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Date : 20210804


Dossiers : T‑101‑18

T‑102‑18

T‑103‑18

T‑1358‑12

T‑465‑20

T‑1884‑19

Référence : 2021 CF 821

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 août 2021

En présence de madame la juge McVeigh

Dossiers : T‑101‑18

T‑102‑18

T‑103‑18

T‑1358‑12

ENTRE :

KAREN FRASER, JENNIFER SWEET, NICOLE SWEET, KIM SWEET,

JOHN SWEET, J. ROBERT SWEET, CHARLES SWEET, PATRICIA

CORCORAN, ANN PARKER ET LA TORONTO POLICE ASSOCIATION

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA ET CRAIG MUNRO

défendeurs

Dossier : T‑465‑20

ET ENTRE :

DOUG FRENCH, DONNA FRENCH ET DEBORAH MAHAFFY

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA

ET PAUL BERNARDO

Dossier : T‑1884‑19

ET ENTRE :

LA SOCIÉTÉ RADIO‑CANADA

demanderesse

et

LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA

défenderesse


JUGEMENT ET MOTIFS

Table des matières

I. Introduction 4

II. Contexte 4

A. Le premier groupe 5

B. Le deuxième groupe 9

C. Le troisième groupe 11

D. Résumé des trois groupes 12

III. Les questions préliminaires 12

IV. Les questions en litige 16

V. La norme de contrôle 19

A. Les observations des familles et de la SRC 19

B. Les observations du Canada 21

C. Analyse 22

VI. La loi 23

VII. Analyse 29

A. L’alinéa 2b) de la Charte confère‑t‑il un droit d’obtenir les renseignements demandés? 29

(1) Les observations des familles 29

(2) Les observations de la SRC 32

(3) Les observations du Canada 38

(4) Analyse 41

B. Les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC étaient‑elles déraisonnables? 52

(1) Les motifs insuffisants 52

(2) Le résultat prédéterminé 55

(3) Le choix des facteurs 55

(4) Le sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels 57

(5) L’évaluation des facteurs 60

(6) Les intérêts en matière de vie privée des détenus 61

(7) Doré/Loyola 69

VIII. Conclusion 75

IX. Dépens 76

I. Introduction

[1] La Cour est saisie de demandes de contrôle judiciaire de six décisions — quatre de la Commission des libérations conditionnelles du Canada [la Commission des libérations conditionnelles] et deux du Service correctionnel du Canada [le SCC] — par lesquelles des demandes de divulgation supplémentaire de renseignements personnels concernant deux personnes incarcérées, Craig Munroe et Paul Bernardo [collectivement appelés les détenus] étaient rejetées. Cinq de ces demandes ont été présentées en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 [la LAI], tandis qu’une a été présentée par lettre, et visaient la divulgation des renseignements en vertu du principe de la publicité des débats judiciaires [le principe de la publicité des débats judiciaires].

[2] Je rejetterai les demandes pour les motifs qui suivent.

II. Contexte

[3] Dans ses observations, le Canada (les défendeurs : le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le Procureur général du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada) indique que les dossiers sur les détenus comprennent les éléments suivants :

  • les dossiers d’admission et de libération (c.‑à‑d. les effets personnels, les objets de valeur);

  • les rapports de gestion de cas (c.‑à‑d. les rapports de police, les demandes des délinquants);

  • les rapports de discipline et de dissociation (c.‑à‑d. les mesures disciplinaires, les dossiers d’isolement);

  • l’éducation et la formation (c.‑à‑d. les relevés d’emploi);

  • les soins de santé (c.‑à‑d. les évaluations médicales et chirurgicales, dentaires et psychiatriques);

  • la sécurité préventive (c.‑à‑d. les rapports d’incidents, le mode opératoire);

  • la psychologie (c.‑à‑d. les évaluations psychologiques, les dossiers de traitement);

  • l’administration des peines (c.‑à‑d. l’information sur les victimes, les coordonnées de la communauté);

  • les visites et la correspondance (c.‑à‑d. la liste des visiteurs, les déclarations d’unions de fait).

[Voir également le paragraphe 15 pour en savoir plus sur les renseignements à l’égard desquels la divulgation est réclamée.]

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur six décisions regroupées en trois instances. Les six demandes de contrôle judiciaire ont toutes été instruites au cours d’une seule audience, et les motifs sont regroupés. Le défendeur et les détenus n’ont pas déposé de documents ni participé à l’audience.

A. Le premier groupe

[5] Le premier groupe, comportant les dossiers de la Cour T‑1358‑12, T‑101‑18, T‑102‑18 et T‑103‑18 [les demandes 1358], comprend quatre demandes présentées en vertu de l’article 41 de la LAI [annexe A]. Les demandes en cause visent le contrôle judiciaire des décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC par lesquelles ces organismes refusaient de procéder à la divulgation, en tout ou en partie, des dossiers personnels de M. Munro qu’ils avaient en leur possession, ainsi que la divulgation des enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle de M. Munro.

[6] M. Munro a été déclaré coupable du meurtre brutal de l’agent du service de police de Toronto Michael Sweet en 1980, dans une affaire qui a suscité une grande attention de la part du public et des médias en raison de la conduite cruelle et répugnante de M. Munro. Les demandes 1358 sont présentées par des parents du défunt agent Sweet, c’est‑à‑dire les familles Fraser et Sweet, et par la Toronto Police Association.

[7] Dans le dossier T‑1358‑12, les demandeurs ont soumis un avis de question constitutionnelle en 2013. Ils ont modifié la question en 2020, et demandent maintenant à la Cour de déterminer :

[traduction]

la validité constitutionnelle ou l’applicabilité et l’effet des dispositions 3.1, 4a), b), c) et e), 26(1), 27(1) et (2), 100.1, 101a) et b), 102, 132, 140(4), 140(5), 140(13), 140(14), 140.2(1), (2) et (3), 142(1)b), 143(1) et 144(4) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC (1992), c 20 (la LSCMLC); des paragraphes et alinéas 2(1), 4(1), (2.1), 19(1), (2)b) et c) et 20(6) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A‑1; des dispositions 7, 8(1), 8(2)a), 8(2)m)(i), 12 et 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21.

[8] Ni la question constitutionnelle initiale ni la question constitutionnelle modifiée n’ont été déposées auprès de la Cour. L’article 73.1 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, exige qu’un avis de question constitutionnelle soit déposé au greffe, avec preuve de signification, après avoir été signifié à toutes les parties. Ce point n’a pas été porté à l’attention de la Cour par les parties et ce n’est que récemment que l’on a découvert qu’aucune question n’avait été déposée auprès de la Cour. Étant donné que le Canada ne s’est pas opposé et que l’omission de déposer la question pourrait être due à des problèmes au greffe ou des parties liés à la COVID, je répondrai à la question indépendamment de l’erreur de procédure commise par les demandeurs dans les demandes 1358.

[9] Les quatre dossiers concernant les demandes 1358 sont les suivants.

[10] Le dossier T‑1358‑12 est une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission des libérations conditionnelles du 20 juin 2011 [la décision CLCC‑1] et de la décision du SCC du 6 mai 2011 [la décision SCC‑1]. La première a été confirmée par le Commissariat à l’information du Canada [le CI] le 4 juin 2012, et la seconde a été confirmée par le CI le même jour. Dans les décisions en cause, la demande de divulgation et de production complètes des dossiers concernant M. Munro et détenus par la Commission des libérations conditionnelles et le SCC a été rejetée, particulièrement en ce qui concerne les dossiers présentés à la Commission des libérations conditionnelles pour ses audiences de libération conditionnelle tenues le 30 mars 2011, le 16 mars 2010 et le 26 février 2009. Dans les deux décisions en cause, la demande a été rejetée en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI.

[11] Le dossier T‑102‑18 est une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission des libérations conditionnelles datée du 27 juin 2018 [la décision CLCC‑2] et confirmée par le SCC le 25 septembre 2018. Par cette décision, la Commission des libérations conditionnelles refusait de divulguer et de produire la totalité de ses dossiers afférents à Craig Monroe en ce qui a trait à ses audiences de libération conditionnelle, ainsi que les enregistrements sonores et vidéo et les transcriptions de ces audiences de libération conditionnelle. Il convient de souligner qu’il s’agissait d’un nouvel examen, suivant l’ordonnance du protonotaire Aalto datée du 17 mai 2018. Dans cette affaire, la demande a été refusée en vertu du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 19(2)c) de la LAI.

[12] Le dossier T‑103‑18 est une demande de contrôle judiciaire de la décision du SCC datée du 3 juillet 2018 [la décision SCC‑2] et confirmée par le CI le 3 octobre 2018. La décision SCC‑2 suivait un nouvel examen, conformément à une ordonnance du protonotaire Aalto du 17 mai 2018, de la décision du SCC datée du 17 mai 2017, par laquelle ce dernier refusait la divulgation en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI. Le dossier T‑101‑18 porte sur le contrôle judiciaire de la décision du SCC du 17 mai 2017. Dans la décision SCC‑2, la Cour a refusé la divulgation des documents relatifs à l’annulation des permissions de sortir sans escorte [la PSSE] de M. Munro et à son transfert à l’établissement de Matsqui, ainsi que des documents inclus dans les pièces « I » et « J » de l’affidavit de Ginette Pilon, souscrit le 21 mars 2014 et déposé dans le dossier T‑1358‑18. Dans la décision SCC‑2, la demande a été refusée au titre du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21 [la Loi sur la protection des renseignements personnels] [voir également le paragraphe 16, en ce qui concerne l’intervenante].

B. Le deuxième groupe

[13] Le deuxième groupe est constitué du dossier T‑465‑20 [la demande 465], qui est une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 41 de la LAI, de la décision de la Commission des libérations conditionnelles datée du 8 mars 2019 [la décision CLCC‑3] et confirmée par le CI, par laquelle la communication des dossiers carcéraux et d’audience de libération conditionnelle de M. Bernardo était refusée. M. Bernardo a été condamné pour une série d’infractions, notamment pour les horribles meurtres au premier degré de Mme Leslie Mahaffy et de Mme Kristen French, au début des années 1990. L’affaire en cause a suscité une grande attention de la part du public et des médias en raison de la conduite cruelle et odieuse de M. Bernardo. Les demandeurs souhaitent la divulgation de tous les documents et renseignements qui ont été présentés à la Commission des libérations conditionnelles ou auxquels elle a eu accès. Ils souhaitent également obtenir des copies complètes des enregistrements sonores et vidéo et de la transcription de l’audience de libération conditionnelle qui s’est tenue le 17 octobre 2018.

[14] Les demandeurs dans les demandes 1358 et 465 ont présenté des observations écrites et orales conjointes. Je désignerai collectivement les demandeurs dans ces deux demandes par le terme « les familles », parce qu’il s’agit surtout de membres de la famille des victimes des détenus [voir également le paragraphe 17 concernant l’intervenante].

[15] Les documents que les familles cherchent à obtenir (dans leurs propres mots) sont les suivants :

[traduction]

L’ensemble des dossiers concernant les détenus en la possession du SCC, à partir du premier jour où ces derniers sont entrés dans le système correctionnel du Canada à la suite d’une infraction, y compris les transcriptions du procès et de la détermination de la peine;

L’ensemble des dossiers concernant les détenus en la possession de la CLCC, à partir du premier jour où ces derniers relevaient de sa compétence à la suite d’une infraction, y compris les transcriptions du procès et de la détermination de la peine;

En ce qui concerne Craig Munro, les détails de sa libération sous surveillance obligatoire en 1979 et les conditions auxquelles il était soumis au moment où il a assassiné l’agent de police Michael Sweet;

Plus précisément, après la première demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP) de M. Munro, toutes les demandes d’AIPRP comprenaient la divulgation de l’ensemble des dossiers en la possession du SCC et de la CLCC qui étaient directement ou indirectement présentés à la CLCC pour chaque audience ou auxquels cette dernière avait accès, ainsi que les documents qui étaient présentés au SCC et à l’équipe de gestion des cas (EGC) ou utilisés par ces derniers pour présenter leur position lors de chaque audience de libération conditionnelle;

En ce qui concerne Craig Munro, les documents concernant ses infractions disciplinaires qui ont entraîné son transfert en janvier 2016 de l’établissement à sécurité minimale de Kwikwexwelhp à l’établissement à sécurité moyenne de Matsqui;

En ce qui concerne Craig Munro, des documents expliquant les violations et les infractions ayant conduit à l’annulation de ses PSSE [permissions de sortir sans escorte] en 2012 et, par conséquent, à l’annulation de son audience de libération conditionnelle de 2012, y compris tous les détails relatifs à ses tests positifs à la cocaïne, à ses démêlés avec des travailleurs du sexe et à la manière dont il s’y est pris pour cacher cette activité à son EGC, contrairement aux conditions de son EGC;

En ce qui concerne Craig Munro, les circonstances et les faits qui ont conduit au retrait, en février 2016, de sa demande de PSSE;

La production de l’enregistrement sonore et de la transcription (le cas échéant) de toutes les audiences de libération conditionnelle de Munro, Bernardo et Gayle;

Dans le cas de Paul Bernardo, la demande d’AIPRP comprenait tous les documents relatifs à sa demande visant à ce que toutes les conséquences de sa désignation comme délinquant dangereux soient levées, notamment tous les dossiers et rapports médicaux portant sur les conclusions à l’appui de la désignation de délinquant dangereux et tous les éléments de preuve présentés lors de l’audience où il a comparu en tant que délinquant dangereux, c’est‑à‑dire les déclarations de la victime produite par les victimes des viols de Scarborough, la transcription de l’audience et les rapports déposés.

(Mémoire des faits et du droit du demandeur dans le dossier T‑1358, au paragraphe 8.)

C. Le troisième groupe

[16] Le troisième groupe est constitué du dossier T‑1884‑19 [la demande de la SRC]. Le dossier T‑1884‑19 est une demande de contrôle judiciaire présentée par la Société Radio‑Canada [la SRC] à l’égard d’une décision de la Commission des libérations conditionnelles par laquelle cette dernière rejetait la demande de la SRC visant à obtenir des renseignements personnels non communiqués concernant les détenus, renseignements similaires à ceux demandés par les familles. La SRC n’a toutefois pas demandé ces renseignements en vertu d’une loi particulière, mais plutôt en invoquant le principe de la publicité des débats judiciaires.

[17] En outre, la SRC a été autorisée à intervenir dans la demande de contrôle judiciaire présentée par les familles et a présenté des observations écrites et orales devant moi en ce qui concerne la norme de contrôle applicable et le cadre juridique pour la résolution des demandes 1358. La SRC n’a pas pris position sur la façon dont la Cour devrait trancher les demandes formulées par les familles dans le contexte des instances introduites par ces dernières.

D. Résumé des trois groupes

[18] Les observations des parties se chevauchent considérablement, et certains arguments ne sont soulevés que pour certaines des demandes. Dans la mesure du possible, je traiterai les arguments similaires ensemble.

[19] Je désignerai les défendeurs par le terme « le Canada » et tous les défendeurs condamnés par le terme « les détenus », et ce, pour toutes les instances. Cela se rajoute aux références antérieures aux familles et à la SRC. Les divers documents demandés seront désignés par l’expression « renseignements non communiqués ».

[20] Comme indiqué au début, les présents motifs concernent l’ensemble des demandes.

III. Les questions préliminaires

[21] Le Canada soulève une série de questions préliminaires concernant la portée des observations des familles. Le Canada fait valoir que les familles :

  • ont présenté de façon inappropriée des observations et des éléments de preuve concernant des questions dont la Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’étaient pas saisis lorsqu’ils ont pris les décisions faisant l’objet du contrôle judiciaire;
  • ont demandé l’examen des décisions prises en vertu de dispositions de la LSCMLC qui dépassent la portée de l’article 41 de la LAI et qui, par conséquent, ne relèvent pas de la portée du présent contrôle judiciaire;

  • ont introduit à tort des éléments de preuve et des arguments relatifs à une décision rejetant une demande d’AIPRP concernant M. Clinton Gayle, alors que cette décision n’est pas sujette à l’examen de la Cour;

  • ont demandé à tort la divulgation de renseignements en la possession du SCC concernant M. Bernardo, étant donné que le contrôle judiciaire à l’égard de la décision CLCC‑3 ne porte que sur les dossiers de la Commission des libérations conditionnelles.

[22] Dans leurs observations orales, les familles ont soutenu que tous les éléments de preuve soumis étaient pertinents pour mettre en contexte le contrôle judiciaire et que la Cour peut décider du poids à accorder à ces éléments de preuve. Les éléments de preuve en cause comprenaient le refus de la Commission des libérations conditionnelles de divulguer des renseignements provenant d’un détenu qui n’est pas partie à la présente instance (M. Gayle). Je tiens à souligner que la décision de la Commission des libérations conditionnelles concernant M. Gayle ne peut pas encore faire l’objet d’un contrôle judiciaire, parce que l’avis du CI n’a pas encore été rendu public. Les familles font également référence au fait que l’audience de libération conditionnelle de M. Munroe du 3 avril 2020 s’est tenue à huis clos en raison de la COVID‑19. La Cour n’a pas été saisie d’une décision sur une demande d’AIPRP en rapport avec cette question.

[23] La Cour ne peut tenir compte que des éléments de preuve qui lui sont présentés dans le dossier et ne peut accepter des éléments de preuve ou accorder du poids à des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au décideur et qui concernent le fond de l’affaire, à trois exceptions près (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20). Ces exceptions sont les suivantes : les éléments de preuve généraux de nature contextuelle; les éléments de preuve qui sont liés au manquement à l’équité procédurale; et les éléments de preuve qui démontrent l’absence de preuve dont disposait le décideur (Henry c Canada (Procureur général), 2021 CF 31 au para 15). En l’espèce, aucune de ces exceptions ne s’applique. Par conséquent, seuls les renseignements dont disposait le décideur seront pris en considération dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[24] De même, il n’existe aucune base sur laquelle la preuve ou les observations relatives à M. Gayle peuvent être prises en compte dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Bien que je reconnaisse que les familles des victimes de M. Gayle [les parties Baylis/Leone] ont accepté d’être liées par le résultat de la décision en l’espèce, aucune demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 41 de la LAI n’a été présentée concernant leur demande d’AIPRP pour la divulgation de renseignements concernant M. Gayle. Les éléments de preuve et les observations concernant M. Gayle sont donc sans importance pour la résolution des demandes de contrôle judiciaire dont je suis saisie. Pour ces mêmes motifs, je ne peux pas lier les parties Baylis/Leone aux issues des présentes demandes de contrôle judiciaire.

[25] Je conviens avec le Canada que le paragraphe 20(6) de la LAI ne s’applique pas à la présente instance. Cette disposition ne s’applique que si un refus de divulgation a été opposé en vertu du paragraphe 20(1) de la LAI, du fait que les documents recherchés contenaient des renseignements commerciaux confidentiels fournis par un tiers. Ce n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

[26] Enfin, en ce qui concerne la question des arguments et des éléments de preuve admissibles, le Canada fait valoir que les observations et les éléments de preuve concernant l’audience de la libération conditionnelle de M. Munro du 3 avril 2020 devraient être mis de côté, car ils ne font pas partie du présent contrôle judiciaire. Je suis d’accord.

[27] Le Canada soutient également que plusieurs des arguments relatifs à l’invalidité constitutionnelle du cadre décisionnel lié à la demande d’AIPRP soulevés par les familles ne reflètent pas la position adoptée par ces dernières devant les décideurs administratifs et qu’ils sont donc soulevés à tort dans le cadre du contrôle judiciaire.

[28] Bien que les familles n’aient pas contesté la validité constitutionnelle de la présomption à l’encontre de la divulgation dans leur demande d’AIPRP, elles soulèvent une foule de questions constitutionnelles dans leur avis de demande [voir paragraphe 7] de contrôle judiciaire et dans leur avis de question constitutionnelle. En règle générale, une partie ne peut pas soulever une nouvelle question dans le cadre d’un contrôle judiciaire qu’elle aurait pu soulever devant le décideur (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61 au para 23; Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245 au para 37).

[29] Toutefois, en l’espèce, les nouvelles questions ont été soulevées en raison de la décision rendue. Je n’approuve donc pas l’argument du Canada selon lequel les familles ne peuvent pas faire valoir leurs arguments sur l’invalidité constitutionnelle, parce qu’elles n’ont pas fait valoir ces arguments dans leur demande d’AIPRP. On ne peut s’attendre à ce que les familles soient liées par leurs arguments concernant les erreurs dans les décisions des représentants légaux avant d’avoir pris connaissance de ces décisions. Étant donné qu’il n’est pas contesté que l’avis de question constitutionnelle a été correctement signifié et qu’il reflète adéquatement les arguments constitutionnels soulevés par les familles dans leurs observations, je suis d’avis que je devrais être saisie de ces questions.

[30] En guise de conclusion, il est utile de rappeler que la présente décision n’est pas un contrôle judiciaire des décisions quant aux demandes de libération conditionnelle concernant les détenus ou leurs crimes odieux. Les questions que la Cour doit trancher sont celles de savoir si la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont commis une erreur de droit en refusant de divulguer les renseignements personnels demandés au sujet des détenus, ainsi que les enregistrements sonores de leurs audiences devant la Commission des libérations conditionnelles, tout en permettant aux victimes, à leurs familles et aux observateurs d’assister aux audiences et aux familles des victimes d’avoir accès aux enregistrements sonores des audiences auxquelles elles n’ont pas assisté.

IV. Les questions en litige

[31] Les familles ont relevé cinq points litigieux liés au refus de communiquer les renseignements non communiqués :

[traduction]

Lorsqu’un délinquant cherche à obtenir une libération conditionnelle et à réintégrer la communauté en s’appuyant sur l’affirmation selon laquelle il ne présente plus de risque pour la sécurité publique, exerce‑t‑il un recours « public » ou un recours « privé »?

Des délinquants ayant choisi de demander la libération conditionnelle lors d’une audience « publique », comme Craig Munro, Paul Bernardo et Clinton Gayle, ont‑ils le droit de revendiquer la « protection des renseignements personnels » se trouvant dans les documents a) qu’ils ont l’intention d’utiliser lors de leur audience pour persuader l’EGC du SCC qui s’occupe de leur dossier ou la CLCC qu’ils ne présentent plus de risque pour la sécurité publique et qu’ils ont donc le droit d’être remis en liberté conditionnelle dans la collectivité et b) qui sont mentionnés et identifiés lors de l’audience et dans la décision de la CLCC?

Dans l’éventualité où la Cour décide que les délinquants peuvent faire valoir un droit à la « protection des renseignements personnels » se trouvant dans des dossiers et des registres détenus par l’établissement où ils se trouvent et sur lesquels ils s’appuient, y compris les documents examinés publiquement lors de leur audience de libération conditionnelle et sur lesquels s’appuie et se réfère la décision de la CLCC (qui sont de notoriété publique), ainsi que faire valoir un droit à la protection des renseignements personnels contenus dans les enregistrements sonores et les transcriptions de leurs audiences de libération conditionnelle, le SCC ou la CLCC (selon le cas) ont‑ils commis une erreur en concluant, en vertu du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, que le droit à la vie privée de ces types de délinquants (c’est‑à‑dire les délinquants condamnés à perpétuité, par opposition aux délinquants condamnés à une peine fixe) l’emportait sur l’intérêt public et les intérêts de leurs victimes?

La LSCMLC, la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels, collectivement ou séparément (ou selon l’interprétation de la CLCC ou du SCC et la confirmation du CI), créent‑elles une inversion inconstitutionnelle du fardeau de la preuve en créant de façon inadmissible une présomption en faveur de la non‑divulgation?

Dans la mesure où le régime législatif contesté (la LSCMLC, la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels) empêche la divulgation et la production des documents et des renseignements sollicités par les demandeurs dans leurs demandes d’AIPRP respectives, viole‑t‑il le principe de la publicité des débats judiciaires et les droits à la liberté d’expression des demandeurs et du grand public enchâssés à l’alinéa 2b) de la Charte?

(Mémoire des faits et du droit des familles, au paragraphe 56)

[32] La SRC décrit les questions en litige de la manière suivante :

[traduction]

A) Le principe constitutionnel de publicité des débats judiciaires s’applique‑t‑il aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles, ou les enregistrements auraient‑ils dû être divulgués en vertu de l’alinéa 2b) de la partie I de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 [la Charte]?

B) La décision reflète‑t‑elle un équilibre proportionnel entre les protections de la Charte en jeu?

C) La Loi sur la protection des renseignements personnels interdit‑elle la divulgation?

[33] J’ai caractérisé ainsi les questions en litige, de façon à examiner toutes les questions pertinentes soulevées par les demandeurs dans leurs observations :

    1. L’alinéa 2b) de la Charte confère‑t‑il un droit d’obtenir les renseignements demandés?
    2. Les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC étaient‑elles déraisonnables?

V. La norme de contrôle

A. Les observations des familles et de la SRC

[34] Les familles ont soutenu dans leurs observations écrites et à l’audience que la norme de contrôle applicable [la norme de contrôle] est celle de la décision correcte, mais elles ne citent aucune jurisprudence à l’appui de cette affirmation. Au cours de l’audience, l’avocat des familles a déclaré qu’il adoptait les arguments de la SRC en ce qui concerne la norme de contrôle. Néanmoins, les familles ont affirmé que la question constitutionnelle, la question de l’interprétation de la loi et celle de la mise en balance de l’intérêt public et de l’intérêt privé aux termes du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels [l’annexe B] sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Les familles soutiennent que seule la décision discrétionnaire de la Commission des libérations conditionnelles ou du SCC est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[35] Bien que les familles approuvent les arguments de la SRC concernant la norme de contrôle, il convient de rappeler que cette dernière a présenté des observations qui traitent spécifiquement des particularités de la demande 1884. L’argument de la SRC concernant la norme de contrôle est adapté à sa demande et ne se transpose pas bien à la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire demandé par les familles.

[36] Plus précisément, la difficulté découle du fait que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC dans les demandes présentées par les familles ne font pas mention de la question du principe de la publicité des débats judiciaires. Contrairement à la situation de la SRC, qui a examiné la question, puis a renoncé à la soulever, la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ne se sont pas penchés sur la question dans les demandes présentées par les familles.

[37] Au cours de l’audience, la SRC n’a pas fait de distinction entre les demandes 1358 et 1884 quant à la norme de contrôle applicable. Elle n’a pas non plus avancé qu’une norme de contrôle différente s’applique aux décisions du SCC et de la Commission des libérations conditionnelles.

[38] La SRC soutient que les questions en litige ne doivent pas être examinées selon la même norme de contrôle. En ce qui concerne la première question dont je suis saisie, la SRC soutient qu’elle doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte. Autrement dit, la question de savoir si le principe de la publicité des débats judiciaires et le critère des arrêts D/M/Sierra (voir paragraphes 54 et 56) s’appliquent à la divulgation de documents gouvernementaux découlant d’une audience de libération conditionnelle au titre de la LAI est une question constitutionnelle similaire à celle relevée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. À l’appui de son argument, la SRC s’appuie sur un arrêt récent de la Cour d’appel de l’Ontario selon lequel une décision refusant d’appliquer le critère des arrêts D/M/Sierra pour restreindre l’accès à une audience administrative était susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Canadian Broadcasting Corporation v Ferrier, 2019 ONCA 1025 aux para 33‑37 [Ferrier]).

[39] En ce qui concerne la deuxième question, la SRC soutient que la décision de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC de ne pas divulguer les renseignements non communiqués est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Doré c Barreau du Québec, 2012 CSC 12 [Doré].

B. Les observations du Canada

[40] Les observations du Canada sur la norme de contrôle ne correspondent pas exactement aux questions telles que je les ai formulées. Néanmoins, on peut affirmer, en ce qui concerne la première question, que le Canada semble adopter la position selon laquelle les [traduction] « questions tranchées par la Commission ne relèvent d’aucunes des exceptions limitées énoncées dans Vavilov ». Par ailleurs, le Canada soutient que l’applicabilité du principe de la publicité des débats judiciaires dans le cadre d’une audience administrative donnée dépend de l’interprétation par un organisme administratif de sa loi habilitante et de son mandat et que, par conséquent, un examen du caractère raisonnable selon Vavilov est de rigueur.

[41] En ce qui concerne la deuxième question, le Canada fait valoir que les contrôles judiciaires effectués en vertu de l’article 41 de la LAI se déroulent en deux étapes : Husky Oil Operations Limited c Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2018 CAF 10 aux paragraphes 15 et 17 [Husky]. D’abord, la norme de la décision correcte s’applique à la décision relative à la question de savoir si les renseignements non communiqués sont visés par l’exception à la divulgation prévue au paragraphe 19(1) de la LAI. Ensuite, la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision discrétionnaire de refuser de communiquer les renseignements exemptés qui a été prise en vertu du paragraphe 19(2). Dans la mesure où les protections prévues par la Charte sont en cause, le contrôle du caractère raisonnable énoncé dans l’arrêt Doré s’applique à la deuxième étape de l’analyse de l’arrêt Husky. Même si l’arrêt Husky a été rendu avant l’arrêt Vavilov, le Canada a fait valoir qu’il demeure valable en droit en ce qui concerne la norme de contrôle applicable aux contrôles judiciaires sous le régime de l’article 41 de la LAI.

C. Analyse

[42] La norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision correcte. Je souscris aux remarques formulées par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Ferrier au paragraphe 35, selon lesquelles l’évaluation de la question de savoir si le principe de la publicité des débats judiciaires s’applique aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. L’applicabilité des droits garantis par la Charte, en l’espèce le principe de la publicité des débats judiciaires au titre de l’alinéa 2b) de la Charte [annexe C], aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles est précisément le type de question à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. Il ne s’agit pas d’une situation comme celle envisagée dans le cadre de l’analyse fondée sur l’arrêt Doré, où une décision administrative porte atteinte à un droit garanti par la Charte. Il s’agit plutôt ici d’une question préliminaire concernant l’applicabilité d’un droit garanti par la Charte – à savoir si les audiences de la Commission des libérations conditionnelles sont assujetties au principe de la publicité des débats judiciaires et si elles constituent donc des décisions sur la divulgation, auxquelles s’applique le critère récemment reformulé dans l’arrêt Sherman (Succession) c Donovan, 2021 CSC 25 [Succession Sherman] – qui exige la cohérence et une « réponse décisive et définitive » (Vavilov au para 53). Par conséquent, la norme de la décision correcte s’applique.

[43] En ce qui concerne la deuxième question, je partage l’argument du Canada selon lequel l’analyse en deux parties de l’arrêt Husky (voir ci‑dessus au paragraphe 41) établit la norme de contrôle applicable aux demandes de divulgation de renseignements présentées en vertu de l’article 41 de la LAI. Je conviens avec le Canada que l’arrêt Vavilov n’a pas modifié l’application de l’arrêt Husky. La norme de contrôle de la décision correcte s’applique pour trancher la question de savoir si les renseignements non communiqués sont visés par l’exception prévue au paragraphe 19(1) de la LAI. À l’inverse, la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à la décision discrétionnaire de ne pas divulguer des renseignements en vertu du paragraphe 19(2) de la LAI, en fonction du cadre énoncé dans l’arrêt Doré.

VI. La loi

[44] La LSCMLC prévoit la divulgation de renseignements aux victimes. Les articles 140 à 140.2 de la LSCMLC [annexe D] établissent le droit applicable aux audiences devant la Commission, notamment les renseignements auxquels les familles des victimes ont accès et les circonstances dans lesquelles les familles et les autres observateurs peuvent demander à assister à ces audiences :

140 (4) Sous réserve des paragraphes (5) et (5.1), la Commission, ou la personne que le président désigne nommément ou par indication de son poste, doit, aux conditions qu’elle estime indiquées et après avoir pris en compte les observations du délinquant, autoriser la personne qui en fait la demande écrite à être présente, à titre d’observateur, lors d’une audience, sauf si elle est convaincue que, selon le cas :

140 (4) Subject to subsections (5) and (5.1), the Board or a person designated, by name or by position, by the Chairperson of the Board shall, subject to such conditions as the Board or person considers appropriate and after taking into account the offender’s views, permit a person who applies in writing therefor to attend as an observer at a hearing relating to an offender, unless the Board or person is satisfied that

a) la présence de cette personne, seule ou en compagnie d’autres personnes qui ont demandé d’assister à la même audience, nuira au déroulement de l’audience ou l’empêchera de bien évaluer la question dont elle est saisie;

(a) the hearing is likely to be disrupted or the ability of the Board to consider the matter before it is likely to be adversely affected by the presence of that person or of that person in conjunction with other persons who have applied to attend the hearing;

b) sa présence incommodera ceux qui ont fourni des renseignements à la Commission, notamment la victime, la famille de la victime ou celle du délinquant;

(b) the person’s presence is likely to adversely affect those who have provided information to the Board, including victims, members of a victim’s family or members of the offender’s family;

c) sa présence compromettra vraisemblablement l’équilibre souhaitable entre l’intérêt de l’observateur ou du public à la communication de l’information et l’intérêt du public à la réinsertion sociale du délinquant;

(c) the person’s presence is likely to adversely affect an appropriate balance between that person’s or the public’s interest in knowing and the public’s interest in the effective reintegration of the offender into society; or

d) sa présence nuira à la sécurité ou au maintien de l’ordre de l’établissement où l’audience doit se tenir.

(d) the security and good order of the institution in which the hearing is to be held is likely to be adversely affected by the person’s presence.

(5.1) Lorsqu’elle détermine si une victime ou un membre de sa famille peut être présent, à titre d’observateur, lors d’une audience, la Commission ou la personne qu’elle désigne s’efforce de comprendre le besoin de la victime ou des membres de sa famille d’être présents lors de l’audience et d’en observer le déroulement. La Commission ou la personne qu’elle désigne autorise cette présence sauf si elle est convaincue que celle‑ci entraînerait une situation visée aux alinéas (4)a), b), c) ou d).

(5.1) In determining whether to permit a victim or a member of the victim’s family to attend as an observer at a hearing, the Board or its designate shall make every effort to fully understand the need of the victim and of the members of his or her family to attend the hearing and witness its proceedings. The Board or its designate shall permit a victim or a member of his or her family to attend as an observer unless satisfied that the presence of the victim or family member would result in a situation described in paragraph (4)(a), (b), (c) or (d).

(5.2) Lorsque la Commission ou la personne qu’elle désigne décide, en application du paragraphe (5.1), de ne pas autoriser la présence d’une victime ou d’un membre de sa famille lors de l’audience, elle prend les dispositions nécessaires pour que la victime ou le membre de sa famille puisse observer le déroulement de l’audience par tout moyen que la Commission juge approprié.

[soulignement ajouté]

(5.2) If the Board or its designate decides under subsection (5.1) to not permit a victim or a member of his or her family to attend a hearing, the Board shall provide for the victim or family member to observe the hearing by any means that the Board considers appropriate.

[emphasis added]

[45] Les victimes, les familles des victimes et les observateurs peuvent assister à une audience de la Commission des libérations conditionnelles; les victimes et leurs familles peuvent participer en présentant des déclarations :

140 (10) Lors de l’audience à laquelle elles assistent à titre d’observateur :

140 (10) If they are attending a hearing as an observer,

a) d’une part, la victime peut présenter une déclaration à l’égard des dommages ou des pertes qu’elle a subies par suite de la perpétration de l’infraction et des répercussions que celle‑ci a encore sur elle, notamment les préoccupations qu’elle a quant à sa sécurité, et à l’égard de l’éventuelle libération du délinquant;

(a) a victim may present a statement describing the harm, property damage or loss suffered by them as the result of the commission of the offence and its continuing impact on them—including any safety concerns—and commenting on the possible release of the offender; and

b) d’autre part, la personne visée au paragraphe 142(3) peut présenter une déclaration à l’égard des dommages ou des pertes qu’elle a subis par suite de la conduite du délinquant – laquelle a donné lieu au dépôt d’une plainte auprès de la police ou du procureur de la Couronne ou a fait l’objet d’une dénonciation conformément au Code criminel – et des répercussions que cette conduite a encore sur elle, notamment les préoccupations qu’elle a quant à sa sécurité, et à l’égard de l’éventuelle libération du délinquant.

(b) a person referred to in subsection 142(3) may present a statement describing the harm, property damage or loss suffered by them as the result of any act of the offender in respect of which a complaint was made to the police or Crown attorney or an information laid under the Criminal Code, and its continuing impact on them—including any safety concerns—and commenting on the possible release of the offender.

(10.1) Lorsqu’elle détermine si le délinquant devrait bénéficier d’une libération et, le cas échéant, fixe les conditions de celle‑ci, la Commission prend en considération la déclaration présentée en conformité avec les alinéas 10a) ou b).

(10.1) The Board shall, in deciding whether an offender should be released and what conditions might be applicable to the release, take into consideration any statement that has been presented in accordance with paragraph (10)(a) or (b).

(11) La déclaration de la victime ou de la personne visée au paragraphe 142(3), même si celle‑ci n’assiste pas à l’audience, peut y être présentée sous la forme d’une déclaration écrite pouvant être accompagnée d’un enregistrement audio ou vidéo, ou sous toute autre forme prévue par règlement.

(11) If a victim or a person referred to in subsection 142(3) is not attending a hearing, their statement may be presented at the hearing in the form of a written statement, which may be accompanied by an audio or video recording, or in any other form prescribed by the regulations.

(12) La victime et la personne visée au paragraphe 142(3) doivent, préalablement à l’audience, envoyer à la Commission la transcription de la déclaration qu’elles entendent présenter au titre des paragraphes (10) ou (11).

(12) A victim or a person referred to in subsection 142(3) shall, before the hearing, deliver to the Board a transcript of the statement that they plan to present under subsection (10) or (11).

[46] Le paragraphe 140(14) indique que ce n’est pas parce que les renseignements et les documents ont été évoqués à l’audience qu’ils sont accessibles au public au sens de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels :

140 (14) Si un observateur est présent lors d’une audience ou si la victime ou la personne visée au paragraphe 142(3) a exercé ses droits au titre du paragraphe (13), les renseignements et documents qui y sont étudiés ou communiqués ne sont pas réputés être des documents accessibles au public aux fins de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information.

(14) If an observer has been present during a hearing or a victim or a person has exercised their right under subsection (13), any information or documents discussed or referred to during the hearing shall not for that reason alone be considered to be publicly available for purposes of the Access to Information Act or the Privacy Act.

[47] Une victime ou un membre de la famille peut demander à écouter l’enregistrement sonore, sous réserve des conditions imposées par la Commission et des intérêts liés à la protection des renseignements personnels :

140 (13) La victime ou la personne visée au paragraphe 142(3) a le droit, sur demande et sous réserve des conditions imposées par la Commission, une fois l’audience relative à l’examen visé aux alinéas (1)a) ou b) terminée, d’écouter l’enregistrement sonore de celle‑ci, à l’exception de toute partie de l’enregistrement qui, de l’avis de la Commission :

(13) Subject to any conditions specified by the Board, a victim, or a person referred to in subsection 142(3), is entitled, on request, after a hearing in respect of a review referred to in paragraph (1)(a) or (b), to listen to an audio recording of the hearing, other than portions of the hearing that the Board considers

a) risquerait vraisemblablement de mettre en danger la sécurité d’une personne ou de permettre de remonter à une source de renseignements obtenus de façon confidentielle;

(a) could reasonably be expected to jeopardize the safety of any person or reveal a source of information obtained in confidence; or

b) ne devrait pas être entendue par la victime ou la personne visée au paragraphe 142(3) parce que l’intérêt de la victime ou de la personne ne justifierait nettement pas une éventuelle violation de la vie privée d’une personne.

(b) should not be heard by the victim or a person referred to in subsection 142(3) because the privacy interests of any person clearly outweighs the interest of the victim or person referred to in that subsection.

[48] Conformément à l’article 144 de la LSCMLC, toute personne qui démontre qu’elle a un intérêt à l’égard d’une affaire a le droit de recevoir une copie de la décision de la Commission des libérations conditionnelles.

[49] Une disposition prévoit que si une transcription de l’audience a été effectuée, une copie peut être fournie sur demande à la victime ou à sa famille, sous réserve des exceptions prévues par la LAI et par la Loi sur la protection des renseignements personnels (LSCMLC, art 140.2(1)). Cependant, il n’est pas obligatoire de faire une transcription. En dehors de ces circonstances, il n’y a aucune disposition permettant aux observateurs ou à d’autres personnes d’obtenir une transcription.

[50] Les articles 19 et 20 de la LAI prévoient que le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements personnels, sous réserve de certaines exceptions, notamment lorsque cette communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, également reproduit ci‑dessous. Le sous‑alinéa 8(2)m)(i) autorise la divulgation lorsque « des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ».

VII. Analyse

A. L’alinéa 2b) de la Charte confère‑t‑il un droit d’obtenir les renseignements demandés?

[51] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demandeurs n’avaient pas un droit, au titre de l’alinéa 2b) de la Charte, d’accéder aux renseignements non communiqués, parce que les audiences de la Commission des libérations conditionnelles ne sont pas de nature judiciaire ou quasi judiciaire. Compte tenu de cette décision, toutes les contestations constitutionnelles des demandeurs sont rejetées.

(1) Les observations des familles

[52] Les familles demandent le contrôle judiciaire des décisions du SCC et de la Commission des libérations conditionnelles par lesquelles ces organismes ont refusé la divulgation des parties de leurs demandes d’AIPRP qui n’avaient pas été divulguées en vertu de l’article 41 de la LAI. Elles demandent la divulgation des renseignements non communiqués et un jugement déclarant que le régime législatif régissant les demandes d’AIPRP appliqué par le SCC et la Commission des libérations conditionnelles est inconstitutionnel. Les familles soutiennent que la Commission des libérations conditionnelles a commis une erreur en n’appliquant pas le critère des arrêts D/M/Sierra lorsqu’elle a pris la décision de ne pas divulguer les renseignements non communiqués.

[53] Les observations concernant la LSCMLC, la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels consistent en des résumés des dispositions ou des critiques du cadre législatif. Les familles mettent l’accent sur les énoncés d’objectifs et de principes de ces lois, notamment en ce qui concerne l’intérêt public, la transparence, la responsabilité et l’ouverture.

[54] Elles soutiennent que toute restriction de la divulgation et du principe de la publicité des débats judiciaires doit être justifiée sur la base du critère établi dans Dagenais c Société Radio‑Canada, [1994] 3 RCS 835, R c Mentuck, 2001 CSC 76 et Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [le critère des arrêts D/M/Sierra].

[55] Elles font valoir que le cadre législatif régissant les demandes d’AIPRP crée une présomption à l’encontre de la divulgation de renseignements personnels qui viole le principe de la publicité des débats judiciaires consacré par l’alinéa 2b) de la Charte (Toronto Star v AG Ontario, 2018 ONSC 2586 au para 65 [Toronto Star 2018]). Elles ajoutent que les tribunaux administratifs sont assujettis au principe de la publicité des débats judiciaires et citent l’arrêt Southam Inc c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] 3 CF 329 au para 9, [Southam MCI] à l’appui de cette prétention.

[56] Pour mieux comprendre l’argument des demandeurs, voici une brève description du critère des arrêts D/M/Sierra : le critère prévoit que la présomption de publicité des débats judiciaires n’est écartée que lorsqu’une restriction est nécessaire pour prévenir un risque grave pour l’intérêt public et lorsque les effets salutaires l’emportent sur les effets délétères de la restriction. Il convient de souligner ici que la Cour suprême du Canada [la CSC] a récemment mis à jour le critère permettant de réfuter la présomption relative à la publicité des débats judiciaires dans l’arrêt Succession Sherman. Les parties ont présenté d’autres observations écrites après la publication de l’arrêt Succession Sherman. Je vais poursuivre mon analyse en fonction du nouvel état du droit.

[57] Bien qu’elles ne l’affirment pas expressément, les familles soutiennent implicitement que le critère des arrêts D/M/Sierra n’est pas satisfait en l’espèce, et que le cadre décisionnel de la demande d’AIPRP porte donc atteinte à l’alinéa 2b) de la Charte. Elles affirment ensuite que la violation de l’alinéa 2b) n’est pas justifiée au regard de l’article premier de la Charte.

[58] Les familles citent une série de précédents judiciaires (voir ci‑dessous) qui contiennent des énoncés de principe relatifs à l’importance de l’accessibilité au public et à la publicité des débats judiciaires pour maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice. Ces principes, affirment‑elles, pèsent en faveur de la divulgation des renseignements non communiqués (Toronto Star 2018; CTV Television Inc. v Ontario Superior Court of Justice, [2002] OJ No 1141, 59 OR (3d) 18; Nova Scotia (Attorney General) c MacIntyre, [1982] 1 RCS 175; Société Radio‑Canada c. Nouveau‑Brunswick (Procureur général), [1996] 3 RCS 480; Edmonton Journal c Alberta (Procureur général), [1989] 2 RCS 1326; et Dodd v Cossar, [1998] OJ No 335, 77 ACWS (3d) 287; Société Radio‑Canada c Lessard, [1991] 3 RCS 421.

[59] Enfin, dans leurs observations écrites, les familles reprochent à la Commission des libérations conditionnelles de s’être fondée sur l’article 1.3.3 du Manuel des politiques décisionnelles à l’intention des commissaires de la Commission des libérations conditionnelles (édition 2018) [annexe E], qui prévoit que seules les victimes et les familles qui n’assistent pas à une audience ont le droit d’écouter l’enregistrement sonore au titre du paragraphe 140(13) de la LSCMLC. Elles soutiennent qu’une autre erreur a été commise, parce que ce droit se limite à l’enregistrement de l’audience de libération conditionnelle la plus récente. Les familles suggèrent que ce recours au manuel était une erreur susceptible de contrôle, étant donné que le paragraphe 140(13) de la LSCMLC ne contient pas de telles restrictions.

[60] Dans les observations écrites concernant l’arrêt Succession Sherman, observations présentées après l’audience, les familles ont fait valoir que l’arrêt de la CSC étaye leur argument. Elles affirment que l’arrêt établit une forte présomption quant à la publicité des instances, et que les circonstances exceptionnelles requises pour réfuter le principe de publicité des débats judiciaires n’ont pas été réunies. Selon leur interprétation de l’arrêt de la CSC, celui‑ci exige que l’atteinte à la dignité s’élève à un niveau d’importance publique, ce qui, selon elles, n’est pas le cas en l’espèce. Elles nient en outre que les faits de la présente affaire touchent à la question de la dignité humaine, et même si tel est le cas, il n’y a pas d’atteinte à la dignité humaine des détenus.

(2) Les observations de la SRC

[61] La SRC ne prend pas position en ce qui concerne l’issue des demandes dans les dossiers T‑1358‑12 et T‑465‑20. Il convient de souligner qu’en plus des observations qu’elle a formulées dans le cadre du dossier T‑1358‑12 en tant qu’intervenante, elle s’appuie sur les observations qu’elle a également formulées dans le cadre du dossier T‑1884‑19, résumées ci‑dessous, selon lesquelles le principe de la publicité des débats judiciaires s’applique aux audiences de libération conditionnelle et exige donc que l’accès soit présumé accordé, à moins qu’une restriction ne soit justifiée en vertu du critère des arrêts D/M/Sierra.

[62] Selon l’argument principal de la SRC, les demandes de documents produits lors des audiences de la Commission des libérations conditionnelles devraient être présumées satisfaire au degré d’intérêt public requis au titre du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à moins que des restrictions ne soient justifiées suivant le critère des arrêts D/M/Sierra. La SRC présente des observations sur trois questions fondées sur le principe de la publicité des débats judiciaires et l’alinéa 2b) de la Charte, et propose un nouveau critère que la Cour devrait adopter, selon elle.

[63] La SRC soutient que le cadre régissant les demandes d’AIPRP dans la LAI et la Loi sur la protection des renseignements personnels doit être compatible avec l’alinéa 2b) de la Charte. Étant donné que les intérêts concurrents liés à l’accès du public aux documents décisionnels et à la protection de la vie privée sont en cause, la SRC invoque le principe de la publicité des débats judiciaires et le critère des arrêts D/M/Sierra.

[64] La SRC cite l’arrêt Lukács c Canada (Transports, Infrastructure et Collectivités), 2015 CAF 140 au para 37 [Lukács], comme précédent à l’appui de sa proposition selon laquelle les tribunaux administratifs quasi judiciaires sont assujettis au critère des arrêts D/M/Sierra. À ce titre, la SRC suggère que la prise en compte du critère des arrêts D/M/Sierra dans l’évaluation des demandes d’AIPRP soustrait le cadre régissant ces demandes à un examen au regard de la Charte.

[65] La SRC soutient que le principe de la publicité des débats judiciaires et l’alinéa 2b) de la Charte s’appliquent aux audiences de libération conditionnelle et que le critère des arrêts D/M/Sierra pour retenir les enregistrements de l’audience n’est pas satisfait. La SRC s’appuie sur la jurisprudence indiquant que les tribunaux administratifs sont assujettis à la Charte et que le principe de la publicité des débats judiciaires s’applique aux tribunaux qui agissent comme des entités quasi judiciaires.

[66] La SRC soutient que les audiences de la Commission des libérations conditionnelles satisfont au cadre à quatre parties établi dans l’arrêt Coopers & Lybrand (voir Ministre du Revenu national c Coopers and Lybrand, 1978 CanLII 13 (CSC), [1979] 1 RCS 495 [Coopers & Lybrand]) pour trancher la question de savoir si un tribunal agit en qualité de tribunal quasi judiciaire : une audience est envisagée; les droits individuels sont directement concernés; l’audience peut être contradictoire; et la commission applique des règles de fond aux cas individuels. La SRC affirme que le recours de la Commission des libérations conditionnelles à l’arrêt Mooring c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), 1996 CanLII 254 (CSC), [1996] 1 RCS 75 [Mooring] est déplacé, à la lumière de la décision subséquente de la CSC dans R c Bird, 2019 CSC 7 [Bird]. Elle affirme qu’il a été conclu dans cet arrêt que la Commission des libérations conditionnelles est un tribunal compétent aux fins de l’octroi de réparations fondées sur la Charte.

[67] La SRC adopte la position selon laquelle la pratique actuelle de la Commission des libérations conditionnelles en ce qui concerne les demandes d’AIPRP crée à tort [traduction] « une présomption inconstitutionnelle de non‑divulgation de tous les renseignements personnels ». Cette approche est, selon elle, incompatible avec l’alinéa 2b) de la Charte et avec le principe de la publicité des débats judiciaires, car elle impose à l’auteur de la demande d’AIPRP le fardeau de prouver que la situation en cause cadre avec une exception à la règle par défaut de non‑divulgation. Les instances quasi judiciaires et les documents connexes doivent plutôt être publics et accessibles, sous réserve des restrictions prévues par le critère des arrêts D/M/Sierra. La SRC s’appuie sur les arrêts Toronto Star 2018, Langenfeld v Toronto Police Services Board, 2019 ONCA 716 [Langenfeld] et Ferrier pour conclure que la présomption contre la divulgation porte atteinte à l’alinéa 2b), que le principe de publicité des débats judiciaires soit applicable ou non.

[68] La SRC affirme que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC appliquent à tort une « inversion de la charge de la preuve » qui subordonne indûment les intérêts garantis par l’alinéa 2b) de la Charte à une interprétation trop large de l’« atteinte au droit à la vie privée ». Dans le cadre de l’examen d’une demande d’AIPRP, le premier volet du critère des arrêts D/M/Sierra ne devrait faire intervenir que la nécessité, car la proportionnalité – c’est‑à‑dire l’équilibre – devrait intervenir à la deuxième étape. Selon la SRC, cette séquence permet de s’assurer que les intérêts relatifs à l’alinéa 2b) de la Charte ne sont pas indûment subordonnés aux intérêts relatifs à la vie privée. À l’inverse, elle affirme que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont indûment commencé par une présomption de non‑divulgation et ont exigé que la partie qui demande la divulgation démontre que l’une des exceptions est établie. Étant donné que la Commission des libérations conditionnelles a reconnu que l’intérêt public ne l’emporte sur le droit à la vie privée d’un détenu que dans des circonstances très limitées, une telle approche, affirme‑t‑elle, est incompatible avec le critère des arrêts D/M/Sierra et, par conséquent, également incompatible avec l’alinéa 2b) de la Charte.

[69] À titre subsidiaire, si la Cour n’approuve pas l’argument selon lequel le cadre applicable à la demande d’AIPRP devrait commencer par une présomption de divulgation, la SRC affirme que le cadre législatif viole l’alinéa 2b) et ne peut être protégé par l’article premier de la Charte. Elle ne fournit aucun autre argument à l’appui de cette affirmation.

[70] La SRC soutient que les retards systémiques dans l’obtention des documents décisionnels des audiences de la Commission des libérations conditionnelles créent une violation continue des droits garantis par l’alinéa 2b). Elle affirme que la liberté de la presse, telle que protégée par l’alinéa 2b) de la Charte, exige qu’elle ait accès en temps opportun à l’objet de son reportage. L’accès tardif du public, note‑t‑elle, a un effet délétère sur le droit du public d’être informé.

[71] Enfin, dans ses observations figurant au dossier T‑1884‑19, la SRC suggère à la Cour d’adopter un [traduction] « critère fonctionnel moderne relatif à l’intérêt public », selon lequel tout tribunal statuant sur des questions importantes d’intérêt public doit être ouvert au public. Elle fait valoir que cela serait conforme à l’approche moderne en matière de publicité des débats judiciaires et ne constituerait pas un écart important par rapport à la jurisprudence et au critère énoncé dans l’arrêt Coopers & Lybrand.

[72] Selon cette approche, tout tribunal administratif statuant sur des questions d’intérêt public est soumis au principe de publicité des débats judiciaires, sous réserve uniquement du critère des arrêts D/M/Sierra. La position de la SRC est que l’intérêt public dans les audiences de la Commission des libérations conditionnelles en général est manifeste dans la LSCMLC elle‑même, et l’intérêt public dans ces audiences en l’espèce est évident en raison des infractions violentes des détenus et du droit de regard du public sur le fonctionnement du système de justice pénale.

[73] Étant donné que le principe de la publicité des débats judiciaires et l’alinéa 2b) de la Charte s’appliquent, la SRC soutient que la Commission des libérations conditionnelles a commis une erreur dans son analyse lorsqu’elle a refusé de lui transmettre un enregistrement des audiences. Selon la SRC, la Commission des libérations conditionnelles a commis une erreur du fait qu’elle n’a pas appliqué le critère des arrêts D/M/Sierra dans sa décision. L’application par la Commission des libérations conditionnelles du critère relatif à la divulgation de documents détenus par le gouvernement, énoncé dans l’arrêt Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c Criminal Lawyers' Association, 2010 CSC 23 [Criminal Lawyers], aux enregistrements des audiences était erronée, étant donné que les enregistrements sont des documents décisionnels et non des renseignements gouvernementaux, et que la demande de la SRC n’a pas été présentée en vertu de la LAI. La SRC soutient plutôt que, si l’on applique correctement le critère des arrêts D/M/Sierra, il n’y a pas de risque important pour l’intérêt public et que les effets salutaires du refus d’accès ne l’emportent pas sur les droits et les intérêts du public. Le refus de la Commission des libérations conditionnelles de fournir les enregistrements de l’audience n’était pas justifié.

[74] La SRC soutient, dans des observations soumises après l’audience, que l’arrêt Succession Sherman n’est d’aucun recours à la défenderesse. Elle affirme qu’il n’y a pas de risque important d’atteinte au droit à la dignité que la société dans son ensemble a intérêt à protéger et que le dossier ou les circonstances en cause doivent démontrer l’existence d’un risque important.

(3) Les observations du Canada

[75] En ce qui concerne les demandes des familles, le Canada a déclaré que le SCC et la Commission des libérations conditionnelles [traduction] « ont eu raison de conclure que les documents retenus comportent des renseignements personnels et ont exercé de façon raisonnable leur pouvoir discrétionnaire de ne pas les divulguer après avoir mis en équilibre les deux valeurs concurrentes que sont la divulgation des documents gouvernementaux et la protection des renseignements personnels, comme l’exige la LAI ».

[76] Il soutient que la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LAI agissent de concert pour concilier deux valeurs concurrentes : la divulgation des documents gouvernementaux et la protection des renseignements personnels. Il cite l’arrêt Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403 [Dagg], qui énonce le principe selon lequel un tribunal qui procède à un examen au titre de l’article 41 de la LAI doit tenir compte de l’objet des deux lois, en établissant un équilibre entre la protection et la divulgation des renseignements personnels.

[76]

[77] Le Canada affirme fermement que les décisions rendues par le SCC sous le régime de la LSCMLC et les examens des dossiers de libération conditionnelle ne sont ni judiciaires ni quasi judiciaires, mais plutôt le résultat d’une enquête. Pour ce qui est des décisions du SCC, il cite Boudreau c Canada (Procureur général), 2000 CanLII 16709 (CF 1ere inst), au para 7; Canada (Service correctionnel) c Plante, [1995] ACF no 1509 au para 6 (CF 1ere inst); Hendrickson v Kent Institution, [1990] FCJ No 19, 1990 CarswellNat 771 au para 10 (CF 1ere inst); Blanchard c Comité de discipline de l’établissement de Millhaven, [1983] 1 CF 309, 1982 CarswellNat 78 au para 2 (CF); Martineau c Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 RCS 602, aux p 631‑632. Quant aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles, il cite Mooring, au paragraphe 25, et Smith c Canada (Procureur général), 2019 CF 1658 au paragraphe 64.

[78] Le Canada a évoqué un certain nombre de facteurs à l’appui de l’argument selon lequel les examens de la Commission des libérations conditionnelles ne sont pas des instances judiciaires ou quasi judiciaires. Il a souligné que les examens de la Commission des libérations conditionnelles ne comportent pas toujours des audiences et que l’examen de la libération conditionnelle se déroule de façon non contradictoire et inquisitoire et sans parties opposées, qu’il y ait ou non une audience. D’autres facteurs qui indiquent que la Commission des libérations conditionnelles n’est pas un organisme judiciaire ou quasi judiciaire sont le fait qu’il n’y a pas de preuve reçue sous serment et que le tribunal n’est pas tenu d’appliquer les règles de preuve. La Commission des libérations conditionnelles, soutient‑elle, agit sur la base de renseignements et doit tenir compte de tous les renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qu’elle reçoit du SCC et des victimes, ce qui constitue une preuve qu’elle n’est pas un organisme judiciaire ou quasi judiciaire. De plus, il n’y a pas de droit au contre‑interrogatoire, et bien que le délinquant puisse être assisté par quelqu’un, le rôle de cette personne n’est pas assimilable à celui d’un avocat. Les membres de la Commission des libérations conditionnelles ne sont pas non plus tenus d’avoir une formation juridique, et ils ne peuvent pas délivrer d’assignations à comparaître, car il s’agit d’un outil judiciaire. Bien que les motifs des décisions de la Commission des libérations conditionnelles soient accessibles au public, les enregistrements sonores des audiences ne font pas partie du dossier.

[79] Le Canada soutient qu’une personne doit faire une demande écrite pour assister à une audience de libération conditionnelle en tant qu’observateur. La Commission des libérations conditionnelles peut refuser que cette personne y assiste si elle est convaincue que sa présence risque de nuire : [traduction] « i)à la sécurité et au maintien de l’ordre de l’établissement où l’audience doit se tenir; ii) à la capacité de la Commission des libérations conditionnelles d’évaluer la question dont elle est saisie; iii) aux personnes qui ont fourni des renseignements à la Commission des libérations conditionnelles, y compris les victimes; ou iv) à l’équilibre entre l’intérêt de l’observateur ou du public à la communication de l’information et l’intérêt du public à la réinsertion sociale du délinquant ». Il évoque le paragraphe 140(4) de la LSCMLC.

[80] Le Canada souligne également que le paragraphe 140(13) de la LSCMLC a été modifié, la nouvelle version étant entrée en vigueur le 21 juin 2019. La nouvelle version prévoit que les victimes, qu’elles aient ou non assisté à l’audience, peuvent écouter les enregistrements sonores des instances. Les observations des demandeurs ne reflètent pas cette modification, laquelle, selon le Canada, constitue un équilibre approprié et démontre également que le législateur est disposé à apporter des modifications au besoin.

[81] En ce qui concerne la demande de la SRC, le Canada soutient que la Commission des libérations conditionnelles a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant de divulguer les enregistrements de l’audience après avoir examiné tous les facteurs pertinents, notamment les facteurs constitutionnels. Le Canada fait valoir qu’il n’y a pas eu de demande formelle d’information fondée sur la LAI et que les seules dispositions législatives applicables sont celles de la LSCMLC et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[82] En ce qui concerne l’arrêt Succession Sherman, le Canada affirme que l’affaire n’est pas applicable, parce que les questions en cause ne sont pas de nature judiciaire ou quasi judiciaire.

(4) Analyse

[83] En résumé, l’argument des demandeurs repose sur le fait qu’ils décrivent l’audience de la Commission des libérations conditionnelles comme étant une instance judiciaire ou quasi judiciaire. De ce point de vue, ils estiment qu’étant donné que le public a un intérêt considérable et légitime envers ces audiences, les documents supplémentaires qu’ils demandent devraient être divulgués.

[84] La première étape pour trancher cette question consiste à établir si les audiences de la Commission des libérations conditionnelles sont de nature judiciaire ou quasi judiciaire. Je conclus qu’elles ne le sont pas.

[85] Dans l’arrêt Mooring, la CSC a examiné cette question et a conclu qu’une audience de la Commission des libérations conditionnelles est de nature inquisitoire plutôt que judiciaire ou quasi judiciaire. Certes dans un contexte quelque peu différent, le juge Sopinka s’est penché sur le caractère des audiences de libération conditionnelle dans l’arrêt Mooring au paragraphe 25, et a indiqué ceci : « La Commission n’agit pas de manière judiciaire ou quasi judiciaire ». Il a évoqué plusieurs facteurs permettant de distinguer les audiences de libération conditionnelle des audiences devant un tribunal, notamment : le rôle limité de l’avocat; la nature inquisitoire de l’audience et l’inapplicabilité des règles de preuve ou de la présomption d’innocence (Mooring aux para 25‑26).

[86] Notre Cour a par la suite suivi l’arrêt Mooring au sujet de l’argument selon lequel les audiences de libération conditionnelle ne sont pas de nature judiciaire ou quasi judiciaire dans Gallone c Canada (Procureur général), 2015 CF 608 au paragraphe 16; Elliott c Canada (Procureur général), 2018 CF 673 au paragraphe 20; Barrett c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1030 au paragraphe 43; Bilodeau‑Massé c Canada (Procureur général), 2017 CF 604 au paragraphe 173. Voir également MacInnis c Canada (Procureur général), [1997] 1 CF 115, à la page 9 (CAF).

[87] Notre Cour a constamment suivi l’arrêt Mooring et je ne vois aucune raison de m’en écarter en l’espèce. Le critère énoncé dans Coopers & Lybrand pour établir si une décision est de nature judiciaire ou quasi judiciaire n’est pas utile aux demandeurs, compte tenu des conclusions jurisprudentielles établies concernant la Commission des libérations conditionnelles.

[88] Je conviens avec le Canada que la décision de la CSC dans l’arrêt Bird n’annule pas et ne supplante pas l’arrêt Mooring. Il ne fait qu’établir une distinction par rapport à Mooring, étant donné que dans cette dernière affaire, la Cour n’a pas pris position sur la question de savoir si la Commission des libérations conditionnelles pouvait accorder des réparations fondées sur la Charte autres que celles prévues au paragraphe 24(2) de la Charte (Bird au para 54). Cela dit, dans l’arrêt Bird, la Cour suprême a reconnu que la question de savoir si l’arrêt Mooring demeure valable en droit reste ouverte, à la lumière de l’arrêt R c Conway, 2010 CSC 22 (Bird au para 54), qui a été rendu par la CSC après Mooring. Néanmoins, à la lumière du traitement ultérieur de l’arrêt Mooring par notre Cour, il demeure un précédent valide à l’appui de l’argument selon lequel les commissions fédérales des libérations conditionnelles ne sont pas des organismes judiciaires ou quasi judiciaires.

[89] La SRC estime que je devrais plutôt m’appuyer sur la décision du juge Morgan dans l’affaire Toronto Star 2018, dans laquelle il a conclu que l’application par l’Ontario de certaines parties de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée [la LAIPVP] – une loi similaire à la LAI et à la Loi sur la protection des renseignements personnels – violait le principe de la publicité des débats judiciaires consacré par l’alinéa 2b) de la Charte. La Cour a jugé que l’imposition par la loi d’un fardeau de la preuve à la partie requérante afin d’obtenir la divulgation d’un [traduction] « document décisionnel » était inconstitutionnelle (Toronto Star 2018 aux para 57‑65).

[90] Ce n’est pas le cas de l’affaire dont je suis saisie, en ce qui concerne la Commission des libérations conditionnelles et la décision contraignante rendue dans l’affaire Mooring. Je ne suis pas liée par l’arrêt Toronto Star 2018 et, de toute façon, il s’agit d’une décision distincte puisqu’elle portait sur l’application de la LAIPVP aux tribunaux qui [traduction] « président des processus contradictoires […] et agissent de manière judiciaire ou quasi judiciaire » (Toronto Star 2018 au para 2). Pour les motifs exposés ci‑dessus ces énoncés ne s’appliquent pas à la Commission des libérations conditionnelles. En effet, la Cour n’a pas mentionné la Commission ontarienne des libérations conditionnelles comme étant l’un des tribunaux administratifs auxquels s’applique le principe de la publicité des débats judiciaires (Toronto Star 2018, à la note en fin de texte 2).

[91] Je conviens avec le Canada que les précédents judiciaires évoqués par la SRC et les familles, dans lesquels l’alinéa 2b) de la Charte est appliqué aux tribunaux exerçant des fonctions judiciaires, n’est d’aucune utilité en l’espèce. Le Canada l’exprime de manière succincte : [TRADUCTION] « Les tribunaux exerçant des fonctions judiciaires et les tribunaux exerçant des fonctions quasi judiciaires emportant des processus contradictoires fonctionnent dans un contexte juridique et institutionnel entièrement différent de celui des organismes gouvernementaux exerçant des fonctions administratives. »

[92] Étant donné que la jurisprudence ne qualifie pas la Commission des libérations conditionnelles d’organisme judiciaire ou quasi judiciaire, et qu’aucune jurisprudence n’a démontré que le principe de la publicité des débats judiciaires ou l’alinéa 2b) exige la divulgation des renseignements non communiqués, je suis d’avis que la contestation constitutionnelle des demandeurs à l’égard du cadre de divulgation ne peut aboutir. La SRC et les familles n’ont pas réussi à démontrer que le cadre législatif de divulgation porte atteinte à leurs droits protégés par la Charte.

[93] En outre, le [traduction] « critère fonctionnel moderne relatif à l’intérêt public » évoqué par la SRC n’est pas non plus étayé par la jurisprudence. Les deux décisions citées par la SRC, Southam MCI et Canadian Broadcasting Corp. v Summerside (City), [1999] PEIJ No. 3 170, DLR (4th) 731 (C Sup IPE (1ere inst)), concernaient toutes deux des instances de nature judiciaire ou quasi judiciaire, et ne sont donc pas utiles dans les circonstances actuelles. La SRC semble simplement tenter de modifier le cadre législatif pour mieux servir ses intérêts à l’égard de divulgation généralisée par les tribunaux administratifs. Elle ne fournit aucune argumentation judiciaire pour justifier un changement d’une telle ampleur.

[94] Notre Cour ne s’engagera pas dans une réforme législative dans le cadre du présent contrôle judiciaire; les arguments doivent plutôt être présentés au législateur. À titre d’exemple, le paragraphe 140(13) de la LSCMLC a été modifié le 21 juin 2019. La nouvelle version prévoit que les victimes peuvent écouter les enregistrements sonores des audiences, qu’elles y aient ou non assisté. Au fil du temps, d’autres modifications ont été apportées et il est possible que le Parlement juge bon d’en apporter d’autres.

[95] De plus, dans l’arrêt Criminal Lawyers, la CSC établit le critère en ce qui a trait aux situations dans lesquelles l’alinéa 2b) de la Charte permet à une partie d’avoir accès à des documents détenus par le gouvernement. Les juges Abella et McLachlin, s’exprimant au nom de la Cour, soulignent que « […] l’al. 2b) ne garantit pas l’accès à tous les documents […]. L’accès est un droit dérivé qui peut intervenir lorsqu’il constitue une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu’il soit possible de s’exprimer de manière significative sur le fonctionnement du gouvernement » (Criminal Lawyers au para 30). La Cour a établi un critère à deux volets, selon lequel l’alinéa 2b) ne donne droit à l’accès : « […] que lorsqu’il est démontré qu’il s’agit d’une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu’il soit possible de s’exprimer de manière significative, qu’il n’empiète pas sur des privilèges protégés, et qu’il est compatible avec la fonction de l’institution en cause » (Criminal Lawyers au para 5).

[96] Bien que les familles n’aient pas présenté d’observations détaillées sur ce point, je suis d’avis que le critère énoncé dans Criminal Lawyers n’est pas satisfait. En ce qui concerne la première condition, il n’est pas évident que l’accès aux renseignements non communiqués soit « une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu’il soit possible de s’exprimer de manière significative ». La signification de cette expression a été davantage examinée dans l’affaire Criminal Lawyers, où la Cour a affirmé qu’un droit d’accès existe lorsque, en son absence, « […] les discussions publiques significatives sur des questions d’intérêt public et les critiques à leur égard seraient considérablement entravées » (Criminal Lawyers au para 37). Cette norme exigeante n’est pas respectée en l’espèce. Après tout, les audiences de la Commission des libérations conditionnelles peuvent être suivies par le public et les médias. Bien que les questions en cause relèvent certainement de l’intérêt public, il n’y a aucune raison de croire que de décider de ne pas divulguer les documents recherchés, mais de permettre aux personnes d’assister aux audiences elles‑mêmes, constitue une entrave importante à la tenue d’un débat significatif.

[97] Il n’y a donc pas de droit constitutionnel d’accès aux documents et l’alinéa 2b) de la Charte n’a pas été violé. Suivant cette conclusion, je peux répondre par la négative à la question constitutionnelle à savoir si les articles mentionnés violent la Charte.

[98] Si je me trompe quant à la nature non judiciaire de l’instance, je dois alors analyser la question de savoir si la présomption de publicité des débats judiciaires est réfutée en l’espèce. Comme je l’explique ci‑dessous, je crois que la présomption a été réfutée.

[99] Dans l’arrêt Succession Sherman, le juge Kasirer, exprimant l’opinion unanime de la Cour suprême du Canada, a réaffirmé le critère permettant de réfuter la présomption du principe relatif à la publicité des débats judiciaires. L’arrêt reformule le critère des arrêts D/M/Sierra en un processus à trois volets, processus exigeant que ceux qui demandent à un tribunal de limiter le principe de la publicité des débats judiciaires établissent que :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

Ce n’est que lorsque ces trois conditions préalables sont remplies qu’une ordonnance discrétionnaire ayant pour effet de limiter la publicité des débats judiciaires – par exemple une ordonnance de mise sous scellés, une interdiction de publication, une ordonnance excluant le public d’une audience ou une ordonnance de caviardage – pourra dûment être rendue. Ce test s’applique à toutes les limites discrétionnaires à la publicité des débats judiciaires, sous réserve uniquement d’une loi valide (Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, 2005 CSC 41, [2005] 2 R.C.S. 188, aux para 7 et 22).

(Succession Sherman au para 38)

[100] Le juge Kasirer poursuit en déclarant que la vie privée a une certaine importance sociale au‑delà de la personne la plus immédiatement concernée et qu’elle ne peut pas être simplement exclue en tant qu’intérêt susceptible de limiter la transparence des tribunaux (Succession Sherman au para 46). Il établit ensuite un lien entre les types de droits à la vie privée qui pourraient justifier des limites au principe de la publicité des débats judiciaires et ceux qui sont liés à la protection de la dignité (Succession Sherman au para 46), et il affirme qu’il y aura des moments où la protection de la vie privée aura un intérêt public (Succession Sherman au para 52).

[101] Il souligne que « […] pour maintenir l’intégrité du principe de la publicité des débats judiciaires, un intérêt public important à l’égard de la protection de la dignité devrait être considéré sérieusement menacé seulement dans des cas limités » (Succession Sherman au para 63). Il précise que « [l]es atteintes à la vie privée qui entraînent une perte de contrôle à l’égard de renseignements personnels fondamentaux peuvent porter préjudice à la dignité d’une personne, car elles minent sa capacité à présenter de manière sélective certains aspects de sa personne aux autres » (Succession Sherman au para 71).

[102] Plus précisément, il indique ce qui suit :

[72] En cas d’atteinte à la dignité, l’incidence sur la personne n’est pas théorique, mais pourrait entraîner des conséquences humaines réelles, y compris une détresse psychologique […] Vu sous cet angle, un intérêt en matière de vie privée, lorsqu’il protège les renseignements fondamentaux associés à la dignité qui est nécessaire au bien être d’une personne, commence à ressembler beaucoup à l’intérêt relatif à la sécurité physique également soulevé en l’espèce, dont la nature importante et publique n’est pas débattue, et n’est pas non plus, selon moi, sérieusement discutable. Lorsque le fonctionnement des tribunaux menace le bien‑être physique d’une personne, l’administration de la justice en souffre, car un système judiciaire responsable est sensible aux dommages physiques qu’il inflige aux individus et s’efforce d’éviter de tels effets. De même, j’estime qu’un tribunal responsable doit être sensible et attentif aux dommages qu’il cause à d’autres éléments fondamentaux du bien être individuel, notamment la dignité individuelle. Ce parallèle aide à comprendre que la dignité est une dimension plus limitée de la vie privée, pertinente en tant qu’intérêt public important dans le contexte de la publicité des débats judiciaires.

[73] Je suis donc d’avis que protéger les gens contre la menace à leur dignité qu’entraîne la diffusion de renseignements révélant des aspects fondamentaux de leur vie privée dans le cadre de procédures judiciaires publiques constitue un intérêt public important pour l’application du test.

(Succession Sherman aux para 72‑73)

[103] Il renchérit ensuite au sujet de ces principes, en mentionnant ce qui suit :

[…] La présomption de publicité des débats signifie que le simple désagrément associé à des atteintes moindres à la vie privée sera généralement toléré. Cependant, il est dans l’intérêt public de veiller à ce que cette publicité n’entraîne pas indûment la diffusion de ces renseignements fondamentaux qui menacent la dignité – même s’ils sont « personnels » pour la personne touchée.

(Succession Sherman au para 75)

[104] La CSC fournit une liste non exhaustive de cas où la diffusion des renseignements personnels est autorisée, mais souligne que les problèmes de santé stigmatisés et l’orientation sexuelle (parmi d’autres exemples énumérés) en feraient potentiellement partie. Le juge Kasirer affirme que, « [d]ans chaque cas, il faut se demander si les renseignements révèlent quelque chose d’intime et de personnel sur la personne, son mode de vie ou ses expériences » (Succession Sherman au para 77).

[105] Enfin, le juge Kasirer souligne que pour que le risque justifie une limite, le demandeur doit démontrer que « […] la perte de contrôle appréhendée des renseignements le concernant est fondamentale au point de porter atteinte de manière significative à sa dignité individuelle » (Succession Sherman au para 84).

[106] Bien que les crimes des détenus en l’espèce soient répugnants d’une manière qui va à l’encontre de toute décence humaine, le régime s’applique de la même façon à tous les détenus. Je dois dire que les détails extrêmement intimes sollicités par les demandeurs sont susceptibles de porter atteinte à la dignité individuelle, et donc de réfuter la présomption du principe de la publicité des débats judiciaires. Les demandeurs souhaitent obtenir non seulement des copies des dossiers médicaux et des évaluations psychologiques, mais aussi tous les détails de leur vie depuis leur incarcération. Le législateur a certainement tenu compte de ce facteur, puisqu’il a expressément indiqué que, bien que les participants puissent entendre ce qui est dit au sujet des rapports, par exemple, ils ne peuvent pas en recevoir de copies et ces rapports ne sont pas considérés comme publics (voir le paragraphe 46).

[107] Je n’interprète pas l’arrêt Succession Sherman de la même manière que les familles. Elles semblent soutenir que l’atteinte à la dignité doit être spécifiquement quelque chose que la société dans son ensemble a intérêt à protéger. Je ne suis pas d’accord. À la lecture de l’ensemble de la décision, et plus particulièrement du paragraphe cité par les parties à cet effet, il me semble que la Cour a reconnu un concept de « dignité » (par opposition à la simple vie privée) qui doit être protégé, et que la société dans son ensemble a intérêt à le protéger :

La diffusion de renseignements personnels dans le cadre de débats judiciaires publics peut être plus qu’une source de désagrément et peut aussi entraîner une atteinte à la dignité d’une personne. Dans la mesure où elle sert à protéger les personnes contre une telle atteinte, la vie privée constitue un intérêt public important qui est pertinent selon Sierra Club. La dignité en ce sens est une préoccupation connexe à la vie privée en général, mais elle est plus restreinte que celle‑ci; elle transcende les intérêts individuels et, comme d’autres intérêts publics importants, c’est une question qui concerne la société en général. Un tribunal peut faire une exception au principe de la publicité des débats judiciaires, malgré la forte présomption en faveur de son application, si l’intérêt à protéger les aspects fondamentaux de la vie personnelle des individus qui se rapportent à leur dignité est sérieusement menacé par la diffusion de renseignements suffisamment sensibles. La question est de savoir non pas si les renseignements sont « personnels » pour la personne concernée, mais si, en raison de leur caractère très sensible, leur diffusion entraînerait une atteinte à sa dignité que la société dans son ensemble a intérêt à protéger.

(Succession Sherman au para 33; non souligné dans l’original.)

À mon avis, la nature très délicate des renseignements demandés touche à la dignité des détenus. Cela satisfait au premier volet du critère établi.

[108] Quant aux deux autres volets du critère, je suis d’avis qu’ils sont satisfaits en l’espèce. Pour ce qui est du deuxième volet, lorsque les documents sont divulgués, il n’y a aucun contrôle sur la façon dont ils seront distribués. Pour ce qui est du dernier volet, il n’y a aucune raison de croire que la divulgation de ces renseignements aura une incidence sur le statut de libération conditionnelle des détenus, étant donné que le tribunal qui prendra la décision y aura accès sans entrave.

[109] Je comprends le besoin des familles de mettre de l’avant l’argument émotionnel selon lequel les détenus ne méritent aucun droit à la vie privée compte tenu des crimes qu’ils ont commis, mais dans le cadre du présent contrôle judiciaire, cela pourrait ne pas être pris en compte. La Commission des libérations conditionnelles est chargée d’entendre les répercussions sur les victimes et de prendre des décisions concernant l’incarcération des délinquants. Les familles soutiennent que si elles assistent à l’audience, elles peuvent entendre les détails; il est donc illogique qu’elles ne puissent pas entrer en possession des documents sous‑jacents et des enregistrements. Le paragraphe 140(14) de la LSCMLC indique que ce n’est pas parce que les renseignements et les documents ont été évoqués à l’audience qu’ils sont accessibles au public au sens de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ma réponse aux demandeurs est que le législateur a choisi de fixer une limite et qu’il n’appartient pas à la Cour de la modifier.

B. Les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC étaient‑elles déraisonnables?

[110] Les familles et la SRC font valoir une série d’arguments sur les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC concernant leurs demandes d’AIPRP. Ces arguments, ainsi que mon analyse, sont regroupés par thème ci‑dessous.

(1) Les motifs insuffisants

[111] Les familles soutiennent que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’ont pas fourni de motifs suffisants pour rejeter les demandes d’AIPRP et que ces organismes se sont plutôt appuyés sur un langage [traduction] « passe‑partout » dans leurs motifs et que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC [traduction] « sont complètement dépourvues de motifs ou d’analyse ». Elles soutiennent que le résultat des demandes d’AIPRP était prédéterminé et que la Commission des libérations conditionnelles n’a pas évalué adéquatement le bien‑fondé de chaque demande. Elles ont également affirmé que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’ont fourni aucune preuve que le fait d’approuver les demandes d’AIPRP « serait préjudiciable aux fins de la justice » ou entraînerait [traduction] « un risque important d’injustice », puis ont fourni des motifs insuffisants pour expliquer la conclusion selon laquelle l’intérêt public à la divulgation n’était pas satisfait en l’espèce. Les familles ne citent aucune jurisprudence à l’appui de leurs divers arguments relatifs à l’insuffisance des motifs.

[112] En ce qui concerne la suffisance des motifs, la CSC indique que « […] les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de trancher la question de savoir si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 16). Je suis d’avis que les motifs satisfont à cette exigence.

[113] Dans le cadre de contrôles judiciaires d’une décision de ne pas communiquer des renseignements sous le régime de la LAI, la cour de révision peut consulter « tout le dossier de la preuve, y compris l’historique complet de l’enquête menée par le CI et la correspondance fournie par [le décideur] au cours de l’enquête » (Canada (Commissariat à l’information) c Administration Portuaire Toronto, 2016 CF 683 au para 206). De même, la CAF a souligné que la correspondance et les mémoires portant sur l’enquête du CI peuvent être pris en compte pour évaluer s’il existe un compte rendu suffisamment clair des raisons pour lesquelles les fonctionnaires se sont opposés à la divulgation (Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre d’industrie), 2001 CAF 254 au para 114; voir également Vavilov au para 96). Contrairement à ce que soutiennent les familles, les motifs de la décision examinée ne se limitent pas à ce qui est contenu dans la réponse écrite du décideur au demandeur d’AIPRP.

[114] En me fondant sur ce qui précède, et après avoir examiné les six décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC, la correspondance entre la Commission des libérations conditionnelles, le SCC et le CI, ainsi que les rapports d’enquête du CI, je suis d’avis que le dossier révèle dans chaque cas des motifs et des éléments de preuve suffisants pour comprendre les décisions et évaluer si elles étaient raisonnables. Les familles ont raison de prétendre que les lettres communiquant le résultat des décisions dans les affaires CLCC‑1 et SCC‑1 sont dépourvues d’analyse. Toutefois, ces lettres sont étayées dans le dossier par des lettres de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC, respectivement, qui exposent les motifs de ces décisions. Quant aux autres décisions, soit CLCC‑2, SCC‑2, CLCC‑3, et la lettre de la Commission des libérations conditionnelles à la SRC, elles contiennent toutes une analyse justifiant la décision de ne pas communiquer des renseignements. Ces documents indiquent le fondement à partir duquel les décideurs ont pondéré les intérêts relatifs à la vie privée des détenus par rapport à l’intérêt public de la divulgation, relèvent les divers facteurs pris en considération par les décideurs, et constituent une base générale pour comprendre comment les décideurs sont arrivés à leurs décisions.

(2) Le résultat prédéterminé

[115] De même, l’argument des familles selon lequel [traduction] « l’utilisation de paragraphes passe‑partout pour traiter du bien‑fondé de l’analyse démontre que le résultat des demandes d’AIPRP était prédéterminé » n’est pas à propos. Bien que certains passages des décisions soient identiques, notamment la description des obligations légales et du cadre général dans lequel les décisions sont prises, l’analyse varie d’une décision contestée à l’autre. Les facteurs qui sont pris en compte et évalués dans les décisions sont très similaires, mais cela ne signifie pas que les décisions étaient prédéterminées. En effet, quatre des cinq décisions (CLCC‑1, SCC‑1, CLCC‑2 et SCC‑2) découlent de deux demandes d’AIPRP concernant le même détenu. Il est donc logique que les décideurs aient tenu compte de facteurs similaires. Tout compte fait, les décisions étaient justifiées, transparentes et intelligibles. Rien ne justifie l’intervention de la Cour à cet égard.

(3) Le choix des facteurs

[116] Les familles soutiennent que la Commission des libérations conditionnelles a commis une série d’erreurs susceptibles de contrôle dans le choix des facteurs qu’elle a pris en considération.

  • Premièrement, elles soutiennent que la Commission des libérations conditionnelles a commis une erreur en ne tenant pas compte des intérêts des familles des victimes – qui, selon elles, [traduction] « concordent entièrement » avec l’intérêt public – dans son évaluation de l’intérêt public au titre de l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

  • Deuxièmement, la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont commis une erreur parce qu’ils étaient [traduction] « aveuglément guidés » par l’objectif de faciliter la réintégration sécuritaire des délinquants dans la collectivité.

  • Troisièmement, les familles affirment que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’ont pas tenu compte de la désignation de délinquant dangereux des détenus dans le processus décisionnel.

  • Quatrièmement, la Commission des libérations conditionnelles n’a pas tenu compte de la question de l’intérêt public découlant de la menace à la sécurité publique qui surviendrait si les détenus étaient libérés de prison.

  • Cinquièmement, la Commission des libérations conditionnelles a commis une erreur en omettant de déterminer un groupe identifiable qui avait un intérêt véritable dans les renseignements visés par la demande d’AIPRP.

[117] Je ne souscris pas à leurs prétentions. Les documents contenant l’analyse des décideurs démontrent que ces derniers ont pris en compte et soupesé une variété de facteurs dans leur évaluation des demandes d’AIPRP. Ces facteurs comprennent :

  • la nature délicate de l’information;

  • l’existence d’un besoin imminent de divulgation;

  • un risque pour la sécurité publique, le cadre législatif;

  • le mandat et le rôle de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC;

  • l’effet néfaste sur la réhabilitation et la réinsertion sociales;

  • la forte probabilité de préjudice;

  • l’attente du détenu en matière de non‑divulgation;

  • l’intérêt privé des familles à la divulgation;

  • le risque que les renseignements personnels soient largement divulgués;

  • l’absence d’un groupe identifiable ayant un intérêt réel dans la divulgation.

[118] Il ressort de l’examen des décisions que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont tenu compte des exigences de l’alinéa 19(2)c) de la LAI et du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qu’ils ont évalué la nature de la preuve recherchée du point de vue de l’intérêt public à la divulgation et de l’atteinte au droit à la vie privée des détenus, et qu’ils ont rendu une décision fondée sur leur évaluation de la preuve.

[119] Il convient de souligner que l’arrêt Vavilov prévoit que « […] dans les cas où le législateur choisit d’utiliser des termes généraux, non limitatifs ou nettement qualitatifs – par exemple, l’expression “dans l’intérêt public” – il envisage manifestement que le décideur jouisse d’une souplesse accrue dans l’interprétation d’un tel libellé » (Vavilov au para 110). Bien que les familles et la SRC soient en désaccord avec la décision de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC quant à la nature et au caractère de l’intérêt public, je ne suis pas d’avis qu’elles ont démontré que les décisions en cause étaient déraisonnables à cet égard.

(4) Le sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels

[120] Les familles et la SRC laissent toutes les deux entendre que le décideur a commis une erreur dans son évaluation des intérêts liés à la vie privée des détenus et dans sa façon d’aborder le concept d’atteinte au droit à la vie privée. Les deux soutiennent que les détenus n’avaient pas d’attente raisonnable en matière de vie privée en ce qui concerne les documents qui ont été présentés ou examinés à l’audience et les enregistrements de l’audience, et que la divulgation des renseignements non communiqués ne constituait donc pas une atteinte au droit à la vie privée. La SRC soutient en outre que les décideurs ont commis une erreur en n’adoptant pas une analyse contextuelle de la vie privée, mais en se fondant sur [traduction] « une affirmation générale » selon laquelle la divulgation des renseignements non communiqués constituerait une atteinte au droit à la vie privée.

[121] La SRC a fait valoir que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont commis des erreurs susceptibles de révision en ne procédant pas à une analyse contextuelle pour trancher la question de savoir si des renseignements personnels pouvaient être communiqués en vertu de l’exception prévue au sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette disposition permet la divulgation de renseignements personnels lorsque l’intérêt public à la divulgation l’emporte clairement sur l’atteinte au droit à la vie privée découlant de la divulgation des documents.

[122] Elles affirment que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont adopté à tort une approche standard dans leur évaluation des droits à la vie privée en cause et n’ont pas compris que les droits à la vie privée ne sont pas absolus et que toute divulgation de renseignements personnels ne constitue pas une atteinte au droit à la vie privée. Selon la SRC, la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont donc commis une erreur en concluant que le droit à la vie privée des détenus l’emportait sur l’intérêt public de la divulgation sous le régime du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[123] La SRC soutient plutôt que les détenus n’avaient aucune attente raisonnable en matière de protection de la vie privée en ce qui concerne les renseignements non communiqués qui ont été examinés ou présentés lors de leur audience de libération conditionnelle. Elle soutient notamment que :

  • Premièrement, ces audiences sont ouvertes au public, ce qui signifie que l’information est déjà exposée au public lorsqu’elle fait l’objet de discussions à l’audience. Ainsi, une divulgation supplémentaire au moyen d’une copie de l’audience à écouter et des documents effectivement examinés à l’audience ne constitue pas une divulgation supplémentaire radicale, lorsqu’on la compare aux éléments déjà divulgués;

  • Deuxièmement, la demande du détenu auprès de la Commission des libérations conditionnelles pour être autorisé à retourner dans la société [traduction] « exige la renonciation à une certaine mesure de vie privée »;

  • Troisièmement, les détenus ont déjà renoncé à une grande partie de leur vie privée du fait qu’ils ont été condamnés et incarcérés;

  • Quatrièmement, la Commission des libérations conditionnelles a pour mandat de favoriser la transparence et la responsabilisation, ce qui donne à penser que les attentes en matière de vie privée sont moindres;

  • Cinquièmement, la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont jugé que certains renseignements personnels avaient déjà été rendus publics.

[124] Là encore, je ne souscris pas à ces arguments. Les décideurs ont pris en compte les intérêts relatifs à la vie privée en jeu et leurs motifs reflétaient le contexte dans lequel les demandes ont été présentées. Le SCC a rejeté la suggestion selon laquelle les délinquants n’ont pas de droit à la vie privée parce qu’ils ont été déclaré coupable. Les décideurs ont considéré que les détenus s’attendaient à ce que leurs renseignements personnels restent à l’abri de la divulgation publique. De même, les décideurs ont établi une distinction entre recevoir des renseignements lors de témoignages de vive voix au cours d’une audience et recevoir des enregistrements sonores. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une atteinte plus importante à la vie privée en raison de la possibilité que l’information soit largement diffusée. Le SCC a reconnu cette distinction, quoique dans le contexte de la surveillance par les forces de l’ordre, en indiquant que l’atteinte au droit à la vie privée associée à un enregistrement électronique permanent n’est « pas du même ordre de grandeur » que celle découlant d’une simple écoute (R. c Duarte, [1990] 1 RCS 30, à la p 48). Je conclus que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’ont pas commis d’erreur susceptible de contrôle dans leur analyse du droit à la vie privée des détenus en vertu du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(5) L’évaluation des facteurs

[125] Les familles affirment que les décideurs ont mal évalué les différents facteurs qu’ils ont pris en compte. Cet argument est sans fondement. La CSC indique que les cours de révision « […] doivent par ailleurs éviter de soupeser et d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). L’évaluation des facteurs par les décideurs ne devrait pas être perturbée lors du contrôle judiciaire et ne constitue pas un fondement pour intervenir dans la décision.

(6) Les intérêts en matière de vie privée des détenus

[126] Les demandeurs formulent plusieurs observations au sujet des droits des détenus en matière de vie privée.

[127] De façon générale, ils soutiennent que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont pris des décisions déraisonnables, puisque les détenus n’ont [traduction] « aucune attente en matière de protection de la vie privée à l’égard des documents se rapportant au processus décisionnel de la CLCC lors d’une audience publique » ou lors des audiences de la Commission des libérations conditionnelles en général. Ils laissent également entendre que les intérêts en matière de vie privée des détenus qui demandent une libération conditionnelle sont [traduction] « très éloignés de l’intérêt fondamental en matière de vie privée envisagé par la Loi sur la protection des renseignements personnels ». Étant donné qu’ils n’ont pas bien compris l’intérêt en jeu lié à la vie privée, la Commission des libérations conditionnelles et le SCC parviennent à des décisions déraisonnables en comparant l’atteinte au droit à la vie privée et l’intérêt public.

[128] Les demandeurs affirment que le sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas à une audience publique, mais ne présentent aucun autre argument à cet égard.

[129] Ils reprochent également à la Commission des libérations conditionnelles et au SCC d’avoir utilisé un critère d’« atteinte au droit à la vie privée » qui, selon eux, n’est pas fondé sur le cadre législatif et est incompatible avec les objectifs stratégiques de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les demandeurs affirment que les cas relativement limités, évoqués par la Commission des libérations conditionnelles et le SCC comme étant des cas où l’intérêt public pourrait l’emporter sur l’intérêt privé, n’ont aucun fondement dans le sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et ont faussé l’évaluation par la Commission des libérations conditionnelles de l’équilibre entre l’intérêt public de la divulgation et les intérêts des détenus en matière de vie privée.

[130] Enfin, ils reprochent à la Commission des libérations conditionnelles de ne pas avoir fait de distinction entre les intérêts en matière de vie privée en cause dans les enregistrements de l’audience et les dossiers retenus. Ils font valoir que les détenus n’avaient pas d’attente raisonnable en matière de protection de la vie privée à l’égard des enregistrements, compte tenu de la présence des médias et des familles des victimes aux audiences.

[131] Les observations précédentes des demandeurs ne sont pas fondées. Je conviens plutôt que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC de retenir des renseignements personnels à la suite des cinq demandes d’AIPRP ont « […] les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et sont justifiées au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov au para 99).

[132] En vertu du paragraphe 19(2) de la LAI, un décideur peut prendre une décision discrétionnaire de divulguer des renseignements personnels autrement protégés par le paragraphe 19(1) de la LAI pour trois motifs :

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

b) le public y a accès;

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[133] À titre préliminaire, il est utile d’examiner dans quelle mesure les conclusions de l’enquête du CI s’inscrivent dans l’examen du caractère raisonnable effectué par la Cour. Il semble y avoir deux courants jurisprudentiels sur cette question. Selon plusieurs décisions, les conclusions de l’enquête du CI doivent faire l’objet d’« une déférence considérable et revêtent une grande importance » compte tenu de l’expertise du CI (Blank c Canada (Justice), 2015 CF 753 au para 56 [Blank 753]; Blank c Canada (Justice), 2010 CAF 183 au para 35; Tomar c Canada (Parcs), 2018 CF 224 au para 40 [Tomar]). À l’inverse, d’autres précédents laissent entendre que les conclusions du CI ne sont qu’« un facteur pertinent » à prendre en considération (Layoun c Canada (Procureur général), 2014 CF 1041 au para 55 [Layoun]; Blank c Canada (Justice), 2009 CF 1221 au para 26 [Blank 1221]).

[134] Malgré ce désaccord sur le degré de retenue à l’égard des conclusions du CI, la jurisprudence établit clairement que « […] c’est le refus du responsable de l’institution fédérale que la Cour est chargée de revoir, et non les recommandations du commissaire » (Blank 1221 au para 26; Blank 753 au para 56).

[135] La Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont raisonnablement conclu que les deux premiers motifs de communication de renseignements personnels prévus au paragraphe 19(2) de la LAI n’étaient pas réunis. Premièrement, le dossier indique que les détenus n’ont pas consenti à la communication de leurs renseignements personnels respectifs. Ce fait n’est pas contesté par les demandeurs.

[136] Deuxièmement, « le public [n’avait] pas accès » aux renseignements non communiqués au sens de l’alinéa 19(2)b) de la LAI. Dans l’arrêt Lukács, la CAF a énoncé que les renseignements « auxquels le public […] a accès » s’entendent de « ce qui est mis à la disponibilité de l’ensemble des citoyens ou de ce à quoi ils ont accès » (Lukács au para 69). Ni les familles ni la SRC n’ont fourni une définition concurrente de l’expression « auxquels le public a accès » et elles n’ont pas laissé entendre que les renseignements non communiqués étaient accessibles au public au sens de l’arrêt Lukács.

[137] Le fait que les renseignements non communiqués ont été divulgués pendant les audiences de libération conditionnelle ne signifie pas que « le public y a accès » pour les besoins de l’alinéa 19(2)b) de la LAI. Le paragraphe 140(14) de la LSCMLC est explicite et clair : « […] les renseignements et documents qui y sont étudiés ou communiqués ne sont pas réputés être des documents accessibles au public aux fins de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information ». Le législateur avait à l’esprit cette situation particulière lorsqu’il a promulgué cet article. Aussi frustrant que cela puisse être pour les familles, cette interprétation demeure valide. Une restriction similaire s’applique aux renseignements examinés ou mentionnés dans une transcription d’audience, conformément à l’alinéa 140.2(3) de la LSCMLC.

[138] Je conclus que la décision de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC selon laquelle l’intérêt public de divulguer les renseignements non communiqués ne l’emportait pas clairement sur l’atteinte au droit à la vie privée des détenus est raisonnable. Le CI est arrivé à la même conclusion dans ses cinq enquêtes. Je suis d’avis, en gardant à l’esprit les décisions de la Cour dans les affaires Blank, Tomar et Layoun – toutes examinées ci‑dessus au paragraphe 133 – que la détermination du caractère raisonnable par le CI est à tout le moins un facteur qui milite en faveur d’une conclusion de caractère raisonnable et qui peut justifier une grande retenue.

[139] Comme indiqué ci‑dessus, les familles et la SRC contestent le caractère raisonnable des décisions de ne pas divulguer les renseignements non communiqués, tant dans la demande écrite de la SRC que dans les demandes liées aux décisions CLCC‑1, SCC‑1, CLCC‑2, SCC‑2 et CLCC‑3 et dans la demande de la SRC.

[140] La SRC reproche à la Commission des libérations conditionnelles et au SCC de ne pas avoir effectué une analyse contextuelle des intérêts en matière de protection de la vie privée en cause, de considérer que toutes les violations de la vie privée constituent des « atteintes au droit à la vie privée » et de se fonder sur une déclaration généralisée selon laquelle la divulgation de renseignements personnels constitue une atteinte au droit à la vie privée. Selon la SRC, les détenus n’avaient pas d’attente raisonnable en matière de protection de la vie privée à l’égard des documents qui ont été examinés ou présentés lors des audiences de libération conditionnelle, et il était déraisonnable que les décideurs ne tiennent pas compte de ce contexte lorsqu’ils soupèsent ces facteurs pour prendre leurs décisions prises au titre du sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. De plus, la SRC reproche à la Commission des libérations conditionnelles de ne pas avoir tenu compte des renseignements qui étaient déjà publics et de ne pas avoir effectué une analyse des documents particuliers en cause.

[141] Concernant le premier volet du critère à deux étapes pour les examens en vertu de l’article 41 de la LAI, énoncé dans Husky, aux paragraphes 15 et 17, le Canada soutient, et je suis d’accord, que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont eu raison de conclure que les renseignements non communiqués contiennent des renseignements personnels et qu’ils sont donc visés par l’exception prévue au paragraphe 19(1) de la LAI. Le Canada souligne que les demandeurs ne contestent pas que les renseignements non communiqués contiennent des « renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable », ce qui correspond à la définition des renseignements personnels selon la LAI.

[142] Quant au deuxième volet, le Canada soutient que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont raisonnablement exercé leur pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements en vertu du paragraphe 19(2) de la LAI. L’intervention judiciaire n’est justifiée que si la décision a été prise de mauvaise foi ou à une fin illégitime, ou si la décision a tenu compte de facteurs non pertinents ou a omis de tenir compte de facteurs pertinents. Il affirme que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’ont commis aucune erreur de ce genre dans les décisions examinées.

[143] Le Canada soutient que la Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard du CI, lequel a examiné les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC et les a jugées raisonnables (Layoun au para 55; Tomar au para 40). Il affirme donc que c’est à juste titre que les décideurs ont conclu qu’aucune des conditions de divulgation prévues au paragraphe 19(2) de la LAI n’était remplie.

[144] À l’appui de ses arguments, le Canada invoque également le fait que les détenus n’ont pas donné leur consentement (alinéa 19(2)a) de la LAI) et que les renseignements non communiqués n’étaient pas accessibles au public (alinéa 19(2)b) de la LAI). Aucun des renseignements non communiqués ne fait partie du registre des décisions de la Commission des libérations conditionnelles qui sont généralement accessibles aux membres du public. De plus, l’intérêt public à la divulgation des documents ne l’emportait clairement pas sur toute atteinte au droit à la vie privée (alinéa 19(2)c) de la LAI). Le SCC et la Commission des libérations conditionnelles ont agi raisonnablement lorsqu’ils ont mis en équilibre l’intérêt du public à la divulgation et l’atteinte au droit à la vie privée, ainsi que tout autre principe législatif et constitutionnel pertinent, conformément au sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[145] Le Canada soutient que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont tenu compte du [traduction] « besoin des victimes et de la collectivité » et de la mesure dans laquelle le débat public sur la décision de la Commission des libérations conditionnelles peut avoir lieu, même sans accès aux renseignements non communiqués. Il y avait aussi, dit‑il, la possibilité d’un examen par la Section d’appel de la Commission des libérations conditionnelles et d’un contrôle judiciaire des décisions de libération conditionnelle par la Cour fédérale. Le Canada affirme également que les intérêts des victimes ont été pris en considération, ainsi que les intérêts des délinquants en matière de protection de la vie privée, leurs attentes en ce qui concerne les renseignements personnels, le caractère délicat des renseignements, la forte probabilité de préjudice, les effets négatifs sur la réhabilitation et la réintégration, le contexte législatif et l’équilibre établi par la LSCMLC entre l’accès et la protection de la vie privée, et il en fait état dans ses motifs.

[146] Enfin, en ce qui concerne les considérations constitutionnelles, le Canada fait valoir que, bien qu’il n’y ait pas de jurisprudence sur l’application de l’alinéa 2b) de la Charte aux documents non communiqués par le SCC et la Commission des libérations conditionnelles, le critère applicable est énoncé dans Criminal Lawyers. Il soutient que l’alinéa 2b) de la Charte ne garantit l’accès aux documents gouvernementaux « […] que lorsqu’il est démontré qu’il s’agit d’une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu’il soit possible de s’exprimer de manière significative, qu’il n’empiète pas sur des privilèges protégés, et qu’il est compatible avec la fonction de l’institution en cause » (Criminal Lawyers au para 5). De plus, cette nécessité est démontrée si le refus d’accès signifie que le débat public et la critique sur des questions d’intérêt public seraient substantiellement entravés (Criminal Lawyers au para 37). Le Canada affirme qu’il doit y avoir un équilibre proportionnel entre les intérêts.

[147] Je souscris aux observations du Canada concernant ces points.

(7) Doré/Loyola

[148] Une décision administrative raisonnable doit être transparente, intelligible et justifiée (Vavilov au para 15). Lorsqu’une décision administrative risque de porter atteinte aux droits garantis par la Charte, le décideur doit tenir compte de ces intérêts garantis par la constitution et appliquer le cadre Doré/Loyola à son processus décisionnel, en établissant un équilibre entre les objectifs de la loi et les droits des parties (Doré au para 57 et École secondaire Loyola c Québec (Procureur général), 2015 CSC 12 au para 39 [Loyola]). Les motifs sont une bonne indication du processus utilisé par le décideur lors de l’examen de la décision (Vavilov aux para 79‑81).

[149] Selon le cadre dégagé dans les arrêts Doré et Loyola [le cadre Doré/Loyola], la cour de révision doit d’abord se demander si la décision fait intervenir la Charte en restreignant les protections que cette dernière confère et, dans l’affirmative, si la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits en cause protégés par la (Law Society of British Columbia c Trinity Western University, 2018 CSC 32 au para 58 [Trinity Western]).

[150] Pour les motifs exposés ci‑dessus, je ne pense pas que les droits des demandeurs protégés par la Charte ont été limités. Toutefois, dans l’éventualité où je fasse fausse route, je conclus que les motifs font état d’une mise en balance proportionnée entre les droits des demandeurs protégés par la Charte et le droit à la vie privée des détenus. La décision de la majorité rendue dans l’arrêt Trinity Western donne un résumé utile de ce à quoi ressemble une décision raisonnable et proportionnée selon le cadre Doré/Loyola :

[…] Pour qu’une décision soit proportionnée, il ne suffit pas que le décideur se contente de mettre en balance les objectifs de la loi et la protection conférée par la Charte en rendant sa décision. Il faut plutôt que la cour de révision soit convaincue que la décision met en balance de manière proportionnée ces facteurs, c’est‑à‑dire qu’elle « donne effet autant que possible aux protections en cause conférées par la Charte compte tenu du mandat législatif particulier en cause » (Loyola, par. 39). Autrement dit, la protection conférée par la Charte doit être restreinte « aussi peu que cela est raisonnablement possible » eu égard aux objectifs de la loi applicables (Loyola, par. 40). Lorsqu’une décision fait intervenir la Charte, les concepts de raisonnabilité et de proportionnalité deviennent synonymes. En clair, une décision qui a une incidence disproportionnée sur des droits garantis par la Charte n’est pas raisonnable.

[81] La cour de révision doit se demander s’il existait d’autres possibilités raisonnables qui donneraient davantage effet aux protections conférées par la Charte eu égard aux objectifs applicables. Cela ne veut pas dire que le décideur administratif doit choisir la possibilité qui restreint le moins la protection conférée par la Charte. La question que doit se poser la cour de révision est toujours de savoir si la décision se situe à l’intérieur d’une gamme d’issues raisonnables (Doré, par. 57; Loyola, par. 41, citant RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 160). Toutefois, si le décideur disposait raisonnablement d’une possibilité ou d’une solution susceptible de réduire l’incidence sur le droit protégé tout en lui permettant de favoriser suffisamment la réalisation des objectifs pertinents en vertu de la loi, la décision ne se situerait pas à l’intérieur d’une gamme d’issues raisonnables. Il s’agit d’une analyse hautement contextuelle.

82 La cour de révision doit aussi se pencher sur l’importance de la restriction de la protection conférée par la Charte par rapport aux avantages qu’il y a à favoriser la réalisation des objectifs de la loi dans ce contexte (Loyola, par. 68; Doré, par. 56). En conséquence, le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Doré « s’harmonise avec les étapes finales du cadre d’analyse énoncé dans Oakes qui sert pour déterminer si une restriction à un droit garanti par la Charte est raisonnable au regard de l’article premier : atteinte minimale et équilibre » (Loyola, par. 40). En faisant intervenir « les mêmes réflexes justificateurs » que ceux que fait intervenir le test énoncé dans Oakes (Doré, par. 5), l’analyse prescrite dans Doré fait en sorte que la poursuite des objectifs est proportionnée. Dans le cadre de la contestation d’une décision administrative où la constitutionnalité du mandat même confié par la loi n’est pas en cause, la question qu’il convient de se poser est de savoir si le décideur s’est acquitté de ce mandat d’une manière qui est proportionnée à la restriction au droit garanti par la Charte qui s’en est suivie.

(Trinity Western aux para 80‑82)

[151] Les motifs énoncés en l’espèce démontrent qu’il y a eu une prise en compte des facteurs requis aux fins d’une analyse fondée sur le cadre Doré/Loyola. La décision évalue les effets de la divulgation sur l’efficacité du régime législatif, le risque pour la sécurité publique et le préjudice à la réinsertion sociale.

[152] Après avoir examiné les motifs, je conclus que la Commission des libérations conditionnelles a suffisamment envisagé d’autres possibilités raisonnables. Les motifs traitent de la perte de contrôle de l’utilisation future des renseignements, ce qui montre que le décideur a envisagé une divulgation restreinte. Il est également difficile de déterminer quelles autres possibilités seraient raisonnables, et la lettre de la SRC à la Commission des libérations conditionnelles ne suggère aucune solution autre que la divulgation des enregistrements de l’audience. Les motifs soulignent que les médias ont assisté à certaines des audiences de la Commission des libérations conditionnelles pour lesquelles la divulgation est demandée, ce qui pourrait être considéré comme une solution de rechange à la divulgation de l’information.

[153] Les motifs n’ont pas à être parfaits et à traiter de toutes les possibilités (Vavilov au para 91). « La “justice administrative” ne ressemble pas toujours à la “justice judiciaire” et les cours de révision doivent en demeurer pleinement conscientes » (Vavilov au para 92). Les motifs doivent être interprétés à la lumière de l’historique et du contexte de la procédure, ainsi qu’à la lumière du dossier (Vavilov aux para 91, 94). Cela ne signifie pas que la cour de révision peut fournir des motifs qui n’ont pas été énoncés, mais cela lui permet d’interpréter les motifs « […] de façon globale et contextuelle. L’objectif est justement de comprendre le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov au para 97). Bien que la Commission des libérations conditionnelles n’ait peut‑être pas envisagé les solutions de rechange souhaitées par la SRC, notamment la diffusion de certaines parties des enregistrements, les motifs et la loi indiquent qu’elle a réfléchi à la façon de permettre aux médias d’avoir accès à l’information lors des audiences de libération conditionnelle. L’autre possibilité est que les médias peuvent assister aux audiences en tant qu’observateurs et entendre les présentations et les discussions. Il a été concédé à l’audience que les demandes des médias en vue d’assister aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles n’ont pas été refusées jusqu’à présent.

[154] Bien que la SRC prétende qu’il existe une politique générale de refus de fournir les renseignements non communiqués, la réponse longue et étayée de la Commission des libérations conditionnelles fait abstraction de cette politique.

[155] Le raisonnement est que, puisque les médias ont accès aux audiences, ils ont un accès direct à l’information lorsqu’elle est enregistrée. À mon sens, le fait que la Commission des libérations conditionnelles refuse de divulguer les enregistrements sonores, conformément au paragraphe 140(13) de la LSCMLC, n’indique pas qu’elle n’a pas tenu compte des droits des médias. Par ailleurs, le fait qu’ils soient autorisés à assister à l’audience démontre que le législateur a envisagé cette question.

[156] De plus, le fait que la Commission des libérations conditionnelles ne divulgue pas les enregistrements sonores aux médias ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de mise en balance; un tribunal peut examiner une question, prendre une décision sur la divulgation, puis suivre cette décision lors de demandes ultérieures portant sur les mêmes faits. L’affirmation de la SRC selon laquelle la décision n’a pas tenu compte de facteurs spécifiques à l’affaire est tout simplement fausse – elle tient compte de facteurs communs à toute affaire, mais cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas également propres aux détenus. La décision mentionne spécifiquement la réhabilitation, la réintégration et d’autres facteurs qui toucheraient directement certaines personnes en particulier qui pourraient se voir accorder une libération conditionnelle, même si dans les cas présents, cela est très improbable.

[157] La décision de la Commission des libérations conditionnelles, en réponse à la demande de la SRC, a tenu compte de la question de l’équilibre mentionné dans l’arrêt Doré/Loyola dans ses motifs, en expliquant le raisonnement ayant abouti à la décision. Tout d’abord, la décision souligne que la Commission des libérations conditionnelles a la compétence exclusive et la discrétion absolue d’accorder, de refuser, ou de révoquer la libération conditionnelle, et d’y mettre fin. En ce qui concerne l’accès du public aux audiences, la Commission indique que des mesures sont prises pour assurer la sécurité de toutes les parties et que les demandes d’observation des audiences doivent être soumises à l’avance. La décision explique ensuite pourquoi les audiences sont inquisitoires et non contradictoires. Elle souligne que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles impliquent souvent des tiers, ainsi que des preuves médicales et des évaluations psychologiques, et que, malgré le fait que des observateurs peuvent demander à y assister, les audiences ne sont pas considérées comme ouvertes au public. La décision renvoie ensuite à l’arrêt Mooring pour répondre à l’argument selon lequel la Commission des libérations conditionnelles est une instance judiciaire ou quasi judiciaire, et conclut que le principe de la publicité des débats judiciaires ne s’applique pas à la Commission des libérations conditionnelles. Cette question est examinée ci‑dessus.

[158] Les motifs traitent ensuite des questions relatives à l’alinéa 2b) de la Charte. Ils indiquent que la CSC a récemment conclu que la Charte ne garantit pas l’accès à tous les documents gouvernementaux et que, à son avis, la SRC a le fardeau de démontrer que la divulgation « […] est nécessaire à la tenue d’une discussion et d’un débat significatifs sur une question d’intérêt public ». Les sept paragraphes suivants de la décision expliquent en détail comment la Commission des libérations conditionnelles est arrivée à sa décision et comment elle a mis en équilibre les droits garantis par la Charte et les mandats que lui confère la loi. Les motifs comprennent des références à la SRC, ainsi que des réponses directes à la fois en ce qui concerne la LSCMLC et la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[159] S’il est vrai que la décision ne fournit pas de renseignements détaillés sur les droits et les intérêts particuliers en matière de protection de la vie privée des personnes concernées, je ne conclus pas que cela ait pour effet de vicier le caractère exhaustif des motifs. Il n’y a aucune raison pour que la mise en balance des facteurs ne puisse pas se faire à un niveau plus élevé, et être généralisée pour inclure les « victimes » et les « délinquants ». Il convient de souligner, à cet égard, que la demande de la SRC visait la divulgation d’enregistrements de plusieurs audiences de libération conditionnelle de plusieurs détenus. Je conclus que le fait que la Commission des libérations conditionnelles fournisse des motifs généraux est approprié en l’espèce, et permet à la partie qui reçoit la décision de comprendre comment la Commission des libérations conditionnelles est arrivée à sa décision.

[160] En somme, je suis d’avis que la Commission des libérations conditionnelles a établi un équilibre proportionnel entre les valeurs consacrées par la Charte et les objectifs et mandats que lui impose la loi. Les médias et le public ont le droit de demander à assister aux audiences. Les demandes ne sont refusées qu’en fonction de la liste des situations décrites au paragraphe 140(4) de la LSCMLC. Les médias ont assisté aux audiences de libération conditionnelle. Cela démontre un équilibre raisonnable entre les droits des médias et du public protégés par la Charte et le droit à la vie privée des détenus. Rien n’est caché, mais il y a un contrôle du flux de renseignements privés. Il n’y a rien de disproportionné à imposer aux médias le fardeau de veiller à assister aux audiences de libération conditionnelle en question.

[161] En somme, je suis d’avis que la décision de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC de ne pas divulguer les renseignements non communiqués était raisonnable.

VIII. Conclusion

[162] Je rejette les demandes.

IX. Dépens

[163] Les familles et le Canada ont tous deux présenté des observations après l’audience sur les dépens et les mémoires de frais pour les cinq demandes qu’ils ont présentées. Ces parties n’ont pas pu s’entendre sur un montant.

[164] Le mémoire de frais des familles, daté du 11 mars 2021, s’élevait à 33 195,01 $. Celui du Canada était de 19 142,27 $. Les familles soutiennent [traduction] « […] qu’elles ont droit aux dépens, qu’elles obtiennent gain de cause ou non. À titre subsidiaire, aucuns dépens ne devraient être accordés à l’encontre des demandeurs ».

[165] Les familles affirment qu’il s’agissait d’une cause type et d’un litige d’intérêt public, et qu’elles devraient donc être traitées différemment. De plus, les familles ont suffisamment souffert et l’octroi de dépens à leur encontre choquerait le public canadien. Elles poursuivent leurs observations en déclarant que, même si elles n’ont pas gain de cause, elles devraient avoir droit aux dépens, parce que [traduction] « le législateur affirme clairement que le public bénéficie de ces types d’instances judiciaires et qu’elles devraient être encouragées. Il ne devrait pas y avoir d’épée de Damoclès au‑dessus de la tête des Canadiens qui présentent des causes d’intérêt public responsables et authentiques ». Les familles énumèrent ensuite un certain nombre de raisons pour lesquelles les dépens devraient leur être accordés si leurs demandes sont rejetées. Les familles se sont appuyées sur les arrêts Ruby c Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75 et Canada (Service correctionnel) c Yeager, 2003 CAF 30 au para 68 [Yeager], ainsi que sur la décision Bonner c Via Rail Canada, 2009 CF 857 au para 130. Il s’agit dans tous les cas d’affaires où les dépens ont été accordés à la partie déboutée.

[166] Le Canada soutient que les dépens devraient suivre l’issue de la cause et qu’il devrait se voir accorder une somme forfaitaire de 19 142,27 $. Ce montant est calculé sur la base de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales. Le Canada s’appuie sur le paragraphe 53(1) de la LAI qui traite des demandes de contrôle judiciaire fondées sur l’article 41.

[167] Le Canada fait valoir que les familles n’ont pas fourni d’argument valable pour que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire autrement, étant donné qu’elles ne satisfont pas aux facteurs permettant de les considérer comme plaideurs d’intérêt public qui ont été énoncés dans la décision Mcewing c Canada (Procureur général), 2013 CF 953 aux para 13‑14. Ces facteurs sont les suivants :

a) l’instance se rapporte à des questions dont l’importance s’étend au‑delà des intérêts immédiats des parties en cause;

b) la personne en cause n’a aucun intérêt personnel, propriétal ou pécuniaire dans le résultat de l’instance ou, si elle en a un, cela ne justifie clairement pas l’introduction de l’instance sur le plan financier;

c) aucun tribunal n’a déjà statué sur les questions en litige dans une instance contre le même défendeur;

d) le défendeur est clairement davantage en mesure de supporter les dépens de l’instance;

e) le demandeur n’a pas agi d’une façon vexatoire, futile ou abusive.

[168] Le Canada soutient que la présente demande n’est pas un litige d’intérêt public et qu’il s’agit en fait d’un intérêt intrinsèquement personnel, car [traduction] « l’objectif personnel [des familles] est d’utiliser les renseignements recherchés pour faire des déclarations à la Commission des libérations conditionnelles ». Il soutient également que si la première demande présentée en 2012 avait été entendue en temps opportun, il y aurait eu un précédent à suivre, mais qu’au lieu de cela, il y a eu [traduction] « […] des instances multiples et redondantes qui ont inutilement retardé et compliqué le processus et qui ont nécessité une conférence de gestion de cas supplémentaire, deux audiences d’examen de libération conditionnelle et de grandes quantités de documents. » Il affirme qu’une ordonnance raisonnable relative aux dépens à son encontre n’est pas justifiée, compte tenu de la conduite des familles.

[169] De plus, le Canada s’oppose fermement à ce que les dépens soient octroyés aux familles si elles n’ont pas gain de cause, étant donné que [traduction] « la résolution des présentes instances impliquait l’application de ces principes d’interprétation bien établis aux dossiers de renseignements personnels, dans le cadre des examens correctionnels et des libérations conditionnelles, et non une question nouvelle ou unique liée à l’interprétation d’une disposition de la LAI ». Les questions constitutionnelles liées à l’alinéa 2b) n’étaient pas non plus nouvelles, car des parties avaient invoqué le principe de la publicité des débats par le passé pour tenter d’avoir accès à des dossiers privés (Toronto Star 2018; Southham MCI). Le Canada établit également une distinction avec l’affaire Yeager et souligne que, même s’il s’agissait d’une affaire relative au paragraphe 53(2), c’était la première fois que le paragraphe 4(3) de la LAI et l’article 3 du règlement connexe étaient examinés, alors que l’article 19 de la LAI et le sous‑alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels font souvent l’objet de litiges. Je fais remarquer que l’article 3 du Règlement n’a jamais été porté à l’attention de la Cour et que les familles ne l’ont jamais fait valoir dans leurs observations.

[170] Bien que je convienne avec le Canada qu’il ne s’agit pas d’une question d’intérêt public ou d’une cause type, je dispose d’un pouvoir discrétionnaire, suivant mon examen des facteurs énumérés à l’article 400 des Règles des Cours fédérales. Les familles ont suffisamment souffert. Ce que j’ai compris dans la longue demande, c’est que les familles cherchent en réalité à obtenir un changement législatif qui doit se faire au niveau politique. Elles ne peuvent pas obtenir ce qu’elles recherchent au moyen d’une demande de contrôle judiciaire.

[171] J’ai pris en considération les observations concernant la situation financière de chaque famille et j’accorderai au Canada, en tant que partie qui a eu gain de cause, un montant forfaitaire de 4 000 $ (incluant les taxes et les débours) au titre des dépens. Les détenus n’ont pas participé à l’instance et ne recevront donc pas de dépens. Des dépens ne seront pas non plus adjugés à l’encontre de l’intervenante, la SRC.

[172] La demanderesse, la SRC, et la défenderesse, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, ont convenu que le montant de 5 770 $ au titre des dépens soit accordé à la partie qui obtiendra gain de cause dans la demande T‑1884‑19. Par conséquent, la SRC devra verser à la défenderesse la somme forfaitaire de 5 770 $ au titre des dépens.


JUGEMENT dans les dossiers T‑1358‑12, T‑101‑18, T‑102‑18, T‑103‑18 et T‑465‑20

LA COUR STATUE que :

  1. Les demandes sont rejetées.

  2. En ce qui concerne les demandes dans les dossiers T‑1358‑12, T‑101‑18, T‑102‑18, T‑103–18 et T‑465‑20, les dépens sont accordés aux défendeurs, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le procureur général du Canada, le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, sous forme d’une somme forfaitaire de 4 000 $, qui comprend les frais, les taxes et les débours : les demandeurs doivent acquitter cette somme sur‑le‑champ.

  3. Quant au dossier T‑1884‑19, les dépens sont accordés à la défenderesse, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, sous forme d’une somme forfaitaire de 5 770 $, qui comprend les taxes et débours inclus : la SRC, demanderesse dans ces dossiers, doit acquitter cette somme sur‑le‑champ.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


ANNEXE A

Loi sur l’accès à l’information (L.R.C., 1985, ch A‑1)

Objet de la loi

2 (1) La présente loi a pour objet d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions.

Purpose of Act

2 (1) The purpose of this Act is to enhance the accountability and transparency of federal institutions in order to promote an open and democratic society and to enable public debate on the conduct of those institutions.

Renseignements personnels

19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements personnels.

Cas où la divulgation est autorisée

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

b) le public y a accès;

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Personal information

19 (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains personal information.

Where disclosure authorized

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Part that contains personal information if

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;

(b) the information is publicly available; or

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

Renseignements de tiers

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

b.1) des renseignements qui, d’une part, sont fournis à titre confidentiel à une institution fédérale par un tiers en vue de l’élaboration, de la mise à jour, de la mise à l’essai ou de la mise en œuvre par celle‑ci de plans de gestion des urgences au sens de l’article 2 de la Loi sur la gestion des urgences et, d’autre part, portent sur la vulnérabilité des bâtiments ou autres ouvrages de ce tiers, ou de ses réseaux ou systèmes, y compris ses réseaux ou systèmes informatiques ou de communication, ou sur les méthodes employées pour leur protection;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

Third party information

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

(a) trade secrets of a third party;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

(b.1) information that is supplied in confidence to a government institution by a third party for the preparation, maintenance, testing or implementation by the government institution of emergency management plans within the meaning of section 2 of the Emergency Management Act and that concerns the vulnerability of the third party’s buildings or other structures, its networks or systems, including its computer or communications networks or systems, or the methods used to protect any of those buildings, structures, networks or systems;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.


ANNEXE B

Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C., 1985, ch P‑21)

Communication des renseignements personnels

8 (1) Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément au présent article.

Cas d’autorisation

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

a) communication aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins;

b) communication aux fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication;

c) communication exigée par subpoena, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de renseignements;

d) communication au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral;

e) communication à un organisme d’enquête déterminé par règlement et qui en fait la demande par écrit, en vue de faire respecter des lois fédérales ou provinciales ou pour la tenue d’enquêtes licites, pourvu que la demande précise les fins auxquelles les renseignements sont destinés et la nature des renseignements demandés;

f) communication aux termes d’accords ou d’ententes conclus d’une part entre le gouvernement du Canada ou l’un de ses organismes et, d’autre part, le gouvernement d’une province ou d’un État étranger, une organisation internationale d’États ou de gouvernements, le conseil de la première nation de Westbank, le conseil de la première nation participante — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la compétence des Premières Nations en matière d’éducation en Colombie‑Britannique —, le conseil de la première nation participante — au sens de l’article 2 de la Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes — ou l’un de leurs organismes, en vue de l’application des lois ou pour la tenue d’enquêtes licites;

g) communication à un parlementaire fédéral en vue d’aider l’individu concerné par les renseignements à résoudre un problème;

h) communication pour vérification interne au personnel de l’institution ou pour vérification comptable au bureau du contrôleur général ou à toute personne ou tout organisme déterminé par règlement;

i) communication à Bibliothèque et Archives du Canada pour dépôt;

j) communication à toute personne ou à tout organisme, pour des travaux de recherche ou de statistique, pourvu que soient réalisées les deux conditions suivantes :

(i) le responsable de l’institution est convaincu que les fins auxquelles les renseignements sont communiqués ne peuvent être normalement atteintes que si les renseignements sont donnés sous une forme qui permette d’identifier l’individu qu’ils concernent;

(ii) la personne ou l’organisme s’engagent par écrit auprès du responsable de l’institution à s’abstenir de toute communication ultérieure des renseignements tant que leur forme risque vraisemblablement de permettre l’identification de l’individu qu’ils concernent;

k) communication à tout gouvernement autochtone, association d’autochtones, bande d’Indiens, institution fédérale ou subdivision de celle‑ci, ou à leur représentant, en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs;

l) communication à toute institution fédérale en vue de joindre un débiteur ou un créancier de Sa Majesté du chef du Canada et de recouvrer ou d’acquitter la créance;

m) communication à toute autre fin dans les cas où, de l’avis du responsable de l’institution :

(i) des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée,

(ii) l’individu concerné en tirerait un avantage certain.

Communication par Bibliothèque et Archives du Canada

(3) Sous réserve des autres lois fédérales, les renseignements personnels qui relèvent de Bibliothèque et Archives du Canada et qui y ont été versés pour dépôt ou à des fins historiques par une institution fédérale peuvent être communiqués conformément aux règlements pour des travaux de recherche ou de statistique.

Copie des demandes faites en vertu de l’al. (2)e)

(4) Le responsable d’une institution fédérale conserve, pendant la période prévue par les règlements, une copie des demandes reçues par l’institution en vertu de l’alinéa (2)e) ainsi qu’une mention des renseignements communiqués et, sur demande, met cette copie et cette mention à la disposition du Commissaire à la protection de la vie privée.

Avis de communication dans le cas de l’al. (2)m)

(5) Dans le cas prévu à l’alinéa (2)m), le responsable de l’institution fédérale concernée donne un préavis écrit de la communication des renseignements personnels au Commissaire à la protection de la vie privée si les circonstances le justifient; sinon, il en avise par écrit le Commissaire immédiatement après la communication. La décision de mettre au courant l’individu concerné est laissée à l’appréciation du Commissaire.

Définition de bande d’Indiens

(6) L’expression bande d’Indiens à l’alinéa (2)k) désigne :

a) soit une bande au sens de la Loi sur les Indiens;

b) soit la bande au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission crie‑naskapie;

c) soit la bande au sens de la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, chapitre 27 des Statuts du Canada de 1986;

d) la première nation dont le nom figure à l’annexe II de la Loi sur l’autonomie gouvernementale des Premières Nations du Yukon.

Définition de gouvernement autochtone

(7) L’expression gouvernement autochtone à l’alinéa (2)k) s’entend :

a) du gouvernement nisga’a, au sens de l’Accord définitif nisga’a mis en vigueur par la Loi sur l’Accord définitif nisga’a;

b) du conseil de la première nation de Westbank;

c) du gouvernement tlicho, au sens de l’article 2 de la Loi sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho;

d) du gouvernement nunatsiavut, au sens de l’article 2 de la Loi sur l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador;

e) du conseil de la première nation participante, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la compétence des Premières Nations en matière d’éducation en Colombie‑Britannique;

e.1) du gouvernement tlaamin, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord définitif concernant les Tlaamins;

f) du gouvernement tsawwassen, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord définitif concernant la Première Nation de Tsawwassen;

f.1) du Gouvernement de la nation crie, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, ou d’une première nation crie, au sens du paragraphe 2(2) de cette loi;

g) de tout gouvernement maanulth, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord définitif concernant les Premières Nations maanulthes;

h) du gouvernement de l’oyate dakota de Sioux Valley, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur la gouvernance de la nation dakota de Sioux Valley;

i) du conseil de la première nation participante, au sens de l’article 2 la Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes.

Définition de conseil de la première nation de Westbank

(8) L’expression conseil de la première nation de Westbank aux alinéas (2)f) et (7)b) s’entend du conseil au sens de l’Accord d’autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank mis en vigueur par la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank.

Disclosure of personal information

8 (1) Personal information under the control of a government institution shall not, without the consent of the individual to whom it relates, be disclosed by the institution except in accordance with this section.

Where personal information may be disclosed

(2) Subject to any other Act of Parliament, personal information under the control of a government institution may be disclosed

(a) for the purpose for which the information was obtained or compiled by the institution or for a use consistent with that purpose;

(b) for any purpose in accordance with any Act of Parliament or any regulation made thereunder that authorizes its disclosure;

(c) for the purpose of complying with a subpoena or warrant issued or order made by a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information or for the purpose of complying with rules of court relating to the production of information;

(d) to the Attorney General of Canada for use in legal proceedings involving the Crown in right of Canada or the Government of Canada;

(e) to an investigative body specified in the regulations, on the written request of the body, for the purpose of enforcing any law of Canada or a province or carrying out a lawful investigation, if the request specifies the purpose and describes the information to be disclosed;

(f) under an agreement or arrangement between the Government of Canada or any of its institutions and the government of a province, the council of the Westbank First Nation, the council of a participating First Nation as defined in subsection 2(1) of the First Nations Jurisdiction over Education in British Columbia Act, the council of a participating First Nation as defined in section 2 of the Anishinabek Nation Education Agreement Act, the government of a foreign state, an international organization of states or an international organization established by the governments of states, or any institution of any such government or organization, for the purpose of administering or enforcing any law or carrying out a lawful investigation;

(g) to a member of Parliament for the purpose of assisting the individual to whom the information relates in resolving a problem;

(h) to officers or employees of the institution for internal audit purposes, or to the office of the Comptroller General or any other person or body specified in the regulations for audit purposes;

(i) to the Library and Archives of Canada for archival purposes;

(j) to any person or body for research or statistical purposes if the head of the government institution

(i) is satisfied that the purpose for which the information is disclosed cannot reasonably be accomplished unless the information is provided in a form that would identify the individual to whom it relates, and

(ii) obtains from the person or body a written undertaking that no subsequent disclosure of the information will be made in a form that could reasonably be expected to identify the individual to whom it relates;

(k) to any aboriginal government, association of aboriginal people, Indian band, government institution or part thereof, or to any person acting on behalf of such government, association, band, institution or part thereof, for the purpose of researching or validating the claims, disputes or grievances of any of the aboriginal peoples of Canada;

(l) to any government institution for the purpose of locating an individual in order to collect a debt owing to Her Majesty in right of Canada by that individual or make a payment owing to that individual by Her Majesty in right of Canada; and

(m) for any purpose where, in the opinion of the head of the institution,

(i) the public interest in disclosure clearly outweighs any invasion of privacy that could result from the disclosure, or

(ii) disclosure would clearly benefit the individual to whom the information relates.

Personal information disclosed by Library and Archives of Canada

(3) Subject to any other Act of Parliament, personal information under the custody or control of the Library and Archives of Canada that has been transferred there by a government institution for historical or archival purposes may be disclosed in accordance with the regulations to any person or body for research or statistical purposes.

Copies of requests under paragraph (2)(e) to be retained (2)e)

(4) The head of a government institution shall retain a copy of every request received by the government institution under paragraph (2)(e) for such period of time as may be prescribed by regulation, shall keep a record of any information disclosed pursuant to the request for such period of time as may be prescribed by regulation and shall, on the request of the Privacy Commissioner, make those copies and records available to the Privacy Commissioner.

Notice of disclosure under paragraph (2)(m) (2)m)

(5) The head of a government institution shall notify the Privacy Commissioner in writing of any disclosure of personal information under paragraph (2)(m) prior to the disclosure where reasonably practicable or in any other case forthwith on the disclosure, and the Privacy Commissioner may, if the Commissioner deems it appropriate, notify the individual to whom the information relates of the disclosure.

Definition of Indian band

6) In paragraph (2)(k), Indian band means

(a) a band, as defined in the Indian Act;

(b) the band, as defined in subsection 2(1) of the Naskapi and the Cree‑Naskapi Commission Act;

(c) the Band, as defined in the Sechelt Indian Band Self‑Government Act, chapter 27 of the Statutes of Canada, 1986; or

(d) a first nation named in Schedule II to the Yukon First Nations Self‑Government Act.

Definition of aboriginal government

(7) The expression aboriginal government in paragraph (2)(k) means

(a) Nisga’a Government, as defined in the Nisga’a Final Agreement given effect by the Nisga’a Final Agreement Act;

(b) the council of the Westbank First Nation;

(c) the Tlicho Government, as defined in section 2 of the Tlicho Land Claims and Self‑Government Act;

(d) the Nunatsiavut Government, as defined in section 2 of the Labrador Inuit Land Claims Agreement Act;

(e) the council of a participating First Nation as defined in subsection 2(1) of the First Nations Jurisdiction over Education in British Columbia Act;

(e.1) the Tla’amin Government, as defined in subsection 2(2) of the Tla’amin Final Agreement Act;

(f) the Tsawwassen Government, as defined in subsection 2(2) of the Tsawwassen First Nation Final Agreement Act;

(f.1) the Cree Nation Government, as defined in subsection 2(1) of the Cree Nation of Eeyou Istchee Governance Agreement Act or a Cree First Nation, as defined in subsection 2(2) of that Act;

(g) a Maanulth Government, within the meaning of subsection 2(2) of the Maanulth First Nations Final Agreement Act;

(h) Sioux Valley Dakota Oyate Government, within the meaning of subsection 2(2) of the Sioux Valley Dakota Nation Governance Act; or

(i) the council of a participating First Nation as defined in section 2 of the Anishinabek Nation Education Agreement Act.

Definition of council of the Westbank First Nation

(8) The expression council of the Westbank First Nation in paragraphs (2)(f) and (7)(b) means the council, as defined in the Westbank First Nation Self‑Government Agreement given effect by the Westbank First Nation Self‑Government Act.


ANNEXE C

Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte)

Libertés fondamentales

2 Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

Fundamental freedoms

2 Everyone has the following fundamental freedoms:

(b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication;

Recours en cas d’atteinte aux droits et libertés

24 (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

Enforcement of guaranteed rights and freedoms

24 (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.


ANNEXE D

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, (L.C., 1992, ch 20)

Critère prépondérant

3.1 La protection de la société est le critère prépondérant appliqué par le Service dans le cadre du processus correctionnel.

Paramount consideration

3.1 The protection of society is the paramount consideration for the Service in the corrections process.

Principes de fonctionnement

4 Le Service est guidé, dans l’exécution du mandat visé à l’article 3, par les principes suivants :

a) l’exécution de la peine tient compte de toute information pertinente dont le Service dispose, notamment les motifs et recommandations donnés par le juge qui l’a prononcée, la nature et la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité du délinquant, les renseignements obtenus au cours du procès ou de la détermination de la peine ou fournis par les victimes, les délinquants ou d’autres éléments du système de justice pénale, ainsi que les directives ou observations de la Commission des libérations conditionnelles du Canada en ce qui touche la libération;

b) il accroît son efficacité et sa transparence par l’échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les victimes, les délinquants et les autres éléments du système de justice pénale ainsi que par la communication de ses directives d’orientation générale et programmes correctionnels tant aux victimes et aux délinquants qu’au public;

c) il prend les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, sont les moins privatives de liberté;

c.1) il envisage des solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier, notamment celles prévues aux articles 29 et 81;

c.2) il assure la prestation efficace des programmes offerts aux délinquants, notamment les programmes correctionnels et les programmes d’éducation, de formation professionnelle et de bénévolat, en vue d’améliorer l’accès aux solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier et de promouvoir la réadaptation;

d) le délinquant continue à jouir des droits reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou la restriction légitime est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée;

e) il facilite la participation du public aux questions relatives à ses activités;

f) ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;

g) ses directives d’orientation générale, programmes et pratiques respectent les différences ethniques, culturelles, religieuses et linguistiques, ainsi qu’entre les sexes, l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, et tiennent compte des besoins propres aux femmes, aux Autochtones, aux minorités visibles, aux personnes nécessitant des soins de santé mentale et à d’autres groupes;

h) il est attendu que les délinquants observent les règlements pénitentiaires et les conditions d’octroi des permissions de sortir, des placements à l’extérieur, des libérations conditionnelles ou d’office et des ordonnances de surveillance de longue durée et participent activement à la réalisation des objectifs énoncés dans leur plan correctionnel, notamment les programmes favorisant leur réadaptation et leur réinsertion sociale;

i) il veille au bon recrutement et à la bonne formation de ses agents, leur offre de bonnes conditions de travail dans un milieu exempt de pratiques portant atteinte à la dignité humaine, un plan de carrière avec la possibilité de se perfectionner ainsi que l’occasion de participer à l’élaboration des directives d’orientation générale et programmes correctionnels.

Principles that guide Service

4 The principles that guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are as follows:

(a) the sentence is carried out having regard to all relevant available information, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, the nature and gravity of the offence, the degree of responsibility of the offender, information from the trial or sentencing process, the release policies of and comments from the Parole Board of Canada and information obtained from victims, offenders and other components of the criminal justice system;

(b) the Service enhances its effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with victims, offenders and other components of the criminal justice system and through communication about its correctional policies and programs to victims, offenders and the public;

(c) the Service uses the least restrictive measures consistent with the protection of society, staff members and offenders;

(c.1) the Service considers alternatives to custody in a penitentiary, including the alternatives referred to in sections 29 and 81;

(c.2) the Service ensures the effective delivery of programs to offenders, including correctional, educational, vocational training and volunteer programs, with a view to improving access to alternatives to custody in a penitentiary and to promoting rehabilitation;

(d) offenders retain the rights of all members of society except those that are, as a consequence of the sentence, lawfully and necessarily removed or restricted;

(e) the Service facilitates the involvement of members of the public in matters relating to the operations of the Service;

(f) correctional decisions are made in a forthright and fair manner, with access by the offender to an effective grievance procedure;

(g) correctional policies, programs and practices respect gender, ethnic, cultural, religious and linguistic differences, sexual orientation and gender identity and expression, and are responsive to the special needs of women, Indigenous persons, visible minorities, persons requiring mental health care and other groups;

(h) offenders are expected to obey penitentiary rules and conditions governing temporary absences, work release, parole, statutory release and long‑term supervision and to actively participate in meeting the objectives of their correctional plans, including by participating in programs designed to promote their rehabilitation and reintegration; and

(i) staff members are properly selected and trained and are given


(i) appropriate career development opportunities,


(ii) good working conditions, including a workplace environment that is free of practices that undermine a person’s sense of personal dignity, and


(iii) opportunities to participate in the development of correctional policies and programs.

Communication de renseignements à la victime

26 (1) Sur demande de la victime, le commissaire :

a) communique à celle‑ci les renseignements suivants :

(i) le nom du délinquant,

(ii) l’infraction dont il a été trouvé coupable et le tribunal qui l’a condamné,

(iii) la date de début et la durée de la peine qu’il purge,

(iv) les dates d’admissibilité et d’examen applicables aux permissions de sortir ou à la libération conditionnelle;

b) peut lui communiquer tout ou partie des renseignements suivants si, à son avis, l’intérêt de la victime justifierait nettement une éventuelle violation de la vie privée du délinquant :

(i) l’âge du délinquant,

(ii) le nom et l’emplacement du pénitencier où il est détenu,

(ii.1) en cas de transfèrement dans un autre pénitencier, le nom et l’emplacement de celui‑ci et un résumé des motifs du transfèrement,

(ii.2) dans la mesure du possible, un préavis du transfèrement dans un établissement à sécurité minimale au sens des directives du commissaire, le nom et l’emplacement de l’établissement et un résumé des motifs du transfèrement,

(ii.3) les programmes visant à répondre aux besoins et à contribuer à la réinsertion sociale des délinquants auxquels le délinquant participe ou a participé,

(ii.4) les infractions disciplinaires graves qu’il a commises,

(iii) des renseignements concernant son plan correctionnel, notamment les progrès qu’il a accomplis en vue d’en atteindre les objectifs,

(iv) la date de toute audience prévue à l’égard de l’examen visé à l’article 130,

(v) son renvoi du Canada dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés avant l’expiration de sa peine,

(vi) [Abrogé, 2015, ch. 13, art. 46]

(vii) s’il est sous garde et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il ne l’est pas;

c) lui communique tout ou partie des renseignements ci‑après si, à son avis, cette communication n’aurait pas d’incidence négative sur la sécurité du public :

(i) la date de la mise en liberté du délinquant au titre d’une permission de sortir, d’un placement à l’extérieur ou de la libération conditionnelle ou d’office,

(ii) les conditions dont est assorti la permission de sortir, le placement à l’extérieur ou la libération conditionnelle ou d’office,

(iii) la destination du délinquant lors de sa permission de sortir et les raisons de celle‑ci, sa destination lors de son placement à l’extérieur, sa libération conditionnelle ou d’office et son éventuel rapprochement de la victime, selon son itinéraire;

d) lui donne accès à une photographie du délinquant au premier des événements ci‑après, ou à toute nouvelle photographie du délinquant prise par le Service par la suite, si, à son avis, cet accès n’aurait pas d’incidence négative sur la sécurité du public :

(i) la mise en liberté du délinquant lors d’une permission de sortir sans escorte,

(ii) son placement à l’extérieur,

(iii) sa libération conditionnelle,

(iv) sa libération d’office ou l’expiration de sa peine.

Disclosure of information to victims

26 (1) At the request of a victim of an offence committed by an offender, the Commissioner

(a) shall disclose to the victim the following information about the offender:

(i) the offender’s name,

(ii) the offence of which the offender was convicted and the court that convicted the offender,

(iii) the date of commencement and length of the sentence that the offender is serving, and

(iv) eligibility dates and review dates applicable to the offender under this Act in respect of temporary absences or parole;

(b) may disclose to the victim any of the following information about the offender, where in the Commissioner’s opinion the interest of the victim in such disclosure clearly outweighs any invasion of the offender’s privacy that could result from the disclosure:

(i) the offender’s age,

(ii) the name and location of the penitentiary in which the sentence is being served,

(ii.1) if the offender is transferred, a summary of the reasons for the transfer and the name and location of the penitentiary in which the sentence is being served,

(ii.2) if the offender is to be transferred to a minimum security institution as designated by Commissioner’s Directive and it is possible to notify the victim before the transfer, a summary of the reasons for the transfer and the name and location of the institution in which the sentence is to be served,

(ii.3) the programs that were designed to address the needs of the offender and contribute to their successful reintegration into the community in which the offender is participating or has participated,

(ii.4) the serious disciplinary offences that the offender has committed,

(iii) information pertaining to the offender’s correctional plan, including information regarding the offender’s progress towards meeting the objectives of the plan,

(iv) the date of any hearing for the purposes of a review under section 130,

(v) that the offender has been removed from Canada under the Immigration and Refugee Protection Act before the expiration of the sentence, and

(vi) [Repealed, 2015, c. 13, s. 46] (vii) whether the offender is in custody and, if not, the reason why the offender is not in custody;

(c) shall disclose to the victim any of the following information about the offender, if, in the Commissioner’s opinion, the disclosure would not have a negative impact on the safety of the public:

(i) the date, if any, on which the offender is to be released on temporary absence, work release, parole or statutory release,

(ii) the conditions attached to the offender’s temporary absence, work release, parole or statutory release,

(iii) the destination of the offender on any temporary absence, work release, parole or statutory release, whether the offender will be in the vicinity of the victim while travelling to that destination and the reasons for any temporary absence; and

(d) shall provide the victim with access to a photograph of the offender taken on the occurrence of the earliest of any of the following—and any subsequent photograph of the offender taken by the Service—if, in the Commissioner’s opinion, to do so would not have a negative impact on the safety of the public:

(i) the release of the offender on unescorted temporary absence,

(ii) the offender’s work release,

(iii) the offender’s release on parole, and

(iv) the offender’s release by virtue of statutory release or the expiration of the sentence.

Communication de renseignements au délinquant

27 (1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l’organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d’un délinquant doit, lorsque celui‑ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle‑ci, ou un sommaire de ceux‑ci.

Idem

(2) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux‑ci.

Information to be given to offenders

27 (1) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is to be taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information.

Idem

(2) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information.

Objet et principes

Critère prépondérant

100.1 Dans tous les cas, la protection de la société est le critère prépondérant appliqué par la Commission et les commissions provinciales.

Purpose and Principles

Paramount consideration

100.1 The protection of society is the paramount consideration for the Board and the provincial parole boards in the determination of all cases.

Principes

101 La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l’exécution de leur mandat par les principes suivants :

a) elles doivent tenir compte de toute l’information pertinente dont elles disposent, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, la nature et la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité du délinquant, les renseignements obtenus au cours du procès ou de la détermination de la peine et ceux qui ont été obtenus des victimes, des délinquants ou d’autres éléments du système de justice pénale, y compris les évaluations fournies par les autorités correctionnelles;

b) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l’échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les victimes, les délinquants et les autres éléments du système de justice pénale et par la communication de leurs directives d’orientation générale et programmes tant aux victimes et aux délinquants qu’au grand public;

c) elles prennent les décisions qui, compte tenu de la protection de la société, sont les moins privatives de liberté;

d) elles s’inspirent des directives d’orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en œuvre de ces directives;

e) de manière à assurer l’équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.

Principles guiding parole boards

101 The principles that guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are as follows:

(a) parole boards take into consideration all relevant available information, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, the nature and gravity of the offence, the degree of responsibility of the offender, information from the trial or sentencing process and information obtained from victims, offenders and other components of the criminal justice system, including assessments provided by correctional authorities;

(b) parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with victims, offenders and other components of the criminal justice system and through communication about their policies and programs to victims, offenders and the general public;

(c) parole boards make the least restrictive determinations that are consistent with the protection of society;

(d) parole boards adopt and are guided by appropriate policies and their members are provided with the training necessary to implement those policies; and

(e) offenders are provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process.

Audience

Présence des observateurs

140 (4) Sous réserve des paragraphes (5) et (5.1), la Commission, ou la personne que le président désigne nommément ou par indication de son poste, doit, aux conditions qu’elle estime indiquées et après avoir pris en compte les observations du délinquant, autoriser la personne qui en fait la demande écrite à être présente, à titre d’observateur, lors d’une audience, sauf si elle est convaincue que, selon le cas :

a) la présence de cette personne, seule ou en compagnie d’autres personnes qui ont demandé d’assister à la même audience, nuira au déroulement de l’audience ou l’empêchera de bien évaluer la question dont elle est saisie;

b) sa présence incommodera ceux qui ont fourni des renseignements à la Commission, notamment la victime, la famille de la victime ou celle du délinquant;

c) sa présence compromettra vraisemblablement l’équilibre souhaitable entre l’intérêt de l’observateur ou du public à la communication de l’information et l’intérêt du public à la réinsertion sociale du délinquant;

d) sa présence nuira à la sécurité ou au maintien de l’ordre de l’établissement où l’audience doit se tenir.

Review Hearings

Attendance by observers

140 (4) Subject to subsections (5) and (5.1), the Board or a person designated, by name or by position, by the Chairperson of the Board shall, subject to such conditions as the Board or person considers appropriate and after taking into account the offender’s views, permit a person who applies in writing therefor to attend as an observer at a hearing relating to an offender, unless the Board or person is satisfied that

(a) the hearing is likely to be disrupted or the ability of the Board to consider the matter before it is likely to be adversely affected by the presence of that person or of that person in conjunction with other persons who have applied to attend the hearing;

(b) the person’s presence is likely to adversely affect those who have provided information to the Board, including victims, members of a victim’s family or members of the offender’s family;

(c) the person’s presence is likely to adversely affect an appropriate balance between that person’s or the public’s interest in knowing and the public’s interest in the effective reintegration of the offender into society; or

(d) the security and good order of the institution in which the hearing is to be held is likely to be adversely affected by the person’s presence.

Poursuite de l’audience à huis clos

Présence d’une victime ou d’un membre de sa famille

(5.1) Lorsqu’elle détermine si une victime ou un membre de sa famille peut être présent, à titre d’observateur, lors d’une audience, la Commission ou la personne qu’elle désigne s’efforce de comprendre le besoin de la victime ou des membres de sa famille d’être présents lors de l’audience et d’en observer le déroulement. La Commission ou la personne qu’elle désigne autorise cette présence sauf si elle est convaincue que celle‑ci entraînerait une situation visée aux alinéas (4)a), b), c) ou d).

Présence refusée

(5.2) Lorsque la Commission ou la personne qu’elle désigne décide, en application du paragraphe (5.1), de ne pas autoriser la présence d’une victime ou d’un membre de sa famille lors de l’audience, elle prend les dispositions nécessaires pour que la victime ou le membre de sa famille puisse observer le déroulement de l’audience par tout moyen que la Commission juge approprié.

Exclusion of observers

Attendance by victim or member of their family

(5.1) In determining whether to permit a victim or a member of the victim’s family to attend as an observer at a hearing, the Board or its designate shall make every effort to fully understand the need of the victim and of the members of his or her family to attend the hearing and witness its proceedings. The Board or its designate shall permit a victim or a member of his or her family to attend as an observer unless satisfied that the presence of the victim or family member would result in a situation described in paragraph (4)(a), (b), (c) or (d).

Attendance not permitted

(5.2) If the Board or its designate decides under subsection (5.1) to not permit a victim or a member of his or her family to attend a hearing, the Board shall provide for the victim or family member to observe the hearing by any means that the Board considers appropriate.

Déclaration par la personne à l’audience

140 (10) Lors de l’audience à laquelle elles assistent à titre d’observateur :

a) d’une part, la victime peut présenter une déclaration à l’égard des dommages ou des pertes qu’elle a subis par suite de la perpétration de l’infraction et des répercussions que celle‑ci a encore sur elle, notamment les préoccupations qu’elle a quant à sa sécurité, et à l’égard de l’éventuelle libération du délinquant;

b) d’autre part, la personne visée au paragraphe 142(3) peut présenter une déclaration à l’égard des dommages ou des pertes qu’elle a subis par suite de la conduite du délinquant — laquelle a donné lieu au dépôt d’une plainte auprès de la police ou du procureur de la Couronne ou a fait l’objet d’une dénonciation conformément au Code criminel — et des répercussions que cette conduite a encore sur elle, notamment les préoccupations qu’elle a quant à sa sécurité, et à l’égard de l’éventuelle libération du délinquant.

Prise en considération de la déclaration

(10.1) Lorsqu’elle détermine si le délinquant devrait bénéficier d’une libération et, le cas échéant, fixe les conditions de celle‑ci, la Commission prend en considération la déclaration présentée en conformité avec les alinéas 10a) ou b).

Presentation of statements

140 (10) If they are attending a hearing as an observer,

(a) a victim may present a statement describing the harm, property damage or loss suffered by them as the result of the commission of the offence and its continuing impact on them—including any safety concerns—and commenting on the possible release of the offender; and

(b) a person referred to in subsection 142(3) may present a statement describing the harm, property damage or loss suffered by them as the result of any act of the offender in respect of which a complaint was made to the police or Crown attorney or an information laid under the Criminal Code, and its continuing impact on them—including any safety concerns—and commenting on the possible release of the offender.

 

 

Consideration of statement

(10.1) The Board shall, in deciding whether an offender should be released and what conditions might be applicable to the release, take into consideration any statement that has been presented in accordance with paragraph (10)(a) or (b).

Déclaration — formes

140 (11) La déclaration de la victime ou de la personne visée au paragraphe 142(3), même si celle‑ci n’assiste pas à l’audience, peut y être présentée sous la forme d’une déclaration écrite pouvant être accompagnée d’un enregistrement audio ou vidéo, ou sous toute autre forme prévue par règlement.

Forms of statement

140 (11) If a victim or a person referred to in subsection 142(3) is not attending a hearing, their statement may be presented at the hearing in the form of a written statement, which may be accompanied by an audio or video recording, or in any other form prescribed by the regulations.

Communication préalable de la transcription

140 (12) La victime et la personne visée au paragraphe 142(3) doivent, préalablement à l’audience, envoyer à la Commission la transcription de la déclaration qu’elles entendent présenter au titre des paragraphes (10) ou (11).

Communication of statement in writing

140 (12) A victim or a person referred to in subsection 142(3) shall, before the hearing, deliver to the Board a transcript of the statement that they plan to present under subsection (10) or (11).

Enregistrement sonore

140 (13) La victime ou la personne visée au paragraphe 142(3) a le droit, sur demande et sous réserve des conditions imposées par la Commission, une fois l’audience relative à l’examen visé aux alinéas (1)a) ou b) terminée, d’écouter l’enregistrement sonore de celle‑ci, à l’exception de toute partie de l’enregistrement qui, de l’avis de la Commission :

a) risquerait vraisemblablement de mettre en danger la sécurité d’une personne ou de permettre de remonter à une source de renseignements obtenus de façon confidentielle;

b) ne devrait pas être entendue par la victime ou la personne visée au paragraphe 142(3) parce que l’intérêt de la victime ou de la personne ne justifierait nettement pas une éventuelle violation de la vie privée d’une personne.

Audio recording

140 (13) Subject to any conditions specified by the Board, a victim, or a person referred to in subsection 142(3), is entitled, on request, after a hearing in respect of a review referred to in paragraph (1)(a) or (b), to listen to an audio recording of the hearing, other than portions of the hearing that the Board considers

(a) could reasonably be expected to jeopardize the safety of any person or reveal a source of information obtained in confidence; or

(b) should not be heard by the victim or a person referred to in subsection 142(3) because the privacy interests of any person clearly outweighs the interest of the victim or person referred to in that subsection.

Accès aux renseignements

140 (14) Si un observateur est présent lors d’une audience ou si la victime ou la personne visée au paragraphe 142(3) a exercé ses droits au titre du paragraphe (13), les renseignements et documents qui y sont étudiés ou communiqués ne sont pas réputés être des documents accessibles au public aux fins de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information.

Access to information

140 (14) If an observer has been present during a hearing or a victim or a person has exercised their right under subsection (13), any information or documents discussed or referred to during the hearing shall not for that reason alone be considered to be publicly available for purposes of the Access to Information Act or the Privacy Act.

Communication de renseignements à la victime

142 (1) Sur demande de la victime, le président :

a) communique à celle‑ci les renseignements suivants :

(i) le nom du délinquant,

(ii) l’infraction dont il a été trouvé coupable et le tribunal qui l’a condamné,

(iii) la date de début et la durée de la peine qu’il purge,

(iv) les dates d’admissibilité et d’examen applicables aux permissions de sortir sans escorte ou à la libération conditionnelle;

b) peut lui communiquer, tout ou partie des renseignements suivants si, à son avis, l’intérêt de la victime justifierait nettement une éventuelle violation de la vie privée du délinquant :

(i) l’âge du délinquant,

(ii) l’emplacement du pénitencier où il est détenu,

(iii) la date de ses permissions de sortir sans escorte, de ses permissions de sortir avec escorte approuvée par la Commission au titre du paragraphe 746.1(2) du Code criminel, de sa libération conditionnelle ou de sa libération d’office,

(iv) la date de toute audience prévue à l’égard de l’examen visé à l’article 130,

(v) les conditions dont est assortie la permission de sortir sans escorte et les raisons de celle‑ci, ainsi que les conditions de la libération conditionnelle ou d’office,

(vi) sa destination lors de sa mise en liberté et son éventuel rapprochement de la victime, selon son itinéraire,

(vii) s’il est sous garde et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il ne l’est pas,

(viii) si le délinquant a interjeté appel en vertu de l’article 147 et, le cas échéant, la décision rendue au titre de celui‑ci,

(ix) si le délinquant a renoncé à son droit à une audience au titre du paragraphe 140(1), le motif de la renonciation, le cas échéant.

Disclosure of information to victims

142 (1) At the request of a victim of an offence committed by an offender, the Chairperson

(a) shall disclose to the victim the following information about the offender:

(i) the offender’s name,

(ii) the offence of which the offender was convicted and the court that convicted the offender,

(iii) the date of commencement and length of the sentence that the offender is serving, and

(iv) eligibility dates and review dates applicable to the offender under this Part in respect of unescorted temporary absences or parole; and

(b) may disclose to the victim any of the following information about the offender, where in the Chairperson’s opinion the interest of the victim in the disclosure clearly outweighs any invasion of the offender’s privacy that could result from the disclosure, namely,

(i) the offender’s age,

(ii) the location of the penitentiary in which the sentence is being served,

(iii) the date, if any, on which the offender is to be released on unescorted temporary absence, escorted temporary absence where the Board has approved the absence as required by subsection 746.1(2) of the Criminal Code, parole or statutory release,

(iv) the date of any hearing for the purposes of a review under section 130,

(v) any of the conditions attached to the offender’s unescorted temporary absence, parole or statutory release and the reasons for any unescorted temporary absence,

(vi) the destination of the offender when released on unescorted temporary absence, parole or statutory release, and whether the offender will be in the vicinity of the victim while travelling to that destination,

(vii) whether the offender is in custody and, if not, the reason that the offender is not in custody,

(viii) whether or not the offender has appealed a decision of the Board under section 147, and the outcome of that appeal, and

(ix) the reason for a waiver of the right to a hearing under subsection 140(1) if the offender gives one.

Constitution du registre

144 (1) La Commission constitue un registre des décisions qu’elle rend sous le régime de la présente partie ou des alinéas 746.1(2)c) ou (3)c) du Code criminel et des motifs s’y rapportant.

Accès au registre

(2) Sur demande écrite à la Commission, toute personne qui démontre qu’elle a un intérêt à l’égard d’un cas particulier peut avoir accès au registre pour y consulter les renseignements qui concernent ce cas, à la condition que ne lui soient pas communiqués de renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement :

a) de mettre en danger la sécurité d’une personne;

b) de permettre de remonter à une source de renseignements obtenus de façon confidentielle;

c) de nuire, s’ils sont rendus publics, à la réinsertion sociale du délinquant.

Idem

(3) Sous réserve des conditions fixées par règlement, les chercheurs peuvent consulter le registre, pourvu que soient retranchés des documents auxquels ils ont accès les noms des personnes concernées et les renseignements précis qui permettraient de les identifier ou dont la divulgation pourrait mettre en danger la sécurité d’une personne.

Accès aux documents rendus publics

(4) Par dérogation au paragraphe (2), toute personne qui en fait la demande écrite peut avoir accès aux renseignements que la Commission a étudiés lors d’une audience tenue en présence d’observateurs et qui sont compris dans sa décision versée au registre.

Copie de la décision

144.1 La Commission remet, malgré l’article 144, à la victime ou à la personne visée au paragraphe 142(3), si elles en font la demande, une copie de toute décision qu’elle a rendue sous le régime de la présente partie ou des alinéas 746.1(2)c) ou (3)c) du Code criminel à l’égard du délinquant, motifs à l’appui, sauf si cela risquerait vraisemblablement :

a) de mettre en danger la sécurité d’une personne;

b) de permettre de remonter à une source de renseignements obtenus de façon confidentielle;

c) d’empêcher la réinsertion sociale du délinquant.

Registry of decisions

144 (1) The Board shall maintain a registry of the decisions rendered by it under this Part or under paragraph 746.1(2)(c) or (3)(c) of the Criminal Code and its reasons for those decisions.

Access to registry

(2) A person who demonstrates an interest in a case may, on written application to the Board, have access to the contents of the registry relating to that case, other than information the disclosure of which could reasonably be expected

(a) to jeopardize the safety of any person;

(b) to reveal a source of information obtained in confidence; or

(c) if released publicly, to adversely affect the reintegration of the offender into society.

Idem

(3) Subject to any conditions prescribed by the regulations, any person may have access for research purposes to the contents of the registry, other than the name of any person, information that could be used to identify any person or information the disclosure of which could jeopardize any person’s safety.

Idem

(4) Notwithstanding subsection (2), where any information contained in a decision in the registry has been considered in the course of a hearing held in the presence of observers, any person may, on application in writing, have access to that information in the registry.

Copy of decision

144.1 At the request of a victim, or a person referred to in subsection 142(3), the Board shall, despite section 144, provide the victim or person with a copy of any decision rendered by it under this Part or under paragraph 746.1(2)(c) or (3)(c) of the Criminal Code in relation to the offender and its reasons for that decision, unless doing so could reasonably be expected

(a) to jeopardize the safety of any person;

(b) to reveal a source of information obtained in confidence; or

(c) to prevent the successful reintegration of the offender into society.


ANNEXE E


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossiers :

T‑101‑18,T‑102‑18,T‑103‑18 et T‑1358‑12

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

KAREN FRASER, JENNIFER SWEET, NICOLE SWEET, KIM SWEET, JOHN SWEET, J. ROBERT SWEET, CHARLES SWEET, PATRICIA CORCORAN, ANN PARKER ET TORONTO POLICE ASSOCIATION c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA ET CRAIG MUNRO

DOSSIER :

T‑465‑20

INTITULÉ DE LA CAUSE :

DOUG FRENCH, DONNA FRENCH ET DEBORAH MAHAFFY c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA ET PAUL BERNARDO

DOSSIER :

T‑1884‑19

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SOCIÉTÉ RADIO‑CANADA c COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario) — par vidéOConférence zoom

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 février 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge McVeigh

DATE DES MOTIFS :

LE 4 août 2021

COMPARUTIONS :

Tim Danson

Marjan Delavar

Pour les demandeurs

KAREN FRASER et al

Iris Fischer

Eric Leinveer

POUR LA DEMANDERESSE

LA SOCIÉTÉ RADIO‑CANADA

Joel Robichard

Roy Lee

Jacob Pollice

Benjamin Wong

Pour les défendeurs

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et al

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Danson Recht LLP

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

KAREN FRASER et al

Blake, Cassels & Graydon LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

LA SOCIÉTÉ RADIO‑CANADA

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et al

 

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