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Date : 20050531

 

Dossier : T-124-04

 

Référence : 2005 CF 779

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 MAI 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN                               

 

 

ENTRE :

 

                                                              NEIL MCFADYEN

 

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

 

 

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision, en date du 15 décembre 2003, par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté la plainte du demandeur présentée en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, modifiée (la Loi). Dans sa plainte à la Commission, le demandeur alléguait que le programme de crédits pour la taxe sur les produits et services (TPS) exposé à l’article 122.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) établit une distinction injuste fondée sur l’état matrimonial.


 

FAITS

 

[2]               Le demandeur a demandé un crédit pour TPS, en vertu de l’article 122.5 de la LIR, pour l’année d’imposition 1996. Dans un avis en date du 11 juillet 1997, le ministre du Revenu national a informé le demandeur qu’il n’était pas admissible au crédit parce que son « revenu rajusté » était supérieur au seuil d’admissibilité de 33 880 $. On a calculé le revenu rajusté du demandeur pour l’année en additionnant le revenu net du demandeur, soit 3 873 $ au revenu net de sa conjointe, soit 41 670 $. Personne ne conteste que le demandeur aurait eu droit à un crédit de 199 $ si sa demande avait été traitée comme celle d’un célibataire.

 


[3]               Le demandeur a interjeté appel de la décision du ministre devant la Cour canadienne de l’impôt. Il a prétendu que l’article 122.5 de la LIR porte atteinte au droit à l’égalité garanti par la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’il établit une distinction injuste fondée sur l’état matrimonial. Le juge Bowie a rejeté la demande, concluant que la distinction à l’article 122.5 n’est pas entre les personnes mariées et les personnes célibataires, mais entre les personnes qui appartiennent à une famille dont le revenu total excède le seuil fixé par la Loi et les personnes dont le revenu familial total est inférieur à ce seuil. Le juge Bowie a également conclu que, subsidiairement, si la distinction était en fait fondée sur l’état matrimonial, elle ne serait pas discriminatoire compte tenu du caractère réparateur du crédit pour TPS. Dans la décision McFadyen c. Canada, [2000] A.C.I. no 145, le juge Bowie affirme aux paragraphes 10 et 11 :

¶10 [...] Le crédit est offert en fonction du revenu familial et en reconnaissance du fait qu'une grande partie des dépenses engagées pour les besoins fondamentaux le sont sur la base de l'unité familiale et non sur une base individuelle. Pour cette raison, le crédit pour TPS est accordé en considération du revenu de l'unité familiale. À l'article 122.5, le législateur n'a pas établi de distinction entre les personnes mariées et les personnes célibataires, mais entre les personnes qui appartiennent à une famille dont le revenu total excède le seuil fixé par la Loi et les personnes dont le revenu familial total est inférieur à ce seuil. Autrement dit, la distinction ne repose pas sur l'état matrimonial, mais sur le niveau de revenu familial total. [...]

 

¶11          Si je fais erreur en concluant que le présent appel échoue au motif que la distinction établie à l'article 122.5 porte sur le revenu familial plutôt que l'état matrimonial, je conclus néanmoins que l'appel ne peut pas être accueilli parce que la distinction n'est pas discriminatoire. [...]

 

[4]               Le demandeur a interjeté appel de cette décision de la Cour d’appel fédérale. Dans la décision McFayden c. Canada, [2000] A.C.F. no 2018, le juge Stone, de la Cour d’appel fédérale, a rejeté l’appel et conclu, au paragraphe 1 :

Nous ne sommes pas convaincus que les alinéas 122.5(1)b) et 122.5(5)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu contreviennent aux droits à l'égalité du demandeur consacrés à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

 

[5]               Le 10 décembre 1998 et le 22 février 2001, le demandeur a déposé des plaintes auprès de la Commission, alléguant que le ministère des Finances et l’Agence des douanes et du revenu du Canada (maintenant l’Agence du revenu du Canada (ARC)) faisaient preuve de discrimination en appliquant l’article 122.5 de la LIR. Le demandeur a également allégué que la ristourne de taxe sur le carburant était discriminatoire parce qu’elle était fondée sur l’admissibilité au crédit pour TPS.

 


 

LE RAPPORT DE L’ENQUÊTEUSE

 

[6]               Dans un rapport en date du 13 juin 2003, une enquêteuse désignée par la Commission a recommandé que les plaintes du demandeur soient rejetées. En ce qui concerne la plainte à l’encontre du ministère des Finances, elle a conclu que la distinction établie à l’article 122.5 de la LIR était fondée sur le niveau de revenu familial total, et non sur l’état matrimonial. Ainsi, la distinction ne correspond pas aux motifs interdits énumérés à l’article 3 de la Loi. L’enquêteuse estimait également qu’il y avait un motif justifiable d’établir la distinction au sens de l’alinéa 15(1)g) de la Loi. Appliquant les critères exposés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, l’enquêteuse a conclu qu’il y avait suffisamment de preuves pour démontrer que : (1) le programme de crédit pour TPS était rationnellement lié au but d’accorder un allégement fiscal aux personnes à faibles revenus et à leur famille; (2) le ministère des Finances a mis en oeuvre le programme de bonne foi; (3) le ministère des Finances ne pouvait composer avec le demandeur, et d’autres personnes dans la même situation, sans subir une contrainte excessive, car cela compromettrait le but du programme de crédit.

 


[7]               Avant de tirer ses conclusions, l’enquêteuse a examiné les observations des deux parties, ainsi que la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans McFadyen c. Canada, [2000] A.C.I no 145 et la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lister c. Canada, [1995] 1 C.F. 130. Dans l’arrêt Lister, il s’agissait de trancher si l’article 122.5 de la LIR est contraire au droit à l’égalité consacré dans la Charte, du fait qu’il établit une distinction fondée sur l’âge (seules les personnes de 19 ans et plus peuvent demander le crédit pour leur propre compte). La Cour d’appel a conclu que la distinction n’était pas discriminatoire. Elle a conclu que le crédit pour TPS n’est pas une mesure fiscale, mais une prestation sociale mise en place pour pallier l’effet disproportionné d’une taxe régressive sur les Canadiens à faible revenu. Elle a également conclu que le gouvernement avait envisagé diverses façons de mettre en oeuvre le crédit et que, en bout de ligne, il avait choisi une démarche axée sur la famille parce qu’elle serait la plus susceptible de réaliser l’équité désirée.

 

[8]               En ce qui concerne la plainte visant l’Agence du revenu du Canada, l’enquêteuse a recommandé le rejet de cette plainte parce que l’ARC n’était pas la défenderesse appropriée. À son avis, le ministère des Finances était le défendeur approprié, parce qu’il est responsable de l’élaboration des politiques et de la rédaction de la LIR.

 

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

 

[9]               Dans une lettre en date du 15 décembre 2003, la Commission a avisé le demandeur que ses plaintes visant le ministère des Finances et l’ARC étaient rejetées parce que :

i.          la distinction n’est pas fondée sur l’état matrimonial, mais sur le niveau de revenu familial total;

 

ii.          il existe un motif justifiable au sens de l’article 15 de la Loi.       

 


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 



Loi de l’impôt sur le revenue

 

122.5 Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

«_revenu rajusté_» En ce qui concerne un particulier pour une année d'imposition par rapport à un mois déterminé de l'année, la somme de son revenu pour l'année et du revenu de son proche admissible pour l'année par rapport à ce mois, calculés chacun comme si aucun montant n'était inclus au titre d'un gain provenant d'une disposition de bien à laquelle s'applique l'article 79.

 

«_proche admissible_» Est un proche admissible d'un particulier par rapport à un mois déterminé d'une année d'imposition la personne qui, au début de ce mois, est l'époux ou le conjoint de fait visé du particulier.

 

Loi canadienne sur les droit de la personne

 

Motifs de distinction illicite

3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

 

Refus de biens, de services, d'installations ou d'hébergement

5. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public_:

 

a) d'en priver un individu;

 

b) de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture.

 

Exceptions

 

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires_:

[...]

g) le fait qu'un fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public, ou de locaux commerciaux ou de logements en prive un individu ou le défavorise lors de leur fourniture pour un motif de distinction illicite, s'il a un motif justifiable de le faire.

 

Besoins des individus

 

(2) Les faits prévus à l'alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l'alinéa (1)g), s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[...]

 

Nomination de l'enquêteur

 

43. (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, «l'enquêteur», d'enquêter sur une plainte.

[...]

 

Rapport

 

44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

 

[...]

 

 

(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission_

 

[...]

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue_:

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle‑ci n'est pas justifié, [...]

 

 

 

Income Tax Act

 

122.5 The following definitions apply in this section.

 

adjusted income of an individual, for a taxation year in relation to a month specified for the taxation year, means the total of the individuals income for the taxation year and the income for the taxation year of the individuals qualified relation, if any, in relation to the specified month, both calculated as if no amount were included in respect of any gain from a disposition of property to which section 79 applies.

 

qualified relation of an individual, in relation to a month specified for a taxation year, means the person, if any, who, at the beginning of the specified month, is the individuals cohabiting spouse or common-law partner.

 

Canadian Human Rights Act

 

Prohibited grounds of discrimination

3. (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for which a pardon has been granted.

 

Denial of good, service, facility or accommodation

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

on a prohibited ground of discrimination.

 

Exceptions

15. (1) It is not a discriminatory practice if

[...]

(g) in the circumstances described in section 5 or 6, an individual is denied any goods, services, facilities or accommodation or access thereto or occupancy of any commercial premises or residential accommodation or is a victim of any adverse differentiation and there is bona fide justification for that denial or differentiation.

Accommodation of needs

(2) For any practice mentioned in paragraph (1)(a) to be considered to be based on a bona fide occupational requirement and for any practice mentioned in paragraph (1)(g) to be considered to have a bona fide justification, it must be established that accommodation of the needs of an individual or a class of individuals affected would impose undue hardship on the person who would have to accommodate those needs, considering health, safety and cost.

[...]

Designation of investigator

43. (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an "investigator", to investigate a complaint.

[...]

Report

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

[...]

 

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

[...]

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied                

            (i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted [...]

 

 

 

 


QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

1.         L’enquêteuse a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’article 122.5 de la LIR établit une distinction fondée sur le revenu familial total, et non sur l’état matrimonial?

 

2.         L’enquêteuse et la Commission ont‑t‑elles outrepassé leur compétence en examinant s’il existait un motif justifiable aux termes de l’article 15 de la Loi?

 

 

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[11]           Dans l’arrêt MacLean c. Marine Atlantic Inc., [2003] A.C.F. no 1854, le juge O’Keefe, mettant en application la méthode pragmatique et fonctionnelle, a conclu que la norme de contrôle à appliquer quand la Commission rejette une plainte aux termes de l’alinéa 44(3)b) de la Loi est celle de la décision raisonnable simpliciter. Dans le cadre de son analyse, le juge O’Keefe a tiré les conclusions suivantes :

i.          la Loi ne renferme aucune clause privative;

ii.          l'expertise plus grande de la Commission en ce qui concerne les conclusions de fait et l'examen préalable des plaintes militent en faveur d'une retenue judiciaire;

 

iii.         le pouvoir discrétionnaire important accordé à la Commission pour ce qui est de rejeter des plaintes milite en faveur d'une plus grande retenue judiciaire;

 


iv.         la décision de rejeter une plainte comporte l'application de faits au régime législatif, ce qui constitue une question mixte de fait et de droit. Toutefois, la nature discrétionnaire de la fonction d'examen préalable des plaintes et le fait que la question est axée sur les faits exigent que l'on fasse preuve d'une plus grande retenue à l'égard de la décision de la Commission.

 

[12]         L’analyse ci-dessus a été citée avec approbation dans les arrêts Gardner c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 616 (C.F.), Armoyan c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 877 (C.F.) et Canada (Procureur général) c. Grover, [2004] A.C.F. no 865 (C.F.). De plus, elle concorde avec plusieurs décisions précédentes, notamment les décisions Gee c. Canada (Ministre du Revenu national) (2002), 284 N.R. 321 (C.A.F.) et Dawe c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), [2003] A.C.F. 1102 (C.F.). Par conséquent, la norme de la décision raisonnable sera utilisée en l’espèce pour examiner les conclusions tirées par l’enquêteuse et la Commission.

 

[13]         Une décision examinée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter ne devrait être infirmée que si elle n’est pas étayée par des motifs capables de résister à un examen assez poussé. Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

 

 

Question no 1

L’enquêteuse a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’article 122.5 de la LIR établit une distinction fondée sur le revenu familial total, et non sur l’état matrimonial?

 


[14]           Le demandeur signale plusieurs points où, à son avis, l’enquêteuse a commis des erreurs en tirant sa conclusion. Son argument principal est que l’article 122.5 de la LIR établit clairement une distinction fondée sur l’état matrimonial et que l’enquêteuse a commis une erreur de logique en tirant une autre conclusion. D’après le demandeur, le fait qu’il aurait eu droit au crédit si on avait traité sa demande comme la demande d’une personne célibataire est une [traduction] « preuve concluante » que l’article 122.5 établit une distinction fondée sur l’état matrimonial.

 

[15]           À mon avis, l’enquêteuse disposait de preuves claires menant à la conclusion que l’article 122.5 établit une distinction fondée sur le revenu familial total, et non sur l’état matrimonial. La Cour canadienne de l’impôt a formulé cette conclusion à la lumière des mêmes faits. Le critère régissant la distribution du crédit pour TPS est le niveau de revenu. Le gouvernement a choisi d’accorder le crédit en fonction de l’unité familiale parce qu’il estimait qu’il s’agissait de la démarche la plus équitable. Les termes « époux » et « conjoint de fait » servent à déterminer ce qui constitue une unité familiale aux fins du calcul du crédit pour TPS. Toutefois, le fait que ces liens servent à définir ce qu’est une unité familiale ne signifie pas que le programme de crédit établit une distinction injuste fondée sur l’état matrimonial. Dans l’arrêt Lister, précité, la Cour d’appel s’est penchée sur un argument analogue concernant une distinction fondée sur l’âge. Le juge Létourneau a affirmé, au paragraphe 44 :

J'estime, en l'espèce, que les requérants ont mal compris la nature du lien existant entre l'âge et l'attribution du crédit pour TPS. L'âge n'est pas invoqué comme critère afin de refuser l'avantage en question. Il permet, plutôt, de décider s'il est probable que l'enfant est à la charge de ses parents et s'il devrait, par conséquent, être compris ou non dans l'unité familiale aux fins de l'attribution de la prestation en cause. Tout cela est lié à l'état matrimonial et parental et possède un lien aussi bien logique que manifeste avec la question de savoir si l'enfant est à la charge de ses parents. La situation de famille est elle-même liée au revenu car l'admissibilité au crédit remboursable, et le montant de celui-ci, dépend du revenu de la famille.

 


[16]           De même, en l’espèce, la Commission a conclu que l’état matrimonial n’a pas servi de critère menant au rejet de la demande de crédit en vertu de l’article 122.5 de la LIR. Ainsi, l’enquêteuse était autorisée à recommander le rejet, du fait que la distinction contestée par le demandeur ne faisait pas partie des motifs interdits par la Loi.

 

[17]           Le demandeur a également mis en cause le fardeau de la preuve appliqué par l’enquêteuse. Le demandeur prétend que, après avoir prouvé qu’il aurait reçu un crédit s’il avait été célibataire, il s’est acquitté de son obligation de démontrer qu’il s’agissait d’un cas apparemment fondé de discrimination. Ainsi, le fardeau devrait maintenant incomber au gouvernement de prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination. En formulant son argument de cette manière, le demandeur confond la distinction et la discrimination. Le demandeur a démontré que la LIR établit une distinction dans la manière dont elle accorde le crédit pour TPS. Cependant, toutes les distinctions ne donnent pas lieu à des pratiques discriminatoires. En l’espèce, l’enquêteuse a conclu que la distinction contestée par le demandeur n’était pas discriminatoire puisqu’elle est fondée sur le revenu familial total (qui n’est pas un motif interdit en vertu de la Loi).

 

Question no 2

L’enquêteuse et la Commission ont‑elles outrepassé leur compétence en examinant s’il existait un motif justifiable aux termes de l’article 15 de la Loi?

 


[18]           Le demandeur prétend que la Commission (et, par conséquent, l’enquêteuse) n’a pas la compétence voulue pour examiner s’il existe un motif justifiable aux termes de l’article 15 de la Loi. Il affirme que la Commission doit s’en tenir aux conclusions de fait qu’une analyse aux termes de l’article 15 comporte des questions de droit et des questions mixtes de fait et de droit. La Commission et le Tribunal des droits de la personne ont des rôles distincts et la première n’est pas un organisme d’arbitrage. Comme l’a signalé le Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, au paragraphe 27 :

Le but n'est pas d'en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; la Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante.

 

[19]           Toutefois, il ne s’ensuit pas qu’il est interdit à la Commission d’apprécier des éléments de preuve se rapportant à un motif justifiable. D’après le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, la Commission « rejette la plainte, si elle est convaincue [...] compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié » [non souligné dans l’original]. Il s’agit d’une formulation générale qui habilite la Commission à examiner des éléments de preuve concernant un motif justifiable.

 

[20]           En l’espèce, la preuve indique clairement que la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale ont statué sur la même question relativement au demandeur. Compte tenu des circonstances, la Commission a tiré la conclusion raisonnable qu’une enquête sur la plainte du demandeur n’est pas justifiée.


 

DÉPENS

 

[21]           Le demandeur a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu d’adjuger les dépens contre lui si la Cour rejetait sa demande. La raison est qu’il prévoit interjeter appel de la présente affaire devant la Cour suprême du Canada, parce qu’il s’agit d’un point de droit important ayant une incidence sur de nombreuses personnes. Le défendeur n’est pas d’accord et demande les dépens liés à la présente demande parce que le défendeur a déjà engagé des frais relativement à la même question devant la Cour canadienne de l’impôt, la Cour d’appel fédérale, la Commission canadienne des droits de la personne et, maintenant, la Cour fédérale. Dans les autres causes, le défendeur n’a pas demandé que les dépens soient mis à la charge du demandeur, mais en l’espèce le défendeur demande l’attribution des dépens.

 

[22]           La Cour est d’accord que la question a fait l’objet d’un examen exhaustif par la Cour canadienne de l’impôt. La Cour d’appel fédérale a examiné cette décision et l’a confirmée. Bien que cette question ne soit pas rigoureusement parlant une chose jugée, une décision judiciaire a réglé définitivement la question et le demandeur n’a pas présenté à la Cour d’argument raisonnable en faveur de sa cause. Dans de telles circonstances, il est approprié d’accorder les dépens au défendeur.


 

                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens au défendeur.

 

 

 

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »            

                        Juge                      

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                                             

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                            T-124-04

 

INTITULÉ :                           NEIL MCFADYEN c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :     OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   LE JEUDI 19 MAI 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :           LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :          LE MARDI 31 MAI 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Neil McFadyen                                    LE DEMANDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Richard Casanova                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Neil McFadyen                                                LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 


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