Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050531

Dossier : IMM-148-04

Référence : 2005 CF 774

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

ROSALIND CLYONE KING

CODIE KING (alias Codie Dyneo King)

par sa tutrice à l'instance ROSALIND CLYONE KING

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à l'égard d'une décision de la Section de protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 15 décembre 2003, qui a statué que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]                Les demandeurs demandent une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire pour nouvel examen à un tribunal différemment constitué.

Contexte

[3]                Les demandeurs, Rosalind Clyone King (la demanderesse) est citoyenne de Saint-Vincent ainsi que de la Barbade et son fils, Codie King (Codie) est citoyen de la Barbade.

[4]                La demanderesse prétend qu'elle a été maltraitée par son époux, Michael King (Michael), qu'elle a épousé à Saint-Vincent en avril 1999. Bien que Michael soit de la Barbade, elle l'a rencontré à Saint-Vincent en 1998. Il a été très gentil avec elle, l'a amenée en voyage à la Barbade et l'a gâtée. Elle a accepté de l'épouser. Après le mariage, elle a déménagé avec lui à la Barbade, en confiant ses cinq enfants à sa mère, à Saint-Vincent.

[5]                Les mauvais traitements ont commencé peu après son arrivée à la Barbade. Quand la demanderesse a dit à Michael qu'elle était enceinte, il lui a demandé de se faire avorter, mais elle a refusé. Cela a provoqué une agression physique de la part de Michael en avril 2001, agression qui a occasionné un séjour à l'hôpital d'un mois. La demanderesse n'a pas dit au personnel de l'hôpital la cause véritable de ses blessures parce qu'elle a prétendu avoir été effrayée de dire la vérité sur les mauvais traitements que lui faisait subir son époux.

[6]                Il y a eu d'autres incidents de mauvais traitements en 2001, quand elle a été blessée, mais elle ne les a pas signalés à la police parce qu'elle a allégué que Michael avait menacé de la tuer si elle le faisait. Elle n'a pas divulgué ce qui lui était vraiment arrivé quand elle est allée à l'hôpital en septembre 2001, après que Michael lui ait coupé le bras et la jambe avec un couteau de boucher.

[7]                Leur fils, Codie, est né en décembre 2001. En mars 2001, la demanderesse est retournée à Saint-Vincent avec Codie visiter sa mère pendant environ un mois. Cependant, quelques jours plus tard, Michael l'a suivie et lui a demandé de retourner à la Barbade. Il lui a promis de mieux se conduire. Bien qu'elle ne l'ait pas cru, elle est retournée, selon ses dires, parce qu'elle avait un plan. En mai 2002, elle a volé 5 000 dollars du trafic de drogues de Michael et elle s'est enfuie au Canada avec Codie.

[8]                La demanderesse a déclaré qu'elle avait peur de retourner à la Barbade ou à Saint-Vincent parce que Michael la trouvera. Il est en colère parce qu'elle a pris son argent, a quitté avec son fils, et elle est maintenant enceinte de l'enfant de quelqu'un d'autre. Elle a également déclaré qu'elle envoie 300 dollars de sa prestation mensuelle d'aide sociale à Saint-Vincent pour soutenir ses cinq enfants et sa mère qui y demeurent.

Les motifs de la Commission

[9]                La Commission a jugé que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger, parce qu'ils peuvent obtenir une protection adéquate de l'État s'ils retournent à la Barbade ou à Saint-Vincent, les pays à l'égard desquels la revendication a été faite. La décision de la Commission est principalement fondée sur les conditions à Saint-Vincent, pays où la demanderesse est née et où ses cinq autres enfants habitent actuellement avec sa mère. La Commission a aussi noté que Michael King n'est pas citoyen de Saint-Vincent.

[10]            L'extrait pertinent des motifs de la Commission est le suivant :

Le tribunal conclut que la demandeure d'asile n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve à l'appui de sa prétention qu'elle et son fils seraient persécutés s'ils retournent à Saint-Vincent. Bien que la preuve documentaire démontre que la violence faite aux femmes constitue un grave problème à Saint-Vincent, des documents établissent également que le gouvernement a pris, et continue à prendre, des mesures pour affronter ce problème. Quoiqu'il en soit, la demandeure d'asile n'a pas été maltraitée lorsqu'elle se trouvait à Saint-Vincent. La demandeure d'asile a choisi de ne pas se prévaloir de la protection de la Barbade, où elle a été maltraitée.

La demandeure d'asile a déclaré que les autorités de l'immigration de Saint-Vincent ont refusé d'admettre Michael à au moins une reprise. Comme il est mêlé au commerce de la drogue et comme le gouvernement tente de venir à bout de ce commerce sur l'île, le tribunal conclut qu'aucune raison n'empêche la demandeure d'asile de le dénoncer aux autorités. Il pourrait donc être considéré comme étant persona non grata et se voir refuser l'admission sur l'île à l'avenir.

De plus, si Michael est admis à Saint-Vincent et ennuie la demandeure d'asile, le tribunal est d'avis qu'elle pourrait se prévaloir de la protection de l'État si elle a besoin de cette protection et la demande. Comme il appert de l'arrêt Zalzali, la protection de l'État n'est pas parfaite. Néanmoins, compte tenu de la preuve documentaire susmentionnée, le tribunal constate que l'État déploie des efforts sérieux pour offrir une protection aux femmes qui sont victimes de violence ou de violence familiale.

Le tribunal a tenu compte des trois motifs de protection prévus à l'article 96 et au paragraphe 97(1) de la LIPR et il conclut que les demandeurs d'asile peuvent se prévaloir d'une protection adéquate et qu'il n'y a pas de possibilité sérieuse que les demandeurs d'asile subissent un préjudice à Saint-Vincent, que le présumé préjudice corresponde ou non à de la persécution, à une menace à la vie, à des traitements ou peines cruels et inusités ou à la de la torture.

Les questions en litige

[11]            Est-ce que la Commission a fait une erreur de droit en jugeant que la demanderesse peut obtenir la protection de l'État?

[12]            La demanderesse a plus tard ajouté la question suivante :

Est-ce que la Commission a fait une erreur de droit en concluant que la protection de l'État est offerte à la demanderesse, en particulier en ce qui concerne la capacité de Saint-Vincent d'interdire l'entrée aux trafiquants de drogues comme l'époux de la demanderesse?

Les arguments des demandeurs

[13]            La norme d'examen

La demanderesse a allégué que pour juger si la Commission a bien appliqué ou non le critère de protection de l'État aux faits de l'espèce, la norme d'examen appropriée est la décision raisonnable simpliciter.

[14]            Question no 1

La demanderesse a allégué que, lorsque la Commission a déterminé que la protection de l'État est offerte aux demandeurs, elle a commis une erreur en faisant abstraction de la documentation montrant le contraire sur les conditions du pays. Il incombait à la Commission d'évaluer la question de la protection de l'État en tenant compte de tous les éléments de preuve sur la question dont elle était saisie. En ne le faisant pas, la Commission a commis une erreur susceptible de révision.

[15]            Par exemple, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas de preuve convaincante que la protection de l'État est inadéquate. La Commission a abordé le fait que des problèmes existent à Saint-Vincent, mais a soutenu que ces problèmes sont compensés par la protection de l'État, comme l'indique le document de la Section de protection des réfugiés daté du 6 mai 2003. Cependant, la Commission n'a pas noté des renseignements contraires à l'intérieur du même document. En outre, la Commission n'a fait référence à aucun autre document sur les conditions du pays présenté par la demanderesse.

[16]            La Commission n'a pas non plus abordé la valeur persuasive d'une décision de 2001, W.T.S. (Re), [2001] S.S.R. no 73, rendue en faveur d'une demanderesse de Saint-Vincent pour les motifs de violence familiale. En particulier, la décision citait une entrevue avec le coordinateur des affaires féminines. Le coordinateur déclarait que, depuis octobre 1995, il n'y avait eu aucune amélioration ou changement important dans la situation en matière de violence familiale.

[17]            Selon la demanderesse, la Commission a noté que, quand elle avait dénoncé son époux aux autorités d'immigration de Saint-Vincent à une occasion, on avait empêché son époux d'entrer. Cependant, la Commission n'a pas noté que, bien que son époux n'ait pas pu entrer à Saint-Vincent à cause de son implication dans le trafic de drogues, il avait réussi à entrer dans le pays un mois plus tard.

[18]            La demanderesse a déclaré qu'il faut examiner le fait qu'elle n'ait pas demandé à l'État de la protéger à la lumière des Directives no 4 de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié intitulées : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe qui prévoient que, si une revendicatrice peut démontrer qu'il était objectivement déraisonnable pour elle de demander la protection de son État, son omission de le faire ne fera pas échouer sa revendication. Étant donné la preuve devant la Commission sur la probabilité de recevoir la protection de l'État, il n'était pas raisonnable pour la demanderesse de communiquer avec l'État à Saint-Vincent ou à la Barbade.

[19]            Question no 2

[20]            La Commission a conclu que, comme le persécuteur de la demanderesse était mêlé au trafic de la drogue, la demanderesse pouvait le dénoncer aux autorités de Saint-Vincent. La Commission a déclaré :

Comme il est mêlé au commerce de la drogue et comme le gouvernement tente de venir à bout de ce commerce sur l'île, le tribunal conclut qu'aucune raison n'empêche la demandeure d'asile de le dénoncer aux autorités. Il pourrait donc être considéré comme étant persona non grata et se voir refuser l'admission sur l'île à l'avenir.

[21]            En formulant sa conclusion, la Commission s'est fondée sur l'extrait consacré à Saint-Vincent du International Narcotics Control Strategy Report de 2002 du département d'État américain (le INCSR). Cependant, une lecture attentive du INCSR révèle des éléments de preuve montrant l'absence d'efficacité des autorités de Saint-Vincent à combattre le trafic de drogues.

[22]            En n'abordant pas la preuve contraire, la Commission n'a pas examiné la totalité de la preuve (voir les décisions Alvarado c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 333; Demchuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1360).

[23]            Il est allégué que le décideur n'a pas évalué la capacité de protection de l'État, mais plutôt la question de savoir si l'État essaie de fournir de la protection ou est disposé à la fournir. Il est plaidé que le critère est de savoir si l'État est désireux et capable de fournir de la protection et le manquement de la Commission de tenir compte de ces deux critères constitue une erreur de droit (voir les décisions Elcock c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 175 F.T.R. 116, p. 121; Mohacsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 429; Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1081).

Les arguments de la défenderesse

[24]            La norme d'examen

La défenderesse a allégué que la norme d'examen applicable aux conclusions quant à la disponibilité de la protection de l'État est la décision manifestement déraisonnable (Alfaro-Argueda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 112).

[25]            Question no 1

En l'absence d'une situation d'effondrement total de l'appareil étatique, on suppose en général qu'un État est capable de protéger un demandeur. Le demandeur doit fournir une preuve claire et convaincante de l'incapacité de l'État de le protéger. La demanderesse dans la présente affaire n'a pas réussi à le faire. (voir la décision Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, p. 724). Dans cette affaire, la preuve documentaire au soutien de la conclusion du tribunal était volumineuse.

[26]            Dans la présente affaire, comme l'a noté la Commission, la demanderesse n'a subi aucune violence à Saint-Vincent. À la Barbade, elle n'a pas demandé la protection de l'État. En outre, la Commission a noté que les autorités de Saint-Vincent ont interdit à son époux violent d'entrer à Saint-Vincent. Le défendeur a allégué que les demandeurs doivent faire plus que simplement montrer que la capacité de protection de leur État n'est pas parfaite (Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 (C.A.F.)).

[27]            La Commission n'est pas tenue de faire référence à tous les éléments de preuve dans ses motifs. En outre, quand la preuve documentaire mène à des conclusions différentes, le tribunal a le droit d'accorder plus de poids à certains éléments de preuve et il n'a pas besoin d'expliquer pourquoi il préfère certains documents à d'autres. Les arguments des demandeurs invitent essentiellement la Cour à apprécier de nouveau la preuve, mais ce n'est pas le rôle de la Cour dans une instance de contrôle judiciaire (voir les décisions Florea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) et Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.)).

[28]            La jurisprudence de la Cour et de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ward, supra, soutient le point de vue de la Commission qu'il y a protection adéquate de l'État quand celui-ci fait des efforts sérieux pour fournir de la protection (voir la décision Ward, supra, et Adewumi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 258, paragraphe 10). S'il y a des éléments de preuve permettant à la Commission de conclure que la protection de l'État est offerte au demandeur, la Cour ne doit pas intervenir (voir la décision Jahan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 987 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[29]            On attend du demandeur qu'il réclame, et il doit réclamer, la protection de l'État quand il peut raisonnablement s'attendre à être protégé. Le demandeur doit faire davantage que simplement montrer qu'il est allé rencontrer quelques membres des forces de police et que ses efforts n'ont pas été couronnés de succès (voir la décision Kadenko c. Canada (Solliciteur général), [1996] A.C.F. no 1376 (C.A.F.)).

[30]            La Cour a récemment examiné une situation semblable à la présente affaire dans la mesure où la demande a été refusée pour des motifs de preuve objective. Dans l'affaire Anusionwu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 761, le demandeur avait également demandé l'aide de la police, mais on lui avait répondu que cette protection n'était pas disponible. Néanmoins, la Cour a jugé que la conclusion de la Commission relative à la protection de l'État était raisonnable.

Analyse et décision

[31]            Question no 1

[32]            Est-ce que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que la demanderesse peut obtenir la protection de l'État?

La jurisprudence de la Cour est claire : la Commission ne doit pas faire mention, dans sa décision, de chaque élément de preuve présenté devant elle. Cependant, s'il existe une preuve qui soutient la position du demandeur, la Commission doit en tenir compte. Dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425, le juge Evans (tel était alors sont titre) a déclaré aux paragraphes 15, 16 et 17 :

[15]      La Cour peut inférer que l'organisme administratif en cause a tiré la conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » du fait qu'il n'a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui étaient pertinents à la conclusion, et en arriver à une conclusion différente de celle de l'organisme. Tout comme un tribunal doit faire preuve de retenue à l'égard de l'interprétation qu'un organisme donne de sa loi constitutive, s'il donne des motifs justifiant les conclusions auxquelles il arrive, de même un tribunal hésitera à confirmer les conclusions de fait d'un organisme en l'absence de conclusions expresses et d'une analyse de la preuve qui indique comment l'organisme est parvenu à ce résultat.

[16]      Par ailleurs, les motifs donnés par les organismes administratifs ne doivent pas être examinés à la loupe par le tribunal (Medina c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990) 12 Imm. L.R. (2d) 33 (C.A.F.)), et il ne faut pas non plus les obliger à faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis et qui sont contraires à leurs conclusions de fait, et à expliquer comment ils ont traité ces éléments de preuve (voir, par exemple, Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Imposer une telle obligation aux décideurs administratifs, qui sont peut-être déjà aux prises avec une charge de travail imposante et des ressources inadéquates, constituerait un fardeau beaucoup trop lourd. Une simple déclaration par l'organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l'ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l'organisme a analysé l'ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

[17]      Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[33]            Dans la présente affaire, la Commission a cité le document VCT41518 de la SPR pour soutenir sa conclusion que la demanderesse pouvait se prévaloir de la protection de l'État. Un examen de ce document montre qu'il contient également les déclarations suivantes :

Une conseillère et coordonnatrice du programme d'aide à la jeunesse de Marion House a fourni l'information suivante le 16 avril 2003. Marion House offre divers services sociaux, de santé et de sensibilisation aux habitants de Saint-Vincent-et-Grenadines, y compris aux femmes et aux enfants qui sont victimes de violence familiale.

Elle a corroboré l'information fournie par la coordonnatrice de la SVGHRA au sujet des refuges et des bureaux d'aide juridique, mais a fourni de l'information contradictoire au sujet des réactions de la police aux plaintes de violence conjugale en les qualifiant de [TRADUCTION] « minimes » . Elle a ajouté que de nombreux agents étaient [TRADUCTION] « de peu d'utilité » lorsqu'il s'agissait de renseigner les victimes de violence conjugale au sujet de leur droits reconnus par la loi. Selon la coordonnatrice, la plupart des cas ne sont pas pris au sérieux et sont traités avec indifférence. Le public a généralement tendance à adopter une attitude de marginalisation envers le problème de la violence conjugale; en outre, comme le pays n'est pas grand, les victimes ont le sentiment de ne disposer d'aucune protection et de n'avoir [TRADUCTION] « nulle part où aller » .

La police arrête peu d'auteurs de violence conjugale et rend rapidement la liberté à ceux qu'elle arrête. De nombreux auteurs de violence conjugale sont eux-mêmes policiers. Les cas qui se rendent en cour sont souvent rejetés, soit en raison d'un manque d'éléments de preuve, soit pour des motifs techniques. Les services offerts aux victimes sont [TRADUCTION] « minimes » .

[34]            J'estime que le manquement de la Commission de faire référence à cette preuve contraire qui soutient la position de la défenderesse constitue une erreur susceptible de révision. La Commission a tiré une conclusion de fait sans prendre en considération toute la preuve.

[35]            Compte tenu de ma conclusion sur cette question, je n'ai pas besoin de traiter l'autre question soulevée par les demandeurs.

[36]            La demande de contrôle judiciaire est par conséquent autorisée. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen à un tribunal différemment constitué.

[37]            Aucune des parties n'a désiré proposer une question grave de portée générale afin que j'examine s'il faut la certifier.

ORDONNANCE

[38]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen à un tribunal différemment constitué.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 31 mai 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-148-04

INTITULÉ :                                              ROSALIND CLYONE KING

CODIE KING (alias Codie Dyneo King)

par sa tutrice à l'instance ROSALIND CLYONE KING

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 12 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                              LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                             LE 31 MAI 2005

COMPARUTIONS:

Shazia Razzaque                                                                        POUR LES DEMANDEURS

Angela Marinos                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Mamann & associés                                                                  POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.