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                                                                    Date : 20020118

                                                              Dossier : IMM-1823-01

                                                  Référence neutre : 2002 CFPI 57

Entre :

                             LAI TONG CHAN et

                               MIU KWAN CHU

                                                               Demandeurs

                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                Défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

   Les demandeurs, des citoyens de Hong Kong, demandent le contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel), datée du 15 février 2001, déterminant qu'ils avaient cessé d'être des résidents permanents du Canada en vertu de l'alinéa 24(1)a) et du paragraphe 24(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi).


   Par une décision datée du 23 août 2000, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'arbitrage) a décidé que les demandeurs avaient l'intention d'abandonner le Canada comme lieu de résidence, puisqu'ils avaient été à l'extérieur du Canada pendant plus de 183 jours dans la dernière période de 12 mois. Par conséquent, les demandeurs ont cessé d'être des résidents permanents en vertu de l'alinéa 24(1)a) et du paragraphe 24(2) de la Loi. Il a été décidéque les demandeurs étaient non admissibles au Canada en vertu de l'alinéa 19(2)d), parce qu'ils ne se sont pas conformés à l'exigence du paragraphe 9(1) et une mesure d'exclusion a été rendue contre eux. Les demandeurs en ont appelé; la Section d'appel a décidé que les demandeurs avaient abandonnéle Canada comme lieu de résidence permanente, pour les motifs suivants :

  • -                      les appelants n'ont pas prouvé leur présence effective au Canada, depuis le moment où on leur a accordé l'établissement;

-      les appelants peuvent vouloir résider ici àun certain moment dans le futur ou peut-être conserver le choix d'être en mesure de résider ici dans le futur, mais ils ont fait défaut de prouver leur intention claire de véritablement résider au Canada, plutôt que de le visiter;

-      les actes des appelants démontrent que, en fait, ils sont établis àHong Kong et que leur lien permanent avec le Canada demeure essentiellement l'investissement qu'ils ont effectué ici en achetant une maison, qui leur a permis d'obtenir le statut de résident permanent à l'origine.

[3]    Cette décision est l'objet du présent contrôle judiciaire.

[4]    L'alinéa 24(1)a) et le paragraphe 24(2) de la Loi énoncent ce qui suit :



24. (1) Emportent déchéance du statut de résident permanent :

a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;

[. . .]

(2) Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.

24. (1) A person ceases to be a permanent resident when

(a) that person leaves or remains outside Canada with the intention of abandoning Canada as that person's place of permanent residence; or

[. . .]

(2) Where a permanent resident is outside Canada for more than one hundred and eighty-three days in any one twelve month period, that person shall be deemed to have abandoned Canada as his place of permanent residence unless that person satisfies an immigration officer or an adjudicator, as the case may be, that he did not intend to abandon Canada as his place of permanent residence.


[5]    On ne conteste pas que le paragraphe 24(2) s'applique en l'espèce. Par conséquent, les demandeurs avaient le fardeau de convaincre la Section d'appel qu'en dépit de leur longue absence physique, ils n'avaient pas l'intention d'abandonner le Canada comme lieu de résidence permanente.

[6]    La norme de contrôle, au regard d'une demande comme celle-ci, est relativement élevée. Par conséquent, la présente Cour n'interviendra pas à la légère dans les conclusions de la Section d'appel. La Cour suprême du Canada a examiné la question de la norme de contrôle applicable à l'égard des décisions de la Section d'appel dans l'arrêt Boulis c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration), [1974] R.C.S. 875, où le juge Abbott, citant lord MacMillan dans D.R. Fraser and Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1949] A.C. 24, àla page 36, a dit :

Les critères selon lesquels il faut juger l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi ont été définis dans plusieurs arrêts qui font jurisprudence et il est admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'intervenir, même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.

[7]    En l'espèce, ayant abandonné leurs arguments concernant le devoir d'équité et d'impartialité, les demandeurs soutiennent seulement que la Section d'appel a conclu qu'ils avaient abandonné le Canada comme lieu de résidence permanente en ne se fondant que sur le facteur de leur présence physique au Canada. À mon avis, ce n'est pas le cas en l'espèce, puisque la Section d'appel a fondé sa décision sur une jurisprudence claire se rapportant aux articles applicables de la Loi, de même que sur la totalité de la preuve et des faits qui lui ont été présentés.


[8]    La Section d'appel a débuté son analyse en établissant correctement le bon critère afin de déterminer si un demandeur a, de fait, « abandonné » sa résidence :

[traduction]

Il est généralement admis, comme le démontre la jurisprudence[1], qu'il y a deux composantes à l'alinéa 24(1)a) et au paragraphe 24(2) de la Loi : l'absence physique du Canada et l'intention d'abandonner le Canada comme lieu de résidence permanente.

[9]    L'analyse de la Section d'appel comprend clairement l'examen de ces deux éléments. En ce qui a trait à la composante de l'absence physique du Canada, on a tenu compte des facteurs suivants : les demandeurs n'ont visité le Canada que pendant de brèves périodes, ils ont investi dans une maison qui demeure en grande partie vacante, ils n'ont pas d'emploi permanent au Canada ni n'ont fait d'efforts pour chercher de l'emploi ici, et leur emploi ainsi que leur famille sont à Hong Kong et en Chine, où ils semblent passer leur vie.

[10] Quant à l'intention, la Section d'appel a déclaré clairement que cet élément est « essentiel » à l'application de l'article 24. Au cours de l'entrevue, les demandeurs n'ont exprimé qu'une vague intention de passer plus de temps au Canada à l'avenir. Ils n'ont toutefois pas fait état de plans concrets pour ce faire. Mme Chu a aussi exprimé le fait qu'elle continuerait peut-être à exploiter l'entreprise de son père après son décès. De plus, le fait que le père de Mme Chu a été malade avant leur demande de résidence permanente au Canada semble indiquer que les demandeurs savaient qu'ils passeraient la plus grande partie de leur temps à l'extérieur du Canada lorsqu'ils ont présenté leur demande de résidence permanente.


[11] J'ai l'impression que la Section d'appel a non seulement appliqué et interprété le critère correctement, mais qu'elle l'a fait de manière objective. La Section d'appel a tenu compte de la possibilité, pour des personnes ayant le statut de résident permanent, de demeurer à l'extérieur du Canada pendant des périodes prolongées, sans avoir eu l'intention d'abandonner le Canada comme leur lieu de résidence permanente et elle a énuméré une série de décisions de jurisprudence se rapportant à cette question. Après avoir examinéces décisions, les transcriptions, de même que les arguments des deux parties, je me dois de conclure que la preuve ne démontre pas que nous soyons en présence de deux personnes qui peuvent expliquer pourquoi elles ont vécu ailleurs pendant une longue période, qui ont maintenu des liens personnels ou professionnels ou qui ont manifesté un désir de retourner et qui sont vraiment retournés au Canada aussi rapidement que la situation le leur permettait de le faire.

[12] À la lumière de la preuve, je conclus qu'il était raisonnable d'en venir à la conclusion que les demandeurs avaient omis de prouver que, en dépit de leur longue absence du Canada, ils n'avaient pas l'intention d'abandonner le Canada comme leur lieu de résidence permanente.

[13] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                      « Yvon Pinard »                      

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


                                                                    Date : 20020118

                                                              Dossier : IMM-1823-01

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2002                         

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                             LAI TONG CHAN et

                               MIU KWAN CHU

                                                               Demandeurs

                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                Défendeur

                                                                                   

                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugiédatée du 15 février 2001, dans laquelle elle a déterminé que les demandeurs avaient cesséd'être des résidents permanents du Canada en vertu de l'alinéa 24(1)a) et du paragraphe 24(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, est rejetée.

                     « Yvon Pinard »                      

       JUGE

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


                          COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                   IMM-1823-01

INTITULÉ:                    Lai Tong Chan et al.

          - et -

Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :         Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :         Le 11 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :           Le 18 janvier 2001

COMPARUTIONS:

Richard Y. Liu                              POUR LES DEMANDEURS

Mandana Namazi                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                                 

Richard Y. Liu                              POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]Adams c. Canada (M.E.I.) (3 octobre 1978), dossier 78-9455 (CISR); Affaire intéressant Roberts (1978), 92 DLR (3d) 76 (C.F. 1re inst.), une décision en matière de citoyenneté dans laquelle il est question de la résidence permanente en relation avec l'article 24 de la Loi sur l'immigration; Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Brendan Leeson Selby, [1981] 1 C.F. 273, no du greffe A-593-79 (C.A.F.), le juge en chef Thurlow, le juge Addy et le juge suppléant Kerr.

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