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                                                                                                                                 Date : 20040226

                                                                                                                    Dossier : IMM-2104-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 268

ENTRE :

                                                               KULDEEP KAUR

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) datée du 3 mars 2003, dans laquelle la SAI a rejeté l'appel interjeté en vertu de l'alinéa 77(3)b) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi).

[2]         Kuldeep Kaur (la demanderesse) est une résidente permanente au Canada dont les parents vivent en Inde. En février 2000, la demanderesse a voulu parrainer la demande d'établissement au Canada de ses parents.


[3]         Le 5 juin 2002, un agent du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, a refusé la demande de résidence permanente de Surjit Singh Gill (le père) et de Harbans Kaur Gill au motif que le père était une personne non admissible visée au sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi. Plus précisément, il a été établi que le père souffrait d'ostéoarthrose grave des deux genoux. Un médecin agréé a conclu que son état de santé risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services de santé canadiens.

[4]         La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant la SAI, en vertu de l'alinéa 77(3)b) de la Loi. Dans l'appel, la demanderesse n'a pas contesté que son père n'était pas admissible pour des raisons médicales, mais elle a fait valoir qu'il existait des motifs d'ordre humanitaire justifiant l'annulation du refus de l'agent des visas.

[5]         La demanderesse s'est rendue en Inde à diverses reprises pour rendre visite à ses parents. En outre, le frère de la demanderesse, qui vit dans un appartement aménagé au sous-sol de la résidence de sa soeur, souffre de dépression et n'est pas en mesure de travailler.

[6]         Le 3 mars 2003, la SAI a rejeté l'appel au motif qu'il n'existait aucune raison d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une mesure spéciale dans cette affaire. La SAI a justifié sa décision en invoquant les motifs suivants :

-           la preuve établit que la maladie du père n'a pas été stable depuis deux ans même s'il compose généralement bien avec sa maladie;

-           il n'est pas contesté que le père devra subir une arthroplastie totale des genoux et la preuve révèle que l'intervention devra avoir lieu dans un proche avenir;

-           même si la demanderesse et son frère ont déclaré qu'ils étaient disposés à payer l'arthroplastie des genoux du père en Inde, l'intervention n'a pas eu lieu. La SAI a conclu que rien n'empêche le père de se faire opérer en Inde dans un proche avenir;

-           le frère de la demanderesse n'est pas crédible et il n'a pas prouvé que sa dépression était attribuable au fait qu'il était séparé de ses parents;


-           aucun élément de preuve ne montre que les parents de la demanderesse doivent être admis d'urgence au Canada. La demanderesse et son mari semblent bien se débrouiller pour s'occuper de leurs enfants et la preuve indique que les parents de la demanderesse touchent une pension en Inde;

-           tant la demanderesse que son frère seront en mesure de se rendre régulièrement en Inde pour rendre visite à leurs parents.

[7]         Puisque l'appel vise une décision de la SAI relativement à des motifs d'ordre humanitaire, la norme de contrôle doit être celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, page 857).

[8]         Selon la demanderesse , la SAI n'a pas compris l'urgence de la réunification dans la présente affaire. La demanderesse soutient qu'il y a urgence parce que ses parents n'ont pas les moyens financiers de prendre soin d'eux-mêmes en Inde. En outre, la demanderesse allègue que la SAI n'a pas reconnu que ses parents l'aideraient à prendre soin des enfants. Un examen de la décision de la SAI révèle que cette dernière a bien tenu compte de la situation financière des parents et de l'aide qu'ils pourraient apporter à la demanderesse. Toutefois, selon la SAI « aucun élément de preuve ne montre que les demandeurs devraient être admis d'urgence au Canada, si ce n'est que les parties désirent se retrouver le plus tôt possible » . Après avoir tenu compte des facteurs d'ordre humanitaire, il appartient à la SAI de décider quel poids elle accordera à ces facteurs. Selon moi, compte tenu de la preuve dont elle était saisie, la SAI n'a commis aucune erreur dans son analyse de l'urgence alléguée de la réunification dans l'affaire qui nous occupe.


[9]         La demanderesse fait valoir que la SAI a commis une erreur quand elle a conclu que le père avait besoin d'une arthroplastie des genoux dès maintenant puisque le père est capable de marcher, de monter un escalier et qu'il fonctionne bien. La demanderesse soutient également que la SAI n'a pas tenu compte du fait qu'elle et son frère avaient tous deux affirmé qu'ils paieraient l'intervention chirurgicale du père en Inde et que la seule raison pour laquelle l'intervention n'avait pas eu lieu c'est que le Dr Sandhu avait dit que l'intervention n'était pas encore nécessaire. La SAI a conclu que puisque, selon la preuve, l'intervention chirurgicale serait nécessaire dans un proche avenir et que rien n'empêchait le père de subir l'intervention, il était raisonnable que le père attende de subir l'intervention en Inde avant de rejoindre ses enfants au Canada. Une fois admis au Canada comme résident permanent, le père aurait le droit de subir l'intervention chirurgicale et la demanderesse n'est pas en mesure de garantir que le père retournera en Inde une fois que l'intervention deviendra nécessaire. Au Canada, chacun peut se prévaloir de ses services et la demanderesse ne peut y renoncer (Deol c. Canada (M.C.I.), [2003] 1 C.F. 301 (C.A.)). À mon avis, l'analyse de la SAI sur ce point est raisonnable.

[10]       Enfin, la demanderesse soutient que la SAI a commis une erreur en prenant pour acquis que la dépression de son frère était attribuable à l'échec de son mariage plutôt qu'au fait qu'il était séparé de ses parents. La demanderesse souligne que son frère a dit que sa dépression s'était aggravée à cause de la séparation. Dans sa décision, la SAI mentionne que le frère ne s'était pas montré crédible et qu'il n'avait pas prouvé que sa dépression était attribuable au fait qu'il était séparé de ses parents. Je ne suis pas convaincu que la conclusion de la SAI ne soit pas raisonnable. La SAI a clairement et soigneusement expliqué les motifs pour lesquels elle n'était pas convaincue de la vraisemblance du témoignage du frère et elle a mentionné qu'aucune preuve ne venait appuyer l'affirmation selon laquelle la dépression du frère de la demanderesse s'était aggravée à cause de sa séparation de ses parents. Par conséquent, je conclus que la SAI n'a commis aucune erreur dans son appréciation du témoignage du frère de la demanderesse.


[11]       Pour les motifs susmentionnés, je suis d'avis que la SAI n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision qu'elle a prise dans cette affaire. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

                                                                                                                                    « Yvon Pinard »                  

                                                                                                                                                     Juge                           

OTTAWA (ONTARIO)

le 26 février 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2104-03

INTITULÉ :                                                    KULDEEP KAUR

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 22 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                   LE 26 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Kuldeep Kaur                                                   POUR SON PROPRE COMPTE

Banafsheh Sokhansanj                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kuldeep Kaur                                                   POUR SON PROPRE COMPTE

Abbotsford (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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