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Date : 20000118


Dossier : T-1289-99



ENTRE :

     TOMMY HILFIGER LICENSING, INC.

     et TOMMY HILFIGER CANADA INC.,

     demanderesses,


     et




     PRICE COSTCO INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

MADAME LE JUGE McGILLIS


[1]          Les demanderesses Tommy Hilfiger Licensing, Inc. et Tommy Hilfiger Canada Inc. (" Hilfiger ") ont présenté une requête en vue d"obtenir l"autorisation de modifier la déclaration déposée dans l"action en l"espèce, soit une action en contrefaçon de marque de commerce, en produisant une nouvelle déclaration modifiée. La défenderesse Price Costco Canada Inc. (" Costco ") a consenti à la réparation demandée, sauf en ce qui a trait à la demande visant à ajouter d"autres défendeurs à l"instance.

[2]          En 1998, des vêtements Hilfiger apparemment contrefaits, y compris des t-shirts et des jeans, ont été achetés à différents établissements de Costco au Canada. Au cours de l"automne 1998, les avocats américains de la société Hilfiger ainsi que les conseillers juridiques internes de Costco agissant pour la société mère de celle-ci aux États-Unis ont engagé des discussions au sujet de la chaîne de possession et de la source d"approvisionnement des articles apparemment contrefaits. Dans une lettre en date du 21 octobre 1998, les conseillers juridiques de Costco ont désigné GPD Trading Inc., de Mississauga, en Ontario (" GPD Trading "), et 3271064 Canada Inc., de Montréal (Québec) (" 3271064 Canada "), à titre de [TRADUCTION] " vendeurs les plus probables " de certains articles.

[3]      De mai à août 1999, des chaussettes Hilfiger apparemment contrefaites ont été achetées à différents établissements de Costco.

[4]      Le 16 juillet 1999, la déclaration a été signifiée.

[5]      Après la signification de la déclaration, Costco a entrepris certaines démarches pour collaborer avec Hilfiger et les avocats des parties ont engagé des pourparlers en vue d"un règlement. Dans une lettre faite " sous réserve " le 22 octobre 1999 et envoyée au cours des pourparlers en question, les avocats de Costco ont fait parvenir aux avocats de Hilfiger différents documents indiquant l"identité de certains fournisseurs de Costco. Deux de ces fournisseurs n"étaient pas nommés dans la lettre que les conseillers juridiques internes de Costco ont rédigée en octobre 1998 avant l"introduction de l"action.

[6]      Au cours de l"audition de la requête, Costco a présenté des éléments de preuve afin d"établir que les documents indiquant les noms de ses fournisseurs avaient été communiqués " sous réserve ", dans le contexte des pourparlers de règlement en cours. Voici un extrait pertinent de l"affidavit en question :

[TRADUCTION] De plus, en tout temps pertinent, il était convenu que ces documents seraient fournis aux représentants de [Hilfiger] sous réserve seulement, conformément aux pourparlers que les parties avaient engagés afin de régler leurs différends.

[7]      Cet affidavit n"a pas été contesté au moyen d"un contre-interrogatoire. La lettre préparée " sous réserve " et jointe aux documents n"a pas été produite en preuve au cours de l"audition de la requête.

[8]      L"avocat de Costco a soutenu que la demande de Hilfiger en vue d"ajouter les fournisseurs à titre de défendeurs dans l"action devrait être rejetée à ce stade de l"instance pour des raisons d"ordre public, étant donné que les noms des fournisseurs ont été communiqués " sous toute réserve ", dans le contexte des pourparlers de règlement en cours. Il a ajouté que la requête était prématurée et que l"avocat de Hilfiger aurait dû attendre que Costco produise son affidavit de documents pour voir si elle était disposée à communiquer volontairement les noms de ses fournisseurs ou s"il serait nécessaire que Hilfiger présente une requête afin d"obtenir les renseignements en question.

[9]      L"existence d"un privilège à l"égard des pourparlers de règlement est bien reconnue. Les principes sous-jacents au privilège et les conditions à respecter pour le faire valoir ont été résumés dans l"ouvrage de J. Sopinka et al intitulé The Law of Evidence in Canada , 2nd Ed. (Toronto : Butterworths, 1999) :

         [TRADUCTION]
III. COMMUNICATIONS VISANT À CONCLURE UN RÈGLEMENT

     A. Politique et règle générale

"14.201 Il est reconnu depuis longtemps qu"il y va de l"intérêt public que les parties soient encouragées à résoudre leurs différends privés sans recourir au procès ou, si une action a été engagée, qu"elles soient encouragées à régler le litige à l"amiable.
...
"14.203 Pour favoriser la réalisation de ces objectifs, les tribunaux ont protégé contre la divulgation les communications écrites ou orales, faites en vue d"une réconciliation ou d"un arrangement. En l"absence d"une telle protection, peu de personnes entameraient des négociations en vue d"un règlement de peur que toute concession qu"elles seraient disposées à faire puisse être utilisée à leur détriment s"il n"en résultait aucun arrangement.
...

     B. Conditions préalables à la reconnaissance du privilège

"14.207 Certaines conditions doivent être respectées pour que le privilège soit reconnu :

a)      un différend litigieux doit exister ou être anticipé;
b)      la communication doit être faite dans le but, avoué expressément ou non, que son contenu ne soit pas dévoilé au tribunal en cas d"échec des négociations;
c)      la communication doit avoir pour but de favoriser un règlement.

[10]      Dans la présente affaire, je souligne dès le départ que les noms de GPD Trading et 3271064 Canada ont été divulgués à Hilfiger en 1998, avant la signification de la déclaration. Dans les circonstances, l"identité de GPD Trading et de 3271064 n"est protégée par aucun privilège et Hilfiger peut ajouter ces sociétés à titre de parties défenderesses à l"action.

[11]      Dans le cas des noms des autres fournisseurs mentionnés dans les documents qui ont été joints à la lettre faite " sous réserve " en date du 22 octobre 1999, ces noms n"ont été communiqués à Hilfiger qu"après l"introduction de l"action et ne devaient pas être divulgués, comme l"indique l"emploi de l"expression " sous réserve ". De plus, il appert de l"affidavit non contesté que ces noms ont été fournis [TRADUCTION] " dans le cadre de pourparlers que les parties avaient engagés afin de régler leurs différends ". Dans les circonstances, Costco a établi les critères nécessaires et a prouvé que les noms des autres fournisseurs sont protégés par le privilège relatif aux pourparlers de règlement. Par conséquent, il ne convenait pas que l"avocat de Hilfiger décide unilatéralement d"inclure les noms des autres fournisseurs de Costco dans le nouveau projet de déclaration modifiée à ce stade de l"instance. Au cours de la communication préalable, Costco devra examiner carrément la question de la divulgation des noms de ses fournisseurs et prendre les décisions de procédure et de stratégie nécessaires, compte tenu des liens qu"elle entretient avec ses fournisseurs. En plus d"aller à l"encontre du privilège, la décision unilatérale que l"avocat de Hilfiger a prise, soit la divulgation des noms qui lui avaient été communiqués " sous réserve " dans le contexte des pourparlers de règlement, aurait empêché l"avocat de Costco de prendre certaines décisions, sur les plans à la fois juridique et commercial, au cours de la défense relative à l"action.

[12]      La requête est accueillie en partie. L"intitulé de la cause est modifié par la radiation de la partie défenderesse " Price Costco Canada Inc. ", laquelle est remplacée par " Costco Canada Inc. " et par " Costco Wholesale Canada Ltd. ". L"intitulé de la cause est également modifié par l"ajout des sociétés " GPD Trading Inc. " et " 3271064 Canada Inc. " à titre de parties défenderesses. À tous autres égards, la requête est rejetée, Hilfiger conservant le droit de déposer une nouvelle déclaration modifiée qui ne comportera aucun renvoi aux noms des deux fournisseurs protégés par le privilège relatif aux pourparlers de règlement. Les avocats auront la possibilité de présenter des observations au sujet de la question des dépens dans le cadre d"une téléconférence qui aura lieu plus tard aujourd"hui.

                                     " D. McGillis "

                                         Juge

Toronto (Ontario)

18 janvier 2000



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :                  T-1289-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          TOMMY HILFIGER LICENSING, INC. et TOMMY HILFIGER CANADA INC.

                             c.

                             PRICE COSTCO INC.

DATE DE L'AUDIENCE :              LE LUNDI 17 JANVIER 2000
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIS DE L"ORDONNANCE DE :      MADAME LE JUGE McGILLIS

EN DATE DU :                  MARDI 18 JANVIER 2000


ONT COMPARU :                  M e Tom Slahta

                                 pour les demanderesses

                             M e Ian MacPhee

                                 pour la défenderesse


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


                             Kestenberg Siegal Lipkus

                             Avocats

                             65 Granby Street

                             Toronto (Ontario) M5B 1H8

                                 pour les demanderesses

                             Lapointe Rosenstein

                             Avocats

                             1250, boul. René-Lévesque ouest

                             Montréal (Qc) H3B 5E9

                                 pour la défenderesse

COUR FÉDÉRALE DU CANADA



Date : 20000118


Dossier : T-1289-99


Entre :

TOMMY HILFIGER LICENSING, INC.

Et TOMMY HILFIGER CANADA INC.,


demanderesses,


et


PRICE COSTCO INC.,


défenderesse.







MOTIFS DE L"ORDONNANCE





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