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Date :    20050509

Dossier :    T-2207-01

Référence :    2005 CF 653

ENTRE :

                                                            ELVIO DEL ZOTTO

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                             MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT MacKAY :


[1]                Invoquant l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21 (la Loi), le demandeur, M. DelZotto, sollicite la révision d'une décision qui a été rendue au nom du ministre défendeur par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et lui a été communiquée par voie de lettres datées du 29 juin 2000 et du 1er octobre 2001. Ces lettres lui ont été envoyées en réponse à des demandes, faites en janvier 2000, visant à obtenir tous les renseignements personnels que possédait l'ADRC au sujet du demandeur pour les années 1972 à 1978 inclusivement, 1979 à 1985 inclusivement, et 1986 à aujourd'hui.

[2]                Dans une lettre datée du 8 février 2000, l'avocat du demandeur a précisé les demandes initiales :

[Traduction] Je vous rappelle, pour terminer, que les demandes de renseignements de M. DelZotto visent davantage que les renseignements qui peuvent figurer dans les enveloppes de documents permanents le concernant. Les annexes de ces demandes ont été délibérément formulées de façon large. M. DelZotto demande à voir tous les documents ayant trait à toutes les inscriptions dans ses dossiers pour les années en question. Il s'agirait, entre autres, de tous les documents concernant les demandes intraministérielles et interministérielles (et les réponses correspondantes) effectuées depuis 1972 pour avoir accès aux dossiers relatifs aux affaires fiscales de M. DelZotto, ainsi que les lettres, notes, rapports (notamment les feuillets T-2020), documents de travail, demandes de renseignements à des tiers, messages électroniques, directives et notes de service, sous forme imprimée, informatique, à caractère définitif ou provisoire (notamment toutes les notes employées pour rédiger les textes provisoires), concernant les activités de M. Elvio DelZotto au cours des années en question. Les demandes de M. DelZotto portent, entre autres, mais sans s'y limiter, sur tous les documents détenus non seulement par le bureau de district compétent (bureau des services fiscaux), mais aussi par l'administration centrale de Revenu Canada. Ces demandes portent donc sur tous les documents susmentionnés classés dans les dossiers divers de l'administration centrale, les dossiers de cas et dossiers maîtres de l'administration centrale, les dossiers centraux de l'administration centrale, les dossiers divers du bureau de district, les dossiers de cas et dossiers maîtres du bureau de district et les dossiers centraux du bureau de district.


[3]                Avec la lettre du 29 juin 2000, M. DelZotto a reçu des copies d'environ 2 960 pages de documents, dont certaines parties avaient été expurgées. Avant de recevoir cette réponse, M. DelZotto avait déposé une plainte, en mai 2000, devant le Commissaire à la protection de la vie privée au sujet du refus présumé de l'ADRC de répondre à ses demandes de renseignements. En juillet 2000, il a déposé une autre plainte devant le Commissaire parce qu'il n'avait pas reçu avec la lettre de juin 2000 les renseignements concernant la période 1972-1978 ainsi que d'autres renseignements qu'il attendait.

[4]                 Après l'enquête du Commissaire à la protection de la vie privée, la deuxième lettre, datée du 1er octobre 2001, était accompagnée de copies de 579 autres pages de documents en réponse aux demandes de renseignements du demandeur. Certaines parties en avaient été supprimées, l'ADRC faisant valoir qu'elle pouvait refuser leur communication en vertu des articles 26 et 27 de la Loi. Des parties des premiers documents communiqués avaient été supprimées en vertu de l'alinéa 22(1)b) de la Loi. Les trois dispositions de la Loi invoquées par l'ADRC permettent de ne pas communiquer des renseignements dans les cas suivants : l'article 26, lorsque les documents contiennent des renseignements personnels sur un autre individu que celui qui fait la demande, l'article 27, lorsque les documents contiennent des renseignements protégés par le secret professionnel liant un avocat à son client, et l'alinéa 22(1)b), lorsque les documents contiennent des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois ou au déroulement d'enquêtes licites.

[5]                Le 6 novembre 2001, le Commissaire à la protection de la vie privée a répondu par lettre à la plainte de M. DelZotto et a indiqué ce qui suit :

            i)          le demandeur avait eu accès à tous les renseignements auxquels il avait le droit d'avoir accès pour la période 1972-1978;


            ii)         l'enquête sur sa plainte avait entraîné la communication de 579 pages de documents pour les périodes 1979-1985 et 1986-2000, sous réserve de certaines parties supprimées principalement en vertu de l'article 26 de la Loi;

            iii)         les exemptions de divulgation invoquées par l'ADRC en vertu de l'alinéa 22(1)b) ou des articles 26 et 27 étaient justifiées dans chaque cas;

            iv)        la demande de communication des renseignements personnels portant sur le demandeur dans les dossiers de ses frères n'a pas été considérée comme une demande officielle et, par conséquent, l'ADRC n'était pas tenue d'examiner les dossiers des frères.

Le Commissaire à la protection de la vie privée a donc estimé que les décisions de l'ADRC en réponse aux demandes de renseignements de M. DelZotto étaient justifiées et il n'a pas recommandé que d'autres renseignements personnels lui soient communiqués.

[6]                Le 13 novembre 2001, le nouvel avocat du demandeur a écrit à l'ADRC pour contester l'application, sans explication, de l'alinéa 22(1)b) de la Loi et demander tous les autres renseignements personnels que l'ADRC conservait au sujet de M. DelZotto en vertu du paragraphe 8(4) de la Loi, dont voici le texte :



8(4)    Le responsable d'une institution fédérale conserve, pendant la période prévue par les règlements, une copie des demandes reçues par l'institution en vertu de l'alinéa (2)e) ainsi qu'une mention des renseignements communiqués et, sur demande, met cette copie et cette mention à la disposition du Commissaire à la protection de la vie privée.

8(4)    The head of a government institution shall retain a copy of every request received by the government institution under paragraph (2)(e) [from a government body for a lawful investigation] for such period of time as may be prescribed by regulation, shall keep a record of any information disclosed pursuant to the request for such period of time as may be prescribed by regulation and shall, on the request of the Privacy Commissioner, make those copies and records available to the Privacy Commissioner.


[7]                En novembre 2001, après réception de la lettre du Commissaire à la protection de la vie privée en date du 6 novembre, l'avocat a également produit le consentement des frères du demandeur, MM. Angelo et Leo DelZotto, lesquels autorisaient la communication au demandeur de tous les renseignements personnels le concernant qui pouvaient se trouver dans leurs dossiers. Cette demande a été suivie d'une autre lettre le 13 novembre 2001. L'avocat n'a pas répondu à ces lettres. Après le dépôt de la demande de révision de la décision de l'ADRC qui est à l'origine de la présente instance et à la suite d'une autre demande de renseignements de l'avocat et du dépôt d'un nouveau consentement par les frères du demandeur, 132 autres pages ou parties de page de documents, auparavant retenues par l'ADRC en vertu de l'article 26 de la Loi, ont été communiquées au demandeur. Enfin, en janvier 2004, cinq autres pages, pour lesquelles une exemption de divulgation avait été demandée en vertu de l'alinéa 22(1)b) de la Loi, ont été remises au demandeur.


[8]                L'avocat du ministre défendeur a fait valoir qu'au moment où l'affaire a été entendue, il restait comparativement peu de documents pour lesquels on invoquait une exemption partielle en vertu de la Loi. D'après ce que j'ai compris à l'audience et d'après le dossier, il resterait environ 27 pages expurgées pour lesquelles l'ADRC demande une exemption de divulgation, dont deux pages en vertu de l'alinéa 22(1)b), l'une de ces deux pages et 24 autres pages en vertu de l'article 26, et une autre page en vertu de l'article 27.

Questions en litige

[9]                Le demandeur conteste la validité des exemptions demandées en vertu de la Loi. Avant d'aborder les arguments sur ce point, je vais examiner les autres questions soulevées par M. DelZotto.

[10]            Ces autres questions concernent son allégation que l'ADRC n'aurait pas fait les recherches nécessaires pour trouver les renseignements demandés, refusant en fait de communiquer le résultat de ces recherches. Ce refus allégué vise :

            a)         les dossiers des frères du demandeur,

b)        les documents que l'institution est tenue de conserver en vertu du paragraphe 8(4) de la Loi,

            c)         les documents relatifs à des enquêtes spéciales et à la période 1972-1978.

Refus allégué de faire les recherches/de communiquer des renseignements


[11]            L'alinéa 12(1)b) de la Loi prévoit qu'un citoyen canadien a le droit de se faire communiquer sur demande les renseignements personnels le concernant et relevant d'une institution fédérale, dans la mesure où il peut fournir sur leur localisation des indications suffisamment précises pour qu'il soit possible de les retrouver sans problèmes sérieux.

[12]            En l'occurrence, dans ses demandes initiales de janvier 2000, le demandeur a sollicité les renseignements suivants :

[traduction] Peu importe où ils se trouvent, tous les documents concernant les activités d'Elvio DelZotto de 1972 à 1978 inclusivement [et dans les autres demandes concernant, respectivement, les activités du demandeur de 1979 à 1985 inclusivement et de 1986 jusqu'à aujourd'hui].

Dans sa lettre du 8 février 2000, l'avocat du demandeur a élargi la portée de ces demandes en indiquant qu'une réponse complète aux demandes de renseignements permettrait de [traduction] « mettre un terme aux échanges entre Revenu Canada et M. DelZotto » . Cette lettre se terminait par le paragraphe déjà cité au paragraphe 2 des présents motifs.

            a)         Dossiers des frères du demandeur


[13]            Il semble que les dossiers des frères du demandeur ont été mentionnés pour la première fois comme source éventuelle de renseignements concernant M. DelZotto dans les commentaires qu'a faits l'avocat au Commissaire à la protection de la vie privée après la communication de la première série de renseignements en juillet 2000, mention à laquelle le Commissaire fait allusion dans sa lettre du 6 novembre 2001. L'avocat du demandeur a officiellement demandé qu'on fasse des recherches dans ces dossiers, avec le consentement des intéressés, dans la lettre qu'il a fait parvenir à l'ADRC le 8 novembre 2001. Cela s'est bien entendu produit après la communication de la deuxième série de renseignements et la lettre du Commissaire le 6 novembre 2001.

[14]            Ces sources éventuelles de renseignements, soit les dossiers des frères du demandeur, n'étaient pas mentionnées dans les demandes initiales de janvier 2000 ni dans la lettre de l'avocat datée du 8 février 2000, qui a élargi la portée de ces demandes. Par ailleurs, le consentement des frères du demandeur n'a pas été communiqué à l'ADRC avant que le Commissaire à la protection de la vie privée fasse son compte rendu définitif.

[15]            Dans les circonstances, la demande de recherche dans les dossiers des frères du demandeur ne peut pas être considérée comme un élément spécifique de la demande de renseignements initiale du demandeur. À l'origine, il n'a pas été question de faire de recherches dans d'autres dossiers que ceux du demandeur lui-même. L'omission d'examiner les dossiers des frères de M. DelZotto ne constituait pas un refus de fournir les renseignements demandés. La portée de la demande est celle qui a été précisée au départ ou, tout au plus, celle qui l'a été dans la lettre du 8 février 2000, et non pas celle qui a pu être modifiée ultérieurement, notamment après le compte rendu du Commissaire.


            b)          Renseignements demandés relativement au paragraphe 8(4) de la Loi

[16]            Le paragraphe 8(4) prévoit que le responsable d'une institution fédérale doit conserver une copie des demandes qu'il reçoit d'un organisme d'enquête déterminé par règlement pour la tenue d'enquêtes licites en vue de faire respecter des lois ainsi qu'une mention des renseignements communiqués et les mettre à la disposition du Commissaire à la protection de la vie privée.

[17]            Aucun renseignement de cette sorte n'a été communiqué au demandeur par l'ADRC avant ou après l'enquête effectuée par le Commissaire sur sa plainte. M. DelZotto s'appuie sur la description générale des renseignements demandés dans ses demandes de janvier 2000 et sur la lettre du 8 février 2000 dans laquelle son avocat a dit, aux lignes 5 à 7 du dernier paragraphe reproduit au paragraphe 2 des présents motifs, que les renseignements demandés comprenaient

[traduction] [...] tous les documents concernant les demandes intraministérielles et interministérielles (et les réponses correspondantes) effectuées depuis 1972 pour avoir accès aux dossiers relatifs aux affaires fiscales de M. DelZotto [...]

Après avoir fourni d'autres exemples des renseignements demandés, l'avocat a ajouté dans sa lettre que les demandes

[traduction] [...] portent [...] sur tous les documents susmentionnés classés dans les dossiers divers de l'administration centrale, les dossiers de cas et dossiers maîtres de l'administration centrale, les dossiers centraux de l'administration centrale [...]


[18]            Plus tard, dans des lettres que son avocat a envoyées au Commissaire à la protection de la vie privée le 27 juillet 2000 et en novembre 2001, le demandeur a spécifiquement demandé à l'ADRC de chercher les renseignements conservés en vertu du paragraphe 8(4). Aucun document de ce genre n'a été communiqué la première ou la deuxième fois, ni dans les renseignements communiqués ultérieurement. Aucune mention n'a été faite de la demande contenue dans la lettre du 27 juillet 2000 relativement au paragraphe 8(4) auquel renvoie le Commissaire à la protection de la vie privée dans sa lettre du 6 novembre 2001. L'ADRC n'a pas répondu à la lettre de novembre 2001 de l'avocat.

[19]            Je suis d'avis que les demandes complétées par la lettre du 8 février 2000 visant les renseignements conservés en vertu du paragraphe 8(4) étaient suffisamment précises quant au lieu où se trouvaient les renseignements demandés. En effet, à la Direction générale des affaires publiques, l'ADRC conservait, conformément aux exigences du paragraphe 8(4) de la Loi, un fichier de renseignements personnels portant le numéro ADRC PPU 071, contenant des renseignements au sujet des demandes reçues d'organismes d'enquête et des réponses données. Interrogé à ce sujet, l'auteur de l'affidavit pour l'ADRC a admis qu'aucune recherche n'avait été faite dans les dossiers de la Direction générale des affaires publiques et, notamment dans le fichier de renseignements ADRC PPU 071, pour trouver des renseignements personnels concernant le demandeur.


[20]            À cet égard, la demande du demandeur était suffisamment précise pour faciliter la recherche de renseignements personnels en ce qui concerne le paragraphe 8(4). L'ADRC n'a cependant pas tenu compte de cette demande, pas plus, semble-t-il, que le Commissaire à la protection de la vie privée. Ni l'un ni l'autre n'a donné suite à cet élément de la demande du demandeur.

[21]            Dans les circonstances, je conclus que la recherche des renseignements personnels concernant le demandeur en ce qui a trait au paragraphe 8(4) de la Loi n'a pas été effectuée correctement, notamment pour ce qui est du fichier de renseignements personnels portant le numéro ADRC PPU 071. Tant que cette recherche n'est pas effectuée et qu'on n'envisage pas de communiquer les renseignements pertinents au demandeur, ou que ceux-ci ne sont pas expressément exclus par l'ADRC conformément à la Loi, l'omission de l'ADRC constitue un refus présumé de communiquer les renseignements demandés.

            c)         Autres aspects du refus présumé d'effectuer des recherches/de communiquer des renseignements : la Division des enquêtes spéciales - période de 1972 à 1978

[22]            Le demandeur s'attendait à recevoir des unités des enquêtes spéciales de l'un ou des deux des bureaux de l'ADRC à Toronto ou de la Direction générale des programmes d'observation de l'ADRC des documents contenant des renseignements personnels. Les seuls renseignements de ce genre que le demandeur a obtenus de l'un des bureaux de Toronto sont ses formulaires T1 pour les années 1981, 1983, 1984, 1985 et 1987. Par ailleurs, le journal pour la période de 1986 à aujourd'hui indiquait que l'unité des enquêtes spéciales avait prêté le formulaire T1 de 1991 du demandeur.


[23]            De plus, des documents internes de la Division des enquêtes spéciales remontant aux années 1980 (concernant une enquête sur les affaires de l'un des frères de M. DelZotto) et aux années 1990 (concernant la possibilité que le demandeur soit appelé à témoigner dans une enquête) révèlent qu'il avait plus tard été recommandé que le demandeur soit poursuivi en même temps que son frère, et qu'il avait été décidé, en 2003, qu'aucun des deux ne serait poursuivi.

[24]            Compte tenu des références à des poursuites éventuelles contre le demandeur et de la non-communication de renseignements personnels, exception faite des formulaires T1 des années 1980, le demandeur fait valoir que, logiquement, il doit y avoir d'autres renseignements à son sujet dans les documents de la Division des enquêtes spéciales. Il affirme que l'omission de produire ces renseignements et celle de produire des renseignements qui indiquaient précisément que des renseignements personnels le concernant avaient été détruits doivent être considérées comme un refus de la part de la Division des enquêtes spéciales de lui communiquer des renseignements concernant les enquêtes effectuées à son sujet.


[25]            Le dernier élément de l'omission alléguée de produire des renseignements concerne la demande de renseignements visant les années 1972 à 1978. Dans la lettre qu'il a adressée au Commissaire à la protection de la vie privée le 27 juillet 2000, l'avocat du demandeur explique que l'omission de produire ces renseignements est à l'origine de la plainte ayant suivi la première communication. Un imprimé d'ordinateur résumant les principaux renseignements tirés des déclarations des contribuables pour la période 1978-1979 était joint à ces renseignements. Selon Stewart Berson, qui a souscrit un affidavit pour l'ADRC,

[traduction] [...] Tous les documents autres que ceux qui ont déjà été fournis relativement à cette période [1972-1979] ont été retirés conformément à la politique de l'ADRC sur la conservation des documents. Ce retrait est antérieur à la réception de la demande de M. DelZotto.

Il n'y a aucune autre preuve permettant de croire que l'ADRC a en sa possession des documents contenant des renseignements personnels sur le demandeur pour la période 1972-1978.

[26]            Le demandeur soutient qu'en l'absence de renseignements et de preuves confirmant l'existence d'instructions précises concernant le retrait des renseignements conservés, le défendeur n'a pas prouvé comme il lui incombait que les renseignements demandés sont exemptés de divulgation. Cette responsabilité n'existe que s'il y a des preuves permettant de conclure que l'institution fédérale en cause est effectivement en possession des renseignements demandés. Il n'y a aucune preuve de ce genre en l'espèce.


[27]            En ce qui concerne les renseignements qui auraient relevé de la Division des enquêtes spéciales, ou ceux qui ont trait à la période 1972-1978, aussi logique qu'il puisse sembler de considérer que ces renseignements devraient exister, compte tenu du bon sens ou des hypothèses qui peuvent être tirées à partir des autres renseignements dont disposait le demandeur, la Cour ne saurait écarter les seuls éléments de preuve dont elle est saisie. M. Berson affirme dans son affidavit que, au moment où le demandeur a présenté sa demande, l'ADRC n'avait pas en sa possession de renseignements qui concernaient M. DelZotto pour la période 1972-1978, et que la Division des enquêtes spéciales n'a communiqué aucun autre renseignement.

[28]            Il est bien établi qu'en l'absence de preuves qu'une institution fédérale a des renseignements personnels en sa possession, la simple hypothèse selon laquelle ces renseignements devraient exister ne permet pas à la Cour d'ordonner leur production (voir Sheldon Blank & Gateway Industries Ltd. c. Ministre de l'Environnement, 2001 CAF 374; Sheldon Blank c. Ministre de la Justice, 2004 CAF 287, le juge Létourneau, au paragraphe 76; et Clancy c. Canada (Ministre de la Santé), [2002] A.C.F. no 1825, le juge Blanchard). Lorsque la preuve dont est saisie la Cour indique que les renseignements demandés n'existent pas, rien ne permet de présumer qu'il y a refus de communiquer les renseignements demandés.

Application par l'ADRC des exemptions de divulgation prévues par la Loi

[29]            Les exemptions demandées par l'ADRC sont prévues dans les dispositions suivantes de la Loi :



22. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) :

[...]

b) soit dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites, notamment :

                (i) des renseignements relatifs à l'existence ou à la nature d'une enquête déterminée,                 (ii) des renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle,

                (iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours d'une enquête;

26. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés [...] qui portent sur un autre individu que celui qui fait la demande [...]

27. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels [...] qui sont protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

22. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any personal information requested under subsection 12(1)

[...]

(b) the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the enforcement of any law of Canada or a province or the conduct of lawful investigations, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

                (i) relating to the existence or nature of a particular investigation,

                (ii) that would reveal the identity of a confidential source of information, or

                (iii) that was obtained or prepared in the course of an investigation;

26. The head of a government institution may refuse to disclose any personal information [...] about an individual other than the individual who made the request, [...]

27. The head of a government institution may refuse to disclose any personal information [...] that is subject to solicitor-client privilege.


[30]            Les trois exemptions en cause sont discrétionnaires, mais les exemptions prévues par la Loi doivent être interprétées de manière restrictive.

[31]            Le demandeur fait valoir que, pour justifier une exemption de divulgation en vertu de l'alinéa 22(1)b), l'ADRC doit établir qu'elle était autorisée à refuser de communiquer les renseignements et, en outre, qu'elle a ainsi exercé correctement son pouvoir discrétionnaire. L'exemption demandée ne se limite pas à une enquête déjà en cours ou à une enquête prévue. Il suffit que les renseignements se rapportent de façon générale à des enquêtes éventuelles (Ruby c. Canada, [2002] 4 R.C.S. 3, par. 63). Dans les deux cas où cette exemption a été appliquée par l'ADRC, le risque de préjudice découlant de la communication des renseignements expurgés est établi aux paragraphes 9 à 11 de l'affidavit confidentiel souscrit par M. Berson pour le compte de l'ADRC.

[32]            L'avocat du défendeur admet que dans le cas de l'une des deux autres exemptions fondées sur l'alinéa 22(1)b), il serait peut-être plus approprié, compte tenu des renseignements qui ont été communiqués depuis, d'invoquer l'article 26. Le demandeur rétorque qu'il n'est pas possible de modifier l'exemption demandée. Je suis d'accord puisqu'il s'agit en l'espèce de la révision de décisions déjà prises par l'ADRC. Je reconnais toutefois que, dans les deux cas où une exemption est demandée en vertu de l'alinéa 22(1)b), l'affidavit de M. Berson établit le préjudice que causerait la communication des renseignements, et le recours aux exemptions est en soi la preuve que l'ADRC a exercé son pouvoir discrétionnaire.

[33]            Dans le cas où l'exemption a été demandée au sujet de la décision de ne pas communiquer des renseignements parce qu'ils étaient protégés par le secret professionnel (article 27), le demandeur fait valoir qu'il incombe au défendeur de justifier l'exemption en prouvant que l'ADRC était autorisée à refuser la communication de ces renseignements en vertu de l'article 27 et qu'elle a ainsi exercé correctement son pouvoir discrétionnaire. Les renseignements expurgés concernent des communications constituant des avis sur des litiges que le ministère de la Justice a donnés à l'ADRC, soit des renseignements qui sont manifestement visés par le secret professionnel de l'avocat. L'omission de renoncer au privilège et le refus de communiquer les renseignements demandés indiquent clairement que l'ADRC a exercé son pouvoir discrétionnaire.


[34]            Il y a enfin les 24 cas où une exemption a été demandée en vertu de l'article 26 et où des renseignements ont été expurgés parce qu'ils concernaient une autre personne que le demandeur. Ce dernier soutient que, pour que l'exemption s'applique, les renseignements expurgés doivent être des renseignements personnels concernant une autre personne que lui mais que, compte tenu du sous-alinéa 8(2)m)(i) de la Loi qui autorise la communication de ce genre de renseignements dans les cas où des raisons d'intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée, l'ADRC doit établir qu'elle a comparé le droit à la vie privée avec l'intérêt public pour prouver qu'elle a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire.

[35]            Le demandeur s'appuie sur la décision de mon collègue le juge Kelen dans Cemerlic c. Canada (Solliciteur général), 2003 CFPI 133, paragraphes 29-31. Le défendeur fait valoir qu'une distinction s'impose avec cette décision sur laquelle il ne convient pas de s'appuyer parce que, en l'espèce, les renseignements dont on demande l'exemption étaient des noms fournis par le demandeur lui-même à l'institution fédérale en cause, le SCRS, et qu'il fallait comparer le droit à la vie privée avec l'intérêt public à la communication des renseignements en vertu de l'article 26 et du sous-alinéa 8(2)m)(i).


[36]            Selon mon interprétation de la décision Cemerlic, le juge Kelen, appliquant l'arrêt de la Cour d'appel Ruby c. Canada, [2000] 3 C.F. 589 (C.A.), paragraphes 112-125 (appel accueilli en partie concernant d'autres questions, Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3) a conclu que, en l'absence d'une preuve que l'institution fédérale en cause avait, en appliquant l'article 26 de la Loi, comparé le droit à la vie privée des individus dont les renseignements personnels n'avaient pas été communiqués avec l'intérêt public à la communication desdits renseignements, conformément au sous-alinéa 8(2)m)(i) de la Loi, rien n'indiquait que le pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 26 avait été exercé correctement. Cette conclusion était similaire à celle qu'ont tirée les juges Létourneau et Robertson dans l'arrêt de la Cour d'appel Ruby, précité, paragraphe 124). Dans cet arrêt, les juges ont écrit au paragraphe 117 : « [...] À coup sûr, le législateur voulait que le responsable d'une institution fédérale tienne compte de l'article 8 et l'applique d'une façon ou d'une autre lorsqu'il invoque l'exception prévue à l'article 26 » .

[37]            Il n'est pas question en l'espèce d'une comparaison de l'intérêt public à la communication avec le droit à la vie privée. Dans les lettres de l'ADRC (29 juin 2000 et 1er octobre 2000) accompagnant les documents communiqués au demandeur, il est question de l'article 26 de la Loi comme l'un des motifs de l'exemption. La même référence figure dans la lettre du Commissaire à la protection de la vie privée en date du 6 novembre, qui porte notamment :

[traduction] [...] Les renseignements exemptés en vertu de cette disposition [article 26] ont été examinés attentivement, et je suis convaincu qu'il ne s'agit pas de renseignements personnels concernant M. DelZotto et qu'il n'a donc pas le droit d'y avoir accès.

L'affidavit de M. Berson produit par le défendeur renvoie aux exemptions relatives à certains documents [traduction] « [...] en vertu de l'article 26 de la Loi parce qu'ils contiennent des renseignements personnels sur des tiers » . L'inscription du chiffre « 26 » dans la marge à côté de certaines parties expurgées dans les documents communiqués au demandeur n'est pas accompagnée d'explications.


[38]            Il n'est pas question, dans le dossier, d'un examen en vertu du sous-alinéa 8(2)m)(i) de la Loi, ni d'une analyse comparative du droit à la vie privée et de l'intérêt public à la communication dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 26. Cela n'est pas étonnant puisque les décisions de l'ADRC et du Commissaire à la protection de la vie privée, tout comme l'affidavit de M. Berson, sont antérieures à l'arrêt Ruby de la Cour d'appel. Il n'en demeure pas moins que cet arrêt établit la procédure à suivre dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 26. Je ne suis pas convaincu que cette procédure a été suivie en l'espèce.

[39]            À cet égard, les décisions prises par l'ADRC dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 26 seront annulées et les documents, y compris les documents expurgés pour lesquels on a demandé une exemption parce qu'ils contiennent des renseignements personnels concernant des tiers, feront l'objet d'un réexamen par l'ADRC conformément à la procédure établie par la Cour d'appel dans l'arrêt Ruby, précité.

Conclusions

[40]            Pour ces motifs, j'accueille la demande en partie.

[41]            La plainte du demandeur concernant l'insuffisance des recherches est accueillie, mais seulement à l'égard des renseignements personnels concernant le demandeur contenus dans les documents conservés en vertu du paragraphe 8(4) de la Loi, s'il en est, à la Direction générale des affaires publiques de l'ADRC et, plus particulièrement, dans le fichier de renseignements personnels portant le numéro ADRC PPU 071.

[42]            La demande est également accueillie en ce qui concerne les exemptions invoquées en vertu de l'article 26. Les décisions rendues à cet égard et les documents contenant les parties expurgées sont renvoyés à l'ADRC, qui devra procéder à un nouvel examen conformément à la procédure établie par la Cour d'appel dans l'arrêt Ruby, précité.

[43]            Le demandeur obtient donc gain de cause en partie seulement. Les renseignements qui pourront lui être communiqués en conséquence seront vraisemblablement peu nombreux. Cependant, en ce qui concerne les dépens, étant donné que le demandeur a eu partiellement gain de cause, la conclusion du Commissaire à la protection de la vie privée concernant la première plainte qui lui a été adressée, à savoir que l'ADRC a enfreint la Loi en tardant indûment à communiquer les renseignements dans le délai prévu par la Loi et dans le délai prorogé à la demande de l'ADRC, justifie, à mon avis, l'adjudication des dépens au demandeur sur la base des dépens partie-partie suivant le milieu de la colonne II du tarif de la Cour.


[44]            Les avocats devront discuter de la question des dépens. S'ils ne parviennent pas à s'entendre, les dépens seront taxés conformément aux instructions du paragraphe qui précède.

                                                                    « W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 9 mai 2005.

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               T-2207-01

INTITULÉ :                                        ELVIO DEL ZOTTO

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 4 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE W. ANDREW MACKAY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 9 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Robert Calderwood                               POUR LE DEMANDEUR

Christopher Rupar                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Delzotto Zorzi LLP

Toronto (Ontario)                                  POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR


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