selon lesquelles les syndics n'auraient pas respecté les normes professionnelles dans l'administration de certains actifs de failli.

[4]                L'instruction de la présente demande a été prolongée après l'audience jusqu'en janvier 2005 par le dépôt d'observations écrites présentées par les demandeurs et auxquelles le procureur général a répondu, et qui ont été déposées avec l'autorisation de la Cour. Ces observations font état d' « éléments nouveaux » ou de renseignements qui revêtent, soutient-on, une grande importance pour la présente affaire. Après avoir examiné le contexte et les décisions attaquées, je vais dans les présents motifs étudier ensuite le déroulement des faits depuis le 23 juin 2003, jour où les pénalités ont été imposées, et l'importance de ces faits. Enfin, j'analyserai le bien-fondé des questions soulevées dans la présente demande.

[5]                Les motifs seront présentés sous les rubriques suivantes :

            A.        Le contexte et les décisions en litige.

            B.         Le déroulement des faits depuis le 23 juin 2003.

            C.        L'importance des faits postérieurs à juin 2003.

            D.        Les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire.

                        1.         La norme de contrôle

                        2.         L'applicabilité des articles 7 et 11 de la Charte des droits et libertés

                        3.         L'applicabilité de la Déclaration canadienne des droits

                        4.         La norme d'équité appropriée

                        5.         Les allégations d'erreur de droit

                        6.         Le caractère raisonnable des décisions du surintendant


E.         Conclusion.

            F.         Les dépens.

A.        Le contexte et les décisions en litige

[6]                Le demandeur, Todd Y. Sheriff, détient une licence de syndic aux termes de la LFI et est le principal actionnaire de la société demanderesse, Seagal and Partners Inc., qui détient une licence de syndic pour personne morale aux termes de la Loi, et il est également un employé de cette société. À la suite de plaintes concernant l'administration par les syndics de deux actifs de failli, une analyste disciplinaire principale (ADP) exerçant certaines attributions du surintendant des faillites aux termes de la LFI a été invitée à procéder à une enquête sur le travail effectué par ces deux syndics.

[7]                Aux termes de la Loi, le surintendant est chargé d'administrer les licences et de surveiller l'administration des actifs par les syndics, qui doivent agir en qualité de fiduciaires pour le bénéfice des créanciers. Dans l'exercice de cette responsabilité, le surintendant reçoit les plaintes et lui ou son délégué peut entreprendre une enquête ou une inspection sur toute question qui relève de la Loi, y compris la conduite d'un syndic.


[8]                Pendant que l'enquête de l'ADP était en cours, en mars 2001, le syndic personne morale a exprimé des doutes au sujet de l'honnêteté d'un membre de son personnel qui avait participé à l'administration des actifs auxquels s'intéressait l'ADP. Le membre du personnel (appelé ici A) a par la suite été congédié. L'enquête effectuée par l'ADP a débouché sur deux rapports, le premier, en date du 29 juin 2001, portait sur des allégations selon lesquelles les syndics n'avaient pas respecté les normes professionnelles dans l'administration des deux actifs visés par l'enquête. Un second rapport, supplémentaire, a été achevé le 25 octobre 2001. Des copies des deux rapports ont été fournies aux syndics et des préparatifs ont été faits en vue de l'audience qu'allait tenir le surintendant au sujet des manquements ou des actes fautifs rapportés par l'ADP.

[9]                Des arrangements ont été pris pour les audiences du surintendant et les intéressés ont été informés des sujets de préoccupation mentionnés dans les rapports de l'ADP, conformément à l'article 14.02 de la LFI. Les syndics ont contesté la forme et le contenu du second rapport de l'ADP parce qu'il n'était pas conforme aux prescriptions de la LFI; le surintendant a alors décidé de ne pas tenir compte du second rapport et de commencer les audiences relatives au premier rapport. Avant cette audience, les syndics demandeurs avaient demandé la communication intégrale des documents en la possession de l'ADP qui se rapportaient à l'audience prévue. Les audiences ont eu lieu du 27 au 30 mai et le 3 juin 2002, date à laquelle le surintendant a décidé de surseoir au prononcé de sa décision. Par la suite, le 3 septembre 2002, le surintendant a rendu sa décision dans laquelle il constatait des manquements graves dans l'administration des actifs en question par les syndics.

[10]            Après la décision du 3 septembre 2002, la première de celles qui sont contestées ici, les syndics ont soulevé des objections au sujet de l'admission, à l'audience, du témoignage d'un certain M. Webster. Étant donné que le surintendant a expressément déclaré dans sa décision qu'il ne tenait pas compte de ce témoignage et qu'il n'en a pas fait mention ailleurs dans la décision, et que les syndics n'affirment pas aujourd'hui que le surintendant s'est fondé sur ce témoignage, cette objection est mal fondée. La deuxième objection porte sur le fait que l'ADP aurait omis de communiquer avant l'audience ou à l'audience une correspondance avec un autre syndic, un tiers, qui signalait le comportement apparemment malhonnête de A, l'ancienne employée de la société demanderesse, qui avait été employée par ce tiers après avoir été congédiée par la société demanderesse. Les demandeurs n'ont pris connaissance de l'existence de cette correspondance qu'en novembre 2002, au moment où l'ADP l'a divulguée à titre de document pouvant se rapporter au second rapport, qui, comme nous l'avons noté, a été achevé le 25 octobre 2002.

[11]            Les deux objections formulées par les syndics les ont amenés à demander au surintendant de suspendre l'instance ou de tenir une nouvelle audience pour le motif que l'ADP avait omis de divulguer des preuves importantes, c'est-à-dire la lettre du deuxième syndic - personne morale concernant la prétendue inconduite de A. Ils soutiennent que, s'ils avaient été au courant de la prétendue inconduite de A, ils auraient pu lui demander de témoigner et il est raisonnable de penser que ce témoignage au sujet de la conduite de A aurait pu entraîner une décision différente à leur endroit.

[12]            La demande présentée par les syndics a été entendue le 12 novembre 2002 et a débouché sur une décision du surintendant, datée du 12 février 2003, la deuxième décision en litige ici. Le surintendant n'a trouvé aucune raison d'ordonner une nouvelle audience ou de suspendre l'instance. Dans sa décision, le surintendant note qu'il a expressément écarté une déclaration faite par A, comprise dans les preuves substantielles communiquées par l'ADP avant les audiences de mai et juin 2002, une question contestée par les syndics à l'audience, comme il l'avait mentionné dans sa décision. A n'a pas été assignée comme témoin à l'audience, que ce soit par l'ADP ou les syndics, même si rien ne les empêchait de le faire.

[13]            Quant à l'omission de divulguer la correspondance avec le second syndic - personne morale, le surintendant a déclaré dans sa décision que l'ADP n'avait pas respecté les normes appropriées en matière de communication de renseignements susceptibles d'être pertinents et d'intéresser les syndics demandeurs. Néanmoins, cette [traduction] « information n'aurait pas par elle-même entraîné un résultat différent, et compte tenu des circonstances de l'affaire, selon la prépondérance des probabilités, il n'existait aucune possibilité raisonnable que les syndics se soient vu refuser la possibilité de présenter une défense pleine et entière ou que leur droit à une audience équitable ait été violé en raison de l'omission de divulguer le rapport de l'autre société de syndic » .


[14]            Par la suite, les demandeurs et l'ADP ont présenté des observations au surintendant au sujet des pénalités appropriées. La décision qui imposait des pénalités a été rendue le 23 juin 2003. C'est la troisième décision en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire. Je reviens aux questions soulevées dans cette demande après avoir examiné les questions découlant de la décision d'imposer des pénalités prise en juin 2003. Il avait été décidé d'imposer des pénalités, mais celles-ci n'ont pas été mises à exécution en attendant l'issue de la présente demande.

B.         Le déroulement des faits depuis le 23 juin 2003

[15]            Pendant que les parties préparaient l'audience relative à la présente affaire, elles s'occupaient simultanément de préparer l'audience que devait tenir un délégué du surintendant au sujet du second rapport de l'ADP, qui découlait d'une vérification des affaires des syndics demandeurs à la suite de leur rapport de 2001 qui contenait des allégations d'inconduite de la part de A, leur ancienne employée. Au cours de la préparation de cette audience au sujet du second rapport, les syndics ont continué à demander la communication de renseignements que possédait l'ADP. D'autres documents ont été communiqués, en mars et avril 2004, par l'ADP qui a transmis des documents de travail, à l'exception de certains documents de nature confidentielle, et une circulaire réglementaire concernant l'administration des comptes de tiers.


[16]            Cette communication tardive a débouché sur une requête présentée par les syndics au délégué du surintendant, dans laquelle ils lui demandaient de surseoir à l'instance relative au second rapport. La requête a été rejetée et les préparatifs de l'audience devant se tenir à ce sujet se sont poursuivis, l'audience devant commencer à l'automne 2004.

[17]            La communication tardive combinée à des autres préoccupations exprimées à l'égard du fait que l'ADP aurait omis de communiquer des renseignements pertinents était également un motif qui a été avancé au cours de l'audience relative à la présente demande concernant les décisions du surintendant. Je reprendrai l'analyse de ce motif après avoir préalablement réglé une deuxième demande présentée par les syndics en vue d'obtenir le sursis de l'instance et l'annulation des décisions en question. Cette demande est fondée sur « des éléments nouveaux » , dont ils auraient eu connaissance après l'instruction de la présente demande. Ces nouveaux éléments comprennent des documents communiqués par l'ADP le 2 novembre 2004, à savoir une correspondance par courrier électronique qui avait récemment fait l'objet d'un examen et qui était susceptible de pouvoir se rapporter à l'audience portant sur le second rapport. Les observations relatives à l'importance de ces éléments nouveaux ont été présentées par écrit à la Cour en décembre 2004, à la suite de la demande présentée par les demandeurs en novembre en vue d'obtenir l'autorisation de déposer un dossier supplémentaire.


[18]            La divulgation effectuée le 2 novembre 2004 est également devenue la base d'une seconde requête présentée par les syndics au délégué du surintendant en vue d'obtenir le sursis de l'instance à l'égard du second rapport de l'ADP. Cette requête a été entendue par l'honorable Fred Kaufman, le délégué du surintendant, qui a pris une décision à ce sujet le 6 janvier 2005. Cette décision m'a été transmise par les syndics qui demandaient l'autorisation de la déposer dans le dossier de la présente instance, complétée par des observations supplémentaires soulignant l'opinion des syndics selon laquelle le raisonnement tenu dans cette décision avait de l'importance pour la présente instance et qu'il confortait en outre leur argument selon lequel l'instance relative au premier rapport devait être suspendue ou le surintendant devait ordonner une nouvelle audience. Le défendeur, le procureur général, s'est opposé à cette demande dans des observations écrites datées du 25 janvier 2005.

[19]            Dans sa décision, l'honorable Fred Kaufman a reconnu qu'il examinait une affaire différente de celle-ci, et jugé que la communication tardive de certains documents et l'incertitude entourant la question de savoir si tous les éléments pertinents qui avaient été divulgués étaient susceptibles de compromettre l'intégrité du processus relatif au second rapport ainsi que la possibilité pour les syndics de présenter une défense pleine et entière à l'égard de ce rapport. Il a jugé que les dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité l'autorisaient à accorder un sursis et il a ordonné le sursis « à l'instance que l'analyste principale [...] leur a intentée » .

[20]            Selon les termes de l'ordonnance rendue ici, je confirme que les observations écrites des syndics, y compris la décision du 6 janvier 2005 de l'honorable Fred Kaufman et la réponse par lettre du procureur général, ont été versées au dossier de la présente instance. Je procède de cette façon pour compléter le dossier des observations présentées avant, pendant et après l'instruction de la présente demande de contrôle judiciaire.


C.        L'importance des faits postérieurs à juin 2003

[21]            J'ai ordonné que soient déposées les observations écrites qui ont été présentées après l'instruction de la présente affaire, mais je ne suis pas convaincu que les éléments nouveaux révélés par la divulgation d'information le 2 novembre 2004 ou la décision de l'honorable Fred Kaufman puissent influencer ma décision. La communication du mois de novembre et la décision qu'a prise ensuite le délégué après l'audience relative à la présente demande et les communications antérieures de mars et avril 2004 sont des faits qui se sont produits bien après que le surintendant eut pris les décisions contestées ici. Je note que les syndics s'inquiètent du fait que l'ADP aurait omis de communiquer en temps utile des preuves ou des renseignements en sa possession au moment du premier rapport et également du second rapport, et que ces deux rapports concernent les mêmes syndics et la même ADP, la même période et des faits sous-jacents similaires.


[22]            Il demeure que ce qu'on nous invite à qualifier d'éléments nouveaux, apportés par la communication effectuée en novembre 2004 tout comme celle de mars et d'avril 2004, concerne principalement la conduite de A, une ancienne employée des syndics, la possibilité d'intenter des poursuites contre A et les lignes directrices applicables à la gestion des comptes des tiers, sujets qui ne se rapportent pas à l'examen des décisions du surintendant contestées ici. Là encore, je note que le surintendant a expressément écarté la prise en considération de la preuve relative à A, étant donné que A n'a pas été convoquée ni par les syndics, ni par l'ADP à l'audience relative au premier rapport. Les sujets concernant les comptes des tiers, peut-être à l'exception des deux actifs visés par le premier rapport, ne concernent pas la présente demande de contrôle judiciaire, et de toute façon, les lignes directrices ne sauraient constituer des « éléments nouveaux » puisqu'elles avaient été établies il y a plusieurs années à l'intention des syndics.

[23]            Les syndics ne soulèvent aucun argument de fond au sujet des décisions du surintendant contestées ici en se fondant sur ces « éléments nouveaux » . Ils cherchent à appuyer leur demande de réparation en invoquant la communication tardive, après l'audience, de façon à renforcer l'argument semblable qu'ils ont présenté à l'audience relative à la présente demande. Ils prétendent avoir perdu confiance dans l'équité du processus suivi par l'ADP. Cela est regrettable mais la façon dont ils conçoivent la norme d'équité n'est pas vraiment convaincante.


[24]            Enfin, je ne suis pas convaincu que la décision de l'honorable Fred Kaufman, au sujet des préparatifs de l'audience relative aux questions soulevées dans le second rapport, soit pertinente quant au contrôle judiciaire des décisions prises par le surintendant en 2002 et en 2003 à l'égard des sujets soulevés dans le premier rapport. Pour ce qui est de sa décision, je note qu'elle porte sur des circonstances différentes, même si elle vise les mêmes syndics, la même ADP et généralement la même période. Cette affaire diffère de la présente espèce, comme le délégué l'a lui-même reconnu. Chaque affaire concerne un rapport différent, le premier portant sur l'imputation d'un défaut de respecter les normes professionnelles et le second portant sur l'imputation de fautes qui auraient lésé les intérêts des bénéficiaires d'actifs de failli.

D.        Les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire

[25]            J'examine maintenant les questions soulevées dans les dossiers de demande et les observations présentées à l'audience relative au contrôle judiciaire des décisions du surintendant concernant le premier rapport.

D.1.     La norme de contrôle

[26]            Les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle applicable ici est la décision correcte. C'est peut-être la norme appropriée à l'égard des erreurs de droit, ou de certaines d'entre elles, qui, selon les demandeurs, auraient été commises par le surintendant, mais je ne suis pas convaincu que ce soit la norme appropriée pour évaluer la décision du 3 septembre 2002 portant sur le contenu du premier rapport et la décision relative aux pénalités du 23 juin 2003, si l'on examine chacune de ces décisions dans leur ensemble.


[27]            Aux termes de la LFI, le surintendant est chargé de surveiller l'administration de tous les actifs, et possède de larges pouvoirs pour contrôler le régime mis sur pied pour l'administration des situations de faillite ou d'insolvabilité pour le bénéfice des débiteurs, des créanciers et des autres personnes possédant des droits sur ces actifs. Un des principaux mécanismes de surveillance est le régime de licence des syndics et la réglementation de leurs activités. Aux termes de l'article 5 de la Loi, les attributions du surintendant en matière de surveillance comprennent ce qui suit :



5(3)    Le surintendant, sans que soit limitée l'autorité que lui confère le paragraphe (2) :

[...]

e) effectue ou fait effectuer les investigations ou les enquêtes, au sujet des actifs et autres affaires régies par la présente loi, et notamment la conduite des syndics agissant à ce titre ou comme séquestres ou séquestres intérimaires, qu'il peut juger opportunes et, aux fins de celles-ci, lui-même ou la personne qu'il nomme à cet effet a accès, outre aux données sur support électronique ou autre, à tous livres, registres, documents ou papiers se rattachant ou se rapportant à un actif ou à toute autre affaire régie par la présente loi, et a droit de les examiner et d'en tirer des copies ;

               

f) reçoit et note toutes les plaintes émanant d'un créancier ou d'une autre personne intéressée dans un actif, et effectue, au sujet de ces plaintes, les investigations précises qu'il peut déterminer ;

[...]

5(4)    Le surintendant peut :

[...]

b) donner aux séquestres officiels, aux syndics, aux administrateurs au sens de la section II de la partie III et aux personnes chargées de donner des consultations au titre de la présente loi des instructions relatives à l'exercice de leurs fonctions, et notamment leur enjoindre de conserver certains dossiers et de lui fournir certains renseignements;

                c) donner les instructions nécessaires à l'exécution de toute décision qu'il prend en vertu de la présente loi ou susceptibles de faciliter l'application de la présente loi et des Règles générales, et notamment en ce qui touche les attributions des syndics et des séquestres et celles des administrateurs au sens de l'article 66.11;

                d) donner des instructions régissant les critères relatifs à la délivrance des licences de syndic, les qualités requises pour agir à titre de syndic et les activités des syndics;

[...]

5(3)    The Superintendent shall, without limiting the authority conferred by subsection (2),

[...]

(e) from time to time make or cause to be made such inspection or investigation of estates or other matters to which this Act applies, including the conduct of a trustee or a trustee acting as a receiver or interim receiver, as the Superintendent may deem expedient and for the purpose of the inspection or investigation the Superintendent or any person appointed by the Superintendent for the purpose shall have access to and the right to examine and make copies of all books, records, data, including data in electronic form, documents and papers pertaining or relating to any estate or other matter to which this Act applies;

(f) receive and keep a record of all complaints from any creditor or other person interested in any estate and make such specific investigations with regard to such complaints as the Superintendent may determine; and

[...]

5(4)    The Superintendent may

[...]

                (b) issue, to official receivers, trustees, administrators of consumer proposals made under Division II of Part III and persons who provide counselling pursuant to this Act, directives with respect to the administration of this Act and, without restricting the generality of the foregoing, directives requiring them

                                               

                                (i) to keep such records as the Superintendent may require, and

                                (ii) to provide the Superintendent with such information as the Superintendent may require;

                (c) issue such directives as may be necessary to give effect to any decision made by the Superintendent pursuant to this Act or to facilitate the carrying out of the purposes and provisions of this Act and the General Rules, including, without limiting the generality of the foregoing, directives relating to the powers, duties and functions of trustees, of receivers and of administrators as defined in section 66.11;

                (d) issue directives governing the criteria to be applied by the Superintendent in determining whether a trustee licence is to be issued to a person and governing the qualifications and activities of trustees; and

[...]


[28]            Le paragraphe 5(6) de la LFI énonce :


5(6)    Les instructions données par le surintendant ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires.

5(6)    A directive issued by the Superintendent under this section shall be deemed not to be a statutory instrument within the meaning and for the purposes of the Statutory Instruments Act.


[29]            La Loi comprend également les dispositions suivantes concernant les enquêtes effectuées par le surintendant :



14.01 (1)    Après avoir tenu ou fait tenir une enquête sur la conduite du syndic, le surintendant peut prendre l'une ou plusieurs des mesures énumérées ci-après, soit lorsque le syndic ne remplit pas adéquatement ses fonctions ou a été reconnu coupable de mauvaise administration de l'actif, soit lorsqu'il n'a pas observé la présente loi, les Règles générales, les instructions du surintendant ou toute autre règle de droit relative à la bonne administration de l'actif, soit lorsqu'il est dans l'intérêt public de le faire :      a) annuler ou suspendre la licence du syndic;

                b) soumettre sa licence aux conditions ou restrictions qu'il estime indiquées, et notamment l'obligation de se soumettre à des examens et de les réussir ou de suivre des cours de formation;

                c) ordonner au syndic de rembourser à l'actif toute somme qui y a été soustraite en raison de sa conduite.

(2) Le surintendant peut, par écrit et aux conditions qu'il précise dans cet écrit, déléguer tout ou partie des attributions que lui confèrent respectivement le paragraphe (1), les paragraphes 13.2(5), (6) et (7) et les articles 14.02 et 14.03.

14.02 (1)    Lorsqu'il se propose de prendre l'une des mesures visées au paragraphe 14.01(1), le surintendant envoie au syndic un avis écrit et motivé de la mesure qu'il entend prendre et lui donne la possibilité de se faire entendre.

14.01 (1)    Where, after making or causing to be made an investigation into the conduct of a trustee, it appears to the Superintendent that

                (a) a trustee has not properly performed the duties of a trustee or has been guilty of any improper management of an estate,

                (b) a trustee has not fully complied with this Act, the General Rules, directives of the Superintendent or any law with regard to the proper administration of any estate, or

                (c) it is in the public interest to do so,

(2) The Superintendent may delegate by written instrument, on such terms and conditions as are therein specified, any or all of the Superintendent's powers, duties and functions under subsection (1), subsection 13.2(5), (6) or (7) or section 14.02 or 14.03.

14.02 (1) Where the Superintendent intends to exercise any of the powers referred to in subsection 14.01(1), the Superintendent shall send the trustee written notice of the powers that the Superintendent intends to exercise and the reasons therefor and afford the trustee a reasonable opportunity for a hearing.


[30]            Dans le contexte de l'approche pragmatique et fonctionnelle à la norme de contrôle, telle que confirmée par la Cour suprême dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 20, 26 et 27, et dans Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, aux paragraphes 21 et 22, les décisions relatives au contenu du rapport et aux pénalités sont toutes les deux des décisions auxquelles s'applique la décision raisonnable. C'est la norme qui s'applique vu mon examen comparatif de l'expertise du surintendant par rapport à la Cour pour ce qui est de la surveillance des syndics et des actifs, de mon examen de l'objectif de la Loi en général et de celui des articles 14.01 et 14.02 en particulier, qui consistent à veiller à ce que les responsabilités fiduciaires relatives à l'administration des actifs soient exercées de façon appropriée, et de mon examen de la nature des questions que soulève chacune des décisions, qui sont des questions mixtes de droit et de fait.


[31]            Lorsque la Cour examine ces décisions, elle doit faire preuve de retenue à l'égard des conclusions formulées par le surintendant. À moins qu'elles soient manifestement déraisonnables, compte tenu des preuves prises en compte par le surintendant, la Cour s'abstiendra de modifier ses décisions relatives au contenu du rapport et aux pénalités. Cela est particulièrement le cas, puisqu'au cours de l'audience, le surintendant « n'est lié par aucune règle juridique ou procédurale en matière de preuve » (la Loi, alinéa 14.02(2)b)).

[32]            Les autres décisions du surintendant, à savoir la première qui concerne la requête en sursis d'instance présentée par les demandeurs fondée sur une allégation selon laquelle l'ADP aurait omis de communiquer intégralement les preuves avant l'audience, la seconde qui concerne l'allégation selon laquelle le fait que la Loi attribue diverses fonctions au surintendant serait de nature inéquitable, et la troisième, qui concerne des erreurs de droit précises invoquées par les demandeurs, portent toutes sur le processus qu'a suivi le surintendant. Pour les deux premières questions, qui sont des questions mixtes de fait et de droit, la norme de contrôle applicable est également la décision raisonnable. Pour ce qui est des allégations relatives à des erreurs de droit précises, la norme est la décision correcte.


[33]            Je vais maintenant appliquer ces normes aux décisions en litige après avoir examiné les arguments des demandeurs basés sur la Charte canadienne des droits et libertés, Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, partie I, et sur la Déclaration canadienne des droits, L.C. 1960, ch. 44.

D.2.     L'applicabilité des articles 7 et 11 de la Charte des droits et libertés

[34]            Dans des observations écrites qui figurent dans le dossier des demandeurs, ces derniers soutiennent que l'application des articles 14.01 et 14.02 à la présente affaire viole les droits que leur garantissent les articles 7 et 11 de la Charte des droits et libertés. Ils soutiennent que ces droits constitutionnels sont applicables ici, étant donné que les lignes directrices procédurales émises par le surintendant énoncent qu'un des objectifs du processus de prise des décisions touchant les licences de syndic consiste à veiller au respect des obligations juridiques imposées par la LFI, les Règles générales et les instructions applicables, ainsi que par la Charte des droits et les règles du droit administratif.


[35]            Le seul fait d'énoncer cet objectif n'a pas pour effet d'entraîner l'application des articles 7 et 11 de la Charte des droits. Les lignes directrices sont des instructions émises par le surintendant et ne constituent pas des véritables règles de droit (Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, à la page 591). La Charte trouve son application selon ses termes et selon la jurisprudence pertinente. Les instances comme celles qui relèvent du surintendant sont de nature administrative et ont pour but de contrôler les activités des syndics qui détiennent une licence. Elles risquent tout au plus de toucher leurs intérêts économiques et le privilège d'exercer les activités de syndic autorisé. Elles ne touchent pas les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne au sens de l'article 7 de la Charte (voir Gosselin c. Québec (Procureur général), [2004] 4 R.C.S. 429; Charles c. Canada (Procureur général), 1995 Carswell Ont. 1037 (Div. gén.), conf. par 1998 Carswell Ont. 1297 (C.A.), au paragraphe 47). De plus, l'alinéa 11d) de la Charte, invoqué par les syndics, ne s'applique pas à une instance relative à la conduite professionnelle prévue par la LFI, instance qui n'est pas de nature pénale (R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2002] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 88). Enfin, il est bien établi que les droits reconnus par la Charte et mentionnés ici ne protègent pas de toute façon les droits des syndics qui sont des personnes morales.

[36]            À mon avis, les articles 7 et 11 de la Charte ne sont pas applicables aux instances conduites par le surintendant aux termes des articles 14.01 et 14.02 de la LFI, que ce soit directement, ou indirectement comme l'allèguent les syndics en raison de l'objectif déclaré du processus ou en raison du fait que l'ADP n'aurait pas communiqué des renseignements pertinents avant les audiences de mai et de juin 2002.

D.3.     L'applicabilité de la Déclaration canadienne des droits


[37]            Les syndics soutiennent qu'en plus des droits que leur reconnaît la Charte, les instances en cause ont porté atteinte aux droits que leur reconnaît la Déclaration canadienne des droits, en particulier les droits reconnus par l'alinéa 1a), qui énonce : « le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulièrement de la Loi » , et par l'alinéa 2e), qui énonce : « [...] nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme [...] e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon le principe de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations » .

[38]            Il est bien établi que les alinéas 1a) et 2e) de la Déclaration des droits concernent les droits des personnes physiques, et non pas les droits qu'invoquent les personnes morales; Canada (Procureur général c. Central Cartage, (1990) 2 C.F. 641 (C.A.); Pfeiffer c. Redling, (1995) Carswell Nat 1570 (C.F. 1re inst.). De plus, la Déclaration des droits ne s'applique pas à l'égard d'une demande concernant un privilège ou une activité réglementée (Pfeiffer, précitée; Joys c. Ministre du Revenu national, [1995] 128 D.L.R. (4th) 385 (C.A.). Je souscris aux arguments du défendeur selon lequel, aux termes de la LFI, les syndics sont réglementés par le surintendant selon un régime de licence; l'obtention d'une licence n'est pas un droit pour les syndics et ceux-ci n'ont pas un droit acquis à l'égard de la licence qu'ils peuvent détenir en qualité de syndic.


[39]            En outre, comme cela sera apparent lorsque je vais examiner ensuite les demandes présentées par les syndics concernant le cumul des fonctions prévu par la LFI et concernant les omissions de communiquer les preuves, les demandes relatives à l'équité du processus, je ne suis pas convaincu qu'ils n'ont pas eu une audition équitable conformément aux principes de justice fondamentale. Par conséquent, les demandeurs n'ont pas établi que le processus qu'avait suivi ici le surintendant portait atteinte aux droits garantis par la Déclaration canadienne des droits.

D.4.     La norme d'équité appropriée

[40]            Les syndics soulèvent deux objections préliminaires à l'égard du processus, qui concernent, à mon avis, le caractère équitable de l'instance. Elles portent sur le cumul des attributions conférées au surintendant et sur les retards et les omissions de l'ADP en matière de communication des preuves.

[41]            Il est clair qu'aux termes de la LFI, le surintendant est chargé de faire enquête, rapport et de prendre des décisions, y compris d'imposer des pénalités chaque fois que la conduite et la pratique d'un syndic soulèvent des questions. Ces attributions peuvent être déléguées par le surintendant, comme l'enquête et le rapport l'ont été à l'ADP en l'espèce. Dans d'autres cas, le surintendant peut déléguer à une autre personne la tâche de tenir une audience, de décider s'il y a eu manquement ou d'imposer des pénalités, comme cela a été fait à l'égard du second rapport au sujet des syndics parties à la présente affaire.

[42]            Dans Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, au paragraphe 40, madame la juge McLachlin a écrit :

Le simple fait que les inspecteurs principaux aient exercé des fonctions d'enquêteur et de décideur n'établit pas automatiquement une crainte raisonnable de partialité. [...]

Dans Bell Canada c. A.C.E.T., [2003] 1 R.C.S. 884, au paragraphe 40, la juge en chef McLachlin et le juge Bastarache ont déclaré, dans le sens du raisonnement tenu dans Ocean Port :

Le cumul de fonctions d'enquête, de poursuite et de décision au sein d'un organisme est souvent nécessaire pour permettre à un [organisme] administratif de remplir efficacement son rôle.

[43]            En l'espèce, le surintendant a délégué son rôle en matière d'enquête et de rapport à l'ADP. Le rapport a constitué la base de l'audience tenue par le surintendant qui, d'après les preuves contenues dans le rapport de l'ADP ainsi que le témoignage et les preuves apportées par les syndics, a rendu une décision quant au fond et a imposé finalement les pénalités appropriées. Le surintendant n'a participé qu'à une phase du processus et les diverses tâches dont doit s'acquitter son bureau n'ont pas été réparties de façon irrégulière. Il n'existe aucune partialité inhérente à ce processus. De plus, le processus n'est pas de nature d'une poursuite criminelle et ne débouche pas sur la privation de droits ou de libertés fondamentaux. Il s'agissait d'évaluer et de réglementer les activités des syndics. À mon avis, le cadre établi par la Loi, tel qu'il a été appliqué en l'espèce, ne constitue pas une violation de la norme d'équité appropriée.

[44]            Les allégations selon lesquelles il y aurait eu violation de la Charte ou de la Déclaration canadienne des droits, ou violation des principes fondamentaux d'équité procédurale n'ont pas été établies et ne peuvent donc justifier une conclusion selon laquelle les articles 14.01 à 1403 de la Loi, sont inopérants dans les circonstances de l'espèce.

[45]            Comme je l'ai noté plus haut, au moment où cette demande a été entendue, en septembre 2004, et dans les observations écrites soumises par la suite à la Cour, les syndics ont insisté sur le fait que le processus était inéquitable parce qu'il y aurait eu non-communication, ou bien souvent communication tardive, des preuves par l'ADP, tant avant qu'après l'audience tenue par le surintendant, une préoccupation que j'ai déjà notée et réglée en partie. J'ai refusé de suspendre la présente instance ou l'instance engagée devant le surintendant ou de les annuler en me fondant sur les préoccupations exprimées par les syndics quant à l'omission de communiquer des preuves.


[46]            Leurs préoccupations sont fondées sur des principes en matière de communication qui ont évolué en droit criminel, qui sont maintenant fixés par l'arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, et par la jurisprudence qui en découle. Les instances dont il est question ici n'ont pas entraîné l'imposition de pénalités criminelles, elles n'ont pas débouché sur la radiation du statut professionnel de syndic autorisé, même si les conditions dont leur licence était assorti ont été modifiées. Je ne suis pas convaincu qu'il soit nécessaire ou approprié d'appliquer des normes de droit criminel à des instances disciplinaires consistant à examiner les activités de titulaires de licence.

[47]            En fait, sauf circonstances exceptionnelles qui n'existaient pas en l'espèce, lorsqu'il s'agit d'un processus administratif visant à évaluer et à réglementer les activités des syndics, il suffit que la communication porte sur les éléments sur lesquels le rapport de l'ADP est fondé et sur le rapport même, de façon à ce que la personne concernée connaisse les arguments qu'elle doit réfuter et soit en mesure de présenter son point de vue.

[48]            À mon avis, la norme d'équité procédurale fondamentale a été respectée en l'espèce. Les syndics demandeurs savaient avant l'audience la nature des arguments qu'ils auraient à réfuter, en se fondant sur le premier rapport de l'ADP et sur les preuves documentaires communiquées avant les audiences du surintendant tenues en mai et juin 2002 (D. & B. Co. of Canada Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches) 1994 Carswell Nat 1849 (C.A.F.); Re CIBA-Geigy Canada Ltd. 1994 Carswell Nat 1796). Ils ont eu la possibilité de présenter des preuves, de convoquer des témoins et de formuler des observations avant que le surintendant prenne ses décisions en septembre 2002 et en juin 2003.


D.5.     Les allégations d'erreurs de droit

[49]            Les syndics soutiennent que des erreurs de droit précises ont été commises parce qu'il n'a pas été tenu compte de l'importance des preuves communiquées tardivement. La première erreur concerne le fait de n'avoir communiqué qu'après la première décision l'information sur laquelle les syndics ont fondé leur requête en sursis d'instance et le surintendant sa deuxième décision, de février 2003, une question que j'aborde dans l'examen de cette décision. La deuxième erreur concerne une déclaration disculpatoire faite par une employée du surintendant, qui, affirme-t-on, a pu avoir une influence importante sur l'issue de l'audience. Le témoignage de cette employée, comme celui de A, l'ancienne employée des syndics, a été expressément écarté de l'examen du surintendant et les preuves en question portaient essentiellement sur des opinions. Dans ces circonstances, je ne suis pas convaincu que les renseignements communiqués après l'audience auraient eu un effet sur le résultat, s'ils avaient été disponibles plus tôt, et je note que les syndics ne présentent aucune observation à l'appui de leur hypothèse que ce résultat aurait pu être différent.


[50]            Les demandeurs affirment que le surintendant fait référence dans les attendus de la décision relative aux pénalités à un prêt obtenu par l'entremise des syndics, qui soutiennent que l'existence de ce prêt n'a pas été établie dans les conclusions du surintendant au sujet du contenu du premier rapport, et que les syndics n'ont pas eu la possibilité de fournir des explications à ce sujet. Cette référence me semble constituer un attendu descriptif et non pas un facteur lié à la décision d'imposer des pénalités.

[51]            Les demandeurs affirment également que le surintendant aurait commis une erreur en omettant de prendre en compte, dans la décision relative aux pénalités, le fait que les syndics ont coopéré à l'enquête et les effets paralysants qu'aurait sur les syndics le fait d'avoir insisté de façon indue sur la dissuasion en tant qu'objectif des pénalités imposées. La Cour ne peut toutefois que s'abstenir de modifier les peines que le surintendant a estimé appropriées, étant donné qu'il n'a pas été démontré que ces pénalités étaient déraisonnables compte tenu des preuves dont il disposait.

[52]            En résumé, les erreurs de droit précises alléguées par les syndics n'ont pas été établies, à mon avis, et leurs observations ne permettent aucunement à la Cour d'intervenir pour annuler les décisions relatives au contenu du rapport et aux pénalités.

D.6.     Le caractère raisonnable des décisions du surintendant

[53]            Dans la décision du 3 septembre 2003 qui portait sur le contenu du premier rapport de l'ADP, le surintendant a conclu que les syndics avaient commis un certain nombre d'erreurs précises dans l'administration des deux actifs qui faisaient l'objet de l'enquête.

[54]            Outre les préoccupations relatives au fait que l'ADP aurait omis de communiquer des renseignements avant l'audience ou tardé à les communiquer, les syndics n'ont présenté aucun argument convaincant montrant que les conclusions du surintendant étaient déraisonnables. Dans leurs observations écrites, ils soutiennent que la norme de contrôle appropriée est la décision correcte, mais comme je l'ai indiqué, l'application de l'approche pragmatique et fonctionnelle m'amène à conclure que cette norme est la décision raisonnable. D'après les preuves présentées au surintendant, contenues dans le rapport de l'ADP avec les documents d'appui ainsi que dans les preuves présentées par les syndics, il était loisible au surintendant de tirer les conclusions qu'il a tirées au sujet du contenu du premier rapport et ces conclusions étaient raisonnables.


[55]            Dans la décision du 12 février 2003, le surintendant a rejeté la requête présentée par les syndics en vue d'obtenir un sursis d'instance ou une nouvelle audience en raison de l'omission par l'ADP de communiquer la correspondance échangée avec un autre syndic - personne morale au sujet de la conduite de A, une ancienne employée des syndics à l'époque où les actifs en question étaient administrés par eux. À mon avis, le surintendant n'a pas commis d'erreur de droit; il n'a pas non plus pris une décision déraisonnable, même s'il a reconnu que l'ADP avait omis de s'acquitter de son obligation de divulguer la correspondance. Le surintendant n'a aucunement tenu compte de la preuve concernant A, obtenue par l'ADP et communiquée aux syndics et au surintendant; en fait, il déclare expressément dans sa décision qu'il a écarté cette preuve. Les syndics auraient fort bien pu convoquer A pour lui demander de témoigner, ce qu'ils n'ont pas fait. La correspondance avec l'autre syndic - personne morale, communiquée tardivement, concernait la conduite de A au moment où elle était employée par cet autre syndic, après qu'elle eut été congédiée par les syndics demandeurs.

[56]            Dans les circonstances, le surintendant, à qui la Loi confie le pouvoir discrétionnaire de déterminer ce qui constitue une preuve et d'en évaluer la force probante, n'a pas commis d'erreur de droit et sa décision est tout à fait raisonnable. Si la correspondance avait été divulguée, cela n'aurait pas influencé sa décision au sujet des manquements des syndics aux normes professionnelles appropriées.

[57]            Dans la décision relative aux pénalités du 23 juin 2003, le surintendant a ordonné que la licence de syndic - personne morale soit restreinte pendant un mois, que la licence du demandeur Shérif soit suspendue pendant six mois et qu'il ne puisse administrer que des actifs de sociétés pendant 18 mois. Comme je l'ai noté plus haut, les objections que soulèvent les syndics à l'égard de la décision relative aux pénalités comprennent des allégations d'erreurs de droit précises qu'aurait commises le surintendant. Leurs objections portent également sur l'omission du surintendant de faire référence dans sa décision au fait que les demandeurs ont collaboré à l'enquête de l'ADP, ou au fait que certains manquements constatés avant l'audience avaient déjà été corrigés avant l'audience.


[58]            J'estime qu'aucun de ces arguments ne soulève une question sérieuse à l'égard de la décision relative aux pénalités. Même si la conduite de A avait joué un rôle majeur dans l'administration des actifs en question, une déduction que la Cour est invitée à tirer, il n'existe aucun élément de preuve de cela et le surintendant n'a tenu compte d'aucun élément de preuve de ce genre, ne donnant ainsi à la Cour aucun motif d'intervenir. Au cours de l'enquête, les syndics se sont comportés comme on s'attendrait à ce qu'un syndic autorisé le fasse. Il n'existe aucun élément permettant de juger que la décision relative aux pénalités, prise dans l'exercice des attributions légales conférées au surintendant, est déraisonnable.

E.         Conclusion

[59]            Outre les ordonnances accessoires confirmant les décisions procédurales prises au sujet des questions soulevées par les demandeurs dans leurs observations écrites présentées après l'audition de la présente affaire, l'ordonnance délivrée maintenant rejette la demande de contrôle judiciaire présentée par les syndics, à l'égard des trois décisions en corrélation du surintendant des faillites, et ce, dans son intégralité.

[60]            Pour plus de certitude, je rejette les demandes présentées par les demandeurs en vue d'obtenir une ordonnance :

            a)         déclarant que les dispositions disciplinaires (articles 14.01 à 14.03 de la LFI) sont inopérantes en raison des articles 7 et 11 de la Charte des droits et libertés et des alinéas 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits;


            b)         annulant les décisions du surintendant datées des 3 septembre 2002, 12 février et 23 juin 2003 et suspendant l'instance;

            c)         annulant les trois décisions contestées ici et ordonnant la suspension de l'instance.

F.         Les dépens

[61]            Chacune des parties demande les dépens. Comme cela se fait habituellement, les dépens suivront l'issue de la cause. Le défendeur aura droit aux dépens pour un montant sur lequel les parties pourront s'entendre ou, à défaut d'accord dans les 45 jours, pour un montant fixé par l'officier taxateur conformément à la moyenne des dépens prévus à la colonne III du tarif de la Cour.

                                                                      « W. Andrew MacKay »                    

                                                                                                     Juge                                  

Ottawa (Ontario)

Le 25 février 2005

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                   T-1687-02

INTITULÉ :                  TODD Y. SHERIFF, TITULAIRE D'UNE LICENCE DE SYNDIC et

SEGAL & PARTNERS INC., TITULAIRE D'UNE LICENCE DE SYNDIC POUR PERSONNE MORALE

c.

LE SURINTENDANT DES FAILLITES

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE :                         LES 27 ET 28 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE : LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :                                  LE 25 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Craig R. Colraine

Joanna Birenbaum            POUR LES DEMANDEURS

Valerie J. Anderson          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Birenbaum, Steinberg, Landau,

Savin & Colraine, LLP

33, rue Bloor Est

Bureau 1000

Toronto (Ontario)

M4W 3H1                       POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                        POUR LE DÉFENDEUR

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