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                                                                                                                                            Date : 20010614

                                                                                                                                       Dossier : T-1205-00

                                                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 640

Entre :

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                          appelant

                                                               - et -

                                               MICHAEL TSAO JEN LU

                                                                                                                             intimé

                                               MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'un appel qu'a interjeté le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (l'appelant) contre la décision du 15 mai 2000 dans laquelle le juge de la citoyenneté Paul Gallagher a fait droit à la demande de citoyenneté canadienne de l'intimé. L'appelant soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que l'intimé avait satisfait aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et ses modifications (la Loi).


[2]         L'intimé est un citoyen de Taïwan. Il est arrivé au Canada, accompagné de son épouse, et a obtenu le statut de résident le 13 juillet 1996. Leurs enfants les ont rejoint le mois suivant. L'intimé a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 15 septembre 1999. Au cours de la période pertinente prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, l'intimé a été physiquement présent au Canada pendant 465 jours, de sorte qu'il lui manquait 630 jours des 1 095 jours requis. L'intimé s'absentait généralement du Canada pour des raisons d'affaires.

[3]         En faisant droit à la demande de citoyenneté de l'intimé, le juge de la citoyenneté a noté :

[TRADUCTION]

Si nous permettons aux personnes qui font des affaires à l'échelle internationale de s'établir au Canada (et nous le devrions, à mon avis), il faut prévoir qu'elles seront souvent appelées à s'absenter du pays.

[4]         Les parties conviennent, comme il est maintenant bien établi, que dans un tel appel il convient d'appliquer la norme de la décision correcte sans faire preuve de retenue particulière à l'égard de la décision du juge de la citoyenneté.

[5]         Les exigences de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sont les suivantes :


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[ . . . ]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[ . . . ]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;


[6]         Mon collègue le juge Muldoon dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, à la page 260, énonce les objectifs sous-jacents de cette disposition de la Loi :


[...] à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992, encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

(Voir également les décisions suivantes de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada : Re Chow (1997), 40 Imm.L.R. (2d) 308, à la page 310; M.C.I. c. Li-Te Ho (28 avril 1999), T-1846-98; M.C.I. c. Ka Po Gabriel Liu (8 janvier 1999), T-997-98; Re Chang (5 février 1998), T-1183-97; Re Koo, [1993] 1 C.F. 286; M.C.I. c. Ching Pin Lin (6 janvier 1999), T-2803-97; M.C.I. c. Ho (24 novembre 1998), T-19-98; M.C.I. c. Lok (29 mars 1999), T-1179-98; Hong Sang Tang c. M.C.I. (14 juin 1999), T-1663-98; M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98 et M.C.I. c. Tara Gupta (28 avril 1999), T-757-98.)

[7]         La Cour a conclu que, suivant une interprétation appropriée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, il n'est pas nécessaire d'être physiquement présent au Canada pendant toute la durée des 1 095 jours de résidence prescrits dans cette disposition, quand il existe des circonstances spéciales ou exceptionnelles. J'estime, toutefois, que la présence réelle au Canada demeure le plus pertinent et le plus important facteur dont il faille tenir compte pour établir si une personne a « résidé » au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai affirmé à de nombreuses reprises, une absence prolongée du Canada, bien que temporaire, au cours de cette période minimale de temps, va à l'encontre de l'esprit de la Loi qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant une des quatre années qui précèdent la date de sa demande de citoyenneté.


[8]         Par conséquent, vu qu'en l'espèce, l'intimé a été absent du Canada pendant de longues périodes (il a été présent au Canada pendant seulement 465 jours, de sorte qu'il lui manquait 630 jours des 1 095 jours requis), j'estime que la conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle l'intimé satisfaisait aux exigences de résidence prévues par la Loi est tout à fait déraisonnable et qu'elle résulte d'une application erronée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[9]         L'appel est accueilli et la décision que le juge de la citoyenneté a rendue en date du 15 mai 2000 est annulée au motif qu'au moment où l'intimé a présenté sa demande de citoyenneté canadienne, il ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. La demande de citoyennetécanadienne de l'intimé est donc rejetée.

« Yvon PINARD »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                                                                                                            Date : 20010614

                                                                                                                                       Dossier : T-1205-00

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2001

En présence de : monsieur le juge Pinard

Entre :

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                          appelant

                                                               - et -

                                               MICHAEL TSAO JEN LU

                                                                                                                             intimé

                                                          JUGEMENT

L'appel est accueilli. La décision que le juge de la citoyenneté Paul Gallagher a rendue le 15 mai 2000 est annulée au motif qu'au moment où l'intimé a présenté sa demande de citoyenneté canadienne, il ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. La demande de citoyenneté canadienne de l'intimé est donc rejetée.

Yvon PINARD

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                              T-1205-00

INTITULÉDE LA CAUSE :           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. MICHAEL TSAO JEN LU

LIEU DE L'AUDIENCE :             Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 8 mai 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :           monsieur le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                       le 14 juin 2001

COMPARUTIONS:

Mme Mandana Namazi                                                                 POUR LE DEMANDEUR

M. Peter Cheung                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Sous-procureur général du Canada                                              POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Jang Cheung Lee                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)                                            

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