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Date : 20011203

Dossier : IMM-4038-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 DÉCEMBRE 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                                              CHOR SHAN CHONG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W. P. McKeown »

                                                                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20011204

Dossier : IMM-4038-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1335

ENTRE :

                                                              CHOR SHAN CHONG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas de rejeter, le 12 avril 2000, la demande de résidence permanente qu'il a présentée à titre d'entrepreneur. L'agent des visas a rejeté cette demande parce qu'il avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était ou avait été membre d'une organisation criminelle, de sorte qu'il n'était pas admissible au Canada suivant l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration (la Loi).


[2]                 La principale question en litige en l'espèce est de savoir si l'agent des visas a commis une erreur en décidant que le demandeur n'était pas admissible suivant l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Les autres questions en litige sont les suivantes : 1) l'agent des visas avait-il des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre d'une organisation criminelle, et 2) l'organisation était-elle une organisation criminelle se livrant à des activités criminelles interdites par le Code criminel ou la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui peuvent être punissables par mise en accusation, ou ayant commis à l'étranger un fait - acte ou omission - qui, s'il avait été commis au Canada, constituerait une infraction? Il faut aussi se demander si l'agent des visas a contrevenu aux principes d'équité en ne faisant pas connaître sa décision au demandeur en temps opportun et en ne lui remettant pas un résumé des renseignements confidentiels.

[3]                 Le demandeur soutient que l'agent des visas n'avait pas de motifs raisonnables de croire qu'il était membre d'une organisation criminelle au sens de l'alinéa 19(1)c.2). La norme est établie dans l'affaire Sabour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1615 (1re inst.), où M. le juge en chef adjoint Lutfy a énoncé le droit en faisant référence à plusieurs décisions portant sur la question. Par exemple, M. le juge Sopinka a déclaré dans l'arrêt R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378 :

... il faut que les motifs raisonnables pour lesquels l'agent de la paix a agi aient un fondement objectif.

Le juge en chef adjoint Lutfy a indiqué au paragraphe 14 :

Ainsi que l'a fait le juge Lemieux dans Qu, je souscris à la norme de preuve formulée par le juge Dubé dans Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 2 C.F. 642 (1re inst.), au paragraphe 27 :

La norme de la preuve par croyance fondée sur des « motifs raisonnables » exige davantage que de vagues soupçons, mais est moins rigoureuse que celle de la prépondérance des probabilités en matière civile. Et bien entendu, elle est bien inférieure à celle de la preuve « hors de tout doute raisonnable » requise en matière criminelle. Il s'agit de la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi.


Il a aussi fait référence aux lignes directrices du défendeur concernant l'interprétation de l'expression « motifs raisonnables de croire » , lesquelles prévoient :

[traduction] Les mots « motifs raisonnables de croire » s'entendent du mode de preuve qui se situe entre le simple soupçon et la probabilité prépondérante. La probabilité prépondérante est une norme inférieure à celle de la preuve sans l'ombre d'un doute raisonnable en matière pénale. La norme des motifs raisonnables signifie que la croyance doit avoir un fondement objectif et que l'agent d'immigration doit être en mesure de convaincre un tiers comme un arbitre ou un juge qu'il y a vraiment des motifs qui justifient cette croyance. Les renseignements sur lesquels se fonde la croyance doivent être irrésistibles, dignes de foi et corroborés.

Le juge en chef adjoint Lutfy a ensuite indiqué :

Selon le ministère défendeur, la condition selon laquelle les renseignements doivent être « irrésistibles, dignes de foi et corroborés » est à tout le moins aussi rigoureuse que la norme définie par le juge Dubé, celle de la « croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi » .

[4]                 Dans sa lettre de refus du 12 avril 2000, l'agent des visas a mentionné que, malgré le fait que le demandeur ait nié, lors de son entrevue, avoir jamais été membre d'une organisation criminelle, il a conclu, après avoir examiné les prétentions faites par les avocats et les consultants du demandeur au fil des ans - l'affaire a débuté en 1994 -, que celui-ci appartenait à la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(1)c.2). Il a écrit à la page 2 :


[traduction] Vous avez indiqué que vous entreteniez des relations d'affaires étroites avec une compagnie qui, à votre connaissance, avait été étroitement liée à des tactiques d'intimidation criminelles et à l'établissement de prix exorbitants pour des services dans un marché de la vente en gros de légumes. J'ai constaté que votre description des activités criminelles de ce groupe correspond à ce que l'on connaît généralement de la nature des activités des triades dans les marchés locaux. Compte tenu des renseignements qui ont été fournis par vos consultants et par vous lors de l'entrevue, j'ai déterminé que vous croyiez que cette compagnie avait été inscrite sur une « liste noire » et qu'il lui avait été interdit de pénétrer dans un nouveau marché parce qu'elle avait la réputation d'utiliser des tactiques brutales et qu'elle était soupçonnée d'avoir des liens avec les triades. Je vous ai demandé si, d'après vous, les personnes ayant participé aux activités de cette compagnie dans l'ancien marché appartenaient à des triades. Vous m'avez répondu que vous croyiez que c'était le cas. Vous avez pourtant collaboré avec cette compagnie en lui donnant accès au nouveau marché en utilisant le nom commercial de votre entreprise. Votre description de vos relations d'affaires avec cette compagnie, que vous avez faite à l'entrevue, m'amène à penser que votre entreprise était un peu plus qu'une « couverture » pour les activités de la compagnie inscrite sur la « liste noire » . Vous avez dit que la compagnie avait exercé des pressions sur vous pour que vous l'aidiez, mais je ne suis pas convaincu, après avoir examiné la preuve, que vous avez été personnellement contraint de collaborer avec elle autant que vous l'avez fait. Il ressort des déclarations de la police que vous avez produites que vous avez été arrêté pour avoir exercé de l'intimidation criminelle avec trois autres membres de la compagnie, mais que vous n'avez pas été formellement accusé ou déclaré coupable à la suite de l'enquête. J'ai néanmoins considéré qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'en réalité vous étiez un membre d'une organisation criminelle parce que vous avez été volontairement complice d'une entreprise contrôlée par une triade.

[5]                 Le demandeur soutient qu'il avait des liens avec le groupe criminel, mais qu'il n'en faisait pas partie. Selon lui, l'agent des visas n'avait pas de motifs raisonnables de croire qu'il était membre d'une organisation criminelle au sens de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi pour les raisons suivantes :

            a)          il n'a jamais été déclaré coupable d'une infraction criminelle à Hong Kong;

          b)        il a fait des déclarations volontaires à la police et a collaboré avec elle;

          c)        il a comparu devant la commission indépendante contre la corruption à Hong Kong et a fourni des preuves de la corruption existant dans les marchés de légumes;

          d)        il a nié être membre d'une organisation criminelle;

          e)        l'agent des visas n'a pas déterminé l'équivalence;

          f)         l'agent des visas a mal interprété les renseignements relatifs à ses rapports avec la police de Hong Kong en 1994;

          g)        l'agent des visas a supposé à tort qu'il était [traduction] « coupable par association » ;


          h)        rien n'indique qu'il a déjà possédé une carte de membre d'une organisation criminelle, qu'il a prêté serment à une telle organisation, ou qu'il a payé des droits à une telle organisation ou en a arboré les insignes dans sa vie personnelle ou professionnelle;

            i)         l'agent des visas n'a pas donné effet à la présomption d'innocence;

          j)         l'agent des visas n'a pas pris en compte tous les critères qui rendent une personne non admissible en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi puisqu'il n'a pas examiné la question de savoir s'il avait convaincu le ministre que son admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

          k)        les renseignements concernant les liens de Ming Kee avec une organisation criminelle (triade) ou le fait qu'elle ait agi comme une [traduction] « couverture » pour une telle organisation sont vagues et ténus;

          l)         son association avec Ming Kee avait un véritable but commercial parce que : i) les tramways électroniques que Ming Kee lui louait lui permettaient d'accroître l'efficacité de son entreprise; ii) il avait besoin de moins d'employés quand il utilisait les tramways loués; iii) il avait véritablement besoin de cinq employés additionnels;

          m)       il supervisait les employés de Ming Kee et leur donnait des instructions;

          n)         rien n'indique qu'il versait à ses employés plus qu'une rémunération raisonnable ou qu'une partie de la rémunération concernait une fin illégale;


          o)        rien n'indique que le loyer payé pour les tramways électroniques était disproportionné;

          p)        Cheun Kee approuvait toutes les factures administrées par Ming Kee;

          q)        rien n'indique que les services fournis au demandeur par Ming Kee étaient illégaux ou excessifs, ou qu'ils n'avaient pas une fin commerciale;

          r)         l'association des marchands de légumes en gros approuvait la relation d'affaires avec Ming Kee;

          s)        il n'a tiré aucun revenu d'une activité criminelle;

          t)         il n'a investi aucun revenu dans une activité criminelle;

          u)        il n'a pas participé directement ou indirectement à la conduite d'une organisation se livrant à des activités criminelles.

[6]                 Il est utile de rappeler ce que M. le juge Evans a dit dans l'arrêt Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), au paragraphe 57 :

Il n'est donc pas nécessaire ou utile d'en dire davantage sur le sens du mot « membre » aux fins de l'alinéa 19(1)c.2). Cependant, en assimilant la qualité de « membre » à l' « appartenance » à une organisation criminelle, le juge de première instance a conclu à juste titre que, dans ce contexte, le mot devrait être défini largement. Avec égards pour les arguments de Mme Jackman, je ferais deux autres observations.

Il a poursuivi aux paragraphes 58 et 59 :

D'abord, à mon avis, l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi est assez large pour permettre au Canada de protéger sa sécurité nationale en excluant non seulement ceux qui ont l'intention de commettre des crimes ici, mais également ceux dont la présence au Canada pourrait servir à renforcer une organisation criminelle ou à favoriser l'accomplissement de ses objets.


Deuxièmement, il ne sera pas toujours possible de tracer une ligne précise entre les activités commerciales légitimes d'une organisation criminelle et ses activités criminelles. Des activités commerciales légitimes peuvent servir au blanchiment du produit d'activités criminelles, et des activités criminelles peuvent à leur tour être financées à l'aide des bénéfices dégagés par des activités légitimes. C'est pourquoi lorsqu'une personne prend part à des activités légitimes en sachant que c'est une organisation criminelle qui en tient les leviers de commande, on peut, selon les circonstances, avoir des motifs raisonnables de croire qu'elle est membre de cette organisation criminelle.

Il a traité ensuite du droit relatif à la norme concernant les « motifs raisonnables » , qui a été exposé précédemment.

[7]                 Je rappelle aussi les commentaires formulés par M. le juge Nadon dans la décision Au c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 435 (1re inst.), qui portait aussi sur l'alinéa 19(1)c.2). Il dit ce qui suit, au paragraphe 43 :

Il n'appartient pas à cette cour de déterminer si le demandeur est membre d'une triade; il s'agit de savoir s'il y avait des motifs raisonnables permettant à l'agent des visas de croire que le demandeur devrait se voir refuser l'admission conformément à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Je suis convaincu que le dossier dans son ensemble, y compris les affidavits confidentiels, étaye les conclusions tirées par l'agent Schultz. Il ne faut pas oublier que l'agent Schultz avait énormément d'expérience et de connaissances au sujet des activités des triades à Hong Kong.


[8]                 J'en suis aussi convaincu en l'espèce, sans même qu'il soit nécessaire de recourir aux affidavits confidentiels pour appuyer les conclusions de l'agent des visas. Je constate en outre que l'allégation figurant ci-dessus au point c) - que le demandeur a comparu devant la commission indépendante contre la corruption à Hong Kong au sujet des activités de Ming Kee - n'est pas corroborée. Quoi qu'il en soit, l'agent des visas a examiné avec soin la preuve du demandeur selon laquelle il avait d'abord été harcelé par le groupe et avait peur de lui. Il n'était pas convaincu toutefois, à la lumière de tous les éléments de preuve produits lors de l'entrevue, que le demandeur avait agi sous la contrainte et parce qu'il avait peur pour sa famille, ou que ses liens avec Ming Kee étaient inoffensifs et ténus.

[9]                 En outre, le demandeur n'a pas fourni de preuves de la corruption qui existait sur le marché des légumes car il n'a jamais donné suite à sa prétendue comparution. Je rappelle aussi que l'appartenance est suffisante pour que le demandeur soit visé par les dispositions de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi puisque les triades ont une fin brutale unique, soit la commission de crimes en vue d'un gain financier. Il n'est pas nécessaire que le demandeur soit lié à des crimes précis en tant que leur auteur réel.

[10]            Le demandeur a aussi dit à l'agent des visas que des membres de Ming Kee étaient impliqués dans des extorsions, des actes d'intimidation, des rackets de protection et des voies de fait commis contre des grossistes dans l'ancien et le nouveau marchés. Les coaccusés du demandeur, qui prétendaient être membres d'une triade, ont été déclarés coupables de chantage, de vol et de danger criminel. L'agent des visas pouvait conclure, en se fondant sur ces infractions criminelles commises à l'extérieur du Canada par Ming Kee - qui, selon le demandeur, est membre d'une [traduction] « société noire » - qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que l'organisation avait commis des infractions qui, si elles avaient été commises au Canada, auraient constitué des infractions au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pouvant être punissables par mise en accusation.

[11]            Par ailleurs, la possession d'une carte de membre ne signifie pas nécessairement qu'une personne appartient à une triade. En outre, les membres des triades nient activement faire partie de ces organisations et s'abstiennent d'en parler et de divulguer leur adhésion aux 36 serments de loyauté de celles-ci.

[12]            Il n'était pas nécessaire que l'agent des visas examine la raison invoquée par le demandeur au point j) ci-dessus pour expliquer pourquoi il ne devait pas être considéré comme un membre d'un groupe criminel étant donné qu'il a expressément nié appartenir à une organisation criminelle. De plus, les renseignements donnés par le demandeur au sujet de ses liens avec la triade Ming Kee n'étaient ni vagues ni ténus puisqu'il a dit à l'agent des visas que Ming Kee est membre d'une [traduction] « société noire » et a décrit les tactiques brutales puissantes utilisées par l'organisation dans l'ancien et le nouveau marchés (p. ex. l'organisation a battu des personnes, a mis une chaîne à une barrière, a fixé des prix de transport exorbitants et s'est livrée à de l'intimidation). Contrairement à ses prétentions selon lesquelles rien n'indiquait qu'il avait obtenu des services illégaux de Ming Kee, qu'il avait tiré un revenu d'activités criminelles ou qu'il avait investi des fonds dans des activités criminelles, ou selon lesquelles il n'avait pas participé à la conduite de Ming Kee, le demandeur a reconnu qu'il savait que cette organisation était membre d'une [traduction] « société noire » et que, bien qu'il ait été responsable de la fixation d'un prix avec Ming Kee, c'est cette dernière qui contrôlait la perception des droits exigibles pour les services de transport. Ni le demandeur ni sa compagnie ne vérifiaient si les droits étaient effectivement perçus.


[13]            À mon avis, l'agent des visas avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre d'une organisation criminelle au sens de l'alinéa 19(1)c.2).

[14]            J'aborderai maintenant la question de savoir si l'agent des visas a contrevenu aux principes d'équité. Il y a certainement eu des retards dans l'affaire qui nous intéresse : celle-ci a débuté en 1994, un agent d'immigration a demandé au demandeur, le 16 janvier 1996, de produire certains documents et renseignements, et quatre ans se sont écoulés depuis sans qu'aucune décision ne soit prise. Il est vrai qu'il a certainement fallu beaucoup de temps pour trouver un agent des visas possédant de l'expérience dans le domaine de la vérification des antécédents de personnes soupçonnées d'être membres d'une triade, mais ces vérifications devaient être faites et le retard ainsi causé n'est pas déraisonnable.

[15]            Mme le juge Simpson a dit dans la décision Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1742 (1re inst.) :

À mon avis, l'équité exige qu'un requérant reçoive une décision en temps opportun. Ce que cela signifie varie avec les circonstances de chaque cas. Je suis néanmoins certaine qu'un retard de deux ans et demi, entre une entrevue et la signification au requérant de la décision, est inacceptable lorsqu'il n'existe aucune circonstance spéciale qui justifie ce retard.


L'affaire Singh est cependant différente de l'affaire dont je suis saisi en l'espèce parce que, dans Singh, l'agent avait tenu compte de considérations non pertinentes au regard de certains éléments de preuve. En outre, il existe des circonstances spéciales en l'espèce. Les vérifications des antécédents qui exigent l'utilisation de renseignements secrets et le recours à des informateurs prend nécessairement du temps et, à mon avis, le temps nécessaire pour obtenir ces vérifications constitue le type de circonstance spéciale dont parle le juge Simpson dans Singh.

[16]            Le demandeur soutient aussi que le défendeur n'a pas agi équitablement à son endroit en ne lui communiquant pas les renseignements confidentiels. Lorsque j'ai été saisi de la requête fondée sur le paragraphe 82.1(1), j'ai décidé d'interdire la communication de renseignements pour des raisons de sécurité nationale ou d'intérêt public. Dans l'arrêt Chiau, le juge Evans a statué qu'il n'était pas nécessaire de fournir un résumé des renseignements à un immigrant éventuel. Il a fait référence au paragraphe 39(6) de la Loi, qui oblige le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité à fournir à la personne qui fait l'objet d'un rapport un résumé des renseignements secrets en matière de sécurité, afin de lui permettre d'être informée le mieux possible des circonstances qui ont donné lieu à l'établissement du rapport. Il a ajouté au paragraphe 54 :

Cependant, cette exigence légale ne signifie pas nécessairement que l'obligation d'équité exige la production d'un tel sommaire avant qu'un visa ne soit refusé pour des motifs de sécurité nationale. S'il en est ainsi, c'est parce que l'article 39 de la Loi s'applique à l'expulsion de résidents permanents du Canada : l'expulsion a, en principe, des conséquences plus graves pour l'intéressé, et pour sa famille, que le refus d'un visa à une personne qui voudrait être admise au Canada en tant qu'immigrant indépendant, et c'est pourquoi elle donne lieu à des garanties procédurales supérieures. Lorsqu'une autre décision, tel le refus d'un visa, a des conséquences moins graves sur des intérêts individuels, il y a moins de raisons d'imposer un degré de communication susceptible de nuire à la sécurité nationale, et les facteurs qui déterminent le contenu de l'obligation d'équité doivent être rééquilibrés.


[17]            À mon avis, le fait qu'il n'ait pas été question de l'article 40.1 de la Loi dans cette décision n'a pas pour effet d'enlever du poids à celle-ci. J'admets qu'un résumé des renseignements doit être fourni aux termes de l'article 40.1. Or, en l'espèce, le demandeur a eu droit à la communication la plus étendue possible, et ce n'est qu'une très petite partie des renseignements qui ne lui ont pas été communiqués.

[18]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Comme la présente instance est fondée sur les faits particuliers qui étaient en cause en l'espèce, elle ne soulève pas de question de portée générale.

« W. P. McKeown »

                                                                                                                                 Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 décembre 2001

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                                         IMM-4038-00

INTITULÉ :                                                        Chor Shan Chong et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 7 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    Monsieur le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                     Le 4 décembre 2001

   

COMPARUTIONS :

Irvin Sherman                                                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. Lori Hendricks                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Martinello & Associates                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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