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Date : 20040531

Dossier : IMM-4281-04

Référence : 2004 CF 794

Toronto (Ontario), le 31 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE                            

ENTRE :

ALANA ABIGAIL RIA JONES et

JAEL ARYANNE STACIE JONES CABEY

                                                                                                                                     demanderesses

                                                                             

                                                                             et

                                                                             

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête des demanderesses visant à obtenir une ordonnance provisoire qui surseoirait à l'exécution de la mesure de renvoi prise contre elles en attendant la décision finale concernant leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. Le 1er juin 2004 est la date prévue pour le renvoi des demanderesses vers Trinité-et-Tobago.

[2]                Les demanderesses sont des citoyennes de Trinité-et-Tobago qui sont arrivées au Canada en 2002.

[3]                La demanderesse Alana Abigail Ria Jones (la demanderesse adulte) affirme qu'elles sont venues au Canada pour échapper au père de sa fille. Elle dit que ce dernier est impliqué dans des activités illégales liées à la drogue et qu'il a été arrêté et relâché quelques jours plus tard. Le père de sa fille a dit à la demanderesse adulte qu'il avait payé un pot-de-vin à la police pour qu'on le relâche et elle dit qu'il a menacé verbalement d'utiliser son arme à feu. Aussi, le père ne voulait pas que sa fille, l'autre demanderesse, aille à l'école.

[4]                Lorsqu'elle s'est rendue à un poste de police pour rapporter ces événements, la demanderesse adulte affirme que la police lui a dit qu'elle devait faire rapport à un poste de police situé à proximité de la résidence du père de sa fille. Pour cette raison et à cause de la relation alléguée du père avec la police, la demanderesse adulte n'a pas fait d'autres rapports à la police.

[5]                Le 8 août 2003, la demanderesse adulte a demandé le droit d'établissement fondé sur des considérations humanitaires (CH) et cette demande est toujours pendante.

[6]                Le 25 novembre 2003, la demanderesse adulte a demandé le rétablissement de son statut de résidente temporaire et cette demande a été refusée.


[7]                En raison des rapports préparés par le défendeur, des mesures d'exclusion ont été prises contre les demanderesses.

[8]                Les demanderesses ont présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) le 2 janvier 2004 et cette demande a été rejetée le ou vers le 30 avril 2004.

[9]                La demanderesse adulte étudie à temps complet à Toronto dans le [traduction] « programme de travailleurs et de travailleuses communautaires » en vertu d'un permis d'études valide jusqu'en mars 2005.

[10]            La demanderesse a présenté une demande d'autorisation de contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'ERAR.

Question en litige

[11]            Doit-on surseoir au renvoi des demanderesses?


Analyse et décision

[12]            Il est maintenant admis qu'un agent a un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certaines circonstances, surseoir au renvoi d'un demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 295 (QL), 2001 CFPI 148).

[13]            Pour obtenir le sursis, le demandeur doit se conformer au critère énoncé dans Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 203 (C.A.F.), à la page 305 :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. c. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [...]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black, précitée :

[Traduction] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

La demanderesse doit se conformer aux trois parties du critère à triples volets.

Question grave


[14]            Je suis convaincu que la demanderesse a soulevé une question grave, soit la suivante : Quelle norme de preuve doit-on appliquer à la décision rendue par l'agent d'ERAR en application de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27? Le droit n'est pas bien établi en cette matière et dans Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1934 (C.F.), cette question a été certifiée comme question grave de portée générale.

Préjudice irréparable

[15]            La demanderesse adulte a dit que le père de sa fille, l'autre demanderesse, était impliqué dans l'importation et l'exportation de marijuana et qu'il a en a été accusé mais qu'il a été relâché sous caution quelques jours plus tard. La demanderesse adulte a dit que le père de sa fille avait affirmé qu'on l'avait relâché parce qu'il avait payé un pot-de-vin à un fonctionnaire. Le père a menacé la demanderesse avec son arme à feu et lui a dit que si elle le rapportait à la police, il ne serait pas détenu en raison de ses contacts. Quand le père a été déclaré coupable en 2002, la demanderesse a commencé à recevoir des appels anonymes concernant les menaces faites par le père aux deux demanderesses. La demanderesse m'a convaincu qu'elle subirait un préjudice irréparable si le sursis n'était pas accordé. Le père de sa fille les a menacées toutes les deux et il a les moyens de mettre les menaces à exécution. À mon avis, les faits de la présente affaire donnent à croire qu'il existe une possibilité sérieuse que la sécurité des demanderesses soit mise en péril.


Prépondérance des inconvénients

[16]            La demanderesse adulte ne présente pas de danger pour le public et ne pose pas de risque de sécurité. Elle est inscrite dans un programme de travailleurs et travailleuses communautaires comme étudiante à temps complet au George Brown College en vertu d'un permis d'études valide jusqu'en mars 2005. La fille de la demanderesse a 5 ans. Je suis d'avis que le défendeur peut s'acquitter de son devoir de renvoyer les demanderesses aussitôt qu'il sera raisonnable de le faire dans l'éventualité où les demanderesses devaient échouer dans leur demande de contrôle judiciaire.

[17]            Le défendeur a laissé entendre que les demanderesses bénéficieraient d'une protection adéquate de l'État si elles étaient renvoyées à Trinité-et-Tobago et par conséquent la question soulevée relativement à la preuve est théorique. Je ne suis pas convaincu, sur la base des faits qui me sont présentement soumis dans le cadre de cette requête, que les demanderesses peuvent bénéficier d'une protection adéquate de l'État.

[18]            La requête des demanderesses pour obtenir le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi vers Trinité-et Tobago prise contre elles en attendant la décision finale concernant leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire est accueillie.

[19]            À la demande du défendeur, l'intitulé est modifié par le retrait de « ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration » à titre de défendeur et par l'ajout de « Solliciteur général du Canada » à titre de défendeur.

                            ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Le sursis au renvoi des demanderesses du Canada vers Trinité-et-Tobago est accordé jusqu'au rejet de la demande d'autorisation de contrôle judiciaire des demanderesses et, si l'autorisation est accordée, il y aura sursis au renvoi jusqu'à ce que la Cour rende une décision finale sur la demande de contrôle judiciaire des demanderesses.

2.          L'intitulé est modifié par le retrait de « ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration » à titre de défendeur et par l'ajout de « Solliciteur général du Canada » à titre de défendeur.

                                                    « John A. O'Keefe »           

                                                                             Juge                        

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE

         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4281-04

INTITULÉ :                                        ALANA ABIGAIL RIA JONES et

JAEL ARYANNE STACIE JONES CABEY

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 31 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       LE 31 MAI 2004         

COMPARUTIONS :                         

Douglas Lehrer                                      POUR LES DEMANDERESSES

Anshumala Juyal                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VanderVennen Lehrer                           POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)                                 

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

            Date : 20040531

Dossier : IMM-4281-04

ENTRE :

ALANA ABIGAIL RIA JONES et

JAEL ARYANNE STACIE JONES CABEY

                      demanderesses

                       

et

                       

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                               défendeur

                                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                   


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