Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020626

Dossier : IMM-5055-01

Référence neutre : 2002 CFPI 720

Toronto (Ontario), le mercredi 26 juin 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                               SABRI SHOKA

                                                                                                                                         demandeur

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a, le 21 septembre 2001, jugé que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]                 Le demandeur est un Palestinien apatride qui a fondé sa revendication sur ses opinions politiques et son appartenance à un groupe social, soit celui des personnes qui auraient collaboré avec l'Autorité palestinienne et les Israéliens. Le demandeur a été arrêté en 1989 par les autorités israéliennes et détenu pendant 3 mois. Il a allégué que, à la suite de sa remise en liberté, il devait se présenter aux autorités israéliennes de façon régulière et que, par conséquent, les autorités palestiniennes croyaient qu'il collaborait avec Israël. Le demandeur a déclaré avoir été arrêté, battu et détenu durant 14 mois par l'Autorité palestinienne. Lors de sa remise en liberté, il a déménagé à Bethléem et y a vécu avec sa mère. Le demandeur soutient que, pendant qu'il vivait à cet endroit, un membre du Hamas, groupe de militants palestiniens, l'a menacé et harcelé de façon régulière pendant plus de deux ans jusqu'à ce qu'il vienne au Canada. Avant de s'envoler pour le Canada en l'an 2000, le demandeur a appris que son ami Adnan Shahin avait été kidnappé et tué par balle.

[3]                 En ce qui concerne le témoignage fourni par le demandeur, qui est désigné dans la décision de la SSR comme étant le « deuxième revendicateur » , la SSR a dit ce qui suit :

[traduction] Le tribunal n'est pas convaincu que le deuxième revendicateur devait se présenter aux autorités israéliennes ainsi qu'il l'allègue. Le tribunal n'est pas convaincu que des hommes masqués lui aient rendu visite ou aient prononcé des menaces à son endroit. Le tribunal n'est pas non plus convaincu en ce qui concerne Adnan Shahin. Le tribunal n'a pas conclu que le témoignage du deuxième revendicateur était crédible ou plausible.

[4]    Ainsi la SSR a-t-elle conclu que le revendicateur mentait. La question est de savoir pourquoi.


[5]                 Il y a dans l'histoire racontée par le revendicateur certaines contradictions qui, à mon avis, peuvent être tenues à juste titre pour des clarifications. Toujours à mon avis, il est manifestement déraisonnable d'écarter toute l'histoire du demandeur comme étant mensongère, en se basant sur ces contradictions. Par conséquent, j'estime que la conclusion de la SSR en ce qui a trait à la crédibilité du demandeur découle vraiment du fait que le témoignage du demandeur n'a pas été considéré comme plausible.

[6]                 En ce qui concerne la plausibilité de ce témoignage, l'avocat du demandeur admet que le président de l'audience de la SSR connaît très bien le Moyen-Orient et en particulier le Hamas, Israël et l'Autorité palestinienne. Il me semble que cette connaissance entraîne le résultat en l'espèce.

[7]                 Dans sa décision, la SSR cite Faryna v. Chorny (M.E.I.), [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A.C.-B.), pour la directive suivante relativement aux conclusions concernant la plausibilité :

[traduction] En bref, le véritable critère quant à la véracité de l'histoire d'un témoin dans un tel cas doit être son accord avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et informée reconnaîtrait facilement comme étant raisonnables dans cette situation et dans ces conditions.

[8]                 La SSR pouvait certainement tirer des conclusions relativement à la plausibilité, mais, à mon avis, la connaissance qui est requise pour ce faire doit être portée à l'attention du demandeur et elle doit en particulier figurer au dossier pour déterminer si les conclusions tirées relativement à la plausibilité peuvent être justifiées.


[9]                 Le seul renvoi figurant dans la décision de la SSR au sujet des connaissances sur lesquelles sont fondées les conclusions relatives à la plausibilité est le passage suivant, qui se trouve à la page 7 :

[traduction] Le tribunal ne trouve pas crédible l'histoire des hommes masqués. Le tribunal ne peut pas admettre que des hommes armés en aussi grand nombre que le disait le deuxième revendicateur n'auraient pas pu mettre la main sur lui s'ils l'avaient voulu. Le tribunal ne trouve pas que des membres du Hamas seraient aussi peu efficaces contre le deuxième revendicateur qu'il aurait voulu nous le faire accepter s'ils l'avaient perçu comme un collaborateur d'Israël. Le Hamas n'est pas un groupe d'activistes politiques. Il s'agit d'un groupe engagé dans une guerre sainte contre Israël et ainsi contre ceux qu'il perçoit comme collaborant avec Israël. C'est le groupe qui a envoyé des bombes humaines profondément à l'intérieur même du territoire israélien. C'est le groupe capable de mobiliser des démonstrations de masse de milliers de personnes dans les régions sous commandement de l'Autorité palestinienne. L'Europa World Book: 1999 décrit clairement la force utilisée et la violence démontrée par le Hamas contre les cibles israéliennes perçues. Le Political Handbook of the World: 1999 mentionne comment Arafat, le président de l'Autorité palestinienne, a inclus les représentants du Hamas dans une conférence nationale de dialogue en 1997 pour « donner du poids à ses déclarations (à l'intention d'Israël) selon lesquelles la résistance armée (dont la reprise de l'intifada) devenait de plus en plus une possibilité » .

[10]            Après un examen attentif, j'en conclus que les références citées ne fournissent aucun élément de preuve à l'appui des conclusions défavorables quant à la plausibilité. Je conclus également que le dossier ne contient aucun autre élément de preuve qui vienne étayer ces conclusions.

[11]            Je suis donc d'accord avec le demandeur pour dire que les conclusions relatives à la plausibilité ne peuvent être considérées que comme de la pure spéculation.

[12]            Pour ce motif, je conclus que la décision faisant l'objet du présent contrôle judiciaire contenait une erreur susceptible de révision.


ORDONNANCE

1.                    Par conséquent, j'annule la décision de la SSR et je renvoie l'affaire devant un tribunal différemment constitué aux fins d'une nouvelle audition.

« Douglas R. Campbell »

             Juge

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                             IMM-5055-01

INTITULÉ :                                                       SABRI SHOKA

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                               

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 11 JUIN 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LE JUGE CAMPBELL            

DATE :                                                                LE MERCREDI 26 JUIN 2002

ONT COMPARU :

Robert I. Blanshay                                                     Pour le demandeur

Anneke Smit                                                                Pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Blanshay                                                          Pour le demandeur

Avocat

49, rue St. Nicholas

Toronto (Ontario)

M4Y 1W6

Morris Rosenberg                                                        Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20020626

                      Dossier : IMM-5055-01

Entre :

SABRI SHOKA

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.