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Date : 20020322

Dossier : IMM-763-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 22 MARS 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                                       KIHYUK CHA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

Pour les motifs déposés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n'a été proposée.

           « François Lemieux »       

                                                                                                                                                                 Juge                          

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


Date : 20020322

Dossier : IMM-763-01

Référence neutre : 2002 CFPI 311

ENTRE :

                                                                       KIHYUK CHA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

        Kihyuk Cha (le demandeur), un citoyen de la Corée, a fait une demande de résidence permanente au Canada en mars 1999, au regard de la catégorie des immigrants indépendants, avec l'intention d'exercer la profession de réviseur (catégorie 5122 de la CNP). Il a eu une entrevue à l'ambassade du Canada à Séoul, avec Mme Moonho Lee, agente d'immigration désignée (agente d'immigration) le 12 janvier 2001. Dans une lettre datée du 15 janvier 2001, il a été avisé que sa demande avait été refusée.


        L'agente d'immigration a décidé que le demandeur n'avait pas le minimum requis d'une année d'expérience à titre de réviseur, selon la description donnée dans la Classification nationale des professions (CNP). Elle ne lui a attribué aucun point d'appréciation pour le facteur de l'expérience. Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration prévoit qu'un agent des visas ne peut délivrer un visa d'immigrant si la personne concernée ne réussit pas à obtenir au moins un point d'appréciation pour l'expérience.

CONTEXTE

        L'entrée 5122 de la CNP concerne la profession de réviseur, qui y est d'ailleurs décrite dans les termes suivants :

Les réviseurs revoient, apprécient et révisent des manuscrits, des articles et des bulletins d'information qui seront publiés ou radiotélédiffusés et

coordonnent le travail des rédacteurs, des journalistes et de tout autre

personnel. Ils travaillent pour des maisons d'édition, des magazines, des

revues, des journaux, des stations et des réseaux de radio et de télévision et

des entreprises ou des ministères qui produisent des publications, des

communiqués, des guides et des manuels. Les réviseurs peuvent également

travailler à la pige. [Non souligné dans l'original.]

        Cette entrée regroupe notamment les appellations d'emploi suivantes : chef de la salle des nouvelles, chef du service des nouvelles sportives, chef du service photographique, directeur de la production, texte, directeur de la rédaction publicitaire, rédacteur adjoint, réviseur, réviseur de nouvelles, réviseur de textes, réviseur technique.

        Les fonctions principales du réviseur sont décrites dans les termes suivants :

Les réviseurs remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :


·                         déterminer la pertinence de publier ou de radiotélédiffuser des manuscrits, des articles, des textes d'actualité et des dépêches télégraphiques et apporter ou recommander des modifications dans le contenu, le style et la disposition;

·                         lire et réviser le matériel qui doit être imprimé ou radiodiffusé pour déceler les fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe et abréger ou allonger le texte selon l'espace ou le temps alloués;

·                         consulter les auteurs, les rédacteurs attitrés, les rédacteurs-reporters et les autres intéressés au sujet des révisions qui s'imposent;

·                         planifier la présentation ou la disposition des textes selon l'espace ou le temps alloués et l'importance des textes;

·                         concevoir, planifier et coordonner les activités du personnel et assurer le respect des délais fixés;

·              prévoir la couverture des événements à venir et attribuer les tâches en conséquence;

·                         négocier, au besoin, les droits d'auteur avec les auteurs et veiller à ce que les pigistes soient rémunérés.

Les réviseurs peuvent se spécialiser dans un domaine particulier comme

l'actualité, les sports ou les grands reportages, ou dans un genre particulier de publication, par exemple, les livres, les revues, les journaux ou les manuels.

        Les critères du facteur de l'expérience sont décrits dans les termes suivants à l'Annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 :



3. Expérience

Des points d'appréciation sont attribués pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l'article 4 ou, dans le cas d'un entrepreneur, pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle il possède les compétences voulues et qu'il est prêt à exercer au Canada. Ces points sont attribués selon le barème suivant_:

a) lorsque 1 ou 2 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour la première année d'expérience;b) lorsque de 5 à 7 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour chaque année d'expérience jusqu'à 2 années;

c) lorsque 15 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour chaque année d'expérience jusqu'à 3 années;

d) lorsque 17 ou 18 points sont attribués aux termes de l'article 2, 2 points pour chaque année d'expérience jusqu'à 4 années.

3. Experience

Units of assessment shall be awarded for experience in the occupation in which the applicant is assessed under item 4 . . . , as follows:

(a) when the number of units awarded under item 2 is one or two, two units for the first year of experience;

(b) when the number of units awarded under item 2 is five to seven, two units for each year of experience not exceeding two years;

(c) when the number of units awarded under item 2 is 15, two units for each year of experience not exceeding three years; and

(d) when the number of units awarded under item 2 is 17 or 18, two units for each year of experience not exceeding four years.                     


        Les critères du facteur professionnel sont décrits dans les termes suivants à l'Annexe I du Règlement :


4. Facteur professionnel

(1) Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession_:

a) à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la Classification nationale des professions;

b) pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles;

c) que le requérant est prêt à exercer au Canada.

[Non souligné dans l'original.]

4. Occupational Factor

__(1) Units of assessment shall be awarded on the basis of employment opportunities in Canada in the occupation

(a) for which the applicant meets the employment requirements for Canada as set out in the National Occupational Classification;

(b) in which the applicant has performed a substantial number of the main duties as set out in the National Occupational Classification, including the essential ones; and

(c) that the applicant is prepared to follow in Canada.

__(2) . . . [emphasis mine]


LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]                 Le présent litige porte sur deux questions :

(1)        L'agente d'immigration a-t-elle fait erreur en comparant les fonctions exercées par le demandeur lorsqu'il travaillait comme réviseur à Séoul, en Corée, aux fonctions requises en vertu de la CNP au regard de cette profession?     


(2)        L'agente d'immigration jouissait-elle d'un pouvoir discrétionnaire pour décider quelles sont, parmi les fonctions précisées dans la CNP, celles qui sont essentielles à l'exercice de la profession de réviseur?

PREUVE DU DEMANDEUR          

        Dans sa demande de résidence permanente, M. Cha a indiqué qu'il avait occupé un poste de réviseur dans deux établissements. Il a travaillé pour l'école Sungkyunkwan à Séoul, du 19 avril 1993 au 19 novembre 1994 et pour l'école Jungsuk, à Séoul également, du 19 décembre 1994 jusqu'à ce jour.

        L'école Jungsuk a été fondée en 1981. Elle accueille quelque 450 étudiants au total dans les niveaux élémentaire, intermédiaire et secondaire. Les principales matières d'enseignement pour les études secondaires sont le coréen, l'anglais (compréhension auditive), les mathématiques et les sciences. Les étudiants du niveau élémentaire profitent d'un enseignement complet. L'école publie des manuels scolaires principalement pour son propre usage et pour la vente en gros à d'autres établissements d'enseignement.

      Dans son curriculum vitæ, M. Cha affirme qu'à titre de réviseur :

·           il révisait et évaluait la pertinence du contenu de tous les manuels scolaires et des dépêches pour publication et recommandait ou apportait des modifications dans le contenu et le style;


·           il lisait et révisait les manuscrits pour déceler les fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe et abréger ou allonger le texte au besoin;

·           il consultait les enseignants et les autres intéressés au sujet des révisions et des détails de la publication;

·           il planifiait la présentation ou la disposition des textes selon l'espace ou le temps alloués et l'importance des textes;

·           il décidait du titre, du sous-titre, de la séquence, des polices de caractères, du contenu, des dates d'édition et de la qualité du papier utilisé;

·           il était responsable de la révision des manuels scolaires, des cahiers d'exercices, etc., de toutes sortes;

·           il devait préparer les deux manuels dont chacune des classes avait besoin à chaque semestre et dont les enseignants de l'établissement se servaient comme ouvrage principal;

·           il communiquait avec les imprimeurs pour négocier les prix et le processus de publication;

·           il sélectionnait l'arrière-plan pour les photographies ou les peintures.

      Il a fourni un livret de travail de l'école Jungsuk qui ne décrivait pas les fonctions qu'il exerçait, mais qui faisait état de sa fonction principale comme réviseur de manuels du service de la révision.


     Dans l'affidavit déposé à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a affirmé que l'école Jungsuk publie des manuels, des cahiers d'exercices et des cahiers d'examens pour les niveaux scolaires secondaire, intermédiaire et élémentaire, en vue de les offrir à ses propres étudiants et de les vendre à d'autres établissements d'enseignement. Son travail consiste à réviser les manuels, c'est-à-dire que « je révise et je choisis les manuscrits à publier, je planifie la présentation des manuels et je révise les textes à publier dans les manuels pour corriger les erreurs et le contenu » .

      Dans son affidavit, le demandeur présente sa propre version des questions qui lui ont été posées à l'entrevue et les réponses qu'il a fournies. On lui a demandé combien d'employés travaillaient avec lui et il a répondu 20. Il était le seul réviseur et il était le responsable.

      À la question demandant combien de types de manuels il révisait, il a dit avoir répondu :

[traduction] Je révise 24 types de manuels pour 12 classes différentes. En janvier et février, je prépare les manuels pour le semestre du printemps de mars à juin et, en juillet et août, je prépare les manuels du semestre d'automne de septembre à décembre. J'ai également la responsabilité des cahiers d'exercices et des cahiers d'examens dans chaque cours pour les quatre examens prévus annuellement en avril, juillet, septembre et octobre. Les préparatifs à partir de la sélection des manuscrits à réviser et à publier commencent habituellement deux mois avant.

            À la question demandant d'expliquer la méthode de travail qu'il utilisait, il se souvient avoir répondu :

[traduction]

1)             Je consulte les enseignants de chaque cours.


2)             Je sélectionne ensuite le matériel et je décide du style et de la taille des caractères d'impression, de l'emplacement des photographies ou des peintures et je planifie la présentation ou la disposition des textes.

3)             Je corrige les erreurs décelées dans le contenu après avoir effectué les étapes précédentes.

4)             Je discute avec les imprimeurs pour établir le coût, l'échéance et le nombre d'exemplaires, etc.

      Le demandeur n'a pas été contre-interrogé sur son affidavit.

LA PREUVE DU DÉFENDEUR

      La preuve du défendeur provient de l'affidavit de Mme Moonho Lee qui, après avoir consulté les notes qu'elle avait inscrites dans le STIDI, a déclaré que ces notes faisaient partie du dossier certifié et que, d'après ce qu'elle se souvenait et croyait, ces renseignements étaient vrais.

      Elle n'a pas été contre-interrogé sur son affidavit.

      La partie pertinente des notes du STIDI concerne le poste occupé par le demandeur à l'école Jungsuk depuis décembre 1994 et elle est rédigé comme suit :

[traduction]

Travaille comme réviseur depuis son entrée en service.

L'école compte 25 enseignants et 10 employés affectés à l'administration.

Dix employés sont chargés de l'orientation des parents, de la comptabilité, du transport [¼]

On y enseigne quatre matières : l'anglais, le coréen, les mathématiques et les sciences [¼]

Fonctions [¼]


- Les enseignants décident du contenu des manuels et font la dactylographie. Dit qu'il consulte les enseignants pour décider de la taille des manuels et des polices de caractères, que les enseignants sélectionnent les illustrations et les photographies, qu'il discute avec eux de la présentation, qu'il les aide à faire la correction d'épreuve du contenu pour les fautes d'orthographe.

Il communique ensuite avec l'imprimeur pour établir les dates d'édition, le prix (il doit obtenir l'approbation du propriétaire), le nombre d'exemplaires exigés par le propriétaire et la date de livraison, il vérifie si les couleurs de la page couverture sont bien sorties [¼]

Ce sont les enseignants qui décident de la conception et du contenu de la page couverture.

Dit qu'il n'exerce pas d'autres fonctions comme réviseur, à part la vérification du calendrier d'édition [¼] c.-à-d. que l'établissement publie des manuels une fois à tous les semestres et des cahiers de préparation aux examens deux fois par semestre. Chargé de rappeler aux enseignants les dates limites pour la préparation des publications.

Exerçait les mêmes fonctions dans son emploi antérieur à l'école Sungkyunkwan.

      Dans son affidavit, Mme Moonho Lee déclare ce qui suit :

[traduction]

7.             Je lui ai demandé des détails sur les fonctions qu'il exerçait à l'école Jungsuk. Le demandeur a déclaré qu'il effectuait des tâches relatives à la publication de manuels et de cahiers de préparation aux examens publiés par l'établissement. Le demandeur a déclaré que les enseignants de l'institution décidaient du contenu et des images à intégrer aux manuels, ainsi que de la conception de la page couverture.

8.             Le demandeur a déclaré qu'il discutait de la taille des manuels, des polices de caractères et de la présentation avec les enseignants, et qu'il les aidait à faire la correction d'épreuve pour déceler les fautes d'orthographe. Il a de plus affirmé qu'il exécutait des tâches administratives, comme communiquer avec l'imprimeur pour établir les dates d'édition et de livraison, les prix, la qualité de l'impression en couleurs pour la page couverture et le nombre d'exemplaires et qu'il était chargé de rappeler aux enseignants les dates limites pour les préparatifs de publication normaux.

9. [¼]

10. Compte tenu des renseignements fournis par le demandeur, je n'étais pas d'avis qu'il avait exercé les fonctions principales de la profession de réviseur au sens de la CNP, qui indique que les réviseurs revoient, apprécient et révisent des documents qui seront publiés et


coordonnent le travail des rédacteurs et de tout autre personnel. J'ai estimé que les fonctions qu'il exerçait étaient limitées à des fonctions administratives ou de soutien à la révision et que la plus grande partie du travail de révision était assumée par les enseignants. [Non souligné dans l'original.]

      Dans son affidavit, Mme Moonho Lee réfute certains paragraphes de l'affidavit du demandeur. Concernant le paragraphe 5 où il affirme qu'à l'école Jungsuk, son travail consistait à réviser des manuels et qu'il revoyait et choisissait les manuscrits à publier, planifiait la présentation des manuels et révisait les textes à publier dans les manuels pour corriger les erreurs et le contenu, Mme Moonho Lee dit ce qui suit :

[traduction]

15. [...] Je ne me rappelle pas que le demandeur ait fait ces affirmations à l'entrevue. Je me souviens cependant de lui avoir posé des questions afin de faire la lumière sur les fonctions qu'il exerçait à l'école Jungsuk. En me fondant sur les réponses à ces questions, j'ai établi que les enseignants décidaient du contenu des manuels et que le demandeur discutait avec eux de la présentation. J'ai également établi qu'il aidait les enseignants pour la correction d'épreuve et qu'il vérifiait si les couleurs de la page couverture des documents avaient bien sorti à l'impression. J'ai inscrit ces conclusions dans les notes du STIDI. [Non souligné dans l'original.]

      Mme Moonho Lee a ensuite fait allusion, dans les termes ci-dessous, au paragraphe 7 de l'affidavit du demandeur où il affirme avoir dit en réponse à la question portant sur la méthode de travail utilisée qu'il sélectionnait les textes, prenait les décisions relativement au type et à la taille des polices d'impression et à l'emplacement des photographies ou des peintures et planifiait la présentation ou la disposition des textes.

[traduction]


16. [¼] Il se peut que le demandeur ait fait ces affirmations. Toutefois, après avoir posé des questions en vue d'éclaircir la situation, j'ai obtenu les renseignements que j'ai inscrits dans les notes du STIDI. C'est-à-dire qu'après discussion avec le demandeur, j'en suis venue à la conclusion que les enseignants choisissaient la matière ou le contenu des manuels et que le demandeur discutait simplement avec eux du format du livre, des polices et de la présentation. De la même manière, le demandeur affirme m'avoir dit qu'il corrigeait les erreurs de contenu, et discutait avec les maisons d'édition pour établir le prix, mais, à l'entrevue, il a fini par me dire qu'il aidait les enseignants à vérifier le contenu pour y déceler les fautes d'orthographe, qu'il communiquait avec les imprimeries pour discuter du coût de l'impression et qu'il avait besoin de l'autorisation du propriétaire pour le coût de l'impression. [Non souligné dans l'original.]

      Mme Moonho Lee n'a pas été contre-interrogée sur son affidavit.

ANALYSE

a)         La norme de contrôle

      La présente demande soulève deux questions. La première question se rapporte à l'interprétation du Règlement sur l'immigration et de la CNP. Plus particulièrement, ces instruments confèrent-ils à l'agent des visas un pouvoir discrétionnaire pour décider des fonctions essentielles d'une profession?

      Les questions d'interprétation d'un texte de règlement sont des questions de droit. L'agente des visas doit interpréter de façon correcte les pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement et par la CNP et la façon de mener une évaluation. Cette norme découle des facteurs énumérés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1998] 1 R.C.S. 982.


      La seconde question est de savoir si l'agente des visas a fait erreur en comparant l'expérience du demandeur aux exigences de la CNP. Il s'agit d'un exercice de conclusion de fait au regard de l'alinéa 18.1(4)d) de Loi sur la Cour fédérale, l'équivalent, comme norme, de la décision manifestement déraisonnable. (Comparer Lim c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 121 N.R. 241 (C.A.F.) et Lu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 176 F.T.R. 263 (C.F. 1re inst.).)

b)         Conclusions

      Il faut que j'aborde trois points avant d'en venir à mes conclusions dans la présente affaire.

      Premièrement, l'avocate du défendeur a admis que le demandeur avait de l'expérience pour certaines des fonctions exigées par la CNP pour la profession de réviseur. Elle a toutefois soutenu que l'agente des visas n'avait pas commis d'erreur en exigeant que le demandeur ait de l'expérience pour toutes les fonctions principales d'un réviseur. Selon l'avocate, le fonds du raisonnement en l'espèce consiste à trancher si l'agente des visas a le pouvoir de décider des fonctions essentielles.


      Deuxièmement, l'avocat du demandeur a admis qu'en raison du lien qui existe entre le facteur 3 (l'expérience) et le facteur 4 (la demande professionnelle), l'exigence de l'alinéa 4(1)b) du facteur 4, à savoir « pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles » , s'applique à l'évaluation de l'agente des visas pour le facteur de l'expérience.

      Troisièmement, la Cour a demandé aux avocats de produire une communication conjointe après l'audience, si possible, en réponse à la question suivante :

[traduction] Le guide de la Classification nationale des professions (CNP) fournit-il des renseignements sur les fonctions « essentielles » et la description des professions comprend-t-elle une énumération des fonctions « essentielles » ?

      Dans une communication conjointe datée du 20 février 2002, les avocats ont répondu :

[traduction] Après avoir lu le guide de la CNP et après avoir communiqué avec la Division de la sélection et de la classification des professions du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, les deux parties sont d'avis que la CNP ne précise pas les fonctions essentielles pour aucune des professions énumérées. La CNP ne donne pas non plus de définition du mot « essentielles » .


      Je suis d'avis que l'agente des visas n'a pas exigé du demandeur qu'il ait de l'expérience pour toutes les fonctions principales de la profession de réviseur. Il est évident que cette obligation aurait été contraire aux exigences de la CNP décrites pour la profession de réviseur, catégorie 5122, qui prévoient que les réviseurs remplissent « une partie ou l'ensemble » des fonctions énumérées. Les mots « une partie ou l'ensemble » ont été interprétés, dans une série de décisions de la Cour, comme ne signifiant pas qu'un demandeur doive effectuer toutes les tâches. (Voir, par exemple, Paracha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1282 et Bhutto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1411.)

      L'avocat du demandeur prie la Cour de trancher que, compte tenu des éléments de preuve présentés, notamment le curriculum vitæ du demandeur et le contenu de son affidavit, le demandeur avait exercé certaines des fonctions principales de la profession de réviseur, étant donné qu'il sélectionnait le matériel à publier, qu'il prenait les décisions relativement au type et à la taille des polices de caractères et à l'emplacement des photographies ou des peintures, qu'il planifiait la présentation ou la disposition des textes, qu'il corrigeait les erreurs de contenu et qu'il discutait avec les maisons d'édition pour établir le coût, les dates d'échéance et le nombre d'exemplaires. Il souligne que l'agente des visas a admis au paragraphe 16 qu'il était possible que le demandeur lui ait fait ces affirmations.

      Je ne trouve aucune défaillance dans l'affidavit de l'agente des visas. Il en ressort clairement qu'elle a passé en revue le curriculum vitæ du demandeur en sa présence, qu'elle lui a posé des questions sur les fonctions principales qu'il exerçait et qu'après discussion avec lui, elle a écrit ce qu'il en était ressorti dans le STIDI et l'avait amenée à tirer la conclusion que les enseignants de l'établissement effectuaient les fonctions principales décrites dans la CNP pour la profession de réviseur et que les tâches effectuées par le demandeur étaient limitées à des tâches administratives et de soutien à la révision.


      En ce qui a trait à la question des affidavits contradictoires, je préfère la preuve du défendeur pour les motifs suivants invoqués par M. le juge Gibson dans Sehgal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] CFPI 212, au paragraphe 7 :

Je préfère l'appréciation de l'agente des visas sur ce qui s'est passé entre elle et le demandeur durant l'entrevue à ce sujet à celle du demandeur. Les souvenirs de l'agente des visas exprimés dans son affidavit sont confirmés par ses notes du STIDI prises le jour de l'entrevue. Par contraste, l'affidavit du demandeur a été signé quelques mois après l'entrevue et ne fait ressortir aucun indice qu'il a été fait sur la foi de notes préparées à la date de l'entrevue.

      En considérant l'affidavit de l'agente des visas dans son ensemble, j'estime que la principale raison pour laquelle elle n'a attribué aucun point d'appréciation au demandeur pour le facteur de l'expérience était qu'il n'exerçait pas les fonctions principales exigées pour la profession de réviseur parce que les enseignants prenaient eux-mêmes les décisions. Voilà de quelle façon j'interprète ses notes du STIDI. De plus, au paragraphe 10 de son affidavit, elle affirme qu'elle n'était pas convaincue qu'il avait exercé les « fonctions principales » de réviseur.

      Même s'il ne ressort pas clairement, des notes rédigées par l'agente des visas dans le STIDI et de son affidavit, qu'elle ait apprécié l'expérience du demandeur en se demandant s'il avait exercé un nombre substantiel de fonctions exigées par la CNP (par opposition aux tâches effectuées par les enseignants) ou qu'elle ait décidé qu'il n'avait pas exercé les fonctions essentielles de réviseur, comme choisir le matériel et décider du contenu, il n'y a pas de raison, à la lecture du dossier, pour annuler sa décision, peu importe le point de vue défendu.


      M. le juge Blais, dans la décision Kanjibhai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1922 et le M. le juge O'Keefe dans Shinde c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1468, ont résumé le droit sur ce point. Le juge O'Keefe a affirmé ce qui suit au paragraphe 17 de sa décision :

Il n'est pas nécessaire que la demanderesse exerce toutes les fonctions énumérées au chapitre 6431.0 de la CNP puisqu'il est indiqué que les conseillers en voyages « remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes » . La Cour a déjà statué que l'obligation, pour un demandeur, de remplir « une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes » signifie qu'il doit avoir exercé un nombre substantiel des fonctions principales énumérées dans la CNP, dont les fonctions essentielles.

      Je suis d'avis, comme le prétend l'avocate du défendeur, que, pour établir si un demandeur a exercé « une partie ou l'ensemble » des fonctions exigées par la CNP, l'agent des visas a le droit d'accorder plus d'importance à certaines fonctions. Mme le juge Dawson dans Farooqui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 182 F.T.R. 306, a affirmé ce qui suit au paragraphe 14 :

Je conviens avec l'avocat du défendeur que l'agent des visas avait le droit d'accorder plus d'importance à certaines fonctions contenues dans la CNP et de conclure, suivant une interprétation équitable et large de la description de la profession, qu'une personne ayant de l'expérience dans l'entretien, l'installation et la mise en service d'équipements et dans la supervision d'employés, y compris des ingénieurs et des techniciens, n'a pas d'expérience dans la profession d'ingénieur électricien et électronicien.


      Immédiatement après le paragraphe 14 de la décision précitée, le juge Dawson a renvoyé à la décision de Mme le juge Reed dans Wu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 164 F.T.R. 152, qui contient l'affirmation suivante :

[¼] [l]e fait qu'il n'est pas nécessaire d'être en mesure d'exécuter toutes les tâches énumérées dans une description de la CCDP ne signifie pas que l'aptitude à exécuter certaines tâches n'est pas un élément essentiel d'un poste.

Le juge Dawson a ajouté qu'elle était d'avis que ce raisonnement s'appliquait également aux descriptions de la CNP.

      Il est évident que le Règlement sur l'immigration confère à l'agent des visas un pouvoir discrétionnaire pour décider des fonctions essentielles d'une profession particulière énumérée dans la CNP. Ce pouvoir découle particulièrement du facteur 4(1)b) du Règlement et s'applique également au facteur de l'expérience (facteur 3). Le fait que la CNP n'énumère pas les fonctions essentielles des diverses professions est cohérent avec le pouvoir discrétionnaire accordé à l'agent des visas pour qu'il décide des fonctions essentielles.

      L'agente des visas a estimé que les fonctions essentielles étaient que les « réviseurs revoient, apprécient et révisent des documents qui seront publiés et coordonnent le travail des rédacteurs et de tout autre personnel » . On ne peut dire de cette opinion qu'elle est déraisonnable.


      Elle a établi comme fait que le demandeur n'exerçait pas ces fonctions essentielles parce qu'elles étaient en grande partie assumées par les enseignants.

      Dans les circonstances, il m'est impossible de conclure que la décision de l'agente des visas est erronée. Elle a évalué l'expérience du demandeur en se fondant sur les renseignements qu'il lui a fournis et, dans le contexte de cette expérience particulière dont il a fait état, elle a établi comme fait qu'il n'avait pas exercé les fonctions essentielles de réviseur.

      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n'a été proposée.

« François Lemieux »                                                                            

                                                                                                                                                    Juge                         

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-763-01         

INTITULÉ :                          Kihyuk Cha c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

     

LIEU DE L'AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 12 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                  Le 22 mars 2002

COMPARUTIONS :                 

M. Edward Rice                       POUR LE DEMANDEUR

Mme Jessica Cogan                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Edward Rice                       POUR LA DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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