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                                                                                                                                             T-729-95

 

 

 

                                    AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

                                                           L.R.C. (1985), ch. C-29

 

                                                         ET un appel d'une décision

                                                         d'un juge de la citoyenneté

 

                                                        ET Wai Shing (Vincent) To,

 

                                                                                                                                              appelant.

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE TEITELBAUM

           

            L'appelant remplit toutes les conditions d'obtention de la citoyenneté énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi), excepté la condition de résidence. Aux termes de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, le candidat à la citoyenneté doit, dans les quatre ans qui précèdent sa demande, avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout. Je crois que l'une des principales raisons de cette condition est de permettre à une personne de se familiariser avec ce que c'est que d'être Canadien, c'est-à-dire d'apprendre à connaître les droits et les obligations d'un citoyen du Canada.

 

            La juge de la citoyenneté a refusé d'attribuer la citoyenneté canadienne à l'appelant parce que les absences de l'appelant du Canada au cours des quatre années qui précédaient sa demande étaient trop longues.

           

            Voici les motifs invoqués par la juge de la citoyenneté dans sa décision du 13 février 1995 pour justifier son refus de faire droit à la demande de l'appelant :

 

[TRADUCTION]

 

Un avocat vous a fait prêter serment le 9 décembre 1994 au sujet de votre demande de citoyenneté, qui a été enregistrée par notre bureau le 13 décembre 1993. Selon cette demande, vous êtes entré au Canada le 30 mars 1990 à titre d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement. Suivant les calculs de la Cour, vos absences du Canada totalisent 1 213 jours sur les 1 351 jours qui se sont écoulés entre la date de votre entrée au Canada à titre d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement et la date à laquelle notre bureau a reçu votre demande.

 

Ainsi, en raison de vos absences prolongées du Canada, il vous manque 957 jours pour obtenir les 1 095 jours minimums requis. En fait, sur les 1 351 jours susmentionnés, vous n'avez été physiquement présent au Canada que 138 jours.

 

Suivant la jurisprudence de la Cour fédérale, le candidat à la citoyenneté canadienne doit s'établir au Canada et conserver une résidence au Canada. Il doit démontrer qu'il a, en pensée et en fait, centralisé son mode de vie au Canada.

 

Dans ces conditions, c'est à vous, le requérant, qu'il incombe de convaincre le juge de la citoyenneté que, pour satisfaire au critère de résidence, vos absences du Canada peuvent être comptées comme des périodes de résidence au Canada.

 

Les périodes d'absences du Canada n'ont pas d'incidence sur les périodes de résidence au Canada à condition que l'intéressé démontre l'un ou l'autre des éléments suivants :

 

a) il a quitté le Canada à des fins temporaires seulement;

 

b) il a toujours conservé au Canada une forme de résidence réelle et tangible.

 

            L'appelant a interjeté appel de la décision susmentionnée le 11 avril 1995.

 

            Sauf erreur, exception faite de courtes absences motivées par des raisons d'affaires, l'appelant et son conjoint de fait Pui Yu (Freda) Pun, qui est également une appelante devant la Cour fédérale dans le dossier T-730-95, sont demeurés au Canada.

 

            L'audition du présent appel a commencé le 9 juillet 1996. J'ai poursuivi l'audition le 10 février 1997 pour me convaincre que l'appelant était parfaitement conscient de ce que signifie le fait d'être « Canadien ».

 

            Comme un appel en matière de citoyenneté est un nouveau procès, j'ai tenu compte de tous les événements qui se sont produits entre la date de l'appel et la date d'aujourd'hui, c'est-à-dire le 10 février 1997.

 

            Je suis convaincu qu'une grande partie des propos tenus par le juge Dubé dans l'affaire Ching-Ho Huang, T-519-96, le 30 janvier 1997 (C.F.) s'appliquent au cas qui nous occupe :

 

 

Toutefois, la présence physique à temps plein au Canada n'est pas une condition résidentielle essentielle. Ce principe a clairement été établi par le juge en chef adjoint de la Cour, tel était alors son titre, dans l'affaire bien connue Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, où il s'est prononcé en ces termes à la page 214 :

 

Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] « essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question ».

 

Cette décision qui a fait date a duré plus de 18 ans, et le législateur n'a pas jugé bon de modifier la Loi de manière à circonscrire son impact. Ainsi donc, une interprétation libérale de la Loi reflète vraiment les valeurs familiales généreuses de nos citoyens.

 

            En l'espèce, l'appelant et sa conjointe de fait sont entrés au Canada le 30 mars 1990. Peu de temps après leur arrivée, ils ont acheté un appartement en copropriété qui est devenu leur foyer.

 

            Je suis convaincu que, bien qu'ils se soient souvent absentés du Canada, c'était dans un but temporaire, c'est-à-dire pour pouvoir continuer à exploiter leur entreprise en Chine et à Hong-Kong.

 

            Je suis convaincu que l'appelant et sa conjointe de fait se sont installés au Canada.

 

            Lors de l'audition de la présente affaire en juillet 1996, j'ai tenu compte des événements survenus jusqu'en février 1997 pour voir ce que l'appelant avait fait pour devenir « un Canadien ». Or, pendant ces sept mois, lui et sa conjointe sont demeurés et ont vécu au Canada.


            Dans le jugement Huang, le juge Dubé déclare, aux pages 3 et 4 :

 

 

Comme j'ai eu l'occasion de me prononcer dans l'affaire Siu Chung Hung, T-384-95, 26 janvier 1996, non publiée, qui ressemble beaucoup à l'espèce, « le lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille, mais celui où elle retourne après avoir travaillé ». Lorsqu'un candidat à la citoyenneté a clairement et indubitablement établi un foyer au Canada, avec l'intention apparente de maintenir des racines permanentes dans ce pays, on ne devrait pas le priver de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en faisant affaires à l'étranger. Certains résidents canadiens peuvent travailler à partir de leur propre maison, d'autres retournent à la maison après le travail quotidien, d'autres y retournent chaque semaine et d'autres après de longues périodes à l'étranger.

 

            Par ces motifs, je suis disposé à accueillir le présent appel.

 

            Les présents motifs s'appliquent au dossier T-730-95 intéressant Pui Yu (Freda) Pun.

 

 

                                                                                                     (signature) « Max M. Teitelbaum »

 

Juge

 

 

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 26 février 1997.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                             

François Blais, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-729-95

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE : AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29

 

ET un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté

 

ET Wai Shing (Vincent) To,

 

                                                                                                                                              appelant.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :10 février 1996

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT prononcé par le juge Teitelbaum le 26 février 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Me Shahir Guindipour l'appelant

 

 

Me Jean Caumartinpour l'amicus curiae

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodman, Phillips & Vinebergpour l'appelant

Montréal (Québec)

 

Me Jean Caumartinpour l'amicus curiae

Montréal (Québec)

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