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Date : 20010601

Dossier : T-1242-00

                                       Référence neutre : 2001 CFPI 579

ENTRE :

                                 CHANG FU HSU

                                                                                                  demandeur

                                                       - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                              défendeur

      MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION

[1]    Chang Fu Hsu, le demandeur, en appelle d'une décision rendue par Mme le juge de la citoyenneté Barbara Scott, le 13 juin 2000, qui a rejeté sa demande de citoyenneté canadienne. La question en litige est de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en interprétant ou en appliquant le critère utilisé pour décider de l'admissibilité du demandeur à la citoyenneté canadienne.


LES FAITS

[2]    Le demandeur, citoyen de Taïwan, est arrivé au Canada le 7 mai 1996 en tant que résident permanent. Ses deux filles sont arrivées au Canada le 12 juin 1996, également en tant que résidentes permanentes. L'épouse et les filles du demandeur sont maintenant citoyennes canadiennes.

[3]    Le juge de la citoyenneté a fait certaines inférences quant aux faits, lesquelles sont énoncées dans ses motifs. Le demandeur ne conteste pas véritablement ces inférences, mais s'oppose aux conclusions qui en ont été tirées. Notamment, le demandeur allègue que le juge de la citoyenneté, se fondant indûment sur le calcul de la durée de présence physique du demandeur au Canada au cours des quatre années qui ont précédé sa demande de citoyenneté, a toutefois prétendu appliquer le critère relatif aux « attaches importantes » lors de l'évaluation de la demande, mais sans vraiment faire une analyse comparative entre ses attaches avec le Canada et celles avec tout autre pays.


[4]                 La jurisprudence sur les appels en matière de citoyenneté a clairement établi qu'il existe trois critères juridiques permettant de déterminer si un demandeur a démontré qu'il était un résident selon les exigences de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. Voir à cet égard l'affaire Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177 (1re inst.). Selon la décision rendue dans cette affaire, le juge de la citoyenneté peut soit calculer de façon stricte le nombre de jours de présence physique, soit examiner la qualité de la résidence, soit analyser la centralisation au Canada du mode de vie du demandeur. Au paragraphe 14, M. le juge Lutfy, maintenant juge en chef adjoint, affirmait ce qui suit :

[14] Le paragraphe 14(6) de la Loi interdit la formation d'un appel à l'encontre de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale. En conséquence, la Cour d'appel n'a pas eu la possibilité de démêler cette jurisprudence contradictoire. Les juges de la Section de première instance ont eu toute latitude pour formuler leur propre opinion. À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s'il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée. Jusqu'ici, les juges de la Section de première instance de la Cour fédérale qui ont présidé un procès de novo se sont généralement sentis libres de substituer leur conception de la condition en matière de résidence à celle exprimée dans la décision portée en appel. Cette divergence de vues, tant au sein de la Cour que parmi les juges de la citoyenneté, est cause d'incertitude dans l'administration de la justice dans ce domaine.

[5]                 Le paragraphe qui précède reconnaît au juge de la citoyenneté la compétence nécessaire pour adopter l'un des trois critères disponibles et la décision qu'il rend ne fera pas l'objet d'une intervention par la Cour dans la mesure où il apparaît au dossier que le critère choisi a été correctement appliqué.

[6]                 En l'espèce, le juge de la citoyenneté a énoncé le critère et sa conclusion quant à son applicabilité de la façon suivante :

      [TRADUCTION]

Compte tenu de l'examen, j'ai conclu que, au cours des quatre années qui ont précédé la date de votre demande de citoyenneté, vous n'avez pas respecté l'exigence qui consiste à centraliser votre vie au Canada pas plus que vous n'avez démontré des attaches plus importantes avec le Canada qu'avec tout autre pays. Vos attaches avec le Canada se sont inévitablement affaiblies lorsque vous avez pris l'habitude de passer plus de temps à des fins d'affaires à Taïwan ou à Hong Kong qu'au Canada, soit dix jours ici pour chaque période d'approximativement 45 jours ailleurs. Vos attaches avec le Canada, à mon avis, sont les attaches avec votre épouse et vos filles, et des attaches familiales ne sont pas, en soi et par elles-mêmes, des attaches avec le Canada. Il est très difficile d'apprendre les valeurs canadiennes et de s'intégrer à la société canadienne lorsqu'il y a de longues absences du pays. À regret, pour les motifs précédemment


mentionnés, étant donné que vous n'avez pas respecté les exigences prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, je rejette votre demande.

                                                                                                                                                          

[7]                 À mon avis, il apparaît que le juge de la citoyenneté a utilisé une combinaison de deux critères, savoir le critère fondé sur le calcul strict du nombre de jours de présence physique et celui des attaches importantes énoncé dans la décision Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.). Alors que les motifs reflètent l'examen des questions en litige dans l'affaire Koo (Re), précitée, il n'existe aucune preuve au dossier ou dans les motifs énoncés que le juge de la citoyenneté s'est entièrement ou ouvertement penchée sur la question des « attaches » avec un autre pays. Une telle analyse, à mon avis, devrait être effectuée avant que le juge de la citoyenneté puisse tirer les conclusions qu'elle a tirées, c'est-à-dire que le demandeur n'a pas réussi à démontrer [TRADUCTION] « l'existence d'attaches plus importantes avec le Canada qu'avec tout autre pays » . Je fais miens les propos de M. le juge Lemieux dans la décision Agha (Re) (1999), 166 F.T.R. 245 (1re inst.) au paragraphe 49 :

L'absence d'analyse de la part de la juge de la citoyenneté en l'espèce constitue une erreur de principe qui m'enlève toute hésitation que je pourrais avoir d'arriver à une conclusion différente sur les faits même s'il s'agit d'un nouveau procès.

[8]    Compte tenu de l'application erronée du critère relatif aux exigences prescrites en matière de résidence, je suis d'avis que le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit et que l'appel devrait être accueilli.


                                           ORDONNANCE

L'appel est accueilli.

            « E. Heneghan »

                                                                                                                                                                                 

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          T-1242-00

INTITULÉ :                                                         CHANG FU HSU c. LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                               Le 24 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                     Le 1er juin 2001

COMPARUTIONS :

Peter Wong                                                           POUR LE DEMANDEUR

Rishma Shariff

Brad Hardstaff                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners LLP                           POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR                     

Sous-procureur général du Canada                                              

Edmonton (Alberta)

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