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Date : 20050715

Dossiers : IMM-8321-04

IMM-8322-04

Référence : 2005 CF 986

Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

DEBRA JEAN RHOADES NEE LARSON

demanderesse

et

Le MinistRE DE LA SÉCURITÉ PubliQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]                La demanderesse, Debra Jean Rhoades née Larson, est citoyenne des États-Unis et âgée de 46 ans; elle a été arrêtée le 14 septembre 2004, en vertu d'un avis d'arrestation établi par l'agent d'immigration Marc Yelle en vertu de l'article 55 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Le même jour, la demanderesse a fait l'objet d'une mesure d'exclusion prise par l'agente d'immigration Lisa MacIntyre en vertu du paragraphe 41(2) de la LIPR, selon lequel elle ne peut pas venir au Canada une année après son renvoi du Canada. La demanderesse demande le contrôle judiciaire de l'avis d'arrestation (dossier IMM-8321-04) et de la mesure d'exclusion (IMM-8322-04). Ces deux dossiers ont été réunis par ordonnance de la Cour et entendus ensemble. Les présents motifs ont trait aux deux affaires.

[2]                Une remarque préliminaire. Le défendeur a demandé à la Cour de modifier l'intitulé de manière à ce qu'il reflète le fait que le défendeur est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. À compter du 4 avril 2005, conformément à la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, L.C. 2005, ch. 10, la charge de solliciteur général du Canada a été abolie et ses attributions ont été transférées au ministère nouvellement créé. La demanderesse n'a pas élevé d'objection contre la modification de l'intitulé. La demande sera accueillie.

Les questions en litige

[3]                Les questions en litige soulevées par la présente demande sont les suivantes :

            (a) Quelle est la norme de contrôle indiquée?

            (b) La demande de contrôle judiciaire de l'avis d'arrestation est-elle théorique?

(c)     L'agente MacIntyre a-t-elle commis une erreur en émettant la mesure

      d'exclusion?

            (d) Les conditions de la mise en liberté doivent-elles être annulées?

Contexte

[4]                La demanderesse réside au Canada depuis 2001. Jusqu'en 2004, elle a résidé à Kingston (Ontario) avec son mari, Ian Rhoades. Par le truchement de M. Rhoades, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie de la famille qui a été rejetée le 2 mai 2003 parce que les renseignements exigés n'avaient pas été fournis. Elle était titulaire d'un visa de visiteuse qui lui permettait de demeurer au Canada jusqu'au 26 mars 2003. Depuis lors, la demanderesse est sans statut au Canada.

[5]                En janvier 2004, la demanderesse s'est séparée de M. Rhoades; M. Rhoades a ultérieurement été inculpé pour violence conjugale. Entre janvier et avril 2004, la demanderesse a déménagé à Ottawa. Elle n'a pas signalé à l'Agence des services frontaliers
du Canada (ASFC) sa nouvelle adresse.

[6]                Le 14 septembre 2004, la demanderesse s'est présentée à la frontière Canada-    États-Unis afin de tenter de vendre une voiture importée au Canada, à un citoyen canadien (M. Eric Mcphee). Ayant eu des soupçons au sujet de la demanderesse, l'agent des douanes à la frontière a contacté l'agent d'immigration Marc Yelle. Après avoir interrogé la demanderesse, l'agent Yelle a pris les mesures suivantes :

[TRADUCTION]

Ayant conclu que Mme Rhoades résidait de manière permanente au Canada sans statut, qu'elle travaillait ici illégalement, et étant d'avis qu'elle ne se présenterait probablement pas à l'instance susceptible d'aboutir à une ordonnance de renvoi en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, vers 13 h 35, j'ai arrêté Mme Rhoades. Je l'ai informée qu'elle était en état d'arrestation parce qu'elle était une immigrante sans visa.

[7]                Non seulement l'agent Yelle a arrêté la demanderesse, il a préparé un rapport conformément au paragraphe 41(1), qu'il a transmis à l'agente d'immigration Lisa MacIntyre, qui a pris la mesure d'exclusion contre elle. En raison de l'instance criminelle pendante, la demanderesse ne pouvait pas être renvoyée immédiatement du Canada. Après avoir interrogé la demanderesse, l'agente MacIntyre a consenti à la remettre en liberté en lui imposant des conditions.

[8]                En l'espèce, les conditions imposées étaient les suivantes :

·         Verser une caution de 3000 $

·         Notifier tout changement d'adresse à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC)

·         Ne pas troubler l'ordre public

·         Notifier toutes les accusations criminelles portées contre elle à CIC

·         Respecter toutes les conditions imposées

·         Ne pas travailler au Canada

·         Autres :

o        Doit se présenter en personne chaque semaine

o        Le cas échéant, doit fournir à l'ASFC tous les documents judiciaires ou citations à comparaître prouvant sa participation à une affaire judiciaire

[9]                La demanderesse a été remise en liberté vers 16 h 30 le jour même de son arrestation.

Le cadre légal

[10]            Le point de départ du cadre légal qui a abouti à l'arrestation de la demanderesse et à la mesure d'exclusion ultérieure est son statut au Canada; la demanderesse est une « étrangère » aux fins de la LIPR : en effet, elle n'est ni citoyenne canadienne ni résidente permanente. Cela établi, nous passons au paragraphe 20(1) de la LIPR. Cette disposition est rédigée comme suit :

20.(1) L'étranger ... qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

a) pour devenir un résident permanent, qu'il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s'y établir en permanence.

20.(1) Every foreign national . . . who seeks to enter or remain in Canada must establish,

(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence.

[11]            L'étranger qui veut rester au Canada et qui n'a pas de visa valide est « interdit de territoire » aux termes de l'article 41 :

41. S'agissant de l'étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait -- acte ou omission -- commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s'agissant du résident permanent, le manquement à l'obligation de résidence et aux conditions imposées.

41. A person is inadmissible for failing to comply with this Act

(a) in the case of a foreign national, through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act.

[12]            Après avoir interrogé la demanderesse, l'agent Yelle a conclu qu'il avait des motifs raisonnables de croire qu'elle était une personne interdite de territoire aux termes de l'article 41, parce qu'elle n'avait pas respecté l'alinéa 20(1)a).

[13]            L'instruction de l'affaire de la demanderesse a comporté deux volets; un rapport sur l'interdiction de territoire a été préparé et auquel il a été donné acte; il a abouti à une mesure d'exclusion et elle a été arrêtée. Je vais examiner le cadre légal de chaque volet.

a) La mesure d'exclusion

[14]            Après avoir interrogé la demanderesse, l'agent d'immigration Marc Yelle a établi un rapport concernant la demanderesse en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, qui prévoit que :

44.(1) S'il estime que le résident permanent ou l'étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l'agent peut établir un rapport circonstancié, qu'il transmet au ministre.

44.(1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

[15]            Le rapport prévu par le paragraphe 44(1) a été envoyé à la déléguée du ministre, l'agente d'immigration MacIntyre. Les pouvoirs qui lui sont conférés par les paragraphes 44(2) et 44(3) sont les suivants :

(2) S'il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête, sauf s'il s'agit d'un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu'il n'a pas respecté l'obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d'un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, . . . except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

(3) L'agent ou la Section de l'immigration peut imposer les conditions qu'il estime nécessaires, notamment la remise d'une garantie d'exécution, au résident permanent ou à l'étranger qui fait l'objet d'un rapport ou d'une enquête ou, étant au Canada, d'une mesure de renvoi.

(3) An officer or the Immigration Division may impose any conditions, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions, that the officer or the Division considers necessary on a permanent resident or a foreign national who is the subject of a report, an admissibility hearing or, being in Canada, a removal order.

[16]            En l'espèce, le sous-alinéa 228(1)c)(iii) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés était applicable à la demanderesse parce qu'elle n'avait pas établi qu'elle avait un visa valide, conformément à l'article 20 de la LIPR. Cela voulait dire que l'agente MacIntyre pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire et prendre une mesure de renvoi sans déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête. Le type de la mesure de renvoi qui devait être prise était une « mesure d'exclusion » . Aux termes du paragraphe 225(1), la mesure d'exclusion « oblige l'étranger à obtenir une autorisation écrite pour revenir au Canada dans l'année suivant l'exécution de la mesure » .

[17]            Comme la demanderesse devait se présenter en cour dans une affaire criminelle, la mesure d'exclusion a été automatiquement suspendue.

b) L'arrestation

[18]            Non seulement l'agent Yelle a préparé un rapport en vertu de l'article 44(1), il a arrêté la demanderesse parce qu'il était d'avis qu'elle se soustrairait ultérieurement au renvoi. L'arrestation de la demanderesse a été effectuée conformément au paragraphe 55(2) qui prévoit que :

(2) L'agent peut, sans mandat, arrêter et détenir l'étranger qui n'est pas une personne protégée dans les cas suivants :

a) il a des motifs raisonnables de croire que celui-ci est interdit de territoire et constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2).

(2) An officer may, without a warrant, arrest and detain a foreign national, other than a protected person,

who the officer has reasonable grounds to believe is inadmissible and is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2).

[19]            L'article 56 de la LIPR permet à l'agent d'ordonner la mise en liberté de l'étranger :

... s'il estime que les motifs de détention n'existent plus; il peut assortir la mise en liberté des conditions qu'il estime nécessaires, notamment la remise d'une garantie.

. . . if the officer is of the opinion that the reasons for the detention no longer exist. The officer may impose any conditions, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions, that the officer considers necessary.

Analyse

a)          Quelle est la norme de contrôle indiquée?

[20]            Les mesures des agents d'immigration en l'espèce constituent des décisions discrétionnaires prises en fonction de leur évaluation de la crédibilité de la demanderesse et de leurs conclusions de fait.

[21]            En ce qui concerne les questions de fait, la Cour ne peut intervenir que si elle considère que soit l'agent Yelle, soit l'agente MacIntyre « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [ils disposaient] » (alinéa 18.1(4)d) de laLoi sur les Cours fédérales). La cour de contrôle doit faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions des agents. Selon la Cour d'appel fédérale, la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité et de pertinence de la preuve est la décision manifestement déraisonnable (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), au paragraphe 4). Plus précisément, en ce qui concerne les agents chargés des mesures de renvoi, la Cour a déclaré que leurs décisions doivent faire l'objet de la plus grande retenue (J.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 2094, au paragraphe 25).

b) La demande de contrôle de l'avis d'arrestation est-elle théorique?

[22]            Le défendeur soutient que la question de la validité de l'avis d'arrestation est théorique puisque, depuis la mise en liberté de la demanderesse, l'avis d'arrestation n'est plus matière à controverse.

[23]            Comme l'a conclu la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général) [1989] 1 R.C.S. 342, le critère du caractère théorique comporte deux volets. Premièrement, la Cour doit décider si le différend entre les parties a disparu. Deuxièmement, même si le différend a disparu, la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire d'entendre l'affaire dans certaines circonstances. Pour décider si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire, je dois prendre en compte les éléments suivants :

1.       Y a-t-il encore un contexte contradictoire?

2.       La décision contestée aura-t-elle des effets concrets sur les droits des parties et ne constituera-t-elle pas un gaspillage de ressources judiciaires?

3.       La nécessité que la Cour montre qu'elle est consciente de sa fonction juridictionnelle.

[24]            En l'espèce, il est impossible de nier que l'avis d'arrestation - et donc l'objet même du litige - a disparu avec la mise en liberté de la demanderesse. À l'étape suivante de l'analyse, je dois me demander si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire d'entendre la présente affaire en dépit de la cessation du différend.

[25]            S'il semble y avoir encore un contexte contradictoire entre les parties, il semble plutôt avoir trait à la prise de la mesure d'exclusion; je suis donc d'avis qu'il ne constitue pas un motif de consacrer des ressources judiciaires à l'examen de la validité d'un avis d'arrestation périmé.

[26]            Le troisième élément est l'effet concret qu'aurait une ordonnance de la Cour annulant l'avis d'arrestation. Le défendeur soutient que la question n'a plus d'intérêt pratique pour les parties. La demanderesse soutient qu'elle est toujours tenue de respecter les exigences dont l'agent a assorti sa mise en liberté. La demanderesse soutient que ces conditions faisaient partie de l'arrestation et que, pour ce motif, l'annulation de l'avis d'arrestation aurait pour effet de les supprimer.

[27]            L'arrestation a été effectuée conformément à l'alinéa 55(2)b) de la LIPR. Les conditions ont été imposées en vertu de l'article 56 afin de garantir que la demanderesse se présente pour être expulsée, le cas échéant. Je suis d'avis que l'arrestation effectuée constitue une décision distincte de la décision de mise en liberté et d'imposition de conditions. En effet, l'examen du dossier montre que c'était l'agente MacIntyre, et non pas l'agent Yelle, qui a pris la décision de mettre en liberté la demanderesse et qui fixé les conditions de sa mise en liberté. Si la Cour infirmait l'avis d'arrestation, cela n'annulerait pas automatiquement la décision de l'agente MacIntyre. Par conséquent, même si la demanderesse réussissait à obtenir l'annulation de l'avis d'arrestation, cela n'aurait pas d'effet concret; les conditions assortissant sa mise en liberté resteraient toujours en vigueur en l'absence d'autres démarches.

[28]            Enfin, je ne pense pas que la Cour ait un grand rôle à jouer sur le plan de la politique d'intervention judiciaire ou de la démonstration qu'elle est consciente de sa fonction juridictionnelle; il s'agit d'une situation à court terme et temporaire. En l'espèce, la demanderesse a été détenue pendant moins de quatre heures. Même sur le plan théorique, l'avis d'arrestation ne peut être en vigueur que pour 48 heures au maximum sans contrôle lorsque la LIPR impose à la Section de l'immigration de contrôler les motifs de maintien en détention de l'étranger (LIPR, paragraphe 57(1)). Rien ne justifie l'intervention de la Cour.

[29]            Dans les circonstances : a) Je conclus que les questions soulevées par l'avis d'arrestation sont théoriques; b) Je décline d'exercer mon pouvoir discrétionnaire d'entendre la présente de demande de contrôle judiciaire. Vu cette décision, il n'est pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si l'agent Yelle a fait erreur lorsqu'il a émis l'avis d'arrestation.

c) L'agente MacIntyre at-elle commis une erreur en prenant la mesure d'exclusion?

[30]            La mesure d'exclusion a été prise en vertu du paragraphe 44(2), au motif que la demanderesse était interdite de territoire au Canada. Il s'agit maintenant du deuxième palier de contrôle de la situation de la demanderesse. Le premier rapport a été fait par l'agent Yelle en vertu du paragraphe 44(1). Celui de l'agente MacIntyre était nécessaire pour se faire une opinion sur la question de savoir si le rapport fait en vertu du paragraphe 44(2) était fondé. Aprés avoir examiné le rapport et interrogé la demanderesse, l'agente MacIntyre a conclu que le rapport était fondé. Un bon nombre des raisons à l'appui de l' « opinion » formée par l'agente MacIntyre ont été résumées au cours de son contre-interrogatoire relatif à son affidavit. Outre le fait que la demanderesse n'a jamais contacté CIC afin de lui communiquer son changement d'adresse et qu'elle aurait dû savoir que sa demande de résidence permanente avait été rejetée, l'agente MacIntyre a déclaré que :

[TRADUCTION]

Elle ne nous a pas signalé son changement d'état matrimonial. Il a été tenu compte du fait qu'elle avait dit à l'agent Yelle qu'elle avait toujours une relation avec Ian Rhoades lors du premier interrogatoire. Elle a ouvertement reconnu qu'elle était au Canada de manière permanente depuis 2001, que tous ses effets personnels étaient ici au Canada, qu'elle désirait maintenant rester ici de manière permanente avec M. Seguin, qu'elle ne voulait pas rentrer aux États-Unis. [...] Et que, de son propre aveu, son adresse permanente était ici au Canada et qu'elle n'avait fait que de courts séjours aux États-Unis.

[31]            Les éléments de preuve étayaient dans le sens de l'opinion de l'agente MacIntyre, selon laquelle le rapport était fondé et la demanderesse était interdite de séjour au Canada. À la suite de cette conclusion, la décision de prendre la mesure d'exclusion a été arrêtée.

[32]            La demanderesse soutient que l'agente a fait erreur lorsqu'elle a pris la mesure d'exclusion parce qu'elle n'était pas illégalement au Canada. Son raisonnement est le suivant : en août 2004, elle a été admise au Canada à son retour d'un court voyage aux États-Unis sans être détenue. En qualité de citoyenne des États-Unis, elle affirme qu'elle n'est pas tenue d'avoir un visa pour venir au Canada.

[33]            Cette affirmation aurait été correcte si elle avait été une citoyenne des États-Unis ordinaire venant au Canada comme visiteuse. Mais ce n'est pas ce qu'a fait la demanderesse en l'occurrence. Le fait que la demanderesse a été admise au Canada en août 2004 ne change rien aux éléments de preuve qui montrent qu'elle réside au Canada de manière permanente sans être une résidente permanente du Canada. Voilà pourquoi la mesure d'exclusion a été prise. L'étranger - même le citoyen des États-Unis - qui a l'intention de vivre de manière permanente au Canada doit détenir le visa réglementaire pour ce faire (alinéa 20(1)a)). Ne pas détenir ce visa est un acte ou une omission constituant une violation d'une disposition de la LIPR. Pour ce motif, elle est interdite de territoire parce qu'elle n'a pas respecté l'alinéa 41a) de la LIPR et le fait qu'elle soit entrée de nouveau au Canada en août n'a aucune pertinence.

[34]            La demanderesse soutient que l'agente MacIntyre n'a pas tenu compte de certains éléments de preuve ayant trait aux mauvais traitements que lui avait fait subir son ancien mari. Cependant, le dossier montre que ces renseignements ont été pris en compte, mais qu'ils n'ont pas changé l'opinion de l'agente MacIntyre, selon laquelle la demanderesse était interdite de territoire.

[35]            Pour conclure sur cette question, la demanderesse ne mentionne pas des éléments de preuve dont il n'a pas été tenu compte; concrètement, elle exprime son désaccord avec le poids donné par l'agente MacIntyre aux éléments de preuve dont elle a été saisie. Je suis d'avis que la décision de prendre la mesure d'exclusion était justifiée par la preuve et que la Cour n'a aucune raison d'intervenir.

(d) Les conditions de la mise en liberté doivent-elles être annulées?

[36]            La demanderesse soutient que les conditions imposées sont trop lourdes. Cependant, comme je l'ai signalé plus haut, ces conditions ont été imposées à la demanderesse par l'agente MacIntyre en vertu de l'article 56 de la LIPR. En l'absence d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente MacIntyre rendue en vertu de l'article 56, la Cour n'est saisie d'aucune question sur laquelle elle doit statuer.

Conclusion

[37]            Pour ces motifs, je conclus que les deux demandes seront rejetées. La demande d'infirmation de l'avis d'arrestation sera rejetée au motif qu'elle est théorique et la demande d'annulation de la mesure d'exclusion sera rejetée au motif qu'il n'y a pas d'erreur susceptible de contrôle.

[38]            Je conviens que l'arrestation de la demanderesse semble avoir été une réaction plutôt dure dans les circonstances; cependant, je signale aussi que je n'ai pas assisté à l'interrogatoire effectué par l'agent Yelle et que je n'ai pas eu l'occasion de constater de visu ce qui s'est produit. En l'absence d'une erreur susceptible de contrôle, le rôle de la Cour n'est pas d'intervenir dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par les agents d'immigration simplement parce que j'aurais eu un regard différent sur les faits.

[39]            La demanderesse propose que je certifie une question relative aux facteurs dont doivent tenir compte les agents d'immigration lorsqu'ils décident d'effectuer une arrestation en vertu de l'article 55 de la LIPR, ou de prendre une mesure d'exclusion, en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR. Je suis d'avis que cette question n'est pas déterminante quant aux questions en litige dont la Cour est saisie. Je décline donc de certifier une question.

[40]            Enfin, la demanderesse sollicite les dépens sur la base avocat-client. Je suis d'avis que même si la demanderesse avait eu gain de cause, il n'aurait pas été indiqué de lui accorder les dépens, sur quelque base que ce soit.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-8321-04

        IMM-8322-04

INTITULÉ :                                        DEBRA JEAN RHOADES nee LARSON

                                                            c.

        Le MinistRE DE LA SÉCURITÉ PubliQUE

        ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 5 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE: LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                       LE 15 JUILLET 2005

COMPARUTIONS:

Davis Morris                                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Catherine A. Lawrence                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bell, Unger, Riley, Morris                                                          POUR LA

Ottawa (Ontario)                                                                       DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20050715

Dossiers : IMM-8321-04

Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

DEBRA JEAN RHOADES NEE LARSON

demanderesse

et

Le MinistRE DE LA SÉCURITÉ PubliQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

3.          L'intitulé est modifié et le solliciteur général du Canada est remplacé par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L



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