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Date : 20011123

Dossier : T-2034-91

Référence neutre : 2001 CFPI 1282

ENTRE :

     TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LIMITED

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

         SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR LE

        MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA

                                                                                           défenderesse

                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SIMPSON

[1] Les présents motifs font suite à un procès de deux jours au cours duquel la demanderesse, Trevor Nicholas Construction Limited (la demanderesse), a soutenu que la défenderesse (Travaux publics) n'avait pas traité équitablement la soumission la plus basse qu'elle lui avait présentée en réponse à un appel d'offres concernant un projet de construction maritime à Meaford, en Ontario.

[2] La demanderesse a introduit son procès en 1991 et a été représentée pendant de nombreuses années par son président, M. John Susin. Toutefois, deux semaines avant le procès, la demanderesse a retenu les services d'un avocat. Les deux parties étaient donc chacune représentées par un avocat au procès.


Questions en litige

[3] Le 12 mai 2000, Travaux publics a saisi le juge Pelletier d'une requête en jugement sommaire (la requête). Le juge Pelletier a conclu qu'un contrat avait été formé lorsque la demanderesse avait présenté sa soumission en réponse à l'appel d'offres lancé par Travaux publics. Il a également conclu que, comme le dossier d'appel d'offres contenait une clause de réserve suivant laquelle Travaux publics n'était pas obligé d'accepter la soumission la plus basse ou toute autre soumission, Travaux publics n'avait pas fait défaut de respecter son contrat avec la demanderesse en refusant sa soumission, qui était la plus basse.

[4] En réponse à cette requête, le juge Pelletier a ordonné[1] que seules les questions suivantes soient jugées :

1. Le contrat entre la défenderesse et la demanderesse est-il assorti d'une condition implicite obligeant à traiter la demanderesse équitablement?

2. Dans l'affirmative, y a-t-il eu manquement à cette condition?

3. Dans l'affirmative, à quel montant de dommages-intérêts ce manquement donne-t-il droit?

En fait, seulement deux de ces questions ont été examinées au procès. Comme Travaux publics a admis qu'il était tenu de traiter la demanderesse équitablement, il ne restait plus à examiner que les deuxième et troisième questions.


[5]         Au procès, la demanderesse a présenté sans succès une requête en vue d'obtenir la permission de modifier sa déclaration pour plaider la négligence. J'ai conclu que cette modification n'était pas nécessaire, étant donné que la question de l'équité, qui serait soulevée dans une action fondée sur la négligence, m'avait déjà été soumise dans le cadre de l'action en inexécution de contrat.

La preuve

[6]         M. John Susin a témoigné pour le compte de la demanderesse. Après avoir terminé ses études secondaires, il a travaillé pendant une trentaine d'années dans l'industrie de la construction, tant avec d'autres personnes qu'à son propre compte. En 1978, il a constitué une société privée ontarienne, Trevor Nicholas Construction.

[7]         M. Elwood Wurts a témoigné pour le compte de Travaux publics. Il est maintenant à la retraite, mais de 1987 à 1995, il était directeur de la Division de la marine à la Direction générale de l'architecture et du génie de Travaux publics Canada. Dans l'exercice de ses fonctions, il supervisait le travail de M. Shenkman, un chargé de projets, ainsi que le travail de M. Grossi, l'ingénieur naval principal chargé des projets de dragage. M. Wurts relevait lui-même de M. Owen Corkum, qui était le directeur régional pour l'Ontario de la Division de la marine, à la Direction générale de l'architecture et du génie de Travaux publics Canada.


Les faits

[8]         Le projet de construction maritime de Meaford (Ontario) portait sur le dragage de 16 700 mètres carrés de matières dans un bassin portuaire, la construction d'un bassin de service maritime et la réalisation de certains travaux de protection des rives (le projet Meaford). Travaux publics avait lancé un appel d'offres pour le projet Meaford à la demande de sa cliente, la Direction des ports pour petits bateaux du ministère des Pêches et Océans. En réponse à une annonce parue dans le Daily Commercial News, la demanderesse a obtenu le cahier des charges et le devis descriptif du projet Meaford et elle a présenté une offre d'un montant de 322 018 $ le 18 octobre 1990 (la soumission de la demanderesse). C'est la soumission la plus basse que Travaux publics a reçue, mais cette soumission a finalement été rejetée dans une lettre en date du 16 novembre 1990 dont voici le texte :

[TRADUCTION]

Nous vous remercions d'avoir présenté une soumission pour le projet susmentionné. Je dois toutefois vous informer que votre offre n'a pas été jugée la plus favorable pour le Ministère.

Vous trouverez ci-joint votre garantie de soumission.

[9]         Le marché du projet Meaford a été attribué à Wilson & Somerville Ltd., qui avait présenté une soumission de 326 395 $.


[10]       Le 15 octobre 1990, trois jours avant la date limite de réception des soumissions, M. Veinot, un sous-ministre adjoint de Travaux publics qui travaillait à l'Administration centrale, à Ottawa, a envoyé une lettre à la demanderesse (la lettre de refus) pour y exprimer les inquiétudes du Ministère au sujet de la capacité de la demanderesse d'effectuer les travaux de dragage. En voici le texte :

[TRADUCTION]

OBJET : Projet de construction maritime et de dragage de TPC - Soumissions

Au cours de l'année écoulée, nous avons reçu des soumissions de votre compagnie au sujet de plusieurs projets de construction maritime dans notre région de l'Ontario.

Dans le cas de deux projets de dragage, la soumission de votre compagnie était la plus basse. La capacité de votre compagnie d'effectuer les travaux exigés a été examinée et a été jugée insuffisante et, en conséquence, vos soumissions ont été écartées. Dans les deux cas, la recommandation de rejeter vos soumissions était fondée sur les travaux insatisfaisants que vous aviez déjà exécutés et sur votre apparente incapacité d'exécuter les travaux pour lesquels vous aviez présenté une soumission.

Nous désirons en conséquence vous aviser par la présente que le Ministère a l'intention de continuer à recommander qu'il ne soit pas tenu compte des soumissions présentées par votre compagnie tant que vous n'aurez pas fait la preuve de votre capacité d'exécuter les travaux prévus.

Il ressort de la preuve que les projets pour lesquels les soumissions de la demanderesse avaient antérieurement été écartées et dont il est fait mention au deuxième paragraphe de la lettre de refus étaient le projet de la rivière Sainte-Claire, en 1989, et le projet d'Amherstberg en juin 1990.


[11]       M. Wurts a témoigné qu'à l'époque en cause, le soumissionnaire le moins disant ne pouvait être écarté que sur approbation du Conseil du Trésor. Il a en outre témoigné que, pour obtenir l'approbation nécessaire, le ministère des Travaux publics devait soumettre au Conseil du Trésor une demande et une recommandation officielles. Toutefois, en l'espèce, après avoir pris connaissance de la recommandation de Travaux publics de ne pas tenir compte de la soumission présentée par la demanderesse relativement au projet Meaford, le Conseil du Trésor a décidé de ne pas examiner cette soumission et a plutôt donné l'ordre qu'elle soit déclarée inadmissible. Le bureau régional de Toronto du ministère des Travaux publics pouvait s'occuper d'une inadmissibilité sans devoir obtenir l'approbation du Conseil du Trésor.

[12]       Malgré la lettre de refus, la soumission de la demanderesse n'a pas automatiquement fait l'objet d'une recommandation d'inadmissibilité. Travaux publics l'a plutôt évaluée à son bureau régional de Toronto. Cette évaluation a été critiquée par la demanderesse, qui affirmait qu'elle était injuste parce qu'elle avait été effectuée par des employés de Travaux publics qui avait déjà formé une opinion négative au sujet de la capacité de la demanderesse d'exécuter des contrats de dragage.

[13]       À cet égard, M. Wurts a reconnu que, lorsque Travaux publics avait évalué l'offre de la demanderesse, ses employés savaient que Travaux publics n'était pas satisfait du travail qu'avait effectué la demanderesse à l'occasion de la réalisation de trois projets précédents : un projet de réparation à Daults Bay, un projet de construction d'un brise-lames à Keswick à la fin des années quatre-vingt et un projet de dragage à la marina de Treasure Island à Kingston, en Ontario (les projets antérieurs).


La soumission de la demanderesse

[14]       Dans le cahier des charges qu'elle a établi pour le projet Meaford (le cahier des charges), Travaux publics précisait qu'il s'agissait d'un projet de dragage. M. Susin a par ailleurs reconnu que le dragage impliquait l'extraction de matières dans une zone submergée. Les soumissionnaires étaient par conséquent invités dans le cahier des charges à préciser à l'annexe 4 les « dragues et tout autre outillage flottant » qu'ils utiliseraient pour exécuter les travaux. La demanderesse a précisé que le « Seneca » était la drague qui serait utilisée pour le projet Meaford. À l'annexe 3, qui porte sur l'équipement supplémentaire, la demanderesse a précisé qu'elle utiliserait une rétrocaveuse à commande hydraulique, un chargeur à chenille et des camions loués. À première vue, la soumission de la demanderesse semblait répondre aux exigences du cahier des charges, en ce sens que la demanderesse y précisait qu'elle se proposait d'effectuer du dragage sous l'eau.


[15]       Toutefois, après avoir communiqué avec la demanderesse pour obtenir de plus amples renseignements au sujet de ses intentions, M. Grossi, de Travaux publics, a appris que M. Susin n'avait pas l'intention de faire du dragage. Il envisageait plutôt la construction d'une digue étanche à l'aide d'une pelle à benne traînante. M. Susin a expliqué ce changement en précisant que le projet de dragage avait été « converti » en projet d'excavation. M. Susin a témoigné que la digue devait s'étendre du brise-lames ouest au brise-lames est de la marina et, le long de l'intérieur du brise-lames est jusqu'à la rive, pour créer une enceinte étanche autour de la zone devant être creusée. La demanderesse devait ensuite assécher cette zone par pompage et creuser dans le sec.

Prétentions et moyens de la demanderesse

[16]       Dans ce contexte, je vais maintenant aborder les allégations précises de conduite inéquitable formulées par la demanderesse. Voici ces allégations :

1.        Travaux publics a agi de façon inéquitable en faisant évaluer la soumission de la demanderesse par des employés du bureau régional de Toronto qui étaient insatisfaits du travail accompli par la demanderesse lors de projets antérieurs.

2.        Travaux publics a agi de façon inéquitable en exagérant les problèmes qu'elle avait rencontrés lors de l'exécution du projet de la marina de Treasure Island à Kingston, en Ontario (le projet de Treasure Island).

3.        Travaux publics a agi de façon inéquitable en ne communiquant pas avec la demanderesse pour discuter de sa soumission après avoir relevé certains points qui la préoccupait.

4.        Travaux publics a agi de façon inéquitable en évaluant le « Seneca » et en retenant les services d'anciens concurrents de la demanderesse pour procéder à l'évaluation.

5.        Travaux publics a agi de façon inéquitable en attribuant le marché du projet Meaford à une société sans expérience.


Analyse et conclusions

1.        Partialité de l'évaluation

[17]       À l'annexe 1 du cahier des charges, Travaux publics précisait bien qu'il tiendrait compte des antécédents du soumissionnaire lors de l'examen de sa soumission. Il s'ensuivait nécessairement que, si les personnes qui étaient chargées d'évaluer la soumission n'étaient pas personnellement au courant des antécédents du soumissionnaire, elles s'en enquerraient. J'en suis par conséquent arrivée à la conclusion qu'il est sans importance que MM. Grossi, Corkum, Wurts et Shenkman aient participé à l'évaluation de la soumission de la demanderesse. Même s'ils n'avaient pas été personnellement au courant du fait que Travaux publics était insatisfait de la façon dont la demanderesse avait réalisé les projets antérieurs, ils se seraient renseignés et auraient été parfaitement au courant de l'opinion négative de Travaux publics et de l'existence de la lettre de refus.


[18]       À mon avis, compte tenu de l'annexe 1 du cahier des charges, la demanderesse n'avait aucune raison de s'attendre à ce que sa soumission fasse l'objet d'une évaluation qui fasse abstraction de sa réputation. Il ressort en outre de la lettre de refus que, malgré le fait qu'elle n'était pas tenue de le faire, Travaux publics a effectivement évalué la soumission de la demanderesse. Qui plus est, Travaux publics a communiqué avec la demanderesse pour obtenir des éclaircissements au sujet de sa proposition et elle a poursuivi son évaluation même après avoir découvert que la demanderesse prévoyait effectuer une excavation à sec plutôt que du dragage. À mon avis, cette façon d'agir démontre que, du point de vue de la procédure suivie, Travaux publics a traité la soumission de la demanderesse d'une manière plus qu'équitable.

2.        Le projet de Treasure Island

[19]       Ce projet prévoyait le dragage du bassin d'une marina à Kingston, en Ontario. La demanderesse était le soumissionnaire le moins-disant et elle avait « converti » les opérations de dragage prévues au cahier des charges en des opérations d'assèchement et d'excavation à sec. Ce projet devait, avec les opérations de nettoyage, se terminer le 16 mars 1999. Les travaux d'excavation n'ont cependant pas été menés à terme à la suite de l'arrêt des travaux ordonné par Travaux publics au début du mois de mars après que des fissures eurent été découvertes dans la jetée adjacente. Les travaux ne se sont pas bien déroulés et ils se sont soldés par un procès entre la demanderesse et Travaux publics. Un règlement à l'amiable est finalement intervenu et, comme je l'ai précisé au procès, je n'ai pas l'intention d'examiner le bien-fondé des arguments de chacune des parties au sujet des présumés problèmes. La seule question que je suis disposée à examiner est celle de savoir si, lorsqu'elle a évalué la soumission présentée par la demanderesse pour le projet Meaford, Travaux publics pouvait légitimement tenir compte de son insatisfaction au sujet de la façon dont la demanderesse avait exécuté le projet de Treasure Island.


[20]       À cet égard, les faits suivants concernant le projet de Treasure Island ne sont pas contestés :

·            Le ministère de l'Environnement a, à quatre reprises, suspendu les opérations de pompage de la demanderesse pendant un court laps de temps en raison de la qualité insatisfaisante de l'eau pompée. L'eau était trouble parce que des particules provenant du fond du lac étaient aspirées dans la pompe. Toutefois, chaque fois, la demanderesse a été autorisée à lever sa pompe et à reprendre le travail.

·           La demanderesse a commencé les travaux en décembre 1988 sans avoir soumis à Travaux publics de plan de travail pour le projet.

·           La demanderesse n'a pas terminé les travaux d'excavation exigés.

·            Plusieurs sous-traitants se sont plaints à Travaux publics de ne pas avoir été payés par la demanderesse.

·           Les propriétaires des terrains voisins se sont plaints à Travaux publics parce que, 15 mois après que la demanderesse eut suspendu les travaux en mars 1989, elle n'avait pas encore terminé le nettoyage et les réparations exigés.

·           En juin 1990, lorsque la demanderesse a refusé d'entreprendre les travaux de nettoyage et de réparation avant le mois d'août 1990, le marché relatif au projet de Treasure Island a été retiré à la demanderesse.


[21]       La demanderesse soutenait que Travaux publics croyait à tort que la demanderesse avait été accusée et déclarée coupable à deux reprises d'infractions liées au pompage d'eau de mauvaise qualité dans le cadre du projet de Treasure Island et que cette croyance erronée avait influencé l'évaluation que Travaux publics avait fait de la soumission présentée par la demanderesse pour le projet Meaford. Lors de l'interrogatoire préalable de M. Wurts, Travaux publics s'est engagé à fournir des preuves de ces déclarations de culpabilité. Cette preuve n'a cependant pas été produite avant ou durant le procès. J'ai donc écarté le témoignage de M. Wurts au sujet des déclarations de culpabilité. Toutefois, même si Travaux publics s'est mépris au sujet de l'existence des déclarations de culpabilité et même si elle a exagéré certaines des lacunes de la demanderesse, j'estime, vu les faits non contestés, que la conclusion qu'elle a tirée au sujet de l'exécution insatisfaisante du projet de Treasure Island par la demanderesse était néanmoins équitable.

3.        Omission de communiquer avec la demanderesse


[22]       M. Grossi, des Travaux publics, a communiqué avec la demanderesse après la date de clôture du concours pour discuter avec M. Susin de ses intentions au sujet du projet Meaford. À l'époque, il a appris que M. Susin se proposait de convertir le projet de dragage en un projet de drainage suivi par une excavation sur le sec. C'était la méthode que la demanderesse avait employée pour le projet de Treasure Island. Suivant M. Susin, dans sa note de service du 24 novembre 1990, M. Grossi avait mal décrit la digue que la demanderesse se proposait de construire parce qu'il avait négligé de mentionner qu'après avoir relié les brise-lames est et ouest, la digue devait se poursuivre jusqu'à la rive en longeant l'intérieur du brise-lames est pour créer une enceinte étanche.

[23]       M. Wurts a témoigné que Travaux publics avait trouvé un peu vague les méthodes exposées dans la note de service de M. Grossi, mais il a ajouté qu'il était évident qu'une digue qui ne s'étendait qu'entre les brise-lames ne pouvait créer une zone que l'on pouvait assécher. À mon avis, il ressort de ce témoignage qu'il était clair aux yeux de Travaux publics que la digue que la demanderesse se proposait d'ériger devait être plus longue que celle qui était décrite dans la note de service de M. Grossi. Comme je ne suis pas persuadée que la note de service a créé une confusion notable, j'en suis arrivée à la conclusion qu'il n'est pas nécessaire d'essayer d'obtenir davantage d'éclaircissements auprès de la demanderesse.

4.        Le Seneca


[24]       Ainsi que je l'ai déjà signalé, la soumission de la demanderesse induisait d'abord en erreur étant donné que le Seneca y était désigné comme étant l'usine flottante qui servirait aux travaux de dragage dans le cadre du projet Meaford et ce, malgré le fait que M. Susin n'a jamais eu l'intention de faire du dragage. En fait, le Seneca a été mentionné parce que M. Susin croyait qu'il voudrait peut-être s'en servir pour la construction de la digue. Cependant, indépendamment de la raison pour laquelle le Seneca a été mentionné dans la soumission, il était raisonnable de la part de Travaux publics d'en vérifier l'état de navigabilité. Travaux publics avait en main un rapport daté du 24 juin 1985 qui indiquait que, même si ses tôles de pont étaient embouties, le Seneca pouvait être utilisé si les réparations recommandées étaient entreprises. Qui plus est, quatre ans plus tard, alors que le Seneca était depuis un certain temps immobilisé, en partie submergé, au fond du lac, Travaux publics a embauché un consultant indépendant pour procéder à une nouvelle évaluation de l'état de navigabilité du Seneca. Le consultant, M. Colin B. Fairn, avait travaillé dans le domaine de la construction maritime pendant de nombreuses années pour une compagnie connue sous le nom de Canadian Dredge & Dock. Il avait rédigé le 16 août 1989 un rapport très défavorable au Seneca.

[25]       Au procès, M. Susin a témoigné qu'à son avis, il était injuste de la part de Travaux publics de se fier à l'opinion de M. Fairn, parce qu'avant qu'il ne lance son entreprise de consultation, son ancien employeur avait été un des concurrents de la demanderesse. Toutefois, même si j'accepte que M. Fairn travaillait pour une compagnie qui faisait concurrence à la demanderesse, ce fait ne suffit pas à lui seul, sans autre élément de preuve permettant de penser que M. Fairn aurait des raisons de mentir au sujet du Seneca, pour me convaincre que Travaux publics n'a pas agi équitablement en se fiant à l'opinion de M. Fairn.


[26]       M. Susin a également témoigné qu'il estimait que Travaux publics avait agi inéquitablement en tenant compte du Seneca pour évaluer la soumission de la demanderesse après qu'il fut devenu évident qu'elle allait utiliser une pelle à benne traînante et non le Seneca pour le projet Meaford. Toutefois, comme elle avait mentionné le Seneca dans sa soumission, la demanderesse continuait à avoir le droit de s'en servir et M. Susin aurait pu changer d'idée une autre fois au sujet de l'équipement qu'il avait l'intention d'utiliser pour construire la digue. Dans ces conditions, j'en arrive à la conclusion que Travaux publics n'a pas agi de façon inéquitable en tenant compte de l'état de navigabilité du Seneca pour évaluer la soumission de la demanderesse.

5.        L'adjudication du marché à Wilson & Somerville Ltd.


[27]       Finalement, la demanderesse affirme que Travaux publics a agi inéquitablement en attribuant le marché du projet Meaford à une compagnie possédant moins d'expérience qu'elle. La preuve révèle toutefois que, bien que Wilson & Somerville Ltd. ne possédât pas d'expérience dans le domaine maritime, elle a engagé un employé chevronné qui, selon ce que Travaux publics savait, possédait une vaste expérience en matière de dragage. En outre, Wilson & Somerville Ltd. avait l'intention de procéder à des travaux de dragage et à exécuter le marché avec son propre personnel et son propre équipement. En revanche, la demanderesse n'était pas disposée à effectuer du dragage et son seul autre projet d'assèchement (le projet de Treasure Island ) n'avait pas été couronné de succès du point de vue de Travaux publics. Qui plus est, pour effectuer les travaux d'assèchement, M. Susin se proposait d'utiliser une pelle à benne traînante et, malgré le fait qu'après avoir d'abord affirmé au procès qu'il possédait de l'expérience dans ce domaine, il a par la suite changé son témoignage pour reconnaître que, même s'il avait déjà observé des opérations de pelles à benne traînante, il n'en avait jamais utilisée une lui-même. Il avait en conséquence prévu engager un opérateur muni de l'équipement approprié.

[28]       Compte tenu de tous ces facteurs, je ne puis déceler aucune iniquité dans l'adjudication, par Travaux publics, du marché du projet Meaford à Wilson & Somerville Ltd.

Dispositif

[29]       Par ces motifs, l'action de la demanderesse sera rejetée avec dépens.

                    « Sandra J. Simpson »                                                                                                                            JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 23 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


Date : 20011123

Dossier : T-2034-91

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON

ENTRE :

             TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LIMITED

                                                                                                              demanderesse

                                                                 et

                   SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR LE

                  MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA

                                                                                                                défenderesse

                                                        JUGEMENT

LA COUR, après avoir instruit la présente affaire en présence des avocats des deux parties à Toronto (Ontario) les 26 et 27 juin 2001 :

REJETTE l'action de la demanderesse et ADJUGE les dépens à la défenderesse au tarif des dépens entre parties.

                    « Sandra J. Simpson »                                                                                                              JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                    T-2034-91

INTITULÉ :                              Trevor Nicholas Construction Co. Limited

c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    26 et 27 juin 2001

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par Mme le juge Simpson le 23 novembre 2001

ONT COMPARU :

Me Michael Swinwood                                        POUR LA DEMANDERESSE

Me Christopher Parke                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

POUR LA DEMANDERESSE

Me Morris A. Rosenberg                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada



[1]Trevor Nicholas Construction c. Canada (ministre des Travaux publics), [2000] A.C.F. no 635 (QL) (C.F. 1re inst.).

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