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Date : 20050831

Dossier : IMM-9020-04

Référence : 2005 CF 1194

ENTRE :

MUHAMMAD SAJID HUSSAIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le 21 septembre 2004, dans laquelle elle a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger.

[2]                Le demandeur est citoyen du Pakistan et il est né en 1971. Il a quitté le Pakistan en mai 2002 et il est allé aux États-Unis. De là, il est venu au Canada en juillet 2002 et il a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'il affirmait craindre avec raison d'être persécuté pour des motifs religieux, et le statut de personne à protéger. Il est musulman chiite et prétend qu'il a été battu par des fanatiques sunnites membres du Sipah-e-Sahaba (le SSP) et que le Pakistan ne peut lui offrir une protection adéquate.

[3]                Une audience a été tenue devant un commissaire le 10 novembre 2003, qui a rendu sa décision le 10 septembre 2004 : il a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger.

[4]                Le demandeur soulève essentiellement deux questions :

1.          La Commission a-t-elle tiré des conclusions manifestement déraisonnables à partir des éléments dont elle avait été saisie?

2.          La Commission a-t-elle refusé de tenir compte de preuves documentaires plus récentes concernant les conditions régnant au Pakistan, alors qu'elles auraient pu l'amener à conclure que le demandeur était une personne à protéger?

[5]                En ce qui concerne la première question, les avocats des deux parties conviennent que la norme applicable au contrôle judiciaire des conclusions de la Commission est la décision manifestement déraisonnable. L'avocat du demandeur a attiré notre attention sur quelques extraits des documents produits devant la Commission, émanant notamment d'Amnistie Internationale, qui indiquaient que la Commission aurait pu tirer une conclusion différente au sujet des conditions régnant au Pakistan. Cependant, si je prends ces documents dans leur ensemble, la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle; ses conclusions n'étaient pas manifestement déraisonnables. Voir, par exemple, Tuju c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 1127, aux paragraphes 22 et 23.

[6]                En ce qui concerne la deuxième question, l'avocat du demandeur fait valoir que la Commission a tenu une audience relativement à la présente cause en novembre 2003, mais qu'il lui a fallu quelque dix mois pour faire connaître sa décision, c'est-à-dire en septembre 2004 seulement. Pendant ce temps, ajoute l'avocat du demandeur, des renseignements supplémentaires provenant des États-Unis et du gouvernement britannique ont été rendus disponibles, et ils montrent que l'instabilité persiste au Pakistan, qui demeure incapable d'assurer une protection adéquate aux personnes. Comme le Commissaire a conclu (à la page 12 de ses motifs) que :

Le Pakistan déploie des efforts efficaces, sérieux et réguliers pour protéger ses citoyens contre des extrémistes religieux. Je conclus que les efforts font état d'une amélioration continue et j'estime qu'ils sont « durables »

il soutient que la Commission aurait dû faire des efforts pour se procurer les renseignements les plus récents concernant les conditions régnant au Pakistan.

[7]                Selon l'avocat du demandeur, il y a deux documents que la Commission aurait dû étudier au cours des dix mois qui se sont écoulés entre l'audience et la décision : le premier est l'évaluation d'avril 2004 du British Home Office concernant le Pakistan; l'autre est le rapport du Département d'État des États-Unis sur le Pakistan pour 2003, du 25 février 2004. Des extraits de ces rapports sont annexés à l'affidavit du demandeur déposé avec le dossier de la présente demande.

[8]                Ces deux documents ne faisaient pas partie du Dossier certifié du tribunal produit dans la présente cause. Apparemment, la Commission ne les a pas trouvés, ou sinon, elle ne s'en est pas servie pour arrêter sa décision. Élément plus important, le demandeur n'a ni remis ces documents à la Commission, ni tenté de fournir ou de faire fournir ces documents ou quelque document que ce soit à la Commission au cours de ses délibérations. Le demandeur n'a fourni aucune preuve sur la manière dont ces documents ont été portés à son attention ou, le cas échéant, sur ce qu'il a tenté d'en faire. En fait, l'affidavit du demandeur est trompeur à cet égard. On peut simplement les trouver dans une grosse liasse de documents portant la cote d' « annexe B » et il en dit ceci au paragraphe 6 de son affidavit :

[TRADUCTION]

6.              J'ai déposé divers documents lors de l'audition de ma demande, concernant la persécution que subissent les chiites au Pakistan. J'annexe aux présentes sous la cote Annexe « B » certains des documents que j'avais déposés ainsi que certains des documents dont la Commission avait été saisie, faisant partie du dossier d'information normal sur le Pakistan.

[9]                Le demandeur est tenu de convaincre la Commission et donc de lui fournir les preuves qui, selon lui, peuvent étayer sa thèse. La Commission n'est pas tenue de chercher à obtenir des documents ou de faire des recherches continues de documents qui peuvent être utiles au demandeur. Si un document de ce genre parvient à l'attention de la Commission et si elle a l'intention d'en tenir compte, alors, en règle générale, elle doit en informer le demandeur; cependant, cela ne veut pas dire qu'elle a l'obligation de rechercher les documents de ce genre.

[10]            Comme l'a déclaré le juge Gibson dans la décision Abdullahi c. Canada (M.E.I.), [1995] A.C.F. no 31, au paragraphe 11, les pièces documentaires postérieures à la date de l'audience devant la Commission dont celle-ci n'a pas eu connaissance ne sont pas pertinentes dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de sa décision.

[11]            En outre, l'avocat du demandeur a reconnu au cours des débats que les nouveaux documents étaient de même nature et contenaient des renseignements du même genre que ceux qui figuraient dans les documents en la possession de la Commission au moment où elle a rendu sa décision.

[12]            Vu que la Commission n'avait pas les documents en question, que le demandeur n'a fait aucun effort pour les lui donner et qu'ils ne diffèrent pas concrètement de ceux qu'elle avait en sa possession, elle n'a pas commis d'erreur donnant lieu à un contrôle judiciaire.

[13]            La demande sera rejetée. Il ne sera pas adjugé de dépens. Il n'y a pas de question à certifier.

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-9020-04

INTITULÉ :                                           MUHAMMAD SAJID HUSSAIN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 31 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :                          LE 31 AOÛT 2005

COMPARUTIONS:

Ali M. Amini                                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Lisa Hutt                                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Amini Carlson LLP,                                                                        POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.,                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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