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Date : 20050512

Dossier : T-1546-03

Référence : 2005 CF 685

ENTRE :

COE NEWNES/MCGEHEE ULC

                                                                                                                                demanderesse

et

VALLEY MACHINE WORKS LTD.

                                                                                                                                  défenderesse

et

VALLEY MACHINE WORKS LTD.

                                                                                             demanderesse reconventionnelle

et

COE NEWNES/MCGEHEE ULC

                                                                                               défenderesse reconventionnelle

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]         Les présents motifs découlent d'une requête visant à obtenir des précisions relativement à la demande reconventionnelle de la défenderesse, un affidavit de documents supplémentaire, en même temps que son examen, et l'autorisation de déposer une déclaration modifiée. J'aimerais souligner que la demanderesse a déjà opposé une défense à la demande reconventionnelle et que les interrogatoires étaient en cours au moment où la présente requête a été entendue. L'objet du litige est l'outillage de scierie breveté de la demanderesse qui permet le sciage cintré des grumes de façon à maximiser la récupération du bois d'oeuvre de qualité marchande.

ANALYSE

Déclaration modifiée

[2]         La décision sur la question du dépôt d'une déclaration modifiée est reportée et, à défaut d'entente, elle sera tranchée par le protonotaire ou le juge responsable de la gestion de l'instance.

Affidavit de documents supplémentaire

[3]        La requête visant à obtenir un affidavit de documents supplémentaire n'est pas en cause pour l'instant, sauf peut-être en ce qui concerne le code source logiciel qui permet le sciage cintré des grumes étant donnéque la défenderesse a convenu de chercher et de déposer un affidavit de documents supplémentaire et de le soumettre à la demanderesse pour examen, le tout, bien entendu, sous réserve du droit de la demanderesse de présenter une nouvelle demande de documents.


[4]         Pour ce qui est de la production d'autres documents, la défenderesse y a consenti, le seul problème étant le délai requis pour le faire. Dans la mesure oùun affidavit de documents supplémentaire n'aura pas été fourni dans l'intervalle, soit depuis l'audition de la présente requête, la défenderesse aura un délai de quatorze jours pour signifier un tel affidavit. Évidemment, dès qu'elle aura décidé de demander un affidavit supplémentaire et en aura obtenu l'examen, la demanderesse pourra présenter une nouvelle demande visant d'autres documents. Cela concerne surtout la production du code source de l'ordinateur qui, dans certaines installations, permet de faire le sciage cintré des grumes, même si je souligne au passage et sans prendre de décision à cet égard que, dans la documentation dont nous disposons, il n'y a peut-être pas assez d'informations pour prendre une décision. La demanderesse fait valoir que l'auteur de l'un des affidavits qu'elle a déposés au soutien de la requête, Brian Stroud, affirme qu'il croit que la défenderesse a une copie du code source en sa possession ou qu'elle est en mesure d'obtenir cette information. La défenderesse a cependant répondu que le code source ne lui appartient pas mais appartient plutôt à une entité indépendante, USNR/Percerptron, titulaire du droit d'auteur, et qu'elle n'a aucune copie du code source en sa possession. Si on ne peut trouver de terrain d'entente pour cet aspect de la production de documents, je souligne que la partie qui demande les documents doit avoir des éléments de preuve convaincants qui tendent à démontrer qu'il existe des documents qui n'ont pas été produits au lieu de s'en tenir à des hypothèses, à son intuition ou à des conjectures :

Toutefois, pour exiger la production d'autres documents en contre-interrogeant les auteurs des affidavits, les défendeurs doivent présenter des éléments de preuve convaincants qui tendent à démontrer qu'il existe des documents qui n'ont pas été produits au lieu de s'en tenir à des hypothèses, à leur intuition et à des conjectures.

[Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. c. Naeini (1998) 80 C.P.R. (3d) 132, p. 140, confirmée par (1998) 80 C.P.R. (3d) 563]

Ce principe ne s'applique pas seulement à une demande de contre-interrogatoire sur un affidavit de documents, mais aussi àune requête visant à obtenir la production d'un document précis.

Précisions


[5 ]        Le point essentiel pour les présents motifs est qu'il est inhabituel d'ordonner àune partie de fournir des précisions, autrement que pour le procès, après la clôture des actes de procédure et au moment où les interrogatoires préalables sont imminents ou en cours : les précisions sont habituellement ordonnées soit àune étape initiale afin de permettre de comprendre la demande et de préparer les actes de procédure, ou beaucoup plus tard lorsque une partie a vraiment besoin de plus de précisions avant l'instruction, si cette partie ne comprend toujours pas une demande ou une défense. Avant d'examiner la jurisprudence, j'aimerais souligner que la défenderesse a volontairement fourni, plusieurs jours avant l'audition de la présente requête, un certain nombre des précisions demandées; toutefois, je ne considère pas cette initiative comme une renonciation aux arguments qu'elle pourrait normalement faire valoir quant à l'opportunité de fournir des précisions à l'étape actuelle.

[6]         Il y a toujours eu une distinction entre les précisions nécessaires pour répondre à un acte de procédure et celles pour comprendre la cause avant le procès. Ce principe est énoncé dans CAT Productions c. Macedo, (1984) 1 C.P.R. (3d) 517 (C.F. 1re inst.), aux pages 519-520:

Les cours ont établi une distinction entre les détails nécessaires avant la plaidoirie et ceux qui sont nécessaires au moment du procès. La Cour donne droit à une demande de détails avant la plaidoirie de façon à permettre à l'autre partie de présenter une plaidoirie bien fondée. Quant aux détails exigés avant le procès, toute partie a généralement droit aux détails qui lui sont nécessaires pour préparer adéquatement son argumentation en vue du procès.


Les précisions pour préparer les actes de procédure sont toujours beaucoup plus spécifiques que les précisions en vue du procès car, dans le premier cas, la partie n'a besoin que des précisions lui permettant de comprendre un acte de procédure et d'y répondre alors que dans l'autre cas, il importe que la partie soit en mesure de compléter ce qu'elle sait de l'affaire, en fait, d'obtenir les détails qu'elle n'a pu obtenir grâce à la communication des documents et aux interrogatoires préalables.

[7]         Comme je l'ai indiqué plus tôt, une réponse complète à un acte de procédure empêche généralement une partie de demander des précisions, sauf lorsque les précisions sont nécessaires en vue du procès. Le point de départ de l'analyse est le commentaire du juge Addy dans Caterpillar Tractor Co. c. Babcock Allatt Ltd., [1983] 1 C. F. 487, àla page 490 :

En général, lorsqu'une partie a, dans sa plaidoirie, répondu complètement à la plaidoirie de la partie adverse et a présenté une preuve contraire, elle ne peut s'opposer à la plaidoirie de l'autre partie ni demander des détails dans le but de compléter sa plaidoirie à une date ultérieure. (Voir Dominion Sugar Co. c. Newman [(1917-18), 13 O.W.N. 38 (H.C.J.)] et Montreuil c. La Reine [[1976] 1 C. F. 528 (C.F. 1re inst.)].

[8]         L'avocat de la défenderesse a attiré mon attention de façon tout à fait pertinente sur la décision du juge Strayer, tel était son titre, dans Ciba-Geigy c. National Contact, (1992) 53 F.T.R. 238 (C.F. 1re inst.), où il a soulignéque la règle interdisant les précisions après la clôture des actes de procédure n'est pas absolue :

Je sais qu'il est tout à fait inhabituel d'enjoindre de donner des détails en faveur d'un défendeur qui a déjà déposé une défense [voir p. ex. Caterpillar Tractor Co. c. Babcock Allatt Ltd., (1982) 67 C.P.R. (2d) 135, à la page 137 (C.F. 1re inst.), et la jurisprudence y citée], mais il y a un précédent [voir p. ex. Addison-Wesley Publishing Ltd. et al v. Kinkols Copies Canada Ltd., (1987) 18 C.P.R. (3d) 121 (C.F.1re inst.)]. En l'espèce, je crois que c'est dans l'intérêt de l'administration de la justice que les deux parties précisent leur position, afin que les points litigieux puissent être cernés et plus clairement définis par les actes de procédure, ce qui économiserait du temps et des frais consacrés à des interrogatoires préalables, à la préparation du procès et au procès lui-même.

                                                                                                                                                                    [p. 239]


Dans Ciba-Geigy, le juge Strayer était passablement préoccupépar le manque de précisions et d'actes de procédure détaillés de la part des deux parties : il a estiméqu' « ... il s'agit d'une situation qui réclame de l'amélioration au moyen de détails plus précis ou d'actes de procédure plus détaillés de la part des deux parties » (précité).

[9]         En l'espèce, trois facteurs militent contre l'abandon de la règle générale interdisant les précisions une fois qu'une partie a répondu à un acte de procédure. Premièrement, la présente situation ne réclame pas de précisons à ce stade. Deuxièmement, la défenderesse a volontairement fourni des précisions écrites additionnelles relativement à la demande reconventionnelle. Troisièmement, on ne peut nier que les interrogatoires préalables constituent un moyen appropriéd'examiner l'affaire, et permettent effectivement d'obtenir le genre de précisions nécessaires au procès dont parlait la Cour d'appel fédérale dans Le « Mary Mackin » , [1984] 1 C. F. 884, à la page 889.

CONCLUSION

[10]       Les précisions complémentaires sont refusées, sous réserve évidemment du droit de la demanderesse, de présenter, après les interrogatoires préalables, une nouvelle demande de précisions en vue du procès.


[11]       Les dépens suivent habituellement l'issue du litige. La demanderesse n'a pas réussi à obtenir des précisions complémentaires. Cependant, d'autres aspects de la requête ont étéajournés. Il reviendra donc au protonotaire ou au juge responsable de la gestion de l'instance saisi de la poursuite de la requête de fixer les dépens.

                                                                                                           « John A. Hargrave »            

                   Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1546-03

INTITULÉ :                                                     COE NEWNES MCGEHEE ULC

               - ET -

VALLEY MACHINE WORKS LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                             VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 24 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                  LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS:

DAVID M. RUSH                                            POUR LA DEMANDERESSE

ANDREW MCINTOSH                                  MANDATAIRE DE LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Petraroia, Langord,                                       POUR LA DEMANDERESSE

Edwards & Rush

(Vancouver)

Patterson Palmer                                          POUR LA DÉFENDERESSE

(Fredericton)

Bereskin Parr                                                 MANDATAIRE DE LA DÉFENDERESSE

(Toronto)


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