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Date : 20050627

Dossier : IMM-5830-04

Référence : 2005 CF 887

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                               

ENTRE :

                                        NASR MOHAMED KASSAM AL-SHAIBIE

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (le tribunal) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) en date du 3 mai 2004, selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch 27 (la Loi). Le demandeur demande que cette décision soit annulée et que sa demande d'asile soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci rende une nouvelle décision.


LA QUESTION EN LITIGE

[2]                Le tribunal a-t-il omis de respecter un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale, a-t-il agi sans compétence ou outrepassé sa compétence, ou s'est-il d'une autre façon fondé sur des conclusions de fait ou de droit erronées pour conclure que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger?

LA CONCLUSION

[3]                Le tribunal n'a commis aucune erreur, pour les motifs qui suivent. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

LE CONTEXTE


[4]                Le demandeur, Nasr Mohamed Kassam Al-Shaibie (M. Al-Shaibie ou le demandeur), est un citoyen du Yémen. Il est né dans le Nord de ce pays en 1969. Il a vécu dans cette région avec son père, sa mère et deux frères jusqu'à l'âge de 11 ans environ. La famille a alors été contrainte de déménager dans le Sud du pays à cause d'un conflit civil. Elle est retournée dans le Nord quand les choses se sont calmées en 1986. Tous les membres de la famille du demandeur étaient membres du parti socialiste du Yémen (le parti Ishtiraki), un parti traditionnellement plus populaire dans le Sud du pays.

[5]                En 1992, M. Al-Shaibie a épousé une Yéménite qui possédait également la citoyenneté américaine et a déménagé aux États-Unis. Quelques années plus tard, les hostilités ont repris au Yémen et le pays a été plongé dans une guerre civile. Le demandeur prétend qu'à la fin de celle-ci, ses deux frères ont été forcés de s'enfuir du Yémen parce qu'ils avaient fait partie de l'armée du Sud, qui avait été vaincue (ils étaient également membres du parti Ishtiraki), et que, pour cette raison, le gouvernement yéménite s'intéressait à eux. L'un des frères, Ahmed, se trouve actuellement dans les Émirats arabes unis et l'autre, Musa, vit aux États-Unis.

[6]                Le mariage de M. Al-Shaibie a été rompu en 1995 et sa femme a décidé de ne plus le parrainer. Malgré les nombreuses démarches judiciaires entreprises en son nom, M. Al-Shaibie a été menacé d'expulsion vers le Yémen en 2001. Il a alors quitté les États-Unis et est arrivé au Canada en février 2001, où il a demandé l'asile.


[7]                M. Al-Shaibie prétend que, même s'il n'avait aucune raison de craindre d'être persécuté au Yémen au moment de son départ en 1992, la situation a changé dans ce pays depuis la guerre civile et il craint maintenant d'être persécuté. Il dit craindre avec raison d'être persécuté s'il est forcé de retourner au Yémen à cause de son appartenance passée au parti Ishtiraki (opinions politiques) et de ses liens étroits avec deux personnes activement recherchées par le gouvernement yéménite (appartenance à un groupe social, à savoir la famille). Il ajoute que, s'il retournait au Yémen, les autorités tenteraient de se servir de lui pour forcer ses frères à revenir dans ce pays. Il prétend en outre qu'il est une personne à protéger parce qu'il risque d'être soumis à des traitements ou à des peines cruels et inusités et que sa vie est menacée.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[8]                Dans une décision rendue de vive voix le 3 mai 2004 (motifs écrits datés du 9 juin 2004), le tribunal a rejeté la demande du demandeur au motif que celui-ci n'était pas crédible :

Le tribunal a des raisons valables d'entretenir des doutes et de refuser de croire le témoignage du demandeur d'asile. Ses allégations ne respectent pas le véritable critère de vérité selon lequel, pour déterminer si la version d'un témoin est conforme à la vérité dans un cas de cette nature, il faut déterminer si le témoignage est compatible avec celui qu'une personne sensée et informée, selon la prépondérance des probabilités, reconnaîtrait d'emblée comme un témoignage raisonnable, compte tenu des conditions et de l'endroit. [Voir à la p. 2 de la décision du tribunal.]

[9]                Le tribunal doutait que le demandeur ait été un membre du parti Ishtiraki ou, à tout le moins, un membre suffisamment important pour attirer l'attention du gouvernement yéménite. Il a souligné que non seulement M. Al-Shaibie n'avait produit aucun document confirmant son appartenance, mais qu'il semblait également ne pas bien comprendre la philosophie de ce parti. Aussi, bien qu'il ait reconnu qu'un grand nombre de membres du parti Ishtiraki avaient été persécutés par les autorités yéménites après la guerre civile, le tribunal a conclu qu'il était peu probable que M. Al-Shaibie soit persécuté à cause de ses opinions politiques.

[10]            Fait plus important, le tribunal trouvait difficile de croire que M. Al-Shaibie n'avait fourni aucune preuve de l'existence de ses frères ou du rôle qu'ils auraient joué au cours de la guerre civile. Selon son témoignage, le demandeur ne possédait aucun affidavit, photo ou autre document prouvant l'existence de ses frères ou leurs activités, même s'il était en contact avec eux. En outre, le tribunal ne pouvait pas croire que les familles des frères du demandeur (qui vivaient toujours au Yémen) n'avaient pas été harcelées par le gouvernement yéménite.

[11]            Enfin, le tribunal a noté que la preuve documentaire indiquait que d'anciens officiers de l'armée du Sud du Yémen étaient susceptibles d'être maltraités, mais que rien ne permettait de croire que les membres des familles de ces officiers risquaient également d'être persécutés.

LES PRÉTENTIONS

Le demandeur


[12]            Le demandeur prétend en premier lieu que le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a dit qu'il n'avait déposé aucun document confirmant son appartenance au parti Ishtiraki, alors que ses deux cartes de membre ont été produites à l'audience. En deuxième lieu, le demandeur critique le fait que, à la page 4 de la décision, le tribunal a indiqué que ses frères avaient appartenu à l'armée du Sud du Soudan et étaient recherchés par les autorités soudanaises, et non yéménites. En troisième lieu, le tribunal a eu tort de le blâmer pour ne pas avoir produit de photos ou d'autres documents confirmant l'existence et les activités de ses frères. Selon le demandeur, le tribunal a agi de manière tout à fait déraisonnable étant donné qu'il n'est pas un juriste. En outre, le demandeur a indiqué qu'il ne pensait pas pouvoir obtenir des renseignements du ministère de la Défense du Yémen, où son frère Musa a travaillé jusqu'en 1995, nombre d'années ayant passé depuis ce temps. Enfin, le demandeur prétend que le tribunal a agi de manière inéquitable en concluant que son mariage, célébré en 1992, n'était pas authentique, ce qui a eu une incidence défavorable sur la façon dont le tribunal a perçu les raisons pour lesquelles il demandait l'asile.

Le défendeur


[13]            Le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre ou le défendeur), prétend que la décision du tribunal n'est pas manifestement déraisonnable et qu'elle ne devrait donc pas être annulée. En ce qui concerne la prétention du demandeur selon laquelle le tribunal a commis une erreur en affirmant qu'il n'avait pas produit de document confirmant son appartenance au parti Ishtiraki, le défendeur soutient que cela n'a aucune importance puisque la demande du demandeur était fondée sur son appartenance à un groupe social et non sur ses prétendues opinions politiques. Pour ce qui est de l'erreur commise par le tribunal lorsqu'il a indiqué que les frères du demandeur avaient appartenu à l'armée soudanaise plutôt que yéménite, le défendeur fait valoir que cette erreur est sans importance au regard de la décision finale car le tribunal semble reconnaître ailleurs que c'est le Yémen qui est en cause. Le défendeur ajoute que le tribunal a eu raison de considérer que le demandeur aurait dû produire des éléments de preuve concernant ses frères car c'est à lui qu'il incombe d'étayer sa demande et, en l'espèce, celle-ci dépendait du statut de ses frères au Yémen. Enfin, le défendeur souligne que le tribunal n'a porté aucun jugement sur le mariage ou la demande d'asile du demandeur. Le tribunal a seulement dit qu'à cause de la fin du parrainage, le demandeur était susceptible d'être expulsé des États-Unis et avait subséquemment demandé l'asile au Canada. Le demandeur n'ayant pas établi tous les éléments fondamentaux de sa demande, le tribunal a eu raison de le débouter.

L'ANALYSE

[14]            Les décisions qui reposent sur des conclusions relatives à la crédibilité sont largement fondées sur les faits et sont, de ce fait, assujetties à la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable :

... la norme quant à la révision des conclusions de fait d'un tribunal administratif exige une extrême retenue: Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, le juge La Forest aux pp. 849 et 852. Les cours de justice ne doivent pas revoir les faits ou apprécier la preuve. Ce n'est que lorsque la preuve, examinée raisonnablement, ne peut servir de fondement aux conclusions du tribunal qu'une conclusion de fait sera manifestement déraisonnable...

[Voir S.C.F.P., section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, au par. 85. Voir également Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, au par. 52.]


La décision de la Commission

(a) L'appartenance au parti Ishtiraki du Yémen

[15]            Le demandeur soutient que ses deux cartes de membre (l'une de jeune membre et l'autre de membre adulte) étaient disponibles à l'audience. Un examen du dossier du tribunal révèle cependant que la seule pièce d'identité dont disposait le tribunal semble être le passeport de M. Al-Shaibie. Ce dernier a déposé ses cartes de membre auprès de la Cour après l'audience, mais il semble, à la lumière de la preuve dont je dispose, que le tribunal ne disposait pas de ces cartes.


[16]            Aussi, la conclusion du tribunal selon laquelle aucun document n'a été produit pour confirmer l'appartenance du demandeur est raisonnable. Le tribunal signale cependant que l'avocate du demandeur a indiqué qu'elle s'attendait à recevoir un document confirmant l'appartenance de M. Al-Shaibie au parti Ishtiraki. Malgré cela, il conclut que le demandeur n'avait probablement pas été un membre du parti, observant que « le demandeur d'asile vit au pays depuis 2001 et qu'il a donc eu amplement de temps pour présenter cet élément de preuve documentaire » (à la p. 3). Le tribunal préjuge ainsi d'une preuve dont il ne dispose pas. Or, avant de conclure que M. Al-Shaibie n'avait pas été un membre du parti Ishtiraki du Yémen, le tribunal aurait dû attendre que le document en question soit reçu et lui soit présenté. Il aurait pu imposer un délai strict au demandeur pour déposer ce document grâce auquel il aurait été mieux en mesure de faire des observations sur la question de l'appartenance.

[17]            Cette erreur n'est cependant pas suffisante en soi pour vicier l'ensemble de la décision. Le tribunal ne croyait pas non plus que M. Al-Shaibie avait été membre du parti Ishtiraki du Yémen parce qu'il ne semblait pas bien comprendre la philosophie de ce parti ou, à tout le moins, n'avait pas pu l'expliquer à sa satisfaction. C'est ce que confirme un examen de la transcription de l'audience. Ainsi, de l'avis du tribunal, même si M. Al-Shaibie avait été un membre du parti - ce qu'il ne croyait pas - sa participation n'avait pas été suffisante pour attirer l'attention du gouvernement yéménite. En conséquence, les conclusions du tribunal concernant l'appartenance du demandeur au parti Ishtiraki du Yémen sont raisonnables dans l'ensemble.

(b) L'emploi du mot « Soudan » par le tribunal


[18]            À la page 4 de la décision, le tribunal parle de l'appartenance des frères de M. Al-Shaibie à l'armée du Sud du Soudan et du fait qu'ils seraient actuellement recherchés par le gouvernement soudanais. Il s'agit évidemment d'une erreur puisqu'il n'est question du Soudan dans aucun document. Cette erreur n'est toutefois pas fatale. Le fait qu'un lien a été établi par erreur entre les frères du demandeur et le Soudan n'a pas influé sur la décision finale du tribunal. En d'autres termes, le tribunal parlait clairement du Yémen lorsqu'il parlait du Soudan. Aucune conclusion n'est fondée sur cette erreur. Il s'agit tout simplement d'une erreur de rédaction qui n'est pas suffisante en soi pour infirmer la décision du tribunal.

(c) L'absence de preuve concernant les frères de M. Al-Shaibie

[19]            Aux pages 4 et 5 de la décision, le tribunal mentionne que M. Al-Shaibie n'a produit aucune preuve documentaire confirmant l'existence et les activités de ses frères. Cette absence de preuve est fatale selon lui :

Le tribunal attache encore plus d'importance au fait que le demandeur d'asile n'a fourni aucune preuve documentaire pour corroborer l'histoire voulant que ses frères (s'il a effectivement des frères) aient appartenu à l'armée du sud du Soudan et soient recherchés par les autorités soudanaises. Le demandeur d'asile a eu l'occasion de présenter de tels éléments de preuve documentaire, car, d'après son témoignage, il a été en contact avec ses deux frères. Le tribunal remarque qu'aucun affidavit de ses frères n'a été déposé en preuve, ni aucune photo d'eux portant l'uniforme. En fait, il n'existe aucune preuve corroborante permettant au tribunal de croire que les autorités recherchent ses deux frères.

Lorsque j'ai demandé des photos, le demandeur d'asile a indiqué que les femmes de ses frères, qui habitent toujours au Yémen, en avaient peut-être. Le fardeau de la preuve incombe au demandeur d'asile. Si de telles photos étaient disponibles, il aurait été conscient de l'importance de les présenter. Il aurait également dû être conscient du fait qu'un affidavit signé par ses frères ou tout autre élément de preuve corroborant l'existence de ses frères aurait une importance considérable en l'espèce, mais il n'a déposé aucune preuve du genre.

Nous avons ensuite appris que les femmes des deux frères vivaient prétendument au Yémen. Prié de dire si elles éprouvaient des difficultés, le demandeur d'asile a répondu que les autorités leur ont rendu visite, mais que la culture du pays les met à l'abri des représailles. Le tribunal n'a été saisi d'aucune preuve documentaire à cet égard. À son avis, si les autorités s'intéressaient à l'un des frères aux Émirats arabes unis, elles exerceraient au moins certaines pressions sur la famille pour tenter d'inciter les frères à revenir au pays. Il n'existe aucune preuve fiable et crédible que c'est le cas.

Le demandeur d'asile a déclaré que l'un de ses frères, Musad, a travaillé pour le ministère de la Défense au Yémen. Il aurait pu en fournir la preuve, mais il ne l'a pas fait.

[20]            Le demandeur prétend que le tribunal a agi de manière déraisonnable en lui imposant un tel fardeau. Selon lui, comme il n'est pas juriste, il ne pouvait pas nécessairement savoir qu'une preuve additionnelle de l'existence et des activités de ses frères au sein de l'armée du Sud du Yémen était nécessaire pour que sa demande soit accueillie.

[21]            Je ne suis pas d'accord avec le demandeur sur ce point. D'abord, je constate qu'il était représenté par son avocate à toutes les étapes de la procédure, notamment à l'audience. Ensuite, sa demande est principalement fondée sur le fait qu'il ne peut pas retourner au Yémen parce que le gouvernement yéménite se servira probablement de lui pour forcer ses frères à revenir dans ce pays, où ils seront vraisemblablement torturés et tués. Ainsi, il semble évident qu'une preuve corroborant le récit de M. Al-Shaibie serait utile. Cette preuve proviendrait fort probablement de ses deux frères ou de l'un d'eux, sous forme d'affidavit par exemple. Même l'une des lettres échangées entre M. Al-Shaibie et ses frères aurait pu faire l'affaire. Or, M. Al-Shaibie n'a pas produit un tel document et le tribunal a dû se contenter de cette simple allégation d'événements sans disposer de preuve additionnelle. La corroboration de la preuve n'est pas une notion juridique complexe. Il était donc raisonnable que le tribunal, compte tenu en particulier des autres conclusions qu'il avait tirées au sujet de la prétendue appartenance de M. Al-Shaibie au parti Ishtiraki, n'ajoute pas foi à l'histoire de ce dernier. Je m'appuie à cet égard sur les propos suivants qui ont été formulés par le juge Nadon dans Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1293 (C.F. 1re inst.), au par. 21 :


Lorsqu'une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n'est pas crédible, dans la plupart des cas, il s'ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant ne puisse prouver de façon satisfaisante qu'ils sont véritablement authentiques. En l'espèce, la preuve du requérant n'a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

[22]            Je constate en outre que, dans l'affaire dont le juge Nadon était saisi, le demandeur avait présenté à la Commission une preuve étayant son récit, alors qu'en l'espèce M. Al-Shaibie n'a produit aucune preuve corroborante devant le tribunal.

[23]            Le tribunal considère que l'absence de photos et de documents confirmant l'emploi de Musa au sein du ministère de la Défense prouve également que le demandeur ne dit pas la vérité. Le tribunal rappelle que le demandeur a indiqué dans son témoignage que de telles photos pourraient être obtenues (les femmes de ses frères habitant toujours au Yémen pourraient en fournir). Il ressort clairement des propos du tribunal que ce dernier était d'avis que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de le convaincre de la véracité de son récit.


[24]            Comme le défendeur le rappelle dans ses prétentions écrites, il incombe au demandeur de faire en sorte que les éléments subjectifs de sa demande soient établis à l'aide d'une preuve crédible et digne de foi. Il faut d'abord établir la crainte subjective du demandeur et, ensuite, démontrer que cette crainte a un fondement objectif raisonnable. Le tribunal a décidé que M. Al-Shaibie n'avait pas prouvé qu'il avait une véritable crainte subjective de persécution. Il a ensuite statué que, même si l'existence d'une crainte subjective avait été établie, la preuve documentaire ne démontrait pas qu'il existait une crainte objective de persécution. Cette conclusion du tribunal était raisonnable. Des documents versés en preuve indiquent que certains officiers de retour au Yémen ont subi des traitements inhumains dans le passé, mais aucun document ne révèle que des membres des familles d'officiers ciblés ont fait l'objet de menaces, de harcèlement ou de persécution pour forcer le retour de ces derniers au Yémen. En l'absence d'une telle preuve, il était raisonnable que le tribunal n'ajoute pas foi aux propos du demandeur à cet effet.

(d) La conclusion défavorable concernant le mariage de M. Al-Shaibie

[25]            Le demandeur soutient finalement que le tribunal a tiré une conclusion injuste au sujet de son mariage, ce qui l'a amené à penser que sa demande d'asile n'était pas motivée par des raisons valables. En d'autres termes, le demandeur fait valoir que le tribunal a laissé entendre qu'il s'était marié uniquement à des fins d'immigration et que, en conséquence, sa demande d'asile n'était pas fondée. Pour étayer sa thèse, il cite le paragraphe suivant de la décision du tribunal :

Il est un citoyen du Yémen. Il est venu aux États-Unis, il a été parrainé et son parrainage a échoué. Le demandeur d'asile s'est empressé de faire des démarches pour demeurer aux États-Unis, mais est venu au Canada et y a présenté une demande d'asile quand il s'est rendu compte de l'impossibilité de rester aux États-Unis.


[26]            Je ne vois aucune raison de souscrire à la prétention du demandeur selon laquelle le tribunal a laissé entendre que son mariage n'était pas authentique. Le tribunal n'a fait qu'énoncer les faits. Le demandeur a épousé une Yéménite qui était également citoyenne américaine. Cette femme l'a parrainé et ils ont déménagé aux États-Unis. Pour différentes raisons, le mariage a pris fin avant que la procédure de parrainage soit terminée et la proposition de parrainage a été retirée. Le demandeur a indiqué dans son témoignage qu'il avait entrepris diverses démarches pour demeurer aux États-Unis (sans cependant, d'après ce que je constate, demander l'asile dans ce pays). Comme ces démarches n'ont rien donné, il est venu au Canada et y a demandé l'asile.

LA CONCLUSION

[27]            Comme les motifs exposés ci-dessus le montrent, la décision du tribunal était raisonnable. Il est vrai que le tribunal a commis quelques erreurs mineures et qu'il aurait pu faire montre d'une plus grande prudence au regard d'un point en particulier, mais ni ces erreurs ni ce manque de prudence ne sont suffisamment importants pour que la Cour fasse droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Lorsqu'on lit la décision dans son ensemble, on ne peut relever aucune raison de l'infirmer. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[28]            Les parties ont été invitées à soumettre une question à des fins de certification, mais aucune ne l'a fait.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

­                      la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

                « Simon Noël »                 

             Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-5830-04

INTITULÉ :                                                             NASR MOHAMED KASSAM AL-SHAIBIE

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE MARDI 21 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                                            LE 27 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Sandra Saccucci Zaher                                      POUR LE DEMANDEUR

Deborah Drukarsh                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Sandra Saccucci Zaher                                      POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Windsor (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

         Date : 20050621

        Dossier : IMM-5830-04

ENTRE :

NASR MOHAMED KASSAM AL-SHAIBIE

                                          demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                        

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                        


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