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Date : 19990528


Dossier : IMM-5460-97

OTTAWA (Ontario), le 28 mai 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :


ALBERTO SAMANO VILLALOBOS,

demandeur,


-et-


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

défendeur.

     SUITE à la demande de contrôle judiciaire et d"annulation présentée par le demandeur dans le présent dossier contre la décision de la Section du statut de réfugié rendue le 15 décembre 1997, qui a refusé au demandeur que sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention fasse l"objet d"une nouvelle audience;

     SUITE à la demande de contrôle judiciaire et d"annulation présentée par le demandeur dans le dossier IMM-1751-98, contre la décision de la Section du statut de réfugié rendue le 25 mars 1998, qui a conclu que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties quant aux deux demandes, à Vancouver, le 13 avril 1999, date à laquelle la Cour a sursis au prononcé du jugement, et après avoir pris connaissance des observations faites à ce moment, décision est rendue sur chacune des demandes par voie d"ordonnances distinctes;


ORDONNANCE

     La demande est accueillie, sans réparation particulière, puisque l"ordonnance rendue simultanément dans le dossier IMM-1751-98 prévoit la réparation.


W. Andrew MacKay


JUGE

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules


Date : 19990528


Dossier : IMM-1751-98

OTTAWA (Ontario), le 28 mai 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :


ALBERTO SAMANO VILLALOBOS,

demandeur,


-et-


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

défendeur.

     SUITE à la demande de contrôle judiciaire et d"annulation présentée par le demandeur dans le dossier IMM-5460-97 contre la décision de la Section du statut de réfugié rendue le 15 décembre 1997, qui a refusé au demandeur que sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention fasse l"objet d"une nouvelle audience;

     SUITE à la demande de contrôle judiciaire et d"annulation présentée par le demandeur dans le présent dossier contre la décision de la Section du statut de réfugié rendue le 25 mars 1998, qui a conclu que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties quant aux deux demandes, à Vancouver, le 13 avril 1999, date à laquelle la Cour a sursis au prononcé du jugement, et après avoir pris connaissance des observations faites à ce moment, décision est rendue sur chacune des demandes par voie d"ordonnances distinctes;


ORDONNANCE

     La demande est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié du 25 mars 1998 est annulée et la demande du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur est renvoyée devant la Section du statut de réfugié pour réexamen par un tribunal différemment constitué.


W. Andrew MacKay


JUGE

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules


Date : 19990528


Dossiers : IMM-5460-97

IMM-1751-98


IMM-5460-97

ENTRE :


ALBERTO SAMANO VILLALOBOS,

demandeur,


-et-


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

défendeur.

ET :


IMM-1751-98


ALBERTO SAMANO VILLALOBOS,

demandeur,


-et-


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

défendeur.


MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE MacKAY

[1]      Les présents motifs ont trait à deux demandes de contrôle judiciaire introduites par le demandeur contre des décisions de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié concernant la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur. Dans sa première décision, rendue le 15 décembre 1997 en application de la règle 28 des Règles de la section du statut de réfugié , DORS/93-45, la Section du statut de réfugié a rejeté la requête présentée par le demandeur pour obtenir une nouvelle audition de sa revendication. Cette revendication avait été entendue par un tribunal de la SSR le 20 novembre 1997, et dans sa décision du 13 mars 1998, le tribunal a exposé les motifs de son refus d"accorder au demandeur une audition orale de sa requête et de lui accorder une nouvelle audience, en plus d"exposer les motifs qui l"ont amené à conclure que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      La première demande de contrôle judiciaire, dans le dossier IMM-5460-97, concerne la décision du 15 décembre 1997, qui rejetait la requête sollicitant une audition orale et la demande d"une nouvelle audience; la deuxième demande, dans le dossier IMM-1751-98, concerne la décision statuant que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention. La seconde décision, communiquée au demandeur par voie d"avis le 25 mars 1998, est la même que celle rendue le 13 mars. La première demande vise l"annulation de la décision qui rejetait la requête sollicitant une nouvelle audience, requête qui se fondait sur le motif que le tribunal saisi de l"affaire avait fait naître une crainte raisonnable de partialité, et ainsi porté 1atteinte au droit du demandeur à une audition équitable. Dans la deuxième demande, un argument semblable est aussi avancé, mais il y a aussi d"autres motifs allégués pour contester la décision du tribunal que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[3]      Les deux demandes ont été entendues ensemble à Vancouver, et la Cour a alors sursis au prononcé du jugement. Après avoir pris connaissance des observations qui ont été faites à ce moment, je suis d"avis que les deux demandes doivent être accueillies puisque je suis convaincu qu"il y a eu, dans les circonstances de cette affaire, atteinte au droit du demandeur à une audition équitable de sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention résultant d"une crainte raisonnable que le tribunal ait fait preuve de partialité. Par la présente ordonnance, la demande du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur est renvoyée pour réexamen par un tribunal de la SSR différemment constitué, et les présents motifs n'ont pas trait aux questions soulevées par la deuxième demande, dans le dossier

IMM-1751-98, concernant la décision du tribunal relative à la demande du statut de réfugié au sens de la Convention.

Les faits

[4]      M. Villalobos est citoyen mexicain. Il est arrivé au Canada, à Vancouver, le 6 octobre 1995 en tant que visiteur, voyageant avec un passeport mexicain. Par la suite, il a fait connaître le 1er novembre son intention de déposer une demande du statut de réfugié au sens de la Convention. Il a rempli un formulaire de renseignements personnels en mars 1996 pour appuyer sa demande du statut de réfugié.

[5]      D"août 1988 à février 1995, le demandeur était un employé de Bancomer, une banque située à Uruapan (Mexique). En 1994, il y occupait des fonctions de directeur des comptes, responsable de la restructuration des nombreux prêts en défaut de paiement à cause de la crise financière touchant le peso mexicain. Il affirme que certains clients de la banque dont il devait renégocier les comptes et que l"organisation El Barzon, qui soutenait la cause des débiteurs partout au Mexique, ont commencé à le harceler personnellement. Des clients le harcelaient au travail, le menaçaient au téléphone et auraient dévoilé à ses supérieurs qu"il était homosexuel. L"El Barzon l"a critiqué auprès de ses supérieurs. À la mi-février 1995, le demandeur a été informé que son poste était supprimé, mais il croit que la banque l"a congédié parce qu"elle le percevait comme un homosexuel à cause des allégations des clients de la banque.

[6]      Suite à son départ de la banque, le demandeur a poursuivi des études universitaires entamées auparavant et a travaillé à temps partiel pour le journal local. En septembre 1995, dans le but de faire un reportage que le journal leur avait demandé de produire sur les activités de l"El Barzon, le demandeur et son frère ont assisté à un rassemblement de l"organisation et ils ont été victimes de violence physique. Le demandeur a ensuite écrit une critique à propos de l"incident publiée au début d"octobre 1995. Persuadé que sa vie était en danger, et sans rechercher la protection des autorités, le demandeur a quitté le Mexique en avion et s"est rendu au Canada.

[7]      Sa demande du statut de réfugié a été entendue par un tribunal de la SSR le 20 novembre 1997. Après l"audience, le 4 décembre 1997, l"avocate du demandeur a déposé une requête en vertu des Règles de la section du statut de réfugié , demandant que le tribunal soit dessaisi et la tenue d"une nouvelle audience. La requête se fondait sur les allégations de l"avocate du demandeur selon lesquelles le tribunal avait fait naître une crainte raisonnable de partialité de par ses agissements la journée de l"audience. Cette requête sollicitant une audience orale, étant donné la complexité et le caractère délicat du sujet traité, et parce que l"avocate voulait faire un renvoi substantiel aux transcriptions ainsi qu"aux affidavits déposés avec la requête en plus de se référer à la jurisprudence. Un avis de requête a été déposé avec la demande, accompagné des affidavits du demandeur et de son avocate, ainsi qu"un exposé du droit et des arguments à l"appui de la requête.

[8]      Le 12 décembre 1997, la SSR a avisé le demandeur que les membres du tribunal qui avaient entendu la demande de statut allaient statuer sur la requête. Ce qu"ils ont fait, dans une décision en date du 15 décembre, rejetant la requête, sans qu"il y ait de présentation orale. Dans ses motifs, en date du 13 mars 1998, le tribunal , sur la question d"une présentation orale de la requête, a fait observer en partie ce qui suit :

                 [TRADUCTION] [...] Le 15 décembre 1997, le tribunal a rejeté la demande d"une présentation orale de la requête et a aussi rejeté la requête elle-même [...]                 
                      La demande de présentation orale de la requête a été rejetée parce que l"écrit expose clairement les prétentions de l"avocate du demandeur et que, selon l"opinion du tribunal, la présentation orale de la requête n"apporterait rien de plus. En rendant sa décision, le tribunal avait aussi à l"esprit la nécessité d"utiliser judicieusement les ressources de la SSR, et affecter ces ressources à l"audition orale de la requête aurait pu entraîner indûment des retards pour d"autres demandeurs attendant d"être entendus.                 

L"allégation de la crainte raisonnable de partialité

[9]      Avant la date prévue pour la première audition de la demande de statut du demandeur, son avocate avait écrit au greffier de la SSR pour demander que l"interprète à l"audience soit une femme. Le 20 novembre, lors de la conférence préliminaire juste avant le début de l"audience qui devait avoir lieu le jour même, on s"est rendu compte qu"un interprète de sexe masculin avait été assigné; l"avocate du demandeur a fait part au tribunal de la demande formulée plus tôt pour que l"interprète soit de sexe féminin et les membres du tribunal ont fait le nécessaire pour qu"un interprète de sexe féminin soit présent à l"audience, apparemment sans faire de commentaire défavorable à ce sujet. L"audience a débuté et s"est déroulée par l"entremise de l"interprète de sexe féminin.

[10]      Le fondement de l"allégation du demandeur selon laquelle le tribunal ait créé une crainte raisonnable de partialité le 20 novembre est que les membres du tribunal auraient questionné le demandeur d"une manière étroite et agressive pendant l"interrogatoire principal conduit par son avocate; les membres auraient interrompu le demandeur et son avocate durant l"interrogatoire, et ils auraient traité l"avocate d"une manière exagérément agressive, notamment à un moment après la fin de l"audience et la déclaration du tribunal qu"il sursoyait au prononcé de la décision jusqu"à réception des observations écrites. Une des membres du tribunal aurait alors accusé d"une façon agressive l"avocate du demandeur de discrimination fondée sur le sexe au motif qu"elle avait supposément l"habitude de requérir les services d"un interprète de sexe féminin.

[11]      Le demandeur allègue tous ces motifs dans son affidavit, citant des exemples que l"on retrouve dans les transcriptions qui seraient représentatifs des interruptions et des questions agressives des membres du tribunal. Dans leurs affidavits, le demandeur et son avocate qualifient les questions posées lors de l"interrogatoire principal d"aussi agressives que s"il s"agissait d"un contre-interrogatoire. Le demandeur affirme que le ton sur lequel étaient posées les questions et la manière de les poser sont de nature à faire naître un doute. Ces attributs ne ressortent pas d"emblée de la transcription. On peut sentir dans les commentaires des membres du tribunal une certaine impatience quant au rythme du déroulement de l"audience lorsque l"avocate du demandeur porte au dossier sa crainte que les contraintes de temps du tribunal ne portent préjudice au droit du demandeur d"avoir la possibilité d"être pleinement entendu.

[12]      Le demandeur affirme aussi, dans son affidavit, qu"il a vu les membres du tribunal faire des gestes et faire la grimace pendant qu"il parlait, mais plus particulièrement pendant que son avocate parlait. Il ajoute qu"il ne se sentait pas à l"aise lors de son témoignage devant le tribunal à cause de leur attitude manifeste. À l"heure du déjeuner, alors que son témoignage était terminé, le demandeur a senti qu"il avait déjà perdu sa demande de statut de réfugié. L"avocate du demandeur fait remarquer dans son affidavit :

                 [TRADUCTION] Les membres du tribunal ont étroitement questionné le demandeur pendant l"interrogatoire principal. Il m"ont interrompue et ils ont coupé court à ses explications. Ils ont affirmé qu"ils ne voulaient pas entendre le demandeur répéter ce qu"il avait dit dans son formulaire de renseignements personnels.                 

[13]      Avant et après le déjeuner, l"avocate du demandeur a voulu faire porter au dossier ses réserves à propos de l"audience. Les extraits de la transcription qui suit font état de ses réserves en général, mis à part sa réserve à propos du travail de l"interprète à l"audience :

                 [TRADUCTION]                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Je crois que nous avons obtenu des réponses approfondies -- ou du moins -- elles ne sont peut-être pas approfondies mais elles sont détaillées, au moins deux fois sur ce dont cet homme a peur sur tous les chefs. Y avait-il autre chose que vous essayiez de lui faire dire? Si c"est le cas --                 
                 L"AVOCATE :      Non.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      -- J"aimerais que vous le produisiez afin que nous puissions aller déjeuner.                 
                 COMMISSAIRE SACHADENA :      C"est vrai. Ça suffit.                 
                 L"AVOCATE :      J"essaie seulement --                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Je ne veux rien manquer mais je --                 
                 L"AVOCATE :      -- de déposer toute la preuve de mon client au dossier. Je suis désolée si je mets votre patience à l"épreuve.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Mais nous avons déjà reçu des réponses étoffées à cette question, plus d"une fois.                 
                 L"AVOCATE :      Bon, d"accord.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Vous aurez amplement d"occasions de mettre l"accent sur certains points cet après-midi, -- alors, nous allons faire une pause pour déjeuner, mais elle sera brève. Nous reprendrons dans une heure, à deux heures moins quart. Notre but sera de conclure cette audience au plus tard à 4 h 30 aujourd"hui. Bon, l"audience est suspendue.                 
                 ---      SUSPENSION DE L"AUDIENCE                 
                 ---      REPRISE DE L"AUDIENCE                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Nous reprenons le dossier et nous -- nous demandons maintenant à l"ACR de poser ses questions. Nous avons une petite directive pour vous, non pas que vous deviez vous y limiter, mais dans la perspective de passer au travers du dossier pour l"heure prévue. Si vous pouviez examiner la question de l"incident Pepsi-Cola, qui n"est pas dans le FRP, la protection de l"État à nouveau, PRI, et le lien avec les opinions politiques ou les opinions politiques supposées.                 
                 L"AVOCATE :      Avant que l"ACR ne débute, si je pouvais seulement prendre un court moment pour porter au dossier certaines choses qui me préoccupent. [...]                 
                 [...]                 
                 Ma seconde réserve est en relation avec les contraintes de temps manifestes avec lesquelles doit composer cette audience. Je comprends que les membres ont l"obligation d"accélérer l"audience. Cependant, j"allègue qu"il s"agit d"une affaire plutôt complexe. Des preuves comme, vous savez, la compréhension que mon client avait du contexte politique au moment où -- où ses problèmes ont débuté sont pertinentes. Les membres se sont opposés à plusieurs reprises à mes questions ou aux réponses de mon client au motif qu"elles n"étaient qu"une répétition de ce qui se trouvait dans le FRP. Les membres n"ont cependant pas déposé au dossier qu"ils considéraient la preuve contenue dans le FRP comme crédible et qu"ils l"accepteraient comme faisant partie de la preuve.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Excusez-moi, maître.                 
                 COMMISSAIRE SACHADENA :      C"est de la preuve.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      C"est de la preuve.                 
                 L"AVOCATE :      Oui, je sais, mais vous n"avez pas -- vous ne m"avez pas permis de faire déposer la preuve par mon client. Je veux dire, son histoire est ce qui se retrouve dans le FRP.                 
                 COMMISSAIRE SACHADENA :      Il a juré que les informations contenues dans son FPR étaient exactes.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Je -- allez-y.                 
                 L"AVOCATE :      Bon, si, par exemple, je lui avais demandé ce que vous vouliez que je lui demande et que je ne lui avait pas demandé de raconter son toute histoire, vous savez, il aurait été possible que vous disiez que ce qu"il avait dit était incompatible avec ce qu"il y avait dans son FRP. J"ai l"obligation de permettre à mon client de donner entièrement sa preuve et j"ai eu l"impression que les contraintes de temps que vous imposiez ont nui à cela. J"allèguerais aussi que mon client a été interrompu à plusieurs reprises alors qu"il donnait des explications au sujet de plusieurs de ses allégations et là encore, cela entrave sa capacité de rendre toute sa preuve.                 
                 Donc, je ne m"attends pas vraiment, vous savez, à ce que vous fassiez quelque chose à ce sujet, mais je veux que ces réserves soient portées au dossier advenant un contrôle judiciaire.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Mme Babcock, voulez-vous dire quelque chose?                 
                 AGENTE CHARGÉE DE LA REVENDICATION :      Bien, seulement que je crois que le tribunal a le devoir de circonscrire l"audience et de s"assurer qu"elle est achevée le plus rapidement possible. Et vous avez le devoir, pour rendre votre décision, de tenir compte de toute la preuve et si vous l"avez sous la forme du formulaire de renseignements personnels, il n"est alors pas nécessaire qu"elle vous soit répétée par le revendicateur pour que vous en preniez connaissance afin de rendre votre décision. Ce sont mes commentaires.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Merci. Aviez-vous des commentaires?                 
                 COMMISSAIRE SACHADENA :      Bien, oui, parce que ce sur quoi nous avons tenté de -- de nous concentrer compte tenu -- compte tenu des contraintes de temps était de recevoir un témoignage que nous considérons répétitif. Et en toute franchise, maître, il n"est pas très utile à votre client que ce soit répété, de répéter trois fois les mêmes choses. La chose la plus utile à votre client serait que nous puissions nous rendre à l"étape où le tribunal et l"ACR pourraient poser leurs questions à votre client. Je fais remarquer, pour le mémoire, que nous avons commencé à 8 h 30 ce matin.                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Neuf heures.                 
                 COMMISSAIRE SACHADENA :      De neuf heures moins quart à 1 h 30 ou plutôt midi -- une heure moins quart et nous en sommes encore à l"interrogatoire principal. Et franchement, il n"est ressorti que peu d"informations nouvelles qui ne se retrouvaient pas déjà dans le FRP. Donc, en réalité, le tribunal commence à sentir le besoin de pouvoir passer aux questions et aux points qui nous semblent ne pas avoir été examinés lors de l"interrogatoire principal.                 
                 [...]                 
                 L"AVOCATE :      D"accord, premièrement, pourriez-vous porter au dossier quelles sont les contraintes de temps qui nous concernent? Qui -- nous concernent? Avez-vous d"une certaine façon l"obligation d"arriver à ce que cette audience soit absolument entendue aujourd"hui, en un jour, et il n"y a pas de possibilité qu"elle se poursuive un autre jour?                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Ce à quoi on s"attend -- ce à quoi on s"attend vraiment n"est pas seulement que nous terminions cette audience aujourd"hui, maître, mais que nous entendions deux de ces audiences chaque jour.                 
                 L"INTERPRÈTE :      La dernière partie?                 
                 PRÉSIDENT DE L"AUDIENCE :      Que nous entendions deux audiences comme celle-ci à chaque jour.                 
                 COMMISSAIRE SACHADENA :      Et franchement, cela dépend de la complexité des affaires. Et je suis en désaccord avec vous, maître, lorsque vous dites que ce dossier est très compliqué. Les faits sont très simples, il n"y a donc pas de raison pour que la présente affaire prenne plus de temps qu"une affaire de routine. La question n"est pas de savoir si nous devons avoir terminé à une heure en particulier, mais nous devons nous rendre compte qu"il y a beaucoup de revendicateurs qui attendent que leurs audiences soient entendues. Une audience entière et équitable ne signifie pas la possibilité pour une personne de continuer et continuer et continuer. Nous devons donc avancer. Présentez-vous une requête relativement à la question de l"interprétation?                 
                 L"AVOCATE : J"aimerais avoir un moment pour obtenir des directives de la part de mon client.                 
                 [...]                 

[14]      Dans Thiara c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, dossier no IMM-1353-96 (C.F. 1re inst.), j"ai traité de l"équilibre délicat entre avoir le contrôle d"une audience, tout en permettant d"une façon raisonnable au demandeur de présenter sa cause, et le fait de trop intervenir à l"audience. La perception que j"ai de la présente affaire est que le tribunal est venu près d"empêcher indûment la possibilité pour le demandeur d"avoir une audience entière et équitable, mais je ne suis pas convaincu, après avoir seulement examiné la transcription, et que, dans le cours de l"audience dans son ensemble, cette possibilité nécessaire au demandeur ait été refusée. La transcription, cependant, ne comprend qu"une partie de ce qui s"est produit le 20 novembre.

[15]      L"audience ne s"est pas déroulée sans contretemps, ce que l"avocate et les membres du tribunal semblent admettre dans les observations que l"on retrouve dans la transcription. L"incident qui a eu lieu juste après l"audience a, à mon avis, grandement fait pencher la balance et ne peut être dissocié de l"audience même quand vient le temps d"évaluer si le comportement du tribunal a pu provoquer une crainte raisonnable de partialité dans l"esprit d"un observateur bien renseigné voyant l"affaire d"une façon concrète et pratique tout au long de la journée. Je ne veux pas dire que les membres du tribunal ont été partiaux, mais leur comportement pris globalement, indépendamment des intentions qu"ils auraient pu avoir à ce moment, fait naître une crainte raisonnable de partialité.

[16]      Tout juste après l"audience, quand les propos n"étaient plus portés au dossier et que l"interprète et l"agente chargée de la revendication eurent quitté la salle, les membres du tribunal ont questionné l"avocate du demandeur d"une manière agressive, en présence du demandeur, à propos de son habitude de requérir les services d"un interprète de sexe féminin pour les audiences en matière de demandes de statut de réfugié. Une des membres du tribunal en particulier a affirmé à plusieurs reprises que la demande de l"avocate du demandeur équivalait à de la discrimination fondée sur le sexe, ce qu"elle trouvait offensant. L"avocate affirme dans son affidavit que le ton et les manières d"une des membres du tribunal étaient très agressifs et qu"elle paraissait attaquer l"avocate du demandeur sur le plan personnel, ce qui rendait la situation difficile à gérer, plus particulièrement en présence du demandeur. L"avocate affirme qu"elle et le demandeur étaient extrêmement choqués suite à l"audience, et plus particulièrement suite à l"échange survenu après l"audience. Le demandeur était certain que sa demande serait rejetée et il a demandé à son avocate ce que les membres du tribunal avaient personnellement contre elle.

[17]      Dans sa décision relative à la demande de statut du demandeur, le tribunal donne à penser qu"au moment de l"incident, il a été clairement établi que les commentaires n"avaient rien à voir avec l"audience qui venait de se terminer, commentaires dont ni l"avocate du demandeur ni le demandeur ne se souviennent, mais le tribunal note bien :

                      [TRADUCTION] Avec le recul, le tribunal considère que cette conversation avec l"avocate du demandeur, qui n"apparaît pas au dossier, était peut-être malvenue, étant donné que l"affaire en question n"était pas encore terminée. Cependant, le tribunal ne croit pas que cet incident ait pu provoquer une crainte raisonnable de partialité. Ayant appliqué le critère, le tribunal croit qu"une personne raisonnable, connaissant les faits, ne conclurait pas que l"échange survenu après l"audience a provoqué une crainte raisonnable de partialité. Le tribunal s"est adressé à l"avocate pour soulever une question d"ordre général en ce qui a trait aux interprètes et il n"a pas été question de la demande de statut.                 

[18]      À mon avis, une personne raisonnable ayant été témoin de la journée, depuis le fait survenu avant l"audience concernant les services d"un interprète de sexe féminin jusqu"à l"incident survenu après l"audience, aurait eu l"impression que les remarques faites après l"audience par les membres du tribunal avaient rapport, indépendamment de leur intention, à la demande de statut du demandeur.

[19]      Après l"audience, quand la requête de l"avocate du demandeur et les documents à l"appui ont été présentés à la SSR, accompagnés de la demande pour que la requête soit entendue oralement, la cause a été renvoyée au même tribunal qui avait entendu la demande du statut le 20 novembre, et comme le mentionne sa décision :

                      [TRADUCTION] La demande de présentation orale de la requête a été rejetée parce que l"écrit expose clairement les prétentions de l"avocate du demandeur et que, selon l"opinion du tribunal, la présentation orale de la requête n"apporterait rien de plus. En rendant sa décision, le tribunal avait aussi à l"esprit la nécessité d"utiliser judicieusement les ressources de la SSR, et affecter ces ressources à l"audition orale de la requête aurait pu entraîner indûment des retards pour d"autres demandeurs attendant d"être entendus.                 

[20]      Une demande d"audition orale pour qu"une requête sollicitant qu"un décideur soit dessaisi d"une affaire ne doit pas être traitée à la légère. À mon avis, il est très difficile pour la personne qui doit statuer sur la requête de comprendre pleinement les prétentions de l"avocat, peu importe le fondement des observations écrites, tant que la requête n"est pas entendue dans le contexte de ses fondements juridiques, et oralement si l"avocat en fait la demande. Le fait que la demande puisse engendrer des retards pour d"autres revendicateurs souhaitant être entendus est malheureux , mais ces retards pourraient difficilement être considérés à l"avance comme abusifs quand il y va, comme dans la présente affaire, de l"impartialité indispensable aux procédures qui sont sous la responsabilité d"un décideur.

[21]      Je remarque que la règle 28(9) des Règles de la section du statut de réfugié prévoit que, dans le cas d"une requête, la Section du statut de réfugié " peut statuer sur la requête sans tenir d'audience si elle est convaincue qu'il ne risque pas d'en résulter d'injustice ". L"exercice du pouvoir discrétionnaire pour traiter sans audience la requête dont il est question ici soulève des problèmes particuliers, puisque le plus important fondement de la crainte de partialité ressort de circonstances où la preuve devant la Cour se trouve dans les affidavits du demandeur et de son avocate, relativement à un incident concernant le comportement des membres du tribunal dont le souvenir des circonstances est relaté dans leur décision statuant sur la requête. Le demandeur allègue qu"étant donné que c"était leur propre comportement après l"audience qui était principalement en cause, il était inopportun que les membres du tribunal soient les décideurs sur la requête présentée pour l"obtention d"une nouvelle audience.

[22]      Je ne formule aucune conclusion à ce sujet. À mon avis, il est clair qu"une personne raisonnable, observant le déroulement des événements en entier, aurait une crainte raisonnable de partialité, indépendamment de l"intention que les membres du tribunal aient pu avoir. Ces événements comprennent la question de l"interprète soulevée lors de la rencontre préliminaire, l"audience même, puis l"incident qui s"est produit juste après l"audience, la requête et les allégations du demandeur pour obtenir que les membres du tribunal soient dessaisis, ainsi qu"une nouvelle audience, et le refus d"accueillir la demande pour que la requête soit présentée oralement à cause de l"avis du tribunal selon lequel " [TRADUCTION] l"écrit expose clairement les prétentions de l"avocate du demandeur et [...] la présentation orale de la requête n"apporterait rien de plus ".

Conclusion

[23]      Dans les circonstances, j"accueille la demande de contrôle judiciaire du demandeur dans le dossier IMM-5460-97, au motif que les membres du tribunal, de par leur comportement, ont fait naître une crainte raisonnable de partialité qui, pour l"observateur raisonnable, empêche la tenue d"une audition équitable et complète de la revendication du demandeur. Je ne formule aucune conclusion quant à cette revendication ou quant à l"analyse qui en est faite par le tribunal. Au lieu de cela, une ordonnance est rendue, annulant la décision du tribunal et renvoyant la revendication du demandeur devant la Section du statut de réfugié pour qu"elle y soit réexaminée par un tribunal différemment constitué.

[24]      Étant donné que la réparation recherchée dans le dossier IMM-1751-98 est devenu " sans objet " en raison de ma décision dans la demande subséquente, entendue et jugée simultanément, une ordonnance est rendue, accueillant la demande sans prévoir de réparation particulière.

[25]      Les avocats des deux parties ont confirmé au greffier, suite à l"audience, qu"aucune question ne serait présentée à propos d"une question grave de portée générale à soumettre à la Cour d"appel en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985),

ch. I-2, et modifications. Aucune question n"est certifiée pour examen en vertu de cette disposition.


W. Andrew MacKay

JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 28 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-1751-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ALBERTO SAMANO VILLALOBOS                                  c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 13 AVRIL 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR LE JUGE MACKAY

EN DATE DU 28 MAI 1999

ONT COMPARU :

M. Jonathan Simkin                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Kim Shane                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS AU DOSSIER :

Simkin & Co.                      POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-5460-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ALBERTO SAMANO VILLALOBOS                                  c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 13 AVRIL 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR LE JUGE MACKAY

EN DATE DU 28 MAI 1999

ONT COMPARU :

M. Jonathan Simkin                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Kim Shane                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS AU DOSSIER :

Simkin & Co.                      POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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