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Date : 20210810


Dossier : T-759-16

Référence : 2021 CF 832

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 août 2021

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

BELL CANADA,

BELL EXPRESSVU LIMITED PARTNERSHIP,

BELL MÉDIA INC.,

VIDÉOTRON LTÉE,

GROUPE TVA INC.,

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

et ROGERS MEDIA INC.

demanderesses

et

L3D DISTRIBUTING INC. s/n de INL3D,

MORCOR COMPUTERS 2000 LTD.,

OTTAWA TEK CORPORATION s/n de OTTAWA TEK COMMUNICATIONS et RAHEEL RAFIQ

défendeurs visés par la requête

et

ANDROID BROS INC.

et autres

défendeurs non visés par la requête

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demanderesses diffusent ou retransmettent une grande variété d’émissions de télévision au Canada. L’arrivée des boîtiers décodeurs préinstallés et des services de télévision par IP (ou IPTV) a facilité l’accès non autorisé par des utilisateurs canadiens à du contenu, y compris le contenu des demanderesses, comme des émissions de télévision en direct, des émissions de télévision sur demande et des événements sportifs en direct.

[2] Les défendeurs visés par la présente requête ont annoncé et vendu des boîtiers décodeurs préinstallés et des services IPTV au Canada en ligne et dans des magasins traditionnels, offrant ainsi un accès non autorisé au contenu des demanderesses.

[3] En 2016, les demanderesses ont intenté une action pour violation du droit d’auteur et trafic illégal de matériel interdit contre un premier groupe de défendeurs, auquel les défendeurs visés par la présente requête ont par la suite été ajoutés. À ce jour, aucun des défendeurs visés par la présente requête n’a répondu ou participé de quelque façon que ce soit à l’action.

[4] Les demanderesses sollicitent donc un jugement par défaut contre les défendeurs visés par la présente requête, que j’accorde pour les motifs qui suivent et conformément aux modalités qui suivent.

II. Le contexte

(1) Les parties

[5] Les demanderesses Bell Média, Rogers Media et TVA [collectivement les sociétés de médias demanderesses] sont des radiodiffuseurs canadiens bien connus qui possèdent et exploitent des stations de télévision (comme CTV, City, TVA, TSN, Discovery Channel et Sportsnet) partout au Canada [les stations des demanderesses]. Elles diffusent une grande variété d’émissions de télévision (comme Game of Thrones, Veep, SportsCentre, The Middle, Sportsnet Central, L’Impact cette semaine et Le TVA Sports) [les émissions des demanderesses], et elles détiennent le droit exclusif, au Canada, de les communiquer au public par télécommunication en les diffusant à la télévision et en ligne. Les sociétés de médias demanderesses ont investi des sommes importantes dans la production des émissions des demanderesses ou l’acquisition des droits sur celles-ci, soit plus de 1,7 milliard de dollars en 2015 et plus de 2,4 milliards de dollars en 2019.

[6] Les demanderesses Bell Canada, Bell ExpressVu, Rogers Communications Canada Inc. et Vidéotron [collectivement les sociétés de distribution demanderesses] sont des entreprises de distribution de radiodiffusion [EDR], au sens de la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11. Elles reçoivent des signaux de télédiffusion de la part de radiodiffuseurs situés au Canada, aux États-Unis et ailleurs, y compris des stations des demanderesses, et les retransmettent aux abonnés par télécommunication.

[7] Les demanderesses Bell Média et Vidéotron diffusent également directement des émissions de télévision sur CraveTV et le Club illico, respectivement, qui sont des services de diffusion en continu sur demande et par abonnement semblables à Netflix.

[8] Les sociétés de distribution demanderesses comptent parmi les plus grandes EDR au Canada. Ensemble, elles ont desservi environ 6,3 millions d’abonnés à la télévision au Canada en 2016 et représentaient environ 56 % des abonnements et 57 % des revenus d’abonnements en 2018. Les sociétés de distribution demanderesses distribuent des émissions de télévision cryptées, et les abonnés reçoivent, aux termes d’un contrat, les moyens et l’autorisation de décrypter le signal par lequel sont diffusées les émissions.

[9] Les défendeurs visés par la présente requête, soit INL3D, Morcor, Ottawa Tek et Raheel Rafiq, l’unique administrateur d’Ottawa Tek [collectivement les intégrateurs], sont des sociétés et un particulier qui ont annoncé, mis en vente et vendu des boîtiers décodeurs préinstallés et des services IPTV. Leurs activités et leur statut, qui ont fait l’objet d’enquêtes menées par les demanderesses, sont décrits plus en détail ci-dessous.

(2) Les boîtiers décodeurs préinstallés

[10] Les boîtiers décodeurs peuvent transformer n’importe quel téléviseur standard en un téléviseur « intelligent ». Une fois que l’utilisateur connecte le boîtier décodeur à la télévision et à Internet, les applications logicielles installées dans le boîtier décodeur lui permettent de naviguer sur Internet, d’accéder à ses courriels et de regarder des vidéos à partir de son téléviseur, entre autres. Les utilisateurs peuvent également utiliser des boîtiers décodeurs pour diffuser en continu des données. En d’autres termes, les boîtiers décodeurs permettent aux utilisateurs d’entendre ou de voir le contenu au moment de la transmission; ils ne permettent que le stockage d’une copie temporaire sur le disque dur de l’utilisateur : Rogers Communications Inc. c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35 [Rogers] au para 1.

[11] À l’aide de leur ordinateur personnel ou d’un boîtier décodeur, les utilisateurs peuvent se connecter à des sites Web ou à des serveurs de partage de fichiers, appelés sites de diffusion en continu, et demander un fichier, comme une émission de télévision ou un film, à partir de la collection de fichiers multimédias d’un site. Le site de diffusion en continu transmet le fichier demandé par Internet à l’ordinateur personnel ou au boîtier décodeur de l’utilisateur d’une manière semblable à la radiodiffusion. Le fichier vidéo ou des parties de celui-ci seront automatiquement supprimés du boîtier décodeur à mesure que l’utilisateur progresse dans le contenu, une fois que l’utilisateur a terminé de regarder la vidéo ou lorsque l’utilisateur éteint le boîtier décodeur.

[12] Certains sites ou services de diffusion en continu, comme Netflix, Prime Video d’Amazon, Crave et le Club illico, offrent un accès légitime à du contenu vidéo sur abonnement. Cependant, il y a aussi sur Internet des sites de diffusion en continu illégitimes, qui obtiennent des copies non autorisées ou piratées d’un contenu vidéo et qui permettent au public d’accéder à ce contenu gratuitement, sans surveillance ni autorisation des titulaires de droits concernés.

[13] De nombreuses applications développées pour les boîtiers décodeurs sont utilisées légalement. Cependant, d’autres ont été conçues pour accéder à des sites de diffusion en continu illicites et mettre à la disposition des utilisateurs le contenu non autorisé. L’installation et la configuration d’applications conçues pour accéder à du contenu contrefait exigent une certaine compétence pour contourner les barrières techniques. Le contournement de ces barrières a donné naissance à une industrie desservie par des particuliers et des entreprises appelés « intégrateurs », qui vendent aux consommateurs des boîtiers décodeurs préconfigurés avec des applications et des paramètres qui permettent d’accéder à du contenu non autorisé, c’est-à-dire des boîtiers décodeurs préinstallés.

[14] Les boîtiers décodeurs préinstallés permettent aux utilisateurs d’accéder sans autorisation à une grande quantité de contenu sur demande ou en direct. Selon la configuration des boîtiers décodeurs préinstallés, ils peuvent permettre aux utilisateurs, notamment :

  • d’installer des extensions pour accéder à du contenu non autorisé, y compris des émissions de télévision préenregistrées, des émissions de télévision en direct et des films, comme avec une application logicielle de lecteur multimédia appelée KODI;

  • de se connecter à des serveurs IPTV privés (sans avoir besoin d’une application comme KODI et des extensions) qui diffusent en continu des émissions non autorisées de stations de télévision, y compris des émissions de télévision, fournies par une EDR autorisée, ainsi que de retransmettre des émissions sur Internet sans autorisation;

  • d’accéder à la diffusion en continu non autorisée d’émissions de télévision et de films sur demande, y compris en téléchargeant de façon permanente du contenu, notamment à l’aide d’une application de lecteur multimédia appelée Showbox, qui peut être installée sur des boîtiers décodeurs avec le système d’exploitation « Android » (comme l’application KODI, mais sans extensions); Showbox vise uniquement à fournir aux utilisateurs un accès non autorisé sur demande à un contenu contrefait et est annoncé sur son site Web comme étant [traduction] « une application gratuite de diffusion en continu de films et d’émissions de télévision pour Android » et [traduction] « l’une des meilleures applications gratuites d’Android puisqu’elle permet aux utilisateurs de regarder des films en HD gratuitement ».

[15] La vente de boîtiers décodeurs préinstallés et de services IPTV non autorisés par les intégrateurs nécessite habituellement un abonnement mensuel, à un coût considérablement inférieur à un abonnement légitime moyen à un service de télévision, tout en donnant accès à un nombre substantiellement plus élevé d’émissions et de stations.

(3) Les activités et le statut des défendeurs visés par la présente requête

[16] INL3D a annoncé, mis en vente et vendu en ligne et dans des magasins traditionnels situés à Cambridge, à Guelph et à London, en Ontario, au moins trois modèles de boîtiers décodeurs préinstallés, soit « Spectra Quad Core », « Intra Quad Core » et « Ultra Quad Core ». De plus, INL3D a fourni à ses clients des démonstrations de ses boîtiers décodeurs préinstallés dans ses magasins et a mis en vente un service IPTV non autorisé, y compris un soutien technique, qu’elle a annoncé comme offrant l’accès à [traduction] « [d]es centaines de chaînes pour MOINS que le coût d’un forfait de télévision de base! » et à plus de 174 chaînes en haute définition.

[17] Les enquêtes des demanderesses ont révélé que, en vendant les boîtiers décodeurs préinstallés et le service IPTV non autorisé, INL3D a donné accès à une sélection des émissions des demanderesses, à savoir au moins 386 œuvres individuelles. À la connaissance des demanderesses, les magasins et le site Web d’INL3D semblent avoir été fermés ou être devenus inactifs après l’ajout d’INL3D à l’action des demanderesses. INL3D conserve toutefois un statut de société active.

[18] Ottawa Tek a annoncé, mis en vente et vendu en ligne et dans un magasin traditionnel situé à Ottawa, en Ontario, des boîtiers décodeurs préinstallés, y compris le modèle « Amlogic M8S » pour Android, et des abonnements à un service IPTV non autorisé. Ottawa Tek a fait la promotion de ses boîtiers décodeurs préinstallés en tant que [traduction] « [b]oîtier de diffusion en continu et illimitée de la télévision » offrant [traduction] « [p]lus de 700 chaînes en direct et des émissions, des films et de la musique gratuits ». Raheel Rafiq avait une adresse déclarée qui correspondait à l’adresse du bureau du magasin à Ottawa. M. Rafiq a répondu aux demandes de renseignements en ligne de l’enquêteur et était le seul employé d’Ottawa Tek présent au magasin. Les demanderesses ignorent où il se trouve actuellement et quelles sont ses activités actuelles.

[19] Les enquêtes des demanderesses ont révélé que, en vendant des boîtiers décodeurs préinstallés et un service IPTV non autorisé, Ottawa Tek et M. Rafiq ont donné accès à une sélection des émissions des demanderesses, à savoir au moins 1 408 œuvres individuelles. Ottawa Tek a été dissoute le 11 octobre 2019, soit après son ajout à l’action. Cependant, les demanderesses maintiennent leur action contre Ottawa Tek par application de l’article 116 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les RCF].

[20] Morcor a annoncé, mis en vente et vendu en ligne et dans un magasin traditionnel situé à St. Catharines, en Ontario, au moins quatre modèles de boîtiers décodeurs préinstallés, soit « Himedia H8 Lite », « Himedia H8 Plus », « Himedia Q5 Pro » et « Himedia Q10 Pro », ainsi que des abonnements à un service IPTV non autorisé. Elle a également fourni à ses clients des démonstrations de ses boîtiers décodeurs préinstallés, y compris de la façon d’utiliser les extensions de KODI qui étaient préinstallées sur les dispositifs, ainsi qu’un soutien technique. De plus, Morcor a également fait la promotion de ses boîtiers décodeurs préinstallés et de son service IPTV non autorisé, affirmant qu’ils offraient [traduction] « […] plus de 300 chaînes de télévision locales et spécialisées », y compris [traduction] « CBC, CTV, Global, City [...] En plus de chaînes spécialisées comme TLC, DIY, DISCOVERY, HBO, MOVIETIME et plus encore ».

[21] Les enquêtes des demanderesses ont révélé que, en vendant des boîtiers décodeurs préinstallés et un service IPTV non autorisé, Morcor a donné accès à une sélection des émissions des demanderesses, à savoir au moins 1 136 œuvres individuelles. Cependant, à la connaissance des demanderesses, Morcor a cessé de mettre ouvertement en vente des boîtiers décodeurs préinstallés après son ajout à l’action, bien qu’elle continue de maintenir son statut de société et d’exploiter son magasin.

[22] Pour obtenir les renseignements ci-dessus au sujet des défendeurs visés par la présente requête, les enquêteurs des demanderesses ont, entre autres, acheté des boîtiers décodeurs préinstallés de chaque défendeur afin de déterminer si les dispositifs offraient un accès non autorisé aux stations et aux émissions des demanderesses. Les enquêteurs ont testé les dispositifs deux fois pour vérifier la disponibilité du contenu sur demande et du contenu en direct, y compris les stations et les émissions des demanderesses, et ont confirmé que celles-ci étaient accessibles.

[23] Comme l’a établi la preuve des demanderesses, les enquêtes ont révélé qu’une grande partie des émissions des demanderesses sont accessibles par l’entremise des boîtiers décodeurs préinstallés. Cependant, pour des raisons pratiques, les estimations ci-dessus du nombre total d’œuvres individuelles accessibles dans chaque cas (386 dans le cas d’INL3D, 1 408 dans le cas d’Ottawa Tek et de M. Rafiq et 1 136 dans le cas de Morcor) sont limitées à l’horaire de diffusion des émissions données des demanderesses. Ces estimations sont également limitées à la période comprise entre la date d’achat du dispositif du défendeur concerné et la date à laquelle la demande des demanderesses a été signifiée au défendeur concerné; elles ne visent donc pas toute la période de contrefaçon, qui est inconnue des demanderesses.

(4) Le préjudice causé par les activités des défendeurs visés par la présente requête

[24] Les demanderesses admettent qu’il est difficile de quantifier les répercussions sur leur entreprise qui sont directement attribuables aux activités des défendeurs visés par la présente requête.

[25] Les demanderesses affirment que l’accès non autorisé à un contenu télévisuel et la distribution de celui-ci sur Internet (c’est-à-dire le « piratage de contenu ») peut entraîner des changements dans le comportement des consommateurs et, par conséquent, des conséquences financières importantes pour les propriétaires et les distributeurs du contenu comme les sociétés de médias demanderesses et les sociétés de distribution demanderesses, respectivement. Elles font valoir que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a estimé que, entre 2015 et 2018, le nombre d’abonnements à des services de télévision au Canada a diminué d’environ 518 000 (ce qui équivaut à une baisse moyenne d’environ 1,14 %), ce qui a entraîné une baisse de revenus annuels d’environ 528 millions de dollars (ce qui équivaut à une baisse moyenne d’environ 1,48 % par année). Les services de télévision spécialisés et payants ont connu une baisse moyenne environ deux fois supérieure.

[26] Les demanderesses admettent en outre que cette diminution du nombre d’abonnements ne résulte qu’en partie du piratage de contenu comme celui encouragé explicitement par les défendeurs visés par la présente requête. À l’appui, les demanderesses font état de publicités comprenant des expressions et des mots-clics comme [traduction] « une combinaison de chaînes qui coûte MOINS cher que le câble! » (INL3D), [traduction] « Finies les factures de câblodistribution » (Ottawa Tek), et [traduction] « #filmsgratuits » et [traduction] « #tvgratuite » (Morcor).

III. L’historique de l’instance

[27] Dire que les demanderesses, par leur litige, jouent un long « jeu de la taupe » en tentant de remédier aux violations et au préjudice causés à leurs entreprises respectives par l’industrie des boîtiers décodeurs préinstallés est un euphémisme.

[28] Les demanderesses ont intenté la présente action le 12 mai 2016 contre un groupe de cinq défendeurs. Dans leur demande, les demanderesses alléguaient, entre autres, que, en vendant des boîtiers décodeurs préinstallés et des abonnements à des services IPTV non autorisés qui mettent les émissions des demanderesses à la disposition des utilisateurs sans autorisation, les défendeurs avaient violé le droit d’auteur des demanderesses sur leurs émissions de télévision et avaient illégalement fait le commerce de matériel, en contravention de la Loi sur la radiocommunication, LRC 1985, c R-2.

[29] Parallèlement, les demanderesses ont également déposé une requête en injonction provisoire et interlocutoire contre les cinq défendeurs initiaux afin de les empêcher de configurer, d’annoncer, de mettre en vente et de vendre des boîtiers décodeurs préinstallés et des abonnements à des services IPTV non autorisés. La juge Tremblay-Lamer (alors juge à la Cour fédérale) a émis une injonction interlocutoire [l’ordonnance d’injonction interlocutoire] : Bell Canada c 1326030 Ontario Inc. (iTVBox.net), 2016 CF 612 [Bell Canada CF 2016]. L’ordonnance d’injonction interlocutoire offrait également un mécanisme pour ajouter d’autres défendeurs et étendre l’injonction aux nouveaux défendeurs, sous réserve du droit de ceux-ci de demander la modification de l’ordonnance. En appel, la Cour d’appel fédérale a confirmé l’ordonnance d’injonction interlocutoire : Wesley (Mtlfreetv.com) c Bell Canada, 2017 CAF 55.

[30] Après la délivrance de l’ordonnance d’injonction interlocutoire, les demanderesses ont ajouté environ 175 défendeurs, ce qui a nécessité dix modifications à la déclaration, en date du dépôt de la présente requête en jugement par défaut, et elles ont obtenu un jugement par consentement contre certains des défendeurs ajoutés. Le litige des demanderesses vise également une ordonnance Anton Piller (Bell Canada c Lackman, 2018 CAF 42 [Bell Canada CAF 2018]) et des procédures pour outrage au tribunal (Bell Canada c Vincent Wesley (MTL FreeTv.com), 2018 CF 66; Bell Canada c Red Rhino Entertainment Inc., 2019 CF 1460).

[31] Les demanderesses sollicitent maintenant un jugement par défaut ex parte, comme l’autorise le paragraphe 210(2) des RCF, contre certains défendeurs qui n’ont pas déposé de défense, mais pas tous pour l’instant. Les demanderesses ont choisi les défendeurs visés par la présente requête en raison de la grande place qu’ils occupent sur Internet, de l’exploitation de leurs magasins traditionnels et de leur statut actuel ou antérieur en tant qu’entités commerciales constituées en société. INL3D a reçu signification de la première déclaration modifiée, datée du 20 juin 2016, et de l’ordonnance d’injonction interlocutoire le 21 juin 2016. Ottawa Tek et Raheel Rafiq ainsi que Morcor ont reçu signification de la sixième déclaration modifiée, datée du 8 mai 2017, et de l’ordonnance d’injonction les 10 et 12 mai 2017, respectivement.

[32] Je fais remarquer que les observations écrites des demanderesses dans le cadre de la présente requête sont presque trois fois plus longues que ce qui est permis aux termes du paragraphe 70(4) des RCF. En outre, les demanderesses n’ont pas demandé que cette règle soit modifiée ou que l’on s’écarte de cette disposition. Les 88 pages d’observations constituent donc une irrégularité. Cependant, aucune partie ne s’est plainte de la longueur des observations écrites des demanderesses (art 58 des RCF), ce qui n’est pas surprenant parce que les défendeurs visés par la présente requête n’ont présenté aucune défense ni participé de quelque façon que ce soit à l’action.

[33] Dans les circonstances de l’espèce, en raison de la complexité de l’affaire, y compris le nombre de défendeurs ajoutés, et parce que les demanderesses ont l’intention d’utiliser la présente requête comme modèle ou fondement pour les futures requêtes en jugement par défaut dans la présente affaire, je suis disposée à accepter les observations écrites des demanderesses, malgré leur longueur, par application des articles 55 et 3 des RCF.

[34] Néanmoins, je rappelle aux demanderesses que, en ce qui concerne l’article 70 des RCF, « [l]a limite de 30 pages et la répétition à trois reprises de l’exigence de la concision s’appliquent même aux appels sur le fond les plus complexes et aux enjeux élevés » : Forestethics Advocacy Association c Canada (Procureur général), 2014 CAF 182 [Forestethics] au para 21. De plus, « [l]’objet de l’article 70 est d’obliger les avocats à ne présenter que les points essentiels et importants, et non pas tout ce qu’il est possible d’imaginer » : Forestethics, au para 22. La Cour s’attend à ce que les demanderesses se conforment à la limite de 30 pages dans le cadre des prochaines étapes, le cas échéant, et qu’elles demandent en bonne et due forme à la Cour l’autorisation de dépasser cette limite, motifs à l’appui, en gardant à l’esprit que ces demandes sont généralement « “accordées avec parcimonie” par la Cour et sont exceptionnelles » : Forestethics, au para 24.

IV. Résumé de la réparation demandée

[35] Les demanderesses sollicitent plusieurs déclarations, y compris en ce qui concerne l’existence du droit d’auteur sur les œuvres cinématographiques énumérées à l’annexe A ci-dessous [les œuvres des demanderesses] et la violation par les défendeurs du droit exclusif des demanderesses de communiquer ces œuvres au public canadien par télécommunication en les diffusant à la télévision [le droit d’auteur des demanderesses], ventilée par défendeur et par émission à l’annexe B ci-dessous. En outre, les demanderesses sollicitent une déclaration portant que les activités des défendeurs visés par la présente requête impliquant des boîtiers décodeurs préinstallés ont contrevenu à la Loi sur la radiocommunication.

[36] Les demanderesses sollicitent également, contre chacun des défendeurs visés par la présente requête, une injonction permanente, des dommages-intérêts préétablis (20 000 $ par œuvre contrefaite), des dommages-intérêts punitifs (1 000 000 $) et une somme globale au titre des dépens (50 000 $) pour une partie des honoraires de leurs avocats.

V. Les questions en litige

[37] La Cour doit se prononcer principalement sur la question de savoir si les demanderesses se sont acquittées du fardeau qu’il leur incombait de démontrer que le critère pour obtenir un jugement par défaut est rempli et, dans l’affirmative, déterminer la réparation à laquelle elles ont droit dans les circonstances de l’espèce. Pour répondre à cette question, il faut examiner les questions incidentes suivantes :

  • (i) Les défendeurs visés par la présente requête sont-ils en défaut?

  • (ii) Existe-t-il un droit d’auteur sur les œuvres des demanderesses et, dans l’affirmative, les demanderesses détiennent-elles ou ont-elles le droit d’exercer le droit d’auteur sur ces œuvres?

  • (iii) Les défendeurs visés par la présente requête ont-ils violé le droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses en mettant à la disposition du public par télécommunication les émissions des demanderesses, sans le consentement de celles-ci?

  • (iv) Les défendeurs visés par la présente requête ont-ils autorisé la violation du droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses en ce qui a trait à la communication des émissions des demanderesses au public par télécommunication par l’entremise de sites de diffusion en continu, sans le consentement des demanderesses?

  • (v) Les défendeurs visés par la présente requête ont-ils sciemment incité autrui à violer le droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses sur les émissions des demanderesses?

  • (vi) Les demanderesses ont-elles établi la responsabilité personnelle de Raheel Rafiq, l’unique administrateur d’Ottawa Tek?

  • (vii) Le commerce de boîtiers décodeurs préinstallés par les défendeurs visés par la présente requête constitue-t-il une infraction prévue par la Loi sur la radiocommunication, donnant ainsi naissance à une cause d’action en droit privé contre les défendeurs visés par la présente requête?

[38] Compte tenu des principes juridiques pertinents résumés ci-dessous, je réponds à toutes ces questions par l’affirmative, et ce, pour les motifs qui suivent.

VI. Les dispositions législatives applicables

[39] Voir l’annexe C ci-dessous.

VII. Analyse

[40] Compte tenu des principes juridiques pertinents et de leur application en l’espèce, je suis convaincue que les demanderesses se sont acquittées de leur fardeau et que, par conséquent, l’octroi d’un jugement par défaut contre les défendeurs visés par la présente requête est justifié. Dans les motifs qui suivent, je résume les principes juridiques applicables, puis je les applique aux faits de l’espèce. Enfin, je détermine la réparation à laquelle les demanderesses ont droit.

(1) Les principes juridiques pertinents

[41] Pour qu’une requête en jugement par défaut soit accueillie, le demandeur doit d’abord convaincre la Cour (c’est-à-dire démontrer ou établir) que le défendeur est effectivement en défaut (c’est-à-dire que le demandeur a déposé et signifié au défendeur la déclaration et que le défendeur a omis de signifier et de déposer une défense dans le délai prescrit ou dans tout autre délai autorisé par la Cour). Il peut arriver que le jugement par défaut soit inopportun, même si le défendeur est en défaut technique, par exemple s’il y a eu de nombreuses discussions entre les parties sur la conduite du litige ou, j’ajoute, un règlement possible : Saint Anna Bakery Ltd. c Cheung’s Bakery Products Ltd., [1992] ACF no 918 (CF 1re inst).

[42] Plus important encore, le jugement par défaut peut également être inopportun si la preuve par affidavit du demandeur produite à l’appui de la requête aux termes du paragraphe 210(3) des RCF n’établit pas la ou les allégations du demandeur selon la prépondérance des probabilités. En outre, les allégations de fait du demandeur qui ne sont pas admises sont réputées être niées : art 184 des RCF; voir aussi Ragdoll Productions (UK) Ltd. c Mme Unetelle, 2002 CFPI 918 aux para 23-24. En d’autres termes, lorsque le défendeur ne dépose aucune défense, toutes les allégations formulées dans la déclaration doit être tenues pour niées : Aquasmart Technologies Inc. c Klassen, 2011 CF 212 [Aquasmart] au para 45.

[43] En résumé, les demanderesses en l’espèce ont le fardeau de démontrer et doivent produire des éléments de preuve qui établissent : (1) le défaut des défendeurs visés par la présente requête; (2) les allégations formulées dans leur déclaration, selon la prépondérance des probabilités; et (3) leur droit à la réparation qu’elles demandent : BBC Chartering Carriers GMBH & CO. KG c Openhydro Technology Canada Limited, 2018 CF 1098 au para 15; Teavana Corporation c Teayama Inc., 2014 CF 372 au para 4; Aquasmart, au para 45; Louis Vuitton Malletier S.A. c Yang, 2007 CF 1179 au para 4.

(2) Application des principes

(i) Les défendeurs visés par la présente requête sont-ils en défaut?

[44] Il est facile de satisfaire à la première étape pour avoir gain de cause. Les demanderesses ont établi, par des affidavits de signification, que la déclaration (dans sa version modifiée) et l’ordonnance d’injonction interlocutoire ont été signifiées aux défendeurs visés par la présente requête il y a plusieurs années et que les défendeurs visés par la présente requête n’ont pas déposé de défense dans le délai de 30 jours prévu à l’alinéa 204a) des RCF. De plus, aucun des défendeurs visés par la présente requête n’a pris d’autres mesures dans le cadre de l’action; par exemple, aucun d’entre eux n’a exprimé l’intention de se défendre malgré l’avis de son défaut et la possibilité d’une procédure de jugement par défaut.

(ii) Existe-t-il un droit d’auteur sur les œuvres des demanderesses et, dans l’affirmative, les demanderesses détiennent-elles ou ont-elles le droit d’exercer le droit d’auteur sur ces œuvres?

[45] Étant donné que l’enregistrement n’est pas une condition préalable à l’existence du droit d’auteur au Canada, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il existe un droit d’auteur sur les œuvres des demanderesses dans les circonstances de l’espèce. Je suis en outre convaincue que, puisque les demanderesses sont titulaires du droit d’auteur ou de licences exclusives, elles ont le droit d’exercer le droit d’auteur sur leurs œuvres, y compris un droit d’action en contrefaçon et le droit de communiquer leurs émissions au public par télécommunication.

[46] Les demanderesses soutiennent que les œuvres énumérées à l’annexe A ne représentent qu’un sous-ensemble (qu’elles peuvent faire valoir de façon pratique) des nombreuses œuvres cinématographiques sur lesquelles elles détiennent un droit d’auteur au Canada. L’annexe A ci-dessous divise les œuvres visées en deux catégories :

  • a) les œuvres qui sont – selon les sociétés de médias demanderesses, des sociétés dont le siège social se situe au Canada, un pays partie à la Convention de Berne – produites ou détenues par les sociétés de médias demanderesses (habituellement des œuvres originales diffusées en direct par les stations des demanderesses), et sur lesquelles les demanderesses détiennent donc le droit d’auteur qui existe;

  • b) les œuvres dont les droits exclusifs au Canada appartiennent, selon les sociétés de médias demanderesses, à ces dernières parce qu’elles sont titulaires de licences exclusives du propriétaire du droit d’auteur pour communiquer les émissions au public par télécommunication en les diffusant à la télévision et en ligne.

[47] Le droit d’auteur existe sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale et artistique originale, ainsi que sur toute œuvre cinématographique (un type d’œuvre dramatique) si le producteur avait son siège social dans un pays signataire (c’est-à-dire un pays partie à la Convention de Berne) : art 5(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur. Dans les procédures civiles où le défendeur conteste l’existence d’un droit d’auteur ou la qualité du demandeur, les œuvres concernées sont présumées être protégées par le droit d’auteur, et le producteur (dans le cas d’œuvres cinématographiques) est présumé être titulaire de ce droit d’auteur, jusqu’à preuve contraire : art 34.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur. De plus, la concession d’une licence exclusive sur un droit d’auteur comprend le droit d’action pour violation du droit d’auteur : art 13(6) et 13(7) de la Loi sur le droit d’auteur.

[48] Bien que les défendeurs visés par la présente requête n’aient pas techniquement contesté l’existence d’un droit d’auteur ou la qualité des demanderesses, puisqu’ils n’ont présenté aucune défense dans le cadre de l’action, je conclus néanmoins que le paragraphe 34.1(1) favorise les demanderesses en l’espèce parce que les allégations des demanderesses sont présumées être niées en application de l’article 184 des RCF.

[49] Quoi qu’il en soit, je suis convaincue que les affidavits suivants des demanderesses appuient la conclusion selon laquelle les sociétés de médias demanderesses sont toutes des productrices d’œuvres cinématographiques originales, au sens du terme « producteur » défini à l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur (c’est-à-dire « [l]a personne qui effectue les opérations nécessaires à la confection d’une œuvre cinématographique ») :

  • - affidavit de Nikki Moffat, présidente, Radio et télévision locale, et vice-présidente principale, Finances, Bell Média Inc., souscrit le 15 juillet 2019;

  • - affidavit de Michael Webber, vice-président, Services juridiques, Rogers Communications Canada Inc., souscrit le 6 mai 2016;

  • - affidavit de Serge Fortin, vice-président, TVA Nouvelles et TVA Sports, Groupe TVA Inc., souscrit le 16 juillet 2019.

[50] Plus précisément, la production par les sociétés de médias demanderesses des œuvres énumérées à l’annexe A, dont les demanderesses seraient les productrices ou les propriétaires, est, à mon avis, suffisamment décrite dans les affidavits de Mme Moffat, de M. Webber et de M. Fortin, respectivement, pour établir cette allégation.

[51] Même si la preuve des demanderesses aurait pu être plus explicite quant à l’existence du droit d’auteur sur les œuvres à l’égard desquelles les demanderesses seraient titulaires de licences exclusives, je suis également convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve établit l’existence de ce droit d’auteur. Les affidavits suivants des demanderesses appuient la conclusion selon laquelle les sociétés de médias demanderesses sont titulaires de licences exclusives, acquises auprès des titulaires du droit d’auteur, pour les émissions de télévision qu’elles diffusent :

  • - affidavit de Shawn Omstead, vice-président, Produits et services résidentiels, Bell Canada, souscrit le 6 mai 2016;

  • - affidavit de M. Webber;

  • - affidavit de Corinne Matte, parajuriste employée par la firme Smart & Biggar S.E.N.C.R.L, s.r.l., le cabinet d’avocats ayant représenté les demanderesses, souscrit le 14 août 2020.

[52] En plus des déclarations concernant l’acquisition de licences auprès des titulaires du droit d’auteur qui sont contenues dans les affidavits de M. Omstead et de M. Webber, les demanderesses ont fourni, avec l’affidavit de Mme Matte, des copies des certificats originaux d’enregistrement du droit d’auteur qui ont été délivrés par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour la concession du droit d’auteur sur les œuvres applicables par des licences de confirmation, ainsi que des copies des licences de confirmation. Un certificat d’enregistrement constitue la preuve que l’intérêt qui y est inscrit a été concédé par licence et que le titulaire de la licence figurant au certificat d’enregistrement détient cet intérêt : art 53(2.2) 53(3) de la Loi sur le droit d’auteur.

[53] Je fais remarquer que les licences de confirmation identifient les concédants (Home Box Office, Inc., Twentieth Century Fox Film Corporation et Warner Bros International Television Distribution Inc., qui ont toutes des bureaux aux États-Unis, un pays partie à la Convention de Berne) comme les propriétaires du droit d’auteur sur les œuvres ou les émissions de télévision précisées dans les licences. De plus, les licences accordent à Bell Média (dans le cas de HBO) et à Rogers Media (dans le cas de Twentieth Century Fox et de Warner Bros), respectivement, le droit exclusif au Canada de communiquer les œuvres ou les émissions de télévision précisées, ou de les mettre à la disposition du public par télécommunication, notamment en les diffusant sur Internet ou à la télévision, en continu ou sur demande.

[54] Les certificats d’enregistrement et les licences de confirmation énumèrent les œuvres particulières, qui sont également énumérées à l’annexe A, à l’égard desquelles les demanderesses seraient titulaires d’une licence exclusive au Canada.

[55] Le droit de communiquer au public par télécommunication une œuvre protégée par le droit d’auteur est l’un des droits que détient le titulaire d’un droit d’auteur au Canada (c’est-à-dire un droit qui peut concédé par licence ou cédé individuellement ou avec d’autres droits) : art 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur. La Cour suprême du Canada a confirmé que le droit de communiquer une œuvre au public par télécommunication comprend le droit de la diffuser en continu sur Internet : Rogers, au para 56. Le droit de communiquer une œuvre au public par télécommunication comprend également le droit de la mettre à la disposition du public de manière à ce que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit (c’est-à-dire sur demande) : art 2.4(1.1) de la Loi sur le droit d’auteur.

(iii) Les défendeurs visés par la présente requête ont-ils violé le droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses en mettant à la disposition du public par télécommunication les émissions des demanderesses, sans le consentement de celles-ci?

[56] Je conclus que, parce que seules les sociétés de médias demanderesses ont le droit au Canada de communiquer les émissions ou les œuvres des demanderesses au public par télécommunication, et parce que les défendeurs visés par la présente requête ont mis ces œuvres à la disposition du public sans l’autorisation des demanderesses, les défendeurs visés par la présente requête ont violé le droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses : art 3(1)f), 13(7), 2.4(1.1), 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur. Comme l’a conclu la Cour suprême, « [c]onstitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’“un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’exécuter” (par. 27(1)), y compris […] “communiquer au public, par télécommunication, une œuvre […] [et] […] autoriser ces actes” (al. 3(1)f) […]) » (souligné dans l’original) : Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Assoc. canadienne des fournisseurs Internet, 2004 CSC 45 au para 42.

[57] Les demanderesses reconnaissent que les sites de diffusion en continu et les exploitants de services IPTV sont les personnes qui communiquent les émissions des demanderesses au public par télécommunication, en les hébergeant et en les transmettant de leurs sites Web ou de leurs serveurs aux utilisateurs qui, individuellement, lancent la demande d’œuvres en continu, au moyen d’une transmission d’un point à un autre : Rogers, au para 34. La communication par un site de diffusion en continu est initiée par un utilisateur sous la forme d’une communication interactive, qui implique des technologies d’« extraction personnalisée », contrairement à la « distribution sélective » plus traditionnelle de la diffusion par le diffuseur : Rogers, au para 34. Cependant, la Cour suprême a fait remarquer que l’élément d’interaction de la communication ne limite pas l’application de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur : Rogers, au para 35.

[58] En outre, les boîtiers décodeurs préinstallés sont configurés dans le but de connecter les utilisateurs au contenu ou aux diffusions en continu non autorisés des émissions des demanderesses en leur fournissant les moyens techniques de naviguer et de faire des recherches dans le contenu contrefait, de recevoir la demande d’accès d’un utilisateur à des émissions particulières, et de chercher et de connecter un utilisateur aux diffusions en continu disponibles pour voir, sur demande, le contenu contrefait, recevoir la diffusion en continu et l’afficher devant l’utilisateur (c’est-à-dire en réponse à la demande de l’utilisateur). Autrement dit, les boîtiers décodeurs préinstallés permettent aux utilisateurs d’accéder sans autorisation à une grande quantité d’émissions de télévision en direct ou sur demande. Plus précisément, ils permettent aux utilisateurs, entre autres :

  • d’installer des extensions pour accéder à du contenu non autorisé, y compris la diffusion en continu d’un grand nombre d’émissions de télévision en direct;

  • de se connecter à des services IPTV privés, qui diffusent en continu des centaines de stations de télévision de diverses catégories, et d’utiliser un contrôle à distance pour changer de station ou de catégorie, comme les utilisateurs pourraient autrement le faire en s’abonnant à des émissions de télévision légitimes fournies par une EDR titulaire de licences;

  • d’accéder au contenu de sites de diffusion en continu, y compris le contenu téléchargeable de façon permanente.

[59] Les demanderesses soutiennent que la plupart des clients des défendeurs visés par la présente requête ne pourraient pas avoir accès au contenu contrefait s’ils n’avaient pas acheté un boîtier décodeur préinstallé et qu’ils avaient plutôt acheté un boîtier décodeur standard ou un dispositif électronique similaire qui n’a pas été préinstallé ou configuré avec des applications comme KODI ou Showbox. La preuve des demanderesses établit que, pour configurer un boîtier décodeur standard de façon à pouvoir accéder au contenu contrefait de la même façon ou d’une façon semblable à un boîtier décodeur préinstallé, qui est convivial et immédiatement fonctionnel, les utilisateurs doivent posséder les aptitudes techniques et la motivation nécessaires pour effectuer un certain nombre d’étapes qui nécessitent un certain temps. Ils doivent entre autres trouver, obtenir et installer ou configurer les applications et les extensions pertinentes ou les services IPTV pertinents, et tenter d’accéder au contenu contrefait.

[60] Selon la preuve des demanderesses, ce n’est pas une mince affaire. Par exemple, les extensions qui facilitent l’accès au contenu contrefait ne sont pas hébergées dans le répertoire officiel d’extensions de KODI. Cela signifie que les utilisateurs qui souhaitent les installer doivent non seulement les trouver ailleurs sur Internet, mais aussi déchiffrer les instructions d’installation, qui ne semblent pas être conviviales. Pour un ingénieur informaticien, ces tâches ont pris environ 15 minutes. Je suis disposée à conclure que cela pourrait prendre plus de temps à une personne qui a des compétences et des aptitudes inférieures. En outre, à mon avis, les clients du marché de boîtiers décodeurs préinstallés préfèrent la commodité de ces dispositifs pour accéder au contenu contrefait dès l’achat et l’activation, sans parler de leur coût moindre.

[61] Je suis donc d’accord avec les demanderesses pour dire que les boîtiers décodeurs préinstallés des défendeurs visés par la présente requête jouent un rôle essentiel dans la communication du contenu contrefait aux utilisateurs (c’est-à-dire le public) par télécommunication, comme le prévoit le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi sur le droit d’auteur.

[62] Les enquêteurs des demanderesses ont confirmé que les boîtiers décodeurs préinstallés des défendeurs visés par la présente requête ont rendu les émissions des demanderesses accessibles; ces émissions sont ventilées par défendeur à l’annexe B ci-dessous. Comme la juge Tremblay-Lamer l’a fait remarquer, « la seule raison pour laquelle plusieurs utilisateurs ont accès à du contenu violant le droit d’auteur est que les boîtiers décodeurs préinstallés avec KODI (et les extensions appropriées), Showbox ou un service privé IPTV rendent cet accès extrêmement facile. […] Les défendeurs commercialisent leurs produits auprès de consommateurs en invoquant précisément que leurs boîtiers décodeurs “prêts-à-l’emploi” rendent inutile l’abonnement au câble » : Bell Canada CF 2016, au para 24.

[63] En outre, le juge de Montigny a fait remarquer dans un litige connexe que l’hébergement et la distribution des extensions mettent essentiellement les émissions et les stations des demanderesses à la disposition du public par télécommunication : Bell Canada CAF 2018, au para 22. À mon avis, donner aux utilisateurs la possibilité d’accéder aux extensions et de les installer par l’entremise des boîtiers décodeurs préinstallés fait la même chose et, par conséquent, met également les émissions ou les œuvres des demanderesses à la disposition du public par télécommunication.

[64] À la lumière du modèle d’affaires apparent des défendeurs visés par la présente requête (c’est-à-dire la promotion, la mise en vente et la vente de boîtiers décodeurs préinstallés configurés tel qu’il est décrit ci-dessus), je suis également d’accord avec les demanderesses pour dire que les défendeurs visés par la présente requête n’auraient pas pu invoquer la limite possible à la responsabilité prévue à l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, en ce qui a trait au type de violation décrit au paragraphe 31.1(1), s’ils avaient participé à l’instance. La première disposition s’applique à ceux qui ne fournissent qu’un moyen sans incidence de communiquer une œuvre au public par télécommunication (c’est-à-dire lorsque la participation du fournisseur n’a « aucune incidence sur [le contenu] ») : Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Assoc. canadienne des fournisseurs Internet, 2004 CSC 45 au para 92; Bell Canada CF 2016, au para 22; Bell Canada CAF 2018, aux para 32 et 36.

[65] Bien que je puisse considérer qu’un boîtier décodeur standard est un moyen de communication n’ayant aucune incidence sur le contenu, je conclus que les boîtiers décodeurs préinstallés ont une incidence sur le plan technologique. De plus, la participation des défendeurs visés par la présente requête à l’industrie qu’ils ont choisie et les actes auxquels ils se sont livrés ne peuvent pas être décrits de quelque façon que ce soit, à mon avis, comme n’ayant « aucune incidence sur le contenu ».

(iv) Les défendeurs visés par la présente requête ont-ils autorisé la violation du droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses en ce qui a trait à la communication des émissions des demanderesses au public par télécommunication par l’entremise de sites de diffusion en continu, sans le consentement des demanderesses?

[66] Je conclus que les demanderesses ont établi que les défendeurs visés par la présente requête ont autorisé la violation du droit d’auteur en ce qui a trait à la communication des émissions des demanderesses au public par télécommunication au moyen de sites de diffusion en continu, sans leur consentement.

[67] Autoriser autrui à violer le droit d’auteur, en soi, est un acte de contrefaçon : art 3(1) (dernière phrase) et 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur. « Autoriser » signifie « sanctionner, appuyer ou soutenir » et peut s’inférer d’agissements qui ne sont pas des actes directs et positifs : CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13 [CCH] au para 38.

[68] Permettre l’utilisation de matériel, comme des boîtiers décodeurs standards, susceptible d’être utilisé pour violer le droit d’auteur ne constitue pas, en soi, une autorisation de violation. En outre, il existe une présomption selon laquelle une activité autorisée par une personne a été effectuée conformément à la loi. Cependant, cette présomption peut être réfutée par la preuve qu’il existait une certaine relation ou un certain degré de contrôle entre l’auteur allégué de l’autorisation et les personnes qui ont violé le droit d’auteur : CCH, au para 38.

[69] En raison de leurs activités de recherche, de sélection et de préinstallation des applications se trouvant dans les boîtiers décodeurs préinstallés, ainsi que de publicité, de mise en vente et de vente de ces dispositifs, les défendeurs visés par la présente requête ont directement participé, en tant qu’intégrateurs, à la sélection du contenu auquel les utilisateurs auraient accès. En outre, en favorisant l’accès gratuit à des centaines d’émissions, les défendeurs visés par la présente requête encouragent délibérément les consommateurs et les clients potentiels à contourner les moyens légitimes d’accéder au contenu : Bell Canada CF 2016, au para 22.

[70] De plus, les défendeurs visés par la présente requête ne font pas que simplement mettre en vente et vendre des abonnements à des services IPTV non autorisés. Par exemple, les défendeurs visés par la présente requête enregistrent les renseignements de l’acheteur auprès du service, activent l’abonnement sur le boîtier décodeur préinstallé et fournissent des instructions ou un soutien technique pour accéder au contenu contrefait. Je conclus que, dans les circonstances de l’espèce, les demanderesses ont établi qu’il existait une relation suffisante ou un degré de contrôle suffisant, comme le prévoit l’arrêt CCH, pour conclure que les défendeurs visés par la présente requête ont autorisé la violation du droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses.

(v) Les défendeurs visés par la présente requête ont-ils sciemment incité autrui à violer le droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses sur les émissions des demanderesses?

[71] En plus des causes d’action prévues par la loi dont disposent les demanderesses en l’espèce, je suis convaincue qu’elles disposent également de la cause d’action d’incitation en common law et que les défendeurs visés par la présente requête ont sciemment violé le droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses sur les émissions des demanderesses en mettant en vente et en vendant des boîtiers décodeurs préinstallés qui facilitent la violation du droit d’auteur par les utilisateurs et les sites de diffusion en continu.

[72] L’incitation se produit lorsque quelqu’un fait quelque chose qui amène une autre personne à violer un droit de propriété intellectuelle. En d’autres termes, une personne doit (i) en toute connaissance de cause, (ii) inciter ou amener (par exemple, en mettant en vente et en vendant un produit dont l’utilisation par l’acheteur constituerait une violation) (iii) une autre personne à violer un droit de propriété intellectuelle : Hanson International Inc c Whirley Industries Inc., 2002 CFPI 1045 [Hanson] au para 17. La Cour a formulé ce critère dans le contexte d’une requête en radiation d’une allégation selon laquelle on avait violé ou incité et amené d’autres personnes à violer un dessin industriel.

[73] Un critère similaire a été décrit dans une procédure de contrefaçon de brevet et de contrefaçon par incitation : (i) l’acte de contrefaçon a été réalisé par un contrefacteur direct; (ii) l’acte de contrefaçon a été influencé par les actes de l’incitateur, sans lesquels la contrefaçon n’aurait autrement pas eu lieu; (iii) le vendeur incitateur a sciemment exercé son influence, c’est-à-dire que le vendeur savait que son influence aboutirait à l’acte de contrefaçon : MacLennan c Produits Gilbert Inc., 2006 CAF 204 [MacLennan] au para 22.

[74] Bien que la décision Hanson, en ce qui concerne la requête en radiation, n’ait pas tenu compte en soi de l’applicabilité du principe de l’incitation à des dessins industriels, je ne vois aucune raison pour laquelle ce principe devrait être limité à un type particulier de droits de propriété intellectuelle, comme les brevets (dans le cas de l’arrêt MacLennan). Par conséquent, compte tenu du critère en l’espèce, je conclus que, premièrement, les sites de diffusion en continu qui hébergent et distribuent les émissions des demanderesses, en réponse aux demandes d’utilisateurs, violent le droit exclusif des sociétés de médias demanderesses de communiquer ces émissions au public par télécommunication.

[75] Deuxièmement, les boîtiers décodeurs préinstallés mis en vente et vendus par les défendeurs visés par la présente requête fournissent les moyens de permettre une contrefaçon importante en fournissant une interface conviviale et des ensembles sélectionnés d’applications préinstallées qui encouragent les utilisateurs à demander et à recevoir des diffusions de contenu contrefait ou qui leur facilitent la tâche à cet égard. En d’autres termes, la contrefaçon a été influencée par les actes des défendeurs visés par la présente requête et n’aurait autrement pas eu lieu sans eux.

[76] Troisièmement, compte tenu des éléments de preuve des demanderesses concernant les activités des défendeurs visés par la présente requête, qui sont résumés ci-dessus, et étant donné que les défendeurs visés par la présente requête n’ont pas participé à la présente instance, je suis disposée à conclure que les défendeurs visés par la présente requête savaient que leurs activités entraîneraient une violation du droit d’auteur des sociétés de médias demanderesses. Pour reprendre les propos de la juge Tremblay-Lamer, les défendeurs visés par la présente requête « encouragent […] délibérément les consommateurs et les clients potentiels à contourner les méthodes autorisées d’accès au contenu […] [et] commercialisent leurs produits auprès de consommateurs en invoquant précisément que leurs boîtiers décodeurs “prêts-à-l’emploi” rendent inutile l’abonnement au câble » : Bell Canada CF 2016, aux para 22-24.

[77] À mon avis, il a donc été satisfait au critère.

(vi) Les demanderesses ont-elles établi la responsabilité personnelle de Raheel Rafiq, l’unique administrateur d’Ottawa Tek?

[78] À mon avis, les demanderesses ont établi la responsabilité personnelle de M. Rafiq dans les circonstances de l’espèce.

[79] Mon analyse de cette question commence par la présomption selon laquelle « l’existence des ordres ou autorisations formels requis pour que soit engagée la responsabilité personnelle non seulement ne sera pas déduite du contrôle exercé sur une société, mais ne sera non plus déduite de l’exercice indispensable par ceux qui ont ce contrôle d’un pouvoir général de direction des affaires de celle-ci » : Mentmore Manufacturing Co. c National Merchandise Manufacturing Co., [1978] ACF no 521 (CAF) [Mentmore] au para 24.

[80] Cependant, la Cour d’appel fédérale a formulé le critère applicable comme suit dans Mentmore : « il existe […] certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon » : Mentmore, au para 28.

[81] Compte tenu de la preuve des demanderesses et des conclusions de fait que j’ai tirées ci-dessus concernant les activités d’Ottawa Tek et de M. Rafiq, à mon avis, la conclusion inévitable est que ce dernier s’est livré délibérément, volontairement et sciemment à une conduite impliquant la vente de boîtiers décodeurs préinstallés, qui était susceptible de constituer une contrefaçon, ou, à tout le moins, a fait preuve d’indifférence à l’égard du risque de contrefaçon. L’industrie elle-même est fondée sur l’offre gratuite ou à coût moindre d’un accès à des émissions de télévision par la violation du droit d’auteur en gros.

(vii) Le commerce de boîtiers décodeurs préinstallés par les défendeurs visés par la présente requête constitue-t-il une infraction prévue par la Loi sur la radiocommunication, donnant ainsi naissance à une cause d’action en droit privé contre les défendeurs visés par la présente requête?

[82] Je suis convaincue que les demanderesses ont droit à une réparation en vertu de la Loi sur la radiocommunication en raison des activités des défendeurs visés par la présente requête qui contreviennent à cette loi.

[83] La Loi sur la radiocommunication prévoit que commet une infraction quiconque, entre autres, met en vente ou vend tout matériel ou dispositif qui est utilisé ou est destiné à être utilisé en vue de décoder, sans l’autorisation de leur distributeur légitime, un signal d’abonnement ou une alimentation réseau ou en vue d’utiliser un appareil radio pour recevoir des signaux ou des alimentations ainsi décodés : art 9(1)c), 9(1)d) et 10(1)b).

[84] La preuve des demanderesses établit qu’un boîtier décodeur préinstallé est généralement conçu de façon à se connecter à Internet par un câble Ethernet ou un réseau sans fil (Wi-Fi), ce dernier ayant une fréquence standard entre 2 GHz et 6 GHz. Compte tenu des définitions d’« appareil radio » et de « radiocommunication ou radio » énoncées à l’article 2 de la Loi sur la radiocommunication, je suis d’accord avec les demanderesses pour dire qu’un boîtier décodeur préinstallé est un type d’appareil radio et qu’il est donc visé par l’interdiction prévue à l’alinéa 9(1)d) de cette loi.

[85] La Loi sur la radiocommunication confère également un recours civil à ceux qui détiennent un droit d’auteur ou une licence de droit d’auteur sur le contenu d’un signal d’abonnement ou d’une alimentation réseau, ou qui sont autorisés par le distributeur légitime à communiquer le signal ou l’alimentation au public : art 18(1)a) et 18(1)b). En outre, la Cour fédérale est le tribunal compétent : art 18(4).

[86] Les demanderesses ont établi que les sociétés de médias demanderesses sont des radiodiffuseurs qui possèdent et exploitent les stations des demanderesses et détiennent un droit d’auteur ou des licences exclusives à l’égard des émissions des demanderesses, et que les sociétés de distribution demanderesses sont des entreprises de radiodiffusion autorisées à distribuer les stations et les émissions des demanderesses. Chaque demanderesse a donc le droit de demander et d’obtenir une réparation sous forme de dommages-intérêts, de reddition de compte ou d’injonction contre les défendeurs visés par la présente requête.

(3) À quelle réparation les demanderesses ont-elles droit?

[87] Le paragraphe 34(1) de la Loi sur le droit d’auteur et le paragraphe 18(1) de la Loi sur la radiocommunication régissent les types de réparation que les demanderesses peuvent obtenir en l’espèce. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, et conformément à ces dispositions, les demanderesses sollicitent des déclarations confirmant l’existence et la violation du droit d’auteur et demandent une injonction permanente interdisant aux défendeurs visés par la présente requête de se livrer à d’autres activités de contrefaçon. Les demanderesses sollicitent également des dommages-intérêts préétablis, des dommages-intérêts punitifs, des dépens et des intérêts avant et après jugement.

[88] Les demanderesses soutiennent également que les défendeurs Ottawa Tek et Raheel Rafiq devraient être tenus solidairement responsables de la violation du droit d’auteur. Je suis d’accord, compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus.

[89] Dans les paragraphes qui suivent, j’examine chaque forme de réparation demandée.

(i) Les déclarations

[90] Compte tenu de mes conclusions à ce sujet, les demanderesses ont droit aux déclarations qui suivent. Par conséquent, je déclare :

  • 1. qu’un droit d’auteur existe sur les œuvres des demanderesses, à savoir les œuvres cinématographiques énumérées à l’annexe A, et que les demanderesses détiennent le droit exclusif de communiquer ces œuvres au Canada par télécommunication, y compris en les diffusant sur Internet et à la télévision, en continu ou sur demande;

  • 2. que, en annonçant, en mettant en vente et en vendant des boîtiers décodeurs préinstallés (qui contiennent des logiciels ou qui ont autrement été configurés pour permettre l’accès à du contenu télévisuel non autorisé, par exemple au moyen d’extensions ou de services IPTV non autorisés), y compris les modèles « Spectra Quad Core », « Intra Quad Core » et « Ultra Quad Core » d’INL3D, le modèle « Amlogic M8S » pour Android d’Ottawa Tek et de M. Rafiq, et les modèles « Himedia H8 Lite », « Himedia H8 Plus », « Himedia Q5 Pro » et « Himedia Q10 Pro » de Morcor, les défendeurs visés par la présente requête ont mis à la disposition du public par télécommunication les œuvres des demanderesses énumérées à l’annexe B de manière que les utilisateurs des boîtiers décodeurs préinstallés puissent y avoir accès par télécommunication de l’endroit et au moment qu’ils choisissent, en violation du droit d’auteur des demanderesses aux termes des paragraphes 2.4(1.1) et 27(1) et de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur;

  • 3. que, en commettant les actes décrits ci-dessus, les défendeurs visés par la présente requête ont autorisé la communication au public par télécommunication au Canada des œuvres des demanderesses énumérées à l’annexe B, en contravention des paragraphes 2.4(1.1) et 27(1) et de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur;

  • 4. que, en commettant les actes décrits ci-dessus, les défendeurs visés par la présente requête ont sciemment incité les utilisateurs de boîtiers décodeurs préinstallés à commettre des actes violant le droit d’auteur des demanderesses, en contravention des paragraphes 2.4(1.1) et 27(1) et de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur;

  • 5. que, en commettant les actes décrits ci-dessus, les défendeurs visés par la présente requête ont distribué, mis en vente, vendu, exploité et possédé du matériel et des dispositifs utilisés ou destinés à être utilisés comme appareils radio pour recevoir les signaux d’abonnement des demanderesses après leur décodage sans l’autorisation de la demanderesse concernée ou en contravention avec celle-ci, infraction prévue à l’alinéa 10(1)b) de la Loi sur la radiocommunication.

(ii) L’injonction permanente

[91] La jurisprudence confirme que, lorsque la violation du droit d’auteur est établie, comme je l’ai conclu en l’espèce, le titulaire du droit d’auteur a droit à une injonction pour empêcher que la violation se poursuive : Trimble Solutions Corporation c Quantum Dynamics Inc., 2021 CF 63 au para 66. Par conséquent, j’ordonne qu’il soit interdit définitivement aux défendeurs visés par la présente requête, à leurs actionnaires, administrateurs, dirigeants, employés, représentants et mandataires, ou à tout partenariat, société, fiducie, entité ou personne sous leur autorité ou leur contrôle, ou avec lequel ils sont associés ou affiliés, directement ou indirectement :

  • 1. de fabriquer, d’importer, de distribuer, de louer, de mettre en vente, de vendre, d’installer, de modifier, d’exploiter ou de posséder des boîtiers décodeurs préinstallés qui sont utilisés ou destinés à être utilisés en vue de recevoir les signaux d’abonnement des demanderesses après leur décodage sans l’autorisation des demanderesses ou en contravention avec celle-ci;

  • 2. d’autoriser ou d’inciter quiconque à perpétrer des actes de violation du droit d’auteur des demanderesses, y compris par la configuration, la publicité, la mise en vente ou la vente de boîtiers décodeurs préinstallés;

  • 3. d’annoncer, de mettre en vente ou de vendre des abonnements à des services de tiers, ou d’autres fournisseurs, qui diffusent des retransmissions non autorisées des signaux d’abonnement des demanderesses pour les œuvres des demanderesses sur Internet.

(iii) Les dommages-intérêts préétablis

[92] À mon avis, il est logique de demander des dommages-intérêts préétablis, comme le font les demanderesses, dans une affaire comme celle qui nous occupe, où (i) il faudrait déployer des efforts considérables pour tenter d’estimer les dommages réels causés par les activités de contrefaçon des défendeurs visés par la présente requête et où (ii) les défendeurs visés par la présente requête n’ont pas participé à l’instance. Par conséquent, les profits illicites des défendeurs visés par la présente requête, auxquels les demanderesses auraient autrement droit par application de l’article 35 de la Loi sur le droit d’auteur et du paragraphe 18(1) de la Loi sur la radiocommunication, ne peuvent être déterminés.

[93] Je fais remarquer que la réparation à laquelle les demanderesses ont droit en vertu de la Loi sur la radiocommunication ne porte pas atteinte aux recours prévus par la Loi sur le droit d’auteur : art 18(6) de la Loi sur la radiocommunication. Cela dit, compte tenu de l’importance des dommages-intérêts préétablis demandés par les demanderesses en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, je crois qu’accorder des dommages-intérêts aux demanderesses pour la violation de la Loi sur la radiocommunication par les défendeurs visés par la présente requête ainsi que des dommages-intérêts préétablis équivaudrait à accorder une double indemnité : Polsat c Radiopol Inc., 2006 CF 584 au para 53. Cependant, je fais en outre remarquer que, de toute façon, les demanderesses proposent de limiter les dommages-intérêts qu’elles réclament aux dommages-intérêts préétablis accordés pour la violation du droit d’auteur des demanderesses.

[94] Je me concentre donc plutôt sur les dommages-intérêts préétablis suivants que les demanderesses réclament en vertu de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, qui totalisent 58 600 000 $ :

Défendeur

Montant maximal des dommages-intérêts préétablis : art 38.1(1)a)

Nombre total d’œuvres contrefaites : annexe B

Montant total des dommages-intérêts

INL3D

20 000 $

386

7 720 000 $

Ottawa Tek et Raheel Rafiq

20 000 $

1 408

28 160 000 $

Morcor

20 000 $

1 136

22 720 000 $

[95] Les dommages-intérêts préétablis sont évalués en fonction de « toutes les violations […] relatives à chaque œuvre donnée » et le titulaire du droit d’auteur a droit à un montant de 500 $ à 20 000 $ par œuvre, si les violations ont été commises à des fins commerciales : art 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur. Il ne fait aucun doute que les violations dont les demanderesses se plaignent en l’espèce ont été commises à des fins commerciales.

[96] Comme je l’ai déjà affirmé, « [l]es dommages‑intérêts préétablis obligent […] à apprécier au cas par cas la totalité des circonstances pertinentes, dans le but de parvenir à une solution équitable » : Rallysport Direct LLC c 2424508 Ontario Ltd, 2020 CF 794 [Rallysport] au para 6. En outre, « [u]ne preuve qui illustre la facilité avec laquelle il est possible de violer un droit d’auteur en recourant aux moyens technologiques modernes peut obliger à prendre des mesures pour prévenir d’autres violations » : Rallysport, au para 6. À mon avis, les dispositifs « prêts-à-l’emploi », comme les boîtiers décodeurs préinstallés, permettent aux défendeurs visés par la présente requête et à d’autres (p. ex. les sites de diffusion en continu) de violer avec facilité le droit d’auteur des demanderesses.

[97] De plus, « [d]ans le cas des violations de nature commerciale, la fourchette prescrite, qui s’étend [de] 500 $ à […] 20 000 $ par œuvre, peut être réduite “dans le cas où plus d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur sont incorporés dans un même support matériel, si le tribunal est d’avis que même s’il accordait le montant minimal de dommages‑intérêts préétablis le montant total de ces dommages‑intérêts serait extrêmement disproportionné par rapport à la violation” » : Rallysport, au para 7. Un résumé des autres principes applicables à l’évaluation des dommages-intérêts préétablis se trouve aux paragraphes 6 à 13 de la décision Rallysport.

[98] Le tableau suivant (dont une version antérieure se trouve dans la décision Rallysport, au paragraphes 22) illustre certaines des décisions antérieures où la Cour a accordé des dommages-intérêts préétablis :

Décision

Nombre et types d’œuvres

Montant/œuvre

Montant total accordé

Wing c Velthuizen, 2000 CanLII 16609 (CF)

1 journal personnel

10 000 $

10 000 $

Telewizja Polsat S.A. c Radiopol Inc., 2006 CF 584

2 009 émissions de télévision

150 $

301 350 $

Microsoft Corporation c 9038-3746 Québec Inc., 2006 CF 1509

25 CD (contenant des programmes informatiques)

20 000 $

500 000 $

Louis Vuitton Malletier S.A. c Yang, 2007 CF 1179

2 imprimés de

monogrammes

polychromes

20 000 $

40 000 $

Trader v CarGurus, 2017 ONSC 1841

152 532 photographies

d’automobiles

2 $

305 064 $

Collett c Northland Art Company Canada Inc., 2018 CF 269

6 photographies et la page d’accueil du site Web

7 500 $

45 000 $

Century 21 Canada Limited Partnership v Rogers Communications Inc., 2011 BCSC 1196

99 photographies,

29 descriptions de biens

réels

250 $

32 000 $

Ritchie v Sawmill Creek Golf & Country Club Ltd, 2003 CanLII 24511

9 photographies,

5 agrandissements

200 $

2 800 $

Royal Conservatory of Music c Macintosh (Novus Via Music Group Inc.), 2016 CF 929

21 œuvres musicales

500 $

10 500 $

Nintendo of America Inc. c King, 2017 CF 246 [Nintendo]

585 jeux

20 000 $

11 700 000 $

Thomson c Afterlife Network Inc, 2019 CF 545 [Thomson]

1 141 790 notices

nécrologiques

8,76 $

10 000 000 $

Young c Thakur, 2019 CF 835

2 chansons

1 000 $

2 000 $

Louis Vuitton Malletier S.A. c Wang, 2019 CF 1389

2 imprimés de

monogrammes

polychromes

20 000 $

40 000 $

Rallysport Direct LLC c 2424508 Ontario Ltd, 2020 CF 794

1 430 photos

250 $

357 500 $

[99] Le paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur dispose que, lorsqu’il doit déterminer le montant approprié des dommages-intérêts préétablis, la Cour tient compte notamment des facteurs suivants : (i) la bonne ou mauvaise foi du défendeur; (ii) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci; et (iii) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question. J’examine chacun de ces facteurs ci-dessous, ainsi que la question de savoir si le montant maximal des dommages-intérêts préétablis demandé par les demanderesses est « extrêmement disproportionné à la violation ».

a) La bonne ou la mauvaise foi des défendeurs visés par la présente requête

[100] Je suis d’accord avec les demanderesses pour dire que les défendeurs visés par la présente requête ont sciemment et délibérément autorisé la (re)diffusion illégale des émissions et des stations des demanderesses, et qu’ils ont sciemment incité d’autres personnes à commettre des violations. En outre, les défendeurs visés par la présente requête n’ont pas tenu compte du processus de la Cour en omettant de fournir une réponse à la Cour ou aux demanderesses, même si la déclaration des demanderesses (dans sa version modifiée) et l’ordonnance d’injonction interlocutoire leur ont été personnellement signifiées et qu’ils ont été avisés de leur défaut.

[101] Je suis également d’accord pour dire que les activités des défendeurs visés par la présente requête ont causé et continuent de causer un préjudice grave et continu aux demanderesses parce que l’utilisation des boîtiers décodeurs préinstallés qui ont été vendus entraîne une distribution illégale des émissions des demanderesses, non seulement au moment de la première utilisation après l’achat par l’utilisateur, mais aussi à chaque utilisation subséquente, autorisant ainsi un nombre croissant et potentiellement illimité de diffusions des émissions. Dans une certaine mesure, l’ajout par les demanderesses de nombreux défendeurs à la présente instance – il y a maintenant un total d’environ 175 défendeurs – reflète la croissance de cette industrie illicite. De plus, les offres à faible coût des défendeurs visés par la présente requête et d’autres personnes comme eux incitent à tout le moins les abonnés aux émissions des demanderesses à annuler leurs abonnements ou les abonnés potentiels à ne pas s’abonner : Bell Canada CF 2016, au para 31.

[102] À mon avis, les défendeurs visés par la présente requête connaissaient ou auraient dû connaître l’ampleur et la durée du préjudice causé par leurs activités de contrefaçon, qui sont résumées ci-dessus. Je conclus donc que, en ayant vendu et en continuant de vendre des boîtiers décodeurs préinstallés, les défendeurs visés par la présente requête ont agi de mauvaise foi et que ce facteur favorise les demanderesses.

b) Le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci

[103] Les demanderesses ont consacré des ressources considérables à la réalisation d’enquêtes, y compris pour embaucher des enquêteurs privés afin de confirmer les activités de contrefaçon des défendeurs visés par la présente requête. Bien que la déclaration leur ait été signifiée et qu’ils aient été avisés de leur défaut, les défendeurs visés par la présente requête n’y ont aucunement répondu. Je conclus donc que ce facteur favorise les demanderesses.

c) La nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles

[104] À mon avis, la croissance de l’industrie illicite des boîtiers décodeurs préinstallés met en évidence la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles. Cette croissance est illustrée par au moins deux choses. La première est le nombre actuel de défendeurs à l’action sous-jacente, à savoir environ 175. La deuxième est le nombre potentiel d’émissions ou d’œuvres des demanderesses qui sont visées par l’activité de contrefaçon. La preuve des demanderesses établit que le nombre d’œuvres des demanderesses qui sont visées, soit 2 930 (tel qu’il est indiqué à l’annexe B), ne représente qu’un sous-ensemble des violations totales (il faudrait déployer un effort considérable pour tenter de les quantifier). Je conclus donc que ce facteur favorise fortement les demanderesses.

d) Les dommages-intérêts demandés sont-ils extrêmement disproportionnés à la violation?

[105] Le montant maximal des dommages-intérêts préétablis qui est demandé par les demanderesses en l’espèce est élevé, en partie en raison du nombre de violations. Dans le cadre de mon examen de la question de savoir si les dommages-intérêts sont extrêmement disproportionnés, je fais remarquer que les demanderesses ont obtenu un jugement par consentement contre la défenderesse 2460269 Ontario Inc. s/n de Infinity TV. Le 20 mars 2019, le juge Gascon a ordonné à la défenderesse de verser aux demanderesses la somme forfaitaire considérable de 5 000 000 $ au titre des dommages-intérêts, de la restitution des profits, des dommages-intérêts punitifs et exemplaires, et des dépens. Je fais également remarquer que les plus récentes décisions de la Cour concernant l’octroi de dommages-intérêts préétablis se situaient dans la fourchette de 10 000 000 $ à 12 000 000 $ : Nintendo et Thomson, précitées. Je conclus donc qu’un montant de 10 000 $, qui se situe au milieu de la fourchette, est plus proportionné, surtout compte tenu de l’intention des demanderesses de demander un jugement par défaut contre d’autres défendeurs en l’espèce et à la lumière de l’aveu des demanderesses selon lequel la baisse des abonnements ne résulte qu’en partie du piratage du contenu.

e) Le montant des dommages-intérêts préétablis accordé

[106] Compte tenu de ce qui précède, j’accorde donc aux demanderesses des dommages-intérêts préétablis d’un montant total de 29 300 000 $ (en dollars canadiens). La ventilation et le calcul des dommages-intérêts préétablis pour chaque défendeur visé par la présente requête (où Ottawa Tek et Raheel Rafiq sont solidairement responsables) sont indiqués dans le tableau suivant :

Défendeur

Montant maximal des dommages-intérêts préétablis : art 38.1(1)a)

Nombre total des œuvres contrefaites : annexe B

Montant total des dommages-intérêts

INL3D

10 000 $

386

3 860 000 $

Ottawa Tek et Raheel Rafiq

10 000 $

1 408

14 080 000 $

Morcor

10 000 $

1 136

11 360 000 $

(iv) Les dommages‑intérêts punitifs

[107] Compte tenu des principes juridiques applicables qui sont résumés ci-dessous, et en tenant compte du paragraphe 38.1(7) de la Loi sur le droit d’auteur, je conclus que l’octroi de dommages-intérêts punitifs de 100 000 $ contre chacun des défendeurs visés par la présente requête, soit INL3D, Ottawa Tek et Raheel Rafiq (solidairement) et Morcor, pour un montant total de 300 000 $, est approprié en l’espèce. Étant donné que les défendeurs visés par la présente requête ont choisi d’exercer leurs activités dans une industrie qui, de façon inhérente et flagrante, ne respecte pas les droits des demanderesses, ils ont, à mon avis, commis des actes répréhensibles justifiant la dénonciation et l’imposition de sanctions supplémentaires sous forme de dommages-intérêts punitifs.

[108] Je commence par la présomption selon laquelle « [l]es dommages-intérêts punitifs “sont vraiment l’exception et non la règle” » : Bauer Hockey Corp. c Sport Maska Inc. (Reebok-CCM Hockey), 2014 CAF 158 au para 26, citant Whiten c Pilot Insurance Co., 2002 CSC 18 [Whiten] au para 94. En outre, « il faut recourir aux dommages-intérêts punitifs uniquement dans les cas exceptionnels et faire alors preuve de modération » : Whiten, au para 69. La question que doit trancher la Cour est de savoir si les circonstances justifient l’ajout d’une sanction en sus des dommages-intérêts compensatoires : Whiten, au para 67. En l’espèce, je réponds à cette question par l’affirmative.

[109] Les dommages-intérêts punitifs précédemment accordés par la Cour varient de 10 000 $ à 100 000 $ environ, selon les circonstances particulières : Microsoft Corporation c Liu, 2016 CF 950 au para 28; Entral Group International Inc. c MCUE Enterprises Corp. (Di Da Di Karaoke Company), 2010 CF 606 au para 55; Young c Thakur, 2019 CF 835 au para 48). Ils étaient toutefois bien plus élevés (de 500 000 $ à 1,14 million de dollars) dans les affaires suivantes : Twentieth Century Fox Film Corporation c Hernandez, dossier T-1618-13 de la Cour fédérale; Nintendo, précitée; Columbia Pictures Industries, Inc., et al c Samuel Horkoff s/n de M. Blamo, dossier T-1633-18 de la Cour fédérale. Je conclus donc que la somme totale de 300 000 $ est justifiée en l’espèce.

(v) Les dépens

[110] Les demanderesses réclament leurs dépens. Je ne vois aucune raison de m’écarter du principe habituel selon lequel les dépens suivent l’issue de la cause. Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des RCF, j’accorde aux demanderesses une somme globale de 75 000 $, soit 25 000 $ contre chacun des défendeurs visés par la présente requête, INL3D, Ottawa Tek et Raheel Rafiq (solidairement) et Morcor.

[111] La somme globale accordée ci-dessus représente essentiellement la moitié des frais juridiques réellement engagés par les demanderesses pour préparer leur requête en jugement par défaut, mais elle n’inclut pas les frais associés à l’ajout des défendeurs visés par la présente requête, comme les frais liés aux enquêtes visant à obtenir et à tester les boîtiers décodeurs préinstallés des défendeurs visés par la présente requête pour confirmer qu’ils offrent un accès non autorisé et sur demande aux émissions des demanderesses. Comme les demanderesses l’ont fait remarquer dans leurs observations écrites, les sommes globales accordées ont tendance à correspondre de 25 % à 50 % des frais réels, bien qu’il puisse y avoir des cas où un taux plus élevé ou moins élevé est justifié : Teva Canada Limited c Janssen Inc., 2018 CF 1175 au para 6. À mon avis, et dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des RCF, l’adjudication de dépens correspondant à environ 50 % des frais réels est appropriée dans les circonstances de l’espèce.

(vi) Les intérêts avant et après jugement

[112] Les demanderesses ont réclamé des intérêts avant et après jugement dans leur déclaration, y compris les modifications applicables. En application du paragraphe 36(4) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la LCF], les intérêts avant jugement ne s’appliquent pas aux dommages-intérêts punitifs ni aux dépens. En l’espèce, les intérêts avant jugement s’appliqueraient uniquement aux dommages-intérêts préétablis accordés aux demanderesses. Étant donné que les demanderesses n’ont pas demandé d’intérêts avant jugement dans leur requête en jugement par défaut, je refuse d’accorder des intérêts avant jugement en vertu du paragraphe 36(5) de la LCF.

[113] Cependant, les demanderesses ont droit aux intérêts après jugement sur tous les montants que doivent leur verser les défendeurs visés par la présente requête. Le taux de 2 % par année, non composé, s’appliquera de la date de la décision de la Cour jusqu’au paiement du montant intégral.

VIII. Conclusion

[114] Compte tenu de l’analyse ci-dessus, je conclus que les défendeurs visés par la présente requête ont violé le droit d’auteur qui existe sur les émissions ou les œuvres de demanderesses et qu’ils n’ont présenté aucune réponse lorsque la déclaration (dans sa version modifiée) et l’ordonnance d’injonction interlocutoire leur ont été signifiées. Les défendeurs visés par la présente requête sont donc en défaut. Je conclus en outre que les demanderesses se sont acquittées de leur fardeau d’établir leurs allégations.

[115] Je déclare donc qu’il existe un droit d’auteur sur les émissions ou les œuvres des demanderesses et qu’il a été violé, et j’accorde une injonction permanente contre les défendeurs visés par la présente requête. J’accorde également des dommages-intérêts préétablis de 29 300 000 $, ainsi que des dommages-intérêts punitifs de 300 000 $ et une somme globale de 75 000 $ au titre des dépens. Les deux derniers montants seront répartis entre les défendeurs visés par la présente requête. Les défendeurs visés par la présente requête doivent payer des intérêts après jugement sur tous ces montants, à un taux de 2 %, non composé, jusqu’à ce que les montants dus soient payés en entier, compte tenu du paragraphe 37(1) de la LCF et du taux d’intérêt après jugement actuellement applicable dans la province de l’Ontario, où les causes d’action visant les défendeurs visés par la présente requête ont pris naissance.


JUGEMENT dans le dossier T-759-16

LA COUR DÉCLARE ET ORDONNE :

  1. La requête en jugement par défaut des demanderesses est accueillie.

  2. Un droit d’auteur existe sur les œuvres des demanderesses, à savoir les œuvres cinématographiques énumérées à l’annexe A, et les demanderesses détiennent le droit exclusif de communiquer ces œuvres au Canada par télécommunication, y compris en les diffusant sur Internet et à la télévision, en continu ou sur demande.

  3. En annonçant, en mettant en vente et en vendant des boîtiers décodeurs préinstallés (qui contiennent des logiciels ou qui ont autrement été configurés pour permettre l’accès à du contenu télévisuel non autorisé, par exemple au moyen d’extensions ou de services IPTV non autorisés), y compris les modèles « Spectra Quad Core », « Intra Quad Core » et « Ultra Quad Core » d’INL3D, le modèle « Amlogic M8S » pour Android d’Ottawa Tek et de M. Rafiq, et les modèles « Himedia H8 Lite », « Himedia H8 Plus », « Himedia Q5 Pro » et « Himedia Q10 Pro » de Morcor, les défendeurs visés par la présente requête ont mis à la disposition du public par télécommunication les œuvres des demanderesses énumérées à l’annexe B de manière que les utilisateurs des boîtiers décodeurs préinstallés puissent y avoir accès par télécommunication de l’endroit et au moment qu’ils choisissent, en violation du droit d’auteur des demanderesses aux termes des paragraphes 2.4(1.1) et 27(1) et de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur.

  4. En commettant les actes décrits ci-dessus, les défendeurs visés par la présente requête ont autorisé la communication au public par télécommunication au Canada des œuvres des demanderesses énumérées à l’annexe B, en contravention des paragraphes 2.4(1.1) et 27(1) et de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur.

  5. En commettant les actes décrits ci-dessus, les défendeurs visés par la présente requête ont sciemment incité les utilisateurs de boîtiers décodeurs préinstallés à commettre des actes violant le droit d’auteur des demanderesses, en contravention des paragraphes 2.4(1.1) et 27(1) et de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur.

  6. En commettant les actes décrits ci-dessus, les défendeurs visés par la présente requête ont distribué, mis en vente, vendu, exploité et possédé du matériel et des dispositifs utilisés ou destinés à être utilisés comme appareils radio pour recevoir les signaux d’abonnement des demanderesses après leur décodage sans l’autorisation de la demanderesse concernée ou en contravention avec celle-ci, infraction prévue à l’alinéa 10(1)b) de la Loi sur la radiocommunication.

  7. Il est interdit définitivement aux défendeurs visés par la présente requête, à leurs actionnaires, administrateurs, dirigeants, employés, représentants et mandataires, ou à tout partenariat, société, fiducie, entité ou personne sous leur autorité ou leur contrôle, ou avec lequel ils sont associés ou affiliés, directement ou indirectement :

  • (i) de fabriquer, d’importer, de distribuer, de louer, de mettre en vente, de vendre, d’installer, de modifier, d’exploiter ou de posséder des boîtiers décodeurs préinstallés qui sont utilisés ou destinés à être utilisés en vue de recevoir les signaux d’abonnement des demanderesses après leur décodage sans l’autorisation des demanderesses ou en contravention avec celle-ci;

  • (ii) d’autoriser ou d’inciter quiconque à perpétrer des actes de violation du droit d’auteur des demanderesses, y compris par la configuration, la publicité, la mise en vente ou la vente de boîtiers décodeurs préinstallés;

  • (iii) d’annoncer, de mettre en vente ou de vendre des abonnements à des services de tiers, ou d’autres fournisseurs, qui diffusent des retransmissions non autorisées des signaux d’abonnement des demanderesses pour les œuvres des demanderesses sur Internet.

  1. La défenderesse INL3D doit payer sans délai aux demanderesses : (i) des dommages-intérêts préétablis de 3 860 000 $, au titre de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, pour la contrefaçon des œuvres des demanderesses; (ii) des dommages-intérêts punitifs de 100 000 $; et (iii) 50 000 $ au titre des dépens des demanderesses (un tiers de 75 000 $).

  2. Les défendeurs Ottawa Tek et M. Rafiq, solidairement, doivent payer sans délai aux demanderesses : (i) des dommages-intérêts préétablis de 14 080 000 $, au titre de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, pour la contrefaçon des œuvres des demanderesses; (ii) des dommages-intérêts punitifs de 100 000 $; et (iii) 25 000 $ au titre des dépens des demanderesses (un tiers de 75 000 $).

  3. La défenderesse Morcor doit payer sans délai aux demanderesses : (i) des dommages-intérêts préétablis de 11 360 000 $, au titre de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, pour la contrefaçon des œuvres des demanderesses; (ii) des dommages-intérêts punitifs de 100 000 $; et (iii) 25 000 $ au titre des dépens des demanderesses (un tiers de 75 000 $).

  4. Les défendeurs visés par la présente requête doivent payer aux demanderesses des intérêts après jugement sur tous les montants dus, au taux de 2 % par année, non composé, de la date du présent jugement à la date du paiement du montant intégral.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


Annexe A : Liste des œuvres des demanderesses

Demanderesse

Titre de l’émission

Type

Numéro d’épisode ou fréquence

Droit d’auteur

Bell Média

Game of Thrones

Série télévisée

67 épisodes : S01E01 à S07E07

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Silicon Valley

Série télévisée

38 épisodes : S01E01 à S04E10

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Veep

Série télévisée

58 épisodes : S01E01 à S06E10

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Boardwalk Empire

Série télévisée

56 épisodes : S01E01 à S05E08

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Girls

Série télévisée

62 épisodes : S01E01 à S06E10

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Big Love

Série télévisée

53 épisodes : S01E01 à S05E10

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Entourage

Série télévisée

96 épisodes : S01E01 à S08E08

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Sopranos

Série télévisée

86 épisodes : S01E01 à S06E21

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

SportsCentre

Émission quotidienne

4 diffusions x 365 jours par année [1]

Producteur/propriétaire

Sports 30

Émission quotidienne

365 jours par année [2]

Producteur/propriétaire

CTV National News

Émission quotidienne

2 diffusions x 365 jours par année [3]

Producteur/propriétaire


 

Demanderesse

Titre de l’émission

Type

Numéro d’épisode ou fréquence

Droit d’auteur

Rogers Media

Modern Family

Série télévisée

210 épisodes : S01E01 à S09E22

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

2 Broke Girls

Série télévisée

138 épisodes : S01E01 à S06E22

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

The Bachelor

Série télévisée

62 épisodes : S18E01 à S22E13

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

The Bachelorette

Série télévisée

50 épisodes : S10E01 à S13E12

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Bachelor in
Paradise

Série télévisée

39 épisodes : S01E01 à S04E09

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Mom

Série télévisée

110 épisodes : S01E01 à S05E22

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

The Middle

Série télévisée

167 épisodes : S03E01 à S09E24

Titulaire d’une licence exclusive au Canada

Sportsnet Central

Émission quotidienne

2 diffusions x 365 jours par année [4]

Producteur/propriétaire

Tim & Sid

Émission hebdomadaire

260 épisodes par année [5]

Producteur/propriétaire


 

Demanderesse

Titre de l’émission

Type

Numéro d’épisode ou fréquence

Droit d’auteur

TVA

Top 25 insolite

Émission hebdomadaire

~52 épisodes par année [6]

Producteur/propriétaire

L’Impact cette semaine

Émission hebdomadaire

~32 épisodes par année [7]

Producteur/propriétaire

L’Avant-match de l’Impact

Émission hebdomadaire

~34 épisodes par année [8]

Producteur/propriétaire

Dave Morissette en direct

Émission hebdomadaire

200 épisodes par année [9]

Producteur/propriétaire

Le TVA Sports

Émission quotidienne

365 jours par année [10]

Producteur/propriétaire


Annexe B : Liste des œuvres des demanderesses qui ont été contrefaites par chaque défendeur visé par la présente requête

L3D Distributing Inc. s/n de INL3D

Émission

Nombre d’œuvres originales (épisodes ou diffusions en direct originales) contrefaites

Game of Thrones

59 épisodes

Veep

47 épisodes

Modern Family

166 épisodes

SportsCentre [TSN]

68 diffusions en direct

Sportsnet Central [Sportsnet Ontario]

34 diffusions en direct

Tim & Sid [Sportsnet Ontario]

12 diffusions en direct

 

Total : 386 œuvres contrefaites

Ottawa Tek Corporation s/n de Ottawa Tek Communications et M. Raheel Rafiq

 

Émission

Nombre d’œuvres originales (épisodes ou diffusions en direct originales) contrefaites

The Bachelor

50 épisodes

The Bachelorette

49 épisodes

Bachelor in Paradise

39 épisodes

2 Broke Girls

138 épisodes

Mom

88 épisodes

The Middle

147 épisodes

Modern Family

193 épisodes

Silicon Valley

38 épisodes

 

Émission

Nombre d’œuvres originales (épisodes ou diffusions en direct originales) contrefaites

Game of Thrones

67 épisodes

SportsCentre [TSN]

260 diffusions en direct

Sports30 [RDS]

65 diffusions en direct

CN National News [CTV News]

130 diffusions en direct

Top 25 insolite [TVA Sports]

10 diffusions en direct

L’Impact cette semaine [TVA Sports]

9 diffusions en direct

L’Avant-match de l’Impact [TVA Sports]

8 diffusions en direct

Dave Morissette en direct [TVA Sports]

52 diffusions en direct

Le TVA Sports [TVA Sports]

65 diffusions en direct

Total : 1 408 œuvres contrefaites

Morcor Computers 2000 Ltd.

 

Émission

Nombre d’œuvres originales (épisodes ou diffusions en direct originales) contrefaites

Game of Thrones

60 épisodes

Silicon Valley

28 épisodes

Veep

48 épisodes

Boardwalk Empire

56 épisodes

Girls

55 épisodes

Big Love

53 épisodes

Entourage

96 épisodes

Sopranos

86 épisodes


 

Émission

Nombre d’œuvres originales (épisodes ou diffusions en direct originales) contrefaites

The Bachelor

46 épisodes

The Bachelorette

38 épisodes

Bachelor in Paradise

30 épisodes

Modern Family

181 épisodes

Mom

81 épisodes

The Middle

135 épisodes

2 Broke Girls

134 épisodes

Total : 1 136 œuvres contrefaites


Annexe C : Dispositions législatives applicables

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Définitions

Interpretation

[…]

Principe général

General principle

3 Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3 These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

[…]

Modification de règles et exemption d’application

Varying rule and dispensing with compliance

55 Dans des circonstances spéciales, la Cour peut, dans une instance, modifier une règle ou exempter une partie ou une personne de son application.

55 In special circumstances, in a proceeding, the Court may vary a rule or dispense with compliance with a rule.

Inobservation des règles

Failure to Comply with Rules

Effet de l’inobservation

Effect of non-compliance

56 L’inobservation d’une disposition des présentes règles n’entache pas de nullité l’instance, une mesure prise dans l’instance ou l’ordonnance en cause. Elle constitue une irrégularité régie par les règles 58 à 60.

56 Non-compliance with any of these Rules does not render a proceeding, a step in a proceeding or an order void, but instead constitutes an irregularity, which may be addressed under rules 58 to 60.

[…]

Requête en contestation d’irrégularités

Motion to attack irregularity

58 (1) Une partie peut, par requête, contester toute mesure prise par une autre partie en invoquant l’inobservation d’une disposition des présentes règles.

58 (1) A party may by motion challenge any step taken by another party for non-compliance with these Rules.

Exception

When motion to be brought

(2) La partie doit présenter sa requête aux termes du paragraphe (1) le plus tôt possible après avoir pris connaissance de l’irrégularité.

(2) A motion under subsection (1) shall be brought as soon as practicable after the moving party obtains knowledge of the irregularity.

[…]

Procédure par défaut

Default Proceedings

[…]

Cas d’ouverture

Motion for default judgment

210 (1) Lorsqu’un défendeur ne signifie ni ne dépose sa défense dans le délai prévu à la règle 204 ou dans tout autre délai fixé par ordonnance de la Cour, le demandeur peut, par voie de requête, demander un jugement contre le défendeur à l’égard de sa déclaration.

210 (1) Where a defendant fails to serve and file a statement of defence within the time set out in rule 204 or any other time fixed by an order of the Court, the plaintiff may bring a motion for judgment against the defendant on the statement of claim.

Requête écrite

Motion in writing

(2) Sous réserve de l’article 25 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, la requête visée au paragraphe (1) peut être présentée ex parte et selon la règle 369.

(2) Subject to section 25 of the Crown Liability and Proceedings Act, a motion under subsection (1) may be brought ex parte and in accordance with rule 369.

Preuve

Affidavit evidence

(3) La preuve fournie à l’appui de la requête visée au paragraphe (1) est établie par affidavit.

(3) A motion under subsection (1) shall be supported by affidavit evidence.

Pouvoirs de la Cour

Disposition of motion

(4) Sur réception de la requête visée au paragraphe (1), la Cour peut :

(4) On a motion under subsection (1), the Court may

a) accorder le jugement demandé;

(a) grant judgment;

b) rejeter l’action;

(b) dismiss the action; or

c) ordonner que l’action soit instruite et que le demandeur présente sa preuve comme elle l’indique.

(c) order that the action proceed to trial and that the plaintiff prove its case in such a manner as the Court may direct.

Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11

Définitions

Definitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 (1) In this Act,

[…]

entreprise de distribution Entreprise de réception de radiodiffusion pour retransmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, en vue de sa réception dans plusieurs résidences permanentes ou temporaires ou locaux d’habitation, ou en vue de sa réception par une autre entreprise semblable. (distribution undertaking)

distribution undertaking means an undertaking for the reception of broadcasting and the retransmission thereof by radio waves or other means of telecommunication to more than one permanent or temporary residence or dwelling unit or to another such undertaking; (entreprise de distribution

Loi sur la radiocommunication, LRC 1985, c R-2

Définitions

Definitions

Définitions

Definitions

[…]

appareil radio Dispositif ou assemblage de dispositifs destiné ou pouvant servir à la radiocommunication. (radio apparatus)

radio apparatus means a device or combination of devices intended for, or capable of being used for, radiocommunication; (appareil radio)

[…]

radiocommunication ou radio Toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignements de toute nature, au moyen d’ondes électromagnétiques de fréquences inférieures à 3 000 GHz transmises dans l’espace sans guide artificiel. (radiocommunication or radio)

radiocommunication or radio means any transmission, emission or reception of signs, signals, writing, images, sounds or intelligence of any nature by means of electromagnetic waves of frequencies lower than 3 000 GHz propagated in space without artificial guide; (radiocommunication ou radio)

[…]

Infractions et peines

Offences and Punishment

Interdictions

Prohibitions

9 (1) Il est interdit :

9 (1) No person shall

a) d’envoyer, d’émettre ou de faire envoyer ou émettre, sciemment, un signal de détresse ou un message, appel ou radiogramme de quelque nature, faux ou frauduleux;

(a) knowingly send, transmit or cause to be sent or transmitted any false or fraudulent distress signal, message, call or radiogram of any kind;

b) sans excuse légitime, de gêner ou d’entraver la radiocommunication;

(b) without lawful excuse, interfere with or obstruct any radiocommunication;

c) de décoder, sans l’autorisation de leur distributeur légitime ou en contravention avec celle-ci, un signal d’abonnement ou une alimentation réseau;

(c) decode an encrypted subscription programming signal or encrypted network feed otherwise than under and in accordance with an authorization from the lawful distributor of the signal or feed;

d) d’utiliser un appareil radio de façon à recevoir un signal d’abonnement ou une alimentation réseau ainsi décodé;

(d) operate a radio apparatus so as to receive an encrypted subscription programming signal or encrypted network feed that has been decoded in contravention of paragraph (c); or

e) de transmettre au public un signal d’abonnement ou une alimentation réseau ainsi décodé.

(e) retransmit to the public an encrypted subscription programming signal or encrypted network feed that has been decoded in contravention of paragraph (c).

[…]

Infractions

Offences

10 (1) Commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, dans le cas d’une personne physique, une amende maximale de cinq mille dollars et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines, ou, dans le cas d’une personne morale, une amende maximale de vingt-cinq mille dollars quiconque, selon le cas :

10 (1) Every person who

[…]

b) sans excuse légitime, fabrique, importe, distribue, loue, met en vente, vend, installe, modifie, exploite ou possède tout matériel ou dispositif, ou composante de celui-ci, dans des circonstances donnant à penser que l’un ou l’autre est utilisé en vue d’enfreindre l’article 9, l’a été ou est destiné à l’être;

(b) without lawful excuse, manufactures, imports, distributes, leases, offers for sale, sells, installs, modifies, operates or possesses any equipment or device, or any component thereof, under circumstances that give rise to a reasonable inference that the equipment, device or component has been used, or is or was intended to be used, for the purpose of contravening section 9,

 

 

is guilty of an offence punishable on summary conviction and is liable, in the case of an individual, to a fine not exceeding five thousand dollars or to imprisonment for a term not exceeding one year, or to both, or, in the case of a corporation, to a fine not exceeding twenty-five thousand dollars.

[…]

Recours civil

Civil Action

Recours civil

Right of civil action

18 (1) Peut former, devant tout tribunal compétent, un recours civil à l’encontre du contrevenant quiconque a subi une perte ou des dommages par suite d’une contravention aux alinéas 9(1)c), d) ou e) ou 10(1)b) et :

18 (1) Any person who

a) soit détient, à titre de titulaire du droit d’auteur ou d’une licence accordée par ce dernier, un droit dans le contenu d’un signal d’abonnement ou d’une alimentation réseau;

(a) holds an interest in the content of a subscription programming signal or network feed, by virtue of copyright ownership or a licence granted by a copyright owner,

b) soit est autorisé, par le distributeur légitime de celui-ci, à le communiquer au public;

(b) is authorized by the lawful distributor of a subscription programming signal or network feed to communicate the signal or feed to the public,

c) soit est titulaire d’une licence attribuée, au titre de la Loi sur la radiodiffusion, par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et l’autorisant à exploiter une entreprise de radiodiffusion;

(c) holds a licence to carry on a broadcasting undertaking issued by the Canadian Radio-television and Telecommunications Commission under the Broadcasting Act, or

d) soit encore élabore un système ou une technique ou fabrique un équipement destinés à l’encodage de signaux d’abonnement ou d’alimentations réseau, les fournit à un distributeur légitime, ou fabrique, vend ou fournit des décodeurs permettant à des personnes autorisées à cet effet de décoder de tels signaux ou alimentations.

(d) develops a system or technology, or manufactures or supplies to a lawful distributor equipment, for the purpose of encrypting a subscription programming signal or network feed, or manufactures, supplies or sells decoders, to enable authorized persons to decode an encrypted subscription programming signal or encrypted network feed

Cette personne est admise à exercer tous recours, notamment par voie de dommages-intérêts, d’injonction ou de reddition de compte, selon ce que le tribunal estime indiqué.

may, where the person has suffered loss or damage as a result of conduct that is contrary to paragraph 9(1)(c), (d) or (e) or 10(1)(b), in any court of competent jurisdiction, sue for and recover damages from the person who engaged in the conduct, or obtain such other remedy, by way of injunction, accounting or otherwise, as the court considers appropriate.

Règles applicables

Rules applicable

(2) Le plafond des dommages-intérêts accordés, au terme d’un tel recours, à l’encontre d’une personne physique n’ayant pas contrevenu aux alinéas 9(1)e) ou 10(1)b) et n’ayant pas posé les actes en cause dans un but lucratif est de mille dollars; les frais des parties sont laissés à la discrétion du tribunal.

(2) In an action under subsection (1) against a person,

 

(a) a monetary judgment may not exceed one thousand dollars where the person is an individual and the conduct engaged in by the person is neither contrary to paragraph 9(1)(e) or 10(1)(b) nor engaged in for commercial gain; and

 

(b) the costs of the parties are in the discretion of the court.

Preuve de procédures antérieures

Evidence of prior proceedings

(3) Dans tout recours visé au paragraphe (1) et intenté contre une personne, les procès-verbaux relatifs aux procédures engagées devant tout tribunal qui a déclaré celleci coupable d’une infraction aux alinéas 9(1)c), d) ou e) ou 10(1)b) constituent, sauf preuve contraire, la preuve que cette personne a eu un comportement allant à l’encontre de ces dispositions; toute preuve fournie lors de ces procédures quant à l’effet de l’infraction sur la personne qui intente le recours constitue une preuve à cet égard.

(3) In an action under subsection (1) against a person, the record of proceedings in any court in which that person was convicted of an offence under paragraph 9(1)(c), (d) or (e) or 10(1)(b) is, in the absence of any evidence to the contrary, proof that the person against whom the action is brought engaged in conduct that was contrary to that paragraph, and any evidence given in those proceedings as to the effect of that conduct on the person bringing the action is evidence thereof in the action.

Cour fédérale

Jurisdiction of Federal Court

(4) La Cour fédérale est, pour l’application du paragraphe (1), un tribunal compétent.

(4) For the purposes of an action under subsection (1), the Federal Court is a court of competent jurisdiction.

Prescription

Limitation

(5) Les recours visés au paragraphe (1) se prescrivent dans les trois ans suivant la date de l’infraction en cause.

(5) An action under subsection (1) may be commenced within, but not after, three years after the conduct giving rise to the action was engaged in.

Loi sur le droit d’auteur

Copyright Act

(6) Le présent article ne porte pas atteinte aux droits ou aux recours prévus par la Loi sur le droit d’auteur.

(6) Nothing in this section affects any right or remedy that an aggrieved person may have under the Copyright Act.

Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42

Définitions et dispositions interprétatives

Interpretation

Définitions

Definitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

[…]

œuvre cinématographique Y est assimilée toute œuvre exprimée par un procédé analogue à la cinématographie, qu’elle soit accompagnée ou non d’une bande sonore. (cinematographic work)

Berne Convention country means a country that is a party to the Convention for the Protection of Literary and Artistic Works concluded at Berne on September 9, 1886, or any one of its revisions, including the Paris Act of 1971; (pays partie à la Convention de Berne)

[…]

œuvre dramatique Y sont assimilées les pièces pouvant être récitées, les œuvres chorégraphiques ou les pantomimes dont l’arrangement scénique ou la mise en scène est fixé par écrit ou autrement, les œuvres cinématographiques et les compilations d’œuvres dramatiques. (dramatic work)

cinematographic work includes any work expressed by any process analogous to cinematography, whether or not accompanied by a soundtrack; (œuvre cinématographique)

[…]

pays partie à la Convention de Berne Pays partie à la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, conclue à Berne le 9 septembre 1886, ou à l’une de ses versions révisées, notamment celle de l’Acte de Paris de 1971. (Berne Convention country)

dramatic work includes

(a) any piece for recitation, choreographic work or mime, the scenic arrangement or acting form of which is fixed in writing or otherwise,

(b) any cinematographic work, and

(c) any compilation of dramatic works; (œuvre dramatique)

[…]

pays signataire Pays partie à la Convention de Berne, à la Convention universelle ou au traité de l’ODA, ou membre de l’OMC. (treaty country)

maker means

(a) in relation to a cinematographic work, the person by whom the arrangements necessary for the making of the work are undertaken, or

(b) in relation to a sound recording, the person by whom the arrangements necessary for the first fixation of the sounds are undertaken; (producteur)

[…]

producteur La personne qui effectue les opérations nécessaires à la confection d’une œuvre cinématographique, ou à la première fixation de sons dans le cas d’un enregistrement sonore. (maker)

treaty country means a Berne Convention country, UCC country, WCT country or WTO Member; (pays signataire) (treaty country)

[…]

Communication au public par télécommunication

Communication to the public by telecommunication

2.4 (1) Les règles qui suivent s’appliquent dans les cas de communication au public par télécommunication :

2.4 (1) For the purposes of communication to the public by telecommunication,

[…]

b) n’effectue pas une communication au public la personne qui ne fait que fournir à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci l’effectue;

(b) a person whose only act in respect of the communication of a work or other subject-matter to the public consists of providing the means of telecommunication necessary for another person to so communicate the work or other subject-matter does not communicate that work or other subject-matter to the public; and

[…]

(1.1) Pour l’application de la présente loi, constitue notamment une communication au public par télécommunication le fait de mettre à la disposition du public par télécommunication une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

(1.1) For the purposes of this Act, communication of a work or other subject-matter to the public by telecommunication includes making it available to the public by telecommunication in a way that allows a member of the public to have access to it from a place and at a time individually chosen by that member of the public.

[…]

Droit d’auteur sur l’œuvre

Copyright in works

3 (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

3 (1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

[…]

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

[…]

Œuvres susceptibles de faire l’objet d’un droit d’auteur

Works in which Copyright may Subsist

Conditions d’obtention du droit d’auteur

Conditions for subsistence of copyright

5 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d’auteur existe au Canada, pendant la durée mentionnée ci-après, sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale si l’une des conditions suivantes est réalisée :

5 (1) Subject to this Act, copyright shall subsist in Canada, for the term hereinafter mentioned, in every original literary, dramatic, musical and artistic work if any one of the following conditions is met:

[…]

b) dans le cas d’une œuvre cinématographique – publiée ou non –, à la date de sa création, le producteur était citoyen, sujet ou résident habituel d’un pays signataire ou avait son siège social dans un tel pays;

(b) in the case of a cinematographic work, whether published or unpublished, the maker, at the date of the making of the cinematographic work,

 

(i) if a corporation, had its headquarters in a treaty country, or

 

(ii) if a natural person, was a citizen or subject of, or a person ordinarily resident in, a treaty country; or

[…]

Possession du droit d’auteur

Ownership of copyright

13 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre.

13 (1) Subject to this Act, the author of a work shall be the first owner of the copyright therein.

[…]

Cession d’un droit de recours

Assignment of right of action

(6) Il est entendu que la cession du droit d’action pour violation du droit d’auteur est réputée avoir toujours pu se faire en relation avec la cession du droit d’auteur ou la concession par licence de l’intérêt dans celui-ci.

(6) For greater certainty, it is deemed always to have been the law that a right of action for infringement of copyright may be assigned in association with the assignment of the copyright or the grant of an interest in the copyright by licence.

Licence exclusive

Exclusive licence

(7) Il est entendu que la concession d’une licence exclusive sur un droit d’auteur est réputée toujours avoir valu concession par licence d’un intérêt dans ce droit d’auteur.

(7) For greater certainty, it is deemed always to have been the law that a grant of an exclusive licence in a copyright constitutes the grant of an interest in the copyright by licence.

[…]

Violation du droit d’auteur

Infringement of Copyright

Règle générale

General

27 (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

27 (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

[…]

Services réseau

Network services

31.1 (1) La personne qui, dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, fournit des moyens permettant la télécommunication ou la reproduction d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur par l’intermédiaire d’Internet ou d’un autre réseau ne viole pas le droit d’auteur sur l’œuvre ou l’autre objet du seul fait qu’elle fournit ces moyens.

31.1 (1) A person who, in providing services related to the operation of the Internet or another digital network, provides any means for the telecommunication or the reproduction of a work or other subject-matter through the Internet or that other network does not, solely by reason of providing those means, infringe copyright in that work or other subject-matter.

[…]

Recours civils

Civil Remedies

[…]

Présomption de propriété

Presumptions respecting copyright and ownership

34.1 (1) Dans toute procédure civile engagée en vertu de la présente loi où le défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur :

34.1 (1) In any civil proceedings taken under this Act in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff to it,

[…]

b) l’auteur, l’artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d’auteur.

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

[…]

Dommages-intérêts préétablis

Statutory damages

38.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le titulaire du droit d’auteur, en sa qualité de demandeur, peut, avant le jugement ou l’ordonnance qui met fin au litige, choisir de recouvrer, au lieu des dommages-intérêts et des profits visés au paragraphe 35(1), les dommages-intérêts préétablis ci-après pour les violations reprochées en l’instance à un même défendeur ou à plusieurs défendeurs solidairement responsables :

38.1 (1) Subject to this section, a copyright owner may elect, at any time before final judgment is rendered, to recover, instead of damages and profits referred to in subsection 35(1), an award of statutory damages for which any one infringer is liable individually, or for which any two or more infringers are liable jointly and severally,

a) dans le cas des violations commises à des fins commerciales, pour toutes les violations – relatives à une œuvre donnée ou à un autre objet donné du droit d’auteur –, des dommages-intérêts dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence;

(a) in a sum of not less than $500 and not more than $20,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for each work or other subject-matter, if the infringements are for commercial purposes; and

b) dans le cas des violations commises à des fins non commerciales, pour toutes les violations – relatives à toutes les œuvres données ou tous les autres objets donnés du droit d’auteur –, des dommages-intérêts, d’au moins 100 $ et d’au plus 5 000 $, dont le montant est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence.

(b) in a sum of not less than $100 and not more than $5,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for all works or other subject-matter, if the infringements are for non-commercial purposes.

[…]

Facteurs

Factors to consider

(5) Lorsqu’il rend une décision relativement aux paragraphes (1) à (4), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

(5) In exercising its discretion under subsections (1) to (4), the court shall consider all relevant factors, including

a) la bonne ou mauvaise foi du défendeur;

(a) the good faith or bad faith of the defendant;

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle-ci;

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings;

c) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question;

(c) the need to deter other infringements of the copyright in question; and

d) dans le cas d’une violation qui est commise à des fins non commerciales, la nécessité d’octroyer des dommages-intérêts dont le montant soit proportionnel à la violation et tienne compte des difficultés qui en résulteront pour le défendeur, du fait que la violation a été commise à des fins privées ou non et de son effet sur le demandeur.

(d) in the case of infringements for non-commercial purposes, the need for an award to be proportionate to the infringements, in consideration of the hardship the award may cause to the defendant, whether the infringement was for private purposes or not, and the impact of the infringements on the plaintiff.

[…]

Dommages-intérêts exemplaires

Exemplary or punitive damages not affected

(7) Le choix fait par le demandeur en vertu du paragraphe (1) n’a pas pour effet de supprimer le droit de celui-ci, le cas échéant, à des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs.

(7) An election under subsection (1) does not affect any right that the copyright owner may have to exemplary or punitive damages.

[…]

Bureau du droit d’auteur

Copyright Office

[…]

Preuve

Register to be evidence

53 (1) Le registre des droits d’auteur, de même que la copie d’inscriptions faites dans ce registre, certifiée conforme par le commissaire aux brevets, le registraire des droits d’auteur ou tout membre du personnel du Bureau du droit d’auteur, fait foi de son contenu.

53 (1) The Register of Copyrights is evidence of the particulars entered in it, and a copy of an entry in the Register is evidence of the particulars of the entry if it is certified by the Commissioner of Patents, the Registrar of Copyrights or an officer, clerk or employee of the Copyright Office as a true copy.

Titulaire du droit d’auteur

Owner of copyright

(2) Le certificat d’enregistrement du droit d’auteur constitue la preuve de l’existence du droit d’auteur et du fait que la personne figurant à l’enregistrement en est le titulaire.

(2) A certificate of registration of copyright is evidence that the copyright subsists and that the person registered is the owner of the copyright.

Cessionnaire

Assignee

(2.1) Le certificat d’enregistrement de la cession d’un droit d’auteur constitue la preuve que le droit qui y est inscrit a été cédé et que le cessionnaire figurant à l’enregistrement en est le titulaire.

(2.1) A certificate of registration of an assignment of copyright is evidence that the right recorded on the certificate has been assigned and that the assignee registered is the owner of that right.

Titulaire de licence

Licensee

(2.2) Le certificat d’enregistrement de la licence accordant un intérêt dans un droit d’auteur constitue la preuve que l’intérêt qui y est inscrit a été concédé par licence et que le titulaire de la licence figurant au certificat d’enregistrement détient cet intérêt.

(2.2) A certificate of registration of a licence granting an interest in a copyright is evidence that the interest recorded on the certificate has been granted and that the licensee registered is the holder of that interest.

Admissibilité en preuve

Admissibility

(3) Les copies certifiées conformes et les certificats censés être délivrés selon les paragraphes (1) ou (2) sont admissibles en preuve sans qu’il soit nécessaire de prouver l’authenticité de la signature qui y est apposée ou la qualité officielle du signataire.

(3) A certified copy or certificate appearing to have been issued under this section is admissible in all courts without proof of the signature or official character of the person appearing to have signed it.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-759-16

 

INTITULÉ :

BELL CANADA, BELL EXPRESSVU LIMITED PARTNERSHIP, BELL MÉDIA INC., VIDÉOTRON LTÉE, GROUPE TVA INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC. et ROGERS MEDIA INC. c L3D DISTRIBUTING INC. s/n INL3D, MORCOR COMPUTERS 2000 LTD., OTTAWA TEK CORPORATION s/n de OTTAWA TEK COMMUNICATIONS et RAHEEL RAFIQ c ANDROID BROS INC. et autres

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario) (AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 novembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 août 2021

 

COMPARUTIONS :

François Guay

Ryan Evans

Guillaume Lavoie Ste-Marie

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

AVOCATS AU DOSSIER :

François Guay

Ryan Evans

Guillaume Lavoie Ste-Marie

Smart & Biggar S.E.N.C.R.L, s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

 



[1] Quatre (4) diffusions originales de SportsCentre, et les rediffusions subséquentes de celles-ci, sont diffusées régulièrement sur la station de télévision TSN, tous les jours de la semaine, 365 jours par année.

[2] Trente (30) diffusions originales de Sports 30, et les rediffusions subséquentes de celles-ci, sont diffusées régulièrement sur la station de télévision RDS, tous les soirs de la semaine, 365 jours par année.

[3] Deux (2) diffusions originales de CTV National News, et plusieurs rediffusions subséquentes, qui sont diffusées régulièrement sur les stations CTV locales et le CTV News Channel, tous les soirs de la semaine, 365 jours par année.

[4] Deux (2) diffusions originales de Sportsnet Central, et plusieurs rediffusions subséquentes, qui sont diffusées régulièrement sur la station Sportsnet Ontario, tous les soirs de la semaine, 365 jours par année.

[5] Tim & Sid est régulièrement diffusé sur la station Sportsnet Ontario, tous les jours de la semaine, 260 jours par année.

[6] Les diffusions originales de Top 25 insolite sont diffusées régulièrement sur la station de télévision TVA Sports, au moins une fois par semaine, 52 semaines par année.

[7] Les diffusions originales de L’Impact cette semaine sont diffusées régulièrement sur la station de télévision TVA Sports, chaque semaine pendant la saison de la Ligue majeure de soccer de l’Impact de Montréal, de mars à octobre, 32 jours par année.

[8] Les diffusions originales de L’Avant-match de l’Impact sont diffusées régulièrement sur la station de télévision TVA Sports, chaque semaine avant chaque match de la Ligue majeure de soccer de l’Impact de Montréal, 34 jours par année.

[9] Les diffusions originales de Dave Morissette en direct sont diffusées régulièrement sur la station TVA Sports, au moins chaque jour de la semaine, de septembre à juin, 200 jours par année.

[10] Les diffusions originales de Le TVA Sports sont diffusées régulièrement sur la station de télévision TVA Sports, chaque jour de la semaine, 365 jours par année.

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