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Date : 20040929

Dossier : IMM-4508-03

Référence : 2004 CF 1336

Montréal (Québec), le 29 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                      FELICIAN VASILE GLIGA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de l'immigration (la Section d'appel) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 26 mai 2003, dans laquelle la Section d'appel a décidé que l'appel d'une mesure d'expulsion, prise contre le demandeur, était rejeté pour absence de compétence.

[2]                En février 1995, le demandeur, Felician Vasile Gliga, est arrivé au Canada en provenance de la Roumanie. Dès son arrivée, il a fait une demande d'asile qui a été rejetée. Au cours de son séjour au Canada, il s'est marié avec une citoyenne canadienne du nom de Melita Gavino, avec qui il a eu un enfant, né le 16 janvier 1997.

[3]                En février 1998, après qu'on lui eut ordonné de quitter le Canada, le demandeur est entré aux États-Unis où il a eu une liaison amoureuse avec une citoyenne américaine désignée sous le nom d' « Adrianna » . Il y est demeuré jusqu'à ce que le traitement de sa demande de résidence permanente fondée sur le parrainage de son épouse ait été complété.

[4]                En mai 2000, après avoir obtenu la résidence permanente, le demandeur est de nouveau entré au Canada pour ensuite retourner aux États-Unis. Au cours des seize mois suivants, le demandeur a passé énormément de temps aux États-Unis et il est retourné au Canada à plusieurs occasions, notamment avec Adrianna.

[5]                Le 24 septembre 2001, alors qu'il tentait d'entrer de nouveau au Canada (après un séjour d'un mois en Roumanie avec Adrianna), le demandeur a été arrêté par les autorités de l'immigration.


[6]                Le 17 octobre 2001, un agent d'immigration a délivré, à l'encontre du demandeur, un rapport en application de l'alinéa 20(1)a) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi), dans lequel l'agent, faisant référence aux paragraphes 24(2) et 25(1) de la Loi, est venu à la conclusion que le demandeur avait cessé de résider en permanence au Canada et que, à ce titre, il faisait partie d'une catégorie de personnes non admissibles. Par conséquent, le 26 février 2002, une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur par l'arbitre Michel Beauchamps, lequel a confirmé le rapport de l'agent d'immigration et a conclu que le demandeur était une personne visée par l'alinéa 19(2)d) et le paragraphe 9(1) de la Loi.

[7]                L'expression « résident permanent » , telle que la définit le paragraphe 2(1) de la Loi, se lit ainsi :

« résident permanent » Personne qui remplit les conditions suivantes :

a)     elle a obtenu le droit d'établissement;

b)     elle n'a pas acquis le droit de la citoyenneté canadienne;

c)    elle n'a pas perdu son statut conformément à l'article 24 ou 25.1.

[Non souligné dans l'original.]

"permanent resident" means a person who

(a) has been granted landing,

(b) has not become a Canadian citizen, and

(c)    has not ceased to be a permanent resident pursuant to section 24 or 25. 1 of the Act.

(my emphasis)

[8]      Conformément au paragraphe 70(1) de la Loi, la Section d'appel a compétence pour entendre des appels relatifs à des mesures de renvoi prises contre des résidents permanents :



70(1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants :

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

70(1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely:

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

[9]      En l'espèce, le demandeur ne faisait pas partie des « titulaires de permis de retour en cours de validité » . Par conséquent, la seule question qui se pose est celle de savoir si la Section d'appel avait compétence à l'égard du demandeur en tant que « résident permanent » (Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Restrepo, [1989] A.C.F. no 211 (C.A.)).

[10] La définition légale de « résident permanent » exclut expressément les cas qui emportent déchéance du statut de résident permanent en application de l'article 24 de la Loi, lequel prévoit :

24 (1) Emportent déchéance du statut de résident permanent :

a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;

b) toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).

(2) Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.

[Non souligné dans l'original.]

24 (1) A person ceases to be a permanent resident when

(a) that person leaves or remains outside Canada with the intention of abandoning Canada as that person's place of permanent residence; or

(b) a removal order has been made against that person and the order is not quashed or its execution is not stayed pursuant to subsection 73(1).

(2) Where a permanent resident is outside Canada for more than one hundred and eighty-three days in any one twelve month period, that person shall be deemed to have abandoned Canada as his place of permanent residence unless that person satisfies an immigration officer or an adjudicator, as the case may be, that he did not intend to abandon Canada as his place of permanent residence.

(my emphasis)

[11] On ne conteste pas que le paragraphe 24(2) de la Loi s'applique en l'espèce. Par conséquent, le demandeur avait le fardeau de convaincre la Section d'appel qu'en dépit de sa longue absence physique, il n'avait pas l'intention d'abandonner le Canada comme lieu de résidence permanente. La norme de contrôle, au regard d'une demande comme celle-ci, est relativement élevée (Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 61, au paragraphe 6, et Coutinho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1137, aux paragraphes 13 à 15).

[12] Dans la décision Beaumont c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1718 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 20, la juge Snider a traité de la norme de contrôle applicable à une décision de la Section d'appel :

Il est traité de la norme de contrôle judiciaire applicable dans Romans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 740 (C.F. 1re inst.), décision dans laquelle la Cour a déclaré que cette norme était la suivante eu égard aux conclusions de la SAI :

Pour analyser cette question, il faut d'abord se demander : quelle norme de contrôle convient-il d'appliquer? La Section d'appel jouit d'un large pouvoir discrétionnaire pour autoriser un individu à demeurer au Canada. Par conséquent, pour que la décision de la Section d'appel sur cette question soit susceptible de révision, on doit démontrer que la Section d'appel a soit refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire, soit exercé son pouvoir discrétionnaire autrement qu'en conformité avec les principes juridiques établis. Si la Section d'appel a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, non pas de manière arbitraire ou illégale, et en écartant les facteurs sans pertinence, la Cour ne peut modifier la décision rendue par la Section d'appel. Le fait que la Cour aurait pu avoir exercé ce pouvoir discrétionnaire différemment ne suffit pas.

[Non souligné dans l'original.]

[13] Dans sa décision, la Section d'appel a examiné l'intention du demandeur de s'établir au Canada et elle a conclu que le demandeur n'avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'avait pas l'intention de cesser de résider en permanence au Canada.


[14] En l'espèce, le demandeur reconnaît qu'il a vraiment passé plus de 183 jours à l'extérieur du Canada dans une période de 12 mois, mais il fait valoir que la Section d'appel a porté un jugement de valeur quant à son comportement à l'égard de son épouse et quant à sa relation adultère aux États-Unis.

[15] À mon avis, la Section d'appel n'a tiré aucune conclusion de fait pouvant être considérée comme arbitraire ou manifestement déraisonnable. De plus, contrairement à ce que prétend le demandeur, j'estime que la Section d'appel n'a porté aucun jugement de valeur quant à la nature de la relation du demandeur avec Adrianna. En examinant la décision de la Section d'appel, la Cour doit garder à l'esprit que le poids à donner aux éléments de preuve relève de la compétence de la Section d'appel, comme le juge Beaudry l'a mentionné dans la décision Qiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 24 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 37. Il n'appartient pas à la Cour d'évaluer après coup les décisions de la Section d'appel en ce qui concerne le poids accordé aux divers facteurs qui ont été examinés.

[16] La Section d'appel n'a pas fondé sa décision sur des considérations non pertinentes. En effet, la décision de la Section d'appel, laquelle est fondée sur les éléments de preuve au dossier, tient compte de nombreux facteurs :


a) Le fait qu'en dépit de ses liens avec son épouse et sa famille, lesquels constituent une des raisons de demeurer au Canada, le demandeur aurait attendu deux ans pour les rejoindre (de 1998 à 2000), puisqu'il n'a pas saisi l'occasion de se voir accorder un visa pour retourner vivre en permanence au Canada et être réuni avec eux.

b) Le fait que, après s'être vu accorder la résidence permanente, le demandeur soit revenu au moins à sept reprises au Canada (entre mai 2000 et septembre 2001) et qu'il ait passé tout au plus un mois ici avant de retourner aux États-Unis. La plupart du temps, il ne résidait pas chez son épouse et il était accompagné d'Adrianna.

c) Le fait que le demandeur ait prétendu qu'il lui était impossible de trouver un emploi au Canada, étant donné le genre de travail qu'il effectuait (il travaillait dans un lave-auto avant qu'on lui ordonne de quitter le Canada en 1998 et, aux États-Unis, il travaillait dans la construction). De plus, après le mois de mai 2000, on lui a offert un travail au Canada, au même lave-auto où il avait déjà travaillé, mais il a décliné l'offre pour des raisons financières.

d) Le fait que le témoignage du demandeur était souvent très vague et contradictoire.

[17] Par conséquent, la Section d'appel n'a pas commis d'erreur susceptible de révision. Les avocats n'ont pas proposé de question de portée générale aux fins de la certification et aucune ne sera certifiée.


                                              ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                            _ Luc Martineau _                  

                                                                                                                 Juge                            

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                           COUR FÉDÉRALE

                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-4508-03

INTITULÉ :                                                                   FELICIAN VASILE GLIGA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 27 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 29 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mark J. Gruszczynski                                                       POUR LE DEMANDEUR

Thi My Dung Tran                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gruszczynski, Romanoff                                                   POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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