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                                                                                                                                 Date : 20041231

                                                                                                                      Dossier : GST-1343-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1783

Affaire intéressant la Loi sur la taxe d'accise,

L.R.C. 1985, ch. E-15

- et -

Affaire intéressant une ou plusieurs cotisations

établies par le ministre du Revenu national

en application de la Loi sur la taxe d'accise,

contre :

KIM OANH VU (parfois connue sous le nom

d'OANH KIM VU, faisant parfois affaire

sous la raison sociale 129 SMOKE AND VARIETY),

77, promenade Beckenridge,

Markham (Ontario)

L3S 3B1

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE


[1]                Kim Oanh Vu (Mme Vu) et Tsui Wai Keung (M. Tsui) ont déposé trois requêtes par lesquelles ils demandent différentes mesures, en particulier une ordonnance révoquant un certificat obtenu par le ministre du Revenu national (le ministre) relativement à des montants de TPS non remis et radiant un privilège enregistré sur leur propriété située au 77, promenade Beckenridge, à Markham (Ontario), au motif que Mme Vu n'a pas reçu une lettre de proposition envoyée par le ministre ou un avis de nouvelle cotisation relatif à la TPS non remise, ce qui l'a empêchée d'interjeter appel de cet avis.

[2]                Le ministre prétend qu'il n'y a pas de raison de révoquer son certificat ou d'annuler le privilège puisque la lettre de proposition et l'avis de nouvelle cotisation ont été valablement envoyés à Mme Vu. Il soutient qu'après avoir envoyé l'avis de nouvelle cotisation à la bonne adresse de Mme Vu il pouvait, en vertu de la loi, percevoir la TPS non remise en enregistrant un privilège sur la moitié du droit appartenant à Mme Vu dans la propriété située au 77, promenade Beckenridge Drive, que Mme Vu ait interjeté appel ou non de la nouvelle cotisation.

[3]                M. Tsui demandait à l'origine à la Cour de lui permettre de vendre sa propriété et de recevoir la moitié du produit net. Comme la propriété a été vendue depuis par la CIBC en vertu du pouvoir de vente et que le privilège a été radié en conséquence, la seule question qu'il reste à trancher est celle de savoir s'il est justifié d'annuler l'avis de nouvelle cotisation établi par le ministre. Si cet avis est annulé parce que le ministre n'a pas suivi correctement la procédure d'établissement de la cotisation, le certificat et le privilège ne sont plus valides et la Couronne ne peut pas réclamer la partie du produit net de la vente appartenant à Mme Vu. Par contre, si la nouvelle cotisation est toujours valide, le ministre peut immédiatement prendre une action afin de recouvrer la TPS non remise, peu importe que Mme Vu ait interjeté appel ou non de la nouvelle cotisation, puisque la procédure de recouvrement de montants dûs au titre de la TPS n'est pas suspendue : Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, articles 313 et 315.


Les faits

[4]                Les faits pertinents, qui sont tirés des affidavits déposés par les parties et de la transcription du contre-interrogatoire de Mme Vu, peuvent être résumés comme suit.

[5]                En 1998, alors qu'elle exploitait un magasin de variétés connu sous la raison sociale « 129 Smoke and Variety » , Mme Vu aurait participé à un plan consistant à vendre des cigarettes à une tierce partie située sur une réserve autochtone, laquelle pourrait ensuite les vendre sans exiger la TPS. Les cigarettes auraient effectivement été vendues à Mme Vu, qui les aurait ensuite vendues ailleurs que sur une réserve sans percevoir et sans remettre la TPS. Après que des accusations criminelles eurent été déposées contre Mme Vu, le ministre a effectué une vérification civile des activités de celle-ci pour l'année civile 1998. Un avis de nouvelle cotisation d'un montant de 257 386,84 $ a été envoyé à Mme Vu le 23 juillet 2002.

[6]                M. Tsui et Mme Vu, des conjoints de fait, se sont séparés en avril 2000. En août 2001, M. Tsui a acheté une nouvelle maison située au 77, promenade Beckenridge; Mme Vu apparaissait sur le titre comme tenante conjointe. À toutes les époques pertinentes, M. Tsui et les cinq enfants du couple habitaient à cette adresse.


[7]                Le 26 avril 2002, le ministre a envoyé à Mme Vu une lettre décrivant la nouvelle cotisation qu'il envisageait d'établir relativement à la TPS non remise. Cette lettre a été envoyée au 7, avenue Glenelia, la dernière adresse figurant dans le système du ministre. Lorsque cette lettre a été retournée parce qu'elle ne pouvait pas être distribuée, le ministre a envoyé une autre proposition à Mme Vu, cette fois au 77, promenade Beckenridge, où Mme Vu recevait apparemment son courrier depuis août 2001. Mme Vu habitait à cette adresse une partie du temps seulement à l'époque où la lettre de proposition a été envoyée et avait commencé à y vivre à temps plein quand le ministre a envoyé l'avis de nouvelle cotisation. Dans l'affidavit qu'elle a signé le 1er septembre 2004, Mme Vu déclare que [traduction] « l'adresse qui était inscrite sur ma déclaration de revenus de 2002 était : 77, promenade Beckenridge, Markham » .

[8]                Mme Vu soutient qu'elle n'a reçu ni la lettre de proposition ni l'avis de nouvelle cotisation en 2002. Elle a toutefois reconnu avoir reçu en novembre 2003 une lettre du ministre lui annonçant qu'il avait inscrit la dette relative à la TPS dans le système d'enregistrement des biens fonciers.

Analyse


[9]                Mme Vu fait valoir que le montant de TPS qui lui est réclamé est en fait payable par un grossiste, Massey Wholesale Limited (Massey). Par conséquent, la nouvelle cotisation établie par le ministre n'est pas valide. Mme Vu soutient en outre qu'elle n'a jamais reçu la lettre de proposition ou l'avis de nouvelle cotisation, de sorte qu'elle ne pouvait pas s'y opposer ou même répondre aux lettres du ministre.

[10]            La preuve présentée par les parties relativement à la question de savoir si le ministre s'est acquitté de l'obligation d'envoyer un avis de nouvelle cotisation conformément à l'article 300 de la Loi sur la taxe d'accise est contradictoire. Pour déterminer si Mme Vu a reçu un avis approprié, il faut effectuer un examen en deux étapes : il faut examiner d'abord la preuve présentée par Mme Vu pour démontrer qu'elle n'a pas reçu l'avis et ensuite la preuve de l'envoi produite par le ministre.

[11]            Mme Vu soutient que c'est seulement en avril 2004 qu'elle a appris l'existence de la lettre de proposition du ministre, quand son avocat lui a transmis une copie de celle-ci par télécopieur. Ni elle ni M. Tsui n'auraient reçu la lettre à l'époque où le ministre prétend l'avoir envoyée. Mme Vu soutient que la Cour peut, en vertu du paragraphe 127(1) et des articles 131.1 et 148 des Règles de la Cour fédérale (1998), la relever du défaut parce que l'avis de nouvelle cotisation ne lui a pas été signifié à personne.

[12]            Le ministre n'est toutefois pas tenu de démontrer que le document a été effectivement reçu. La Cour canadienne de l'impôt a conclu, dans Schafer c. Canada, [1998] A.C.I. no 459 (QL), que le mieux qu'on puisse faire dans une grande organisation gouvernementale pour prouver l'envoi d'un document est de décrire en détail les étapes suivies pour envoyer le document en question.


[13]            Ces étapes ont été décrites clairement en l'espèce. Ainsi, un affidavit déposé par le ministre, qui n'a pas été contredit, indique que, à toutes les époques pertinentes, des agents du service des enquêtes spéciales de l'Agence des douanes et du revenu du Canada déposaient systématiquement le courrier dans une boîte d'envoi, où il était invariablement ramassé à tous les jours par un robot appelé « mailmobile » . Il ressort clairement de la preuve par affidavit que l'avis de nouvelle cotisation a été envoyée à la bonne adresse de Mme Vu. Un agent du service des enquêtes spéciales a déclaré sous serment avoir lui-même envoyé l'avis de nouvelle cotisation à Mme Vu le 23 juillet 2002 en le déposant dans la boîte d'envoi du bureau. L'avis, qui aurait été envoyé au 77, promenade Beckenridge, a été expédié seulement après que la lettre de proposition eut été envoyée également à cette adresse sans être retournée au bureau parce qu'elle ne pouvait pas être distribuée. Mme Vu est donc réputée, suivant l'article 334 de la Loi sur la taxe d'accise, avoir reçu l'avis de nouvelle cotisation au milieu de l'année 2002.

[14]            En dépit des protestations de Mme Vu, j'arrive à la conclusion que l'agent du service des enquêtes spéciales a suivi la procédure habituelle lorsqu'il a envoyé l'avis de nouvelle cotisation à la bonne adresse de celle-ci. J'ai cependant de sérieux doutes au sujet de la crédibilité de Mme Vu lorsqu'elle affirme qu'elle et M. Tsui n'ont appris l'existence de l'avis de nouvelle cotisation qu'en 2004.


[15]            Mme Vu prétend qu'elle n'était pas au courant de la lettre de proposition ou de l'avis de nouvelle cotisation qui lui ont été envoyés. M. Tsui affirme de son côté qu'il n'a pas reçu la lettre de proposition. Il est cependant difficile, pour les motifs qui suivent, d'accepter que Mme Vu n'était au courant d'aucun des deux documents qui l'informaient du montant qu'elle devait par suite de ses prétendues activités criminelles, mais qu'elle connaissait la lettre lui annonçant que sa propriété était grevée d'un privilège. Comme le ministre l'a fait remarquer, les trois lettres ont été envoyées à la même adresse.

[16]            Mme Vu a reconnu que M. Tsui et ses cinq enfants habitaient au 77, promenade Breckenridge depuis août 2001. Elle a admis, lors de son contre-interrogatoire, qu'elle remettait à M. Tsui toutes les lettres qui semblaient émaner du gouvernement, apparemment parce qu'elle avait de la difficulté à lire des documents en anglais. Ses cinq enfants ouvraient également le courrier. Selon toute vraisemblance, Mme Vu a reçu l'avis de cotisation mais ne l'a jamais lu elle-même. Il n'y a pas de raison pour qu'il en soit autrement vu sa mauvaise compréhension de l'anglais. Cela ne signifie pas cependant que personne dans la maison n'a reçu la lettre. En outre, M. Tsui ne prétend pas qu'il n'a pas vu l'avis de nouvelle cotisation : il a seulement déclaré dans son affidavit qu'il n'a pas reçu la lettre de proposition.

Conclusion


[17]            Mme Vu n'a pas réussi à établir que, suivant la prépondérance des probabilités, elle ou sa famille n'ont pas reçu l'avis de nouvelle cotisation au 77, promenade Breckenridge en juillet 2002. En fait, la preuve montre que l'avis de nouvelle cotisation, sur lequel le certificat et le privilège sont fondés, n'a pas seulement été envoyé correctement par le ministre, mais qu'il a aussi été reçu par Mme Vu ou sa famille, ou par les deux.

[18]            Dans les circonstances, je conclus que Mme Vu a eu la possibilité d'interjeter appel de l'avis de nouvelle cotisation et qu'elle ne l'a pas fait dans le délai imparti, soit 90 jours. Le ministre ne saurait en être tenu responsable.

[19]            Il n'y a donc aucune raison d'annuler l'avis de nouvelle cotisation pour absence de signification. Par conséquent, les requêtes sont rejetées.

Dépens

[20]            Mme Vu et M. Tsui demandent dans leurs observations écrites que les frais des requêtes soient fixés à 1 000 $ et que ce montant leur soit payé à chacun. Ils font valoir que le ministre a fait des demandes qui contrevenaient à la Loi sur la taxe d'accise et qu'il a créé des délais déraisonnables en tentant de déterminer à quelle partie il incombait de verser la TPS non remise. Ils soutiennent finalement qu'ils sont devenus des boucs émissaires en étant forcés de verser la TPS qui n'a pas été remise par Massey.


[21]            Je ne vois aucune raison de m'écarter de la règle générale qui veut que les dépens soient habituellement accordés à la partie qui a gain de cause. Le ministre a dû répondre à de nombreuses requêtes faisant double emploi, dont une qui lui a été signifiée et dont le dépôt a été refusé. Ni Mme Vu ni M. Tsui n'ont informé le ministre du refus de dépôt. Le ministre a dû également contre-interroger Mme Vu afin de vérifier sa crédibilité et d'obtenir des aveux. En outre, l'avocate du ministre a tenté de bonne foi de régler deux des trois requêtes en proposant à Mme Vu de verser à la Cour sa part du produit net en attendant qu'il soit statué sur la requête par laquelle elle contestait la signification de l'avis de nouvelle cotisation.

[22]            Dans les circonstances, j'estime juste et approprié d'accorder les dépens des trois requêtes au ministre à l'encontre de Mme Vu et de M. Tsui. Je fixe ces dépens à 2 000 $, auxquels s'ajoutent tous débours à taxer.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          que les requêtes de Mme Vu et de M. Tsui, datées du 3 juin, du 12 juillet et du 19 juillet 2004, soient rejetées;

2.          que Mme Vu et M. Tsui soient condamnés à payer sur-le-champ au ministre les dépens fixés à 2 000 $, auxquels s'ajoutent les débours.

                                                                                                                         « Roger R. Lafrenière »                  

                                                                                                                                         Protonotaire                          

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     GST-1343-03

INTITULÉ :                                                    Affaire intéressant la Loi sur la taxe d'accise,

L.R.C. 1985, ch. E-15

et

Affaire intéressant une ou plusieurs cotisations

établies par le ministre du Revenu national

en application de la Loi sur la taxe d'accise,

contre :

KIM OANH VU (parfois connue sous le nom

d'OANH KIM VU, faisant parfois affaire

sous la raison sociale 129 SMOKE AND VARIETY),

77, promenade Beckenridge, Markham (Ontario)

L3S 3B1

EXAMINÉ À TORONTO (ONTARIO) EN VERTU DE LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 31 DÉCEMBRE 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

P. Tamara Sugunasiri                                         POUR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

Kim Oahn Vu                                                    POUR LA DÉBITRICE JUDICIAIRE,

POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                              POUR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

Sous-procureur général du Canada

Kim Oahn Vu                                                    POUR LA DÉBITRICE JUDICIAIRE,

Richmond Hill (Ontario)                                     POUR SON PROPRE COMPTE


                       COUR FÉDÉRALE

            Date : 20041231

            Dossier : GST-1343-03

Affaire intéressant la Loi sur la taxe d'accise,

L.R.C. 1985, ch. E-15

et

Affaire intéressant une ou plusieurs cotisations

établies par le ministre du Revenu national

en application de la Loi sur la taxe d'accise,

contre :

KIM OANH VU (parfois connue sous le nom

d'OANH KIM VU, faisant parfois affaire

sous la raison sociale 129 SMOKE AND VARIETY),

77, promenade Beckenridge, Markham (Ontario)

L3S 3B1

                                                                        

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                        

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