Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20050526

 

Dossier : T-2390-03

 

Référence : 2005 CF 754

 

ENTRE :

 

                                                           CHRIS McCORMICK

 

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

 

 

                                                  LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

                           LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

 

                                                                                                                                          défendeurs

 

 

                                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE HARRINGTON

 

 

[1]               Un groupe d’infirmières autorisées, qui relèvent sur le plan administratif de 19 bandes autochtones en Ontario – mais qui ne sont pas nécessairement des employées de celles‑ci – soutiennent qu’elles accomplissent le même travail que leurs homologues travaillant pour la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI) de Santé Canada, et donc pour le Conseil du Trésor. Leur rémunération est toutefois inférieure. Le principe « à travail égal, salaire égal » est louable, mais il ne s’agit pas du fondement du présent contrôle judiciaire.

 

[2]               Chris McCormick, grand chef de l’Association des Iroquois et des Indiens unis, a porté plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne en alléguant que Santé Canada fait preuve de discrimination à l’endroit de certaines infirmières relevant des bandes sur le plan administratif.

 

[3]               Bien que l’objectif ultime visé soit la parité salariale avec les infirmières de la DGSPNI, la voie à suivre, en droit, doit être quelque peu indirecte.

 

[4]               Le paragraphe 11(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit :

 

11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

 

11. (1) It is a discriminatory practice for an employer to establish or maintain differences in wages between male and female employees employed in the same establishment who are performing work of equal value.

 

 

[5]               Les infirmières des bandes constituent un groupe professionnel composé majoritairement de femmes. C’est aussi le cas du groupe des infirmières de la DGSPNI. L’article 11 de la Loi ne traite pas de la disparité salariale qui peut exister au sein d’un groupe dont les membres sont de même sexe. Il faut une catégorie d’emplois à prédominance masculine qui puisse servir de référence.

 


[6]               Le fondement formel de la plainte est que les infirmières des bandes exécutent les mêmes fonctions que les infirmières syndiquées travaillant dans la fonction publique, dont il a été déterminé dans le passé que les fonctions sont équivalentes à celles de groupes à prédominance masculine dans la fonction publique. La plainte déposée par le chef McCormick au nom des infirmières fait suite au règlement d’une plainte pour disparité salariale déposée contre le Conseil du Trésor; dans cette plainte, les infirmières membres du groupe Sciences infirmières, composé majoritairement de femmes, ont soutenu que leur rémunération était inférieure à celle des membres du groupe Gestion des systèmes d’ordinateurs, composé majoritairement d’hommes, pour un travail d’égale valeur. Par suite de ce règlement, les infirmières syndiquées ont obtenu une augmentation de salaire. C’est donc dire que les infirmières faisant aujourd’hui partie de ce qu’on appelle la DGSPNI, qui touchaient autrefois la même rémunération que les infirmières des bandes, sont maintenant payées davantage que celles‑ci.

 

[7]               Pour que la Commission canadienne des droits de la personne puisse exercer sa compétence, les employés hommes et femmes doivent avoir le même « employeur » et travailler dans le même « établissement ».

 

[8]               L’enquêteur chargé d’examiner l’affaire a recommandé, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission ne statue pas sur la plainte. Il a estimé que les infirmières des bandes étaient, pour l’application de la Loi, des employées des défendeurs, mais qu’elles ne travaillaient pas dans le même établissement que les infirmières de la DGSPNI et, par conséquent, dans le même établissement que le groupe à prédominance masculine. L’alinéa 41(1)c) prévoit :

 


 

41. (1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants_:

[...]

c) la plainte n'est pas de sa compétence;

 

 41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

...

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

 

[9]               Les parties ont eu la possibilité de commenter cette recommandation. À la suite d’observations de la part du chef McCormick, et ensuite de la part des défendeurs, de même que d’une contre‑preuve du chef McCormick, la Commission a décidé de ne pas statuer sur la plainte, comme l’avait recommandé son enquêteur. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de cette décision.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           Il y a deux principales questions en litige. L’une est de savoir si les infirmières des bandes sont des employées de Santé Canada. L’autre est de savoir si elles travaillent dans le même établissement que des employés masculins qui exécutent peut‑être des fonctions équivalentes.

 

[11]           Le demandeur fait valoir que la Commission a raison au sujet de la question de l’employeur et tort au sujet de la question de l’établissement. La position des défendeurs est exactement l’inverse.

 


[12]           Le demandeur soutient que la Cour devrait conclure que les deux groupes d’infirmières, et par extension un groupe de référence composé en majorité d’hommes, font partie du même établissement et faire ensuite ce que la Commission aurait dû faire, c’est-à-dire transmettre la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne pour le motif qu’une instruction approfondie de la plainte est justifiée.

 

[13]           Subsidiairement, si la Cour n’est pas convaincue que les deux groupes font partie du même établissement, l’affaire devrait être renvoyée à la Commission pour nouvelle décision pour le motif que les règles de l’équité procédurale n’ont pas été suivies, en ce sens que la Commission n’a pas tenu compte d’une bonne partie des documents qui ont été soumis au nom des infirmières des bandes.

 

[14]           Les défendeurs demandent le rejet de la demande de contrôle judiciaire parce que la Commission a eu raison de conclure que les infirmières des bandes ne faisaient pas partie du même établissement qu’un groupe de comparaison composé en majorité d’hommes. La Commission n’a commis aucun manquement à l’équité procédurale.

 

[15]           Les défendeurs font en outre valoir qu’il est loisible à la Cour de rejeter aussi la demande parce que les infirmières des bandes et celles de la DGSPNI n’ont pas le même employeur. Les infirmières des bandes sont des employées des 19 bandes en cause, et non de Santé Canada.


 

MÊME ÉTABLISSEMENT

 

[16]           Il est préférable selon moi d’examiner en premier l’argument du demandeur selon lequel la Commission a conclu à tort que les infirmières des bandes et celles de la DGSPNI (et, par conséquent, le groupe composé d’hommes auquel elles ont été comparées auparavant) ne font pas partie du même établissement.

 

[17]           Les deux parties font valoir – et je suis d’accord avec elles – que la norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision correcte. Comme l’a souligné le juge Rothstein dans l’arrêt Commission canadienne des droits de la personne c. Lignes aériennes Canadien International Ltée, [2004] 3 R.C.F. 663 (C.A.), au paragraphe 7 :

Les parties s’accordent pour dire que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la décision du Tribunal est celle de la décision correcte. Le Tribunal devait décider un point d’interprétation législative – le sens du mot « établissement », au paragraphe 11(1) de la Loi, en précisant ce que la Loi et l’OPS de 1986 obligeaient ou autorisaient le Tribunal à considérer pour savoir si des groupes d’employés font partie du même établissement. L’interprétation que donne un tribunal administratif d’un texte législatif sur les droits de la personne n’appelle aucune retenue judiciaire. Voir l’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [2000] 1 C.F. 146, au paragraphe 73, le juge Evans (son titre à l’époque).

 

 

 

[18]           La première partie intimée nommée dans cette affaire était Air Canada, et c’est ainsi que les parties y ont fait référence dans leur argumentation. J’en ferai autant. L’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême a été accordée. L’audience est prévue pour plus tard au cours de l’année.

 

[19]           L’article 11 de la Loi doit être lu en corrélation avec l’article 10 de l’Ordonnance sur la parité salariale (OPS), dont voici le texte :

 

Pour l'application de l'article 11 de la Loi, les employés d'un établissement comprennent, indépendamment des conventions collectives, tous les employés au service de l'employeur qui sont visés par la même politique en matière de personnel et de salaires que celle‑ci soit ou non administrée par un service central.   

 

For the purpose of section 11 of the Act, employees of an establishment include, notwithstanding any collective agreement applicable to any employees of the establishment, all employees of the employer subject to a common personnel and wage policy, whether or not such policy is administered centrally.

 

[20]           Le mot « établissement » peut avoir plusieurs sens différents, suivant le contexte. Il se peut qu’il découle de l’expression « établissement industriel » en droit du travail. Dans les motifs concourants qu’il a prononcés dans l’arrêt Air Canada, le juge Evans a fait l’historique de l’article 11 de la Loi et de l’article 10 de l’OPS, comme l’avait fait la juge Hansen en première instance (Canada (Commission des droits de la personne) c. Lignes aériennes Canadien International Ltée, [2002] 1 C.F. 158).

 

[21]           La juge Hansen était d’avis que les deux groupes d’agents de bord, à prédominance féminine, ne faisaient pas partie du même établissement que les deux groupes de référence à prédominance masculine, soit les pilotes et les employés d’entretien d’aéronefs.

 

[22]           Elle a dit au paragraphe 70 de sa décision :


Eu égard au sens ordinaire de l’article 10 et en particulier aux incohérences qui résulteraient d’une absence de prise en considération des conventions collectives, le Tribunal a eu raison d’affirmer que l’article 10 ne fait pas obstacle à une prise en compte des renseignements figurant dans les conventions collectives. Il convient de souligner toutefois qu’une prise en compte des conventions collectives ne forme qu’une partie de l’analyse requise pour savoir si des employés sont visés par une politique commune en matière de personnel et de salaires. Il importe de tenir compte aussi de toutes les politiques en matière de personnel et de salaires qui sont externes aux conventions collectives.

 

 

 

[23]           La Cour d’appel n’a pas vu les choses de la même façon. Elle a statué que la tâche de déterminer si les groupes d’employés en cause faisaient partie du même établissement était une condition préalable à l’exercice fondamental qui consiste à comparer les fonctions exécutées et les rémunérations respectives. Les détails précis des conditions de travail et des rémunérations, dont il est fait état dans les conventions collectives, étaient des aspects qu’il fallait considérer à l’étape de l’exercice fondamental.

 

[24]           Le juge d’appel Rothstein, s’exprimant au nom du juge Nadon et en son propre nom, a dit aux paragraphes 32 et 37 :

32 Pour partager la même politique en matière de personnel et de salaires, les groupes d’employés qui sont comparés doivent être soumis aux mêmes principes généraux ou modes d’action qui guident l’employeur dans les questions relatives au personnel et aux salaires. Plus exactement, il doit être établi que l’employeur considère les groupes d’employés comme parties d’une entreprise unique et intégrée. Si tel est le cas, alors les employés font partie du même établissement. Dans un tel cas, une enquête plus attentive portant sur le détail des fonctions, des conditions de travail et des rémunérations est alors justifiée.

 

 

37 Pour ces motifs, je crois que le Tribunal a commis une erreur quand il a tenu compte du détail des conventions collectives des pilotes, du personnel des opérations techniques et des agents de bord pour savoir s’ils faisaient partie du même établissement. Le Tribunal aurait dû plutôt examiner si les mêmes principes généraux ou les mêmes modes d’action guidaient l’employeur dans les questions salariales et de gestion du personnel qui intéressaient les groupes en cause [...]

 

 

 


[25]           Il a ensuite examiné la preuve et, surtout, un document intitulé « Politique et principes d’Air Canada en matière de relations de travail » qui, à son avis, tranchait la question. Ce document, rédigé en termes généraux, traitait de questions relatives au personnel et à la rémunération et s’appliquait à tous les employés, sans faire de distinction entre les divers groupes d’employés.

 

[26]           Le juge a ajouté :

40 Je crois que ce document est l’exemple type de la politique commune en matière de personnel et de salaires dont parle l’article 10 de l’OPS de 1986. Il prouve qu’Air Canada considérait tous ses groupes d’employés, y compris les groupes en cause dans le présent appel, comme parties d’une entreprise intégrée et unique ayant un objectif commun. Air Canada n’a pas porté à l’attention de la Cour une preuve contraire. Sa position était même largement fondée sur une comparaison des détails des conventions collectives.

 

 

41 Je suis d’avis que le Tribunal a commis une erreur parce qu’il a tenu compte des détails de ces conventions collectives et parce qu’il n’a pas été guidé par le document susmentionné lorsqu’il a rendu sa décision. S’il s’en était rapporté au document, il aurait constaté que les groupes d’employés sujets à comparaison étaient visés par une politique commune en matière de personnel et de salaires et qu’ils faisaient donc partie du même établissement.

 

 

 

[27]           Le juge Evans a souscrit à ce point de vue, comme il l’a dit au paragraphe 68 :

Je reconnais avec mon collègue que le point central de la présente affaire est une question d’interprétation des lois et que, si l’interprétation donnée par le Tribunal est erronée, sa décision doit être annulée pour erreur de droit. Je reconnais aussi que le mot « comprennent », à l’article 10 de l’OPS de 1986, ne veut pas dire que des employés qui ne sont pas visés par « la même politique en matière de personnel et de salaires » peuvent malgré cela être employés « dans le même établissement ».

 

 

 

[28]           Il est important de signaler que la Cour d’appel fédérale n’a rendu son arrêt qu’après que la Commission eut décidé que la plainte du chef McCormick n’était pas de son ressort.

 


[29]           La Commission n’a pas motivé sa décision. Cependant, il est bien établi que, dans de tels cas, le rapport de l’enquêteur devient alors ses motifs. (Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113.)

 

[30]           Après avoir cité la décision Air Canada rendue en première instance, l’enquêteur a analysé toutes les politiques en matière de personnel et de salaires, y compris les conventions collectives applicables, afin de déterminer sil existait un établissement unique. Il a relevé un certain nombre de facteurs favorisant l’existence d’un établissement unique, et d’autres indiquant le contraire. Il a conclu que les infirmières des bandes étaient administrées selon une combinaison complexe des politiques des Premières nations constituées en bandes et de la DGSPNI en matière de personnel et de salaires. Dans certaines bandes, une personne était désignée pour s’occuper au jour le jour des services de santé et des activités des infirmières autorisées, dans d’autres bandes, les infirmières relevaient du conseil de bande et recevaient leurs instructions du personnel des défendeurs. Même les bandes de grande taille appliquaient le Nursing Policy and Practicing Manual des défendeurs, mais il ressort clairement de la preuve que les bandes s’étaient réservées le droit d’établir leur propre guide. Les infirmières de la DGSPNI sont syndiquées, pas celles des bandes.

 

[31]           L’enquêteur est arrivé aux conclusions suivantes :

[Traduction]

 

 


39. Toutefois, il n’est pas évident que les infirmières relevant des bandes sur le plan administratif et celles de la DGSPNI font partie du même établissement. Plusieurs des politiques et des pratiques de l’organisme défendeur sont suivies par les Premières nations constituées en bandes; cependant, les infirmières de la DGSPNI sont visées par une convention collective conclue entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Santé Canada, tandis que les infirmières non syndiquées relevant des bandes tombent sous le coup des 19 politiques différentes qu’appliquent en matière de personnel et de salaires les Premières nations constituées en bandes. Par conséquent, les politiques en matière de personnel et de salaires, dans leur ensemble, ne sont pas comparables et ne découlent pas d’une politique commune.

 

 

40. En outre, pour qu’il soit possible d’étudier cette plainte en vertu de l’article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le groupe de référence pour les groupes professionnels à prédominance masculine qui travaillent dans la fonction publique du Canada et qui sont censé exécuter des fonctions équivalentes doit faire partie du même établissement.

 

 

 

[32]           J’estime que la Commission a eu raison de conclure qu’elle n’avait pas compétence parce que les deux groupes d’employées ne faisaient pas partie du même établissement. La même conclusion aurait pu être tirée sans examen des conventions collectives. Pour reprendre les mots du juge Rothstein, l’employeur n’appliquait pas « les mêmes principes généraux ou les mêmes modes d’action ».

 

ÉQUITÉ PROCÉDURALE

 

[33]           Environ 250 pages de documents soumis par le chef McCormick, en réponse à une demande de renseignements de l’enquêteur, ne faisaient pas partie du dossier dont la Commission a été saisie car ils n’étaient pas énumérés dans le dossier certifié dont il est question à l’article 318 des Règles des Cours fédérales. Les documents en question portent sur un large éventail de questions de santé et certains étayent la conclusion de l’enquêteur selon laquelle les infirmières avaient toutes le même employeur. On n’y trouve cependant rien qui permette d’affirmer que les infirmières travaillent dans le même « établissement ».


 

[34]           Le demandeur a eu deux fois la possibilité de commenter le rapport de l’enquêteur, et il l’a fait. Il n’a pas fait référence aux documents en question, ni laissé entendre que le rapport de l’enquêteur était lacunaire parce que ce dernier n’avait pas mentionné ces documents.

 

[35]           Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455, pour rendre sa décision, la Commission n’a besoin que du rapport de l’enquêteur et des observations des parties. Tout le reste relève de son pouvoir discrétionnaire. L’article 44 de la Loi n’exige pas que les membres de la Commission examinent le dossier complet de l’enquête. Voir aussi la décision Bradley-Sharpe c. Banque royale du Canada, 2001 CFPI 1130, ([2001] A.C.F. no 1561 (QL), aux paragraphes 14 et 15. Si, dans ses commentaires au sujet du rapport de l’enquêteur, le demandeur avait demandé à la Commission d’examiner les documents, la situation aurait pu être différente (Tremblay c. Canada (Procureur général), 2005 CF 339, [2005] A.C.F. no 421, (QL)).

 


[36]           Étant donné que les motifs de la décision de la Commission sont ceux qui sont énoncés dans le rapport de l’enquêteur, il faut maintenant répondre à la question de savoir si ce dernier a pris ces motifs en considération. Il est bien établi qu’à moins d’une preuve contraire, un décideur est présumé avoir examiné tous les documents pertinents (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (CAF) (QL)). De toute façon, il n’y a rien dans les documents qui permette de penser que, s’il les avait dûment examinés, l’enquêteur aurait eu un point de vue différent au sujet de l’« établissement ».

 

L’EMPLOYEUR

 

[37]           Dans les circonstances, je n’ai pas à décider si Santé Canada est l’employeur des infirmières qui relève des 19 bandes. Comme il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, la décision de la Commission doit être maintenue, à moins qu’elle soit jugée déraisonnable. Je dois dire néanmoins que j’ai de sérieux doutes que les infirmières des bandes sont des employées de Santé Canada. L’entente de financement conclue avec les bandes a pour but d’aider les Premières nations à exercer un meilleur contrôle sur leurs collectivités. Les Premières nations supervisent la prestation des services de santé communautaires, embauchent les infirmières et peuvent, d’une bande à l’autre, verser des salaires différents, ce qui a donné lieu à des mouvements de personnel.

 

[38]           L’enquêteur a fait mention de 19 ententes distinctes de contribution, conclues bande par bande. Il a signalé que la disposition suivante y figurait :

[traduction] La présente entente vise l'exécution d'un service et le bénéficiaire est engagé aux termes des présentes à titre d'entrepreneur indépendant aux seules fins de dispenser un service. Ni le bénéficiaire ni le personnel du bénéficiaire ne sont engagés dans le cadre de l’entente de contribution à titre d’employé, de préposé ou de mandataire de Sa Majesté. Le bénéficiaire accepte d’être l’unique responsable de toutes déductions ou de tous paiements requis, notamment aux fins du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec, de l’assurance-emploi, de l’indemnisation des travailleurs ou de l’impôt sur le revenu.

 

 

 

[39]           Les infirmières des bandes ne sont pas directement parties aux ententes et n’ont pas un rôle déterminant quant au règlement de la question. Cependant, le paragraphe cité ci‑dessus semble refléter la réalité ainsi que la preuve. Peut-être que l’« employeur » n’a pas soumis les employés « aux mêmes principes généraux ou mêmes modes d’actions » parce qu’il y avait en fait vingt employeurs, et non pas simplement un seul employeur.

 

[40]           Si les infirmières des Premières nations constituées en bandes sont moins bien rémunérées que leurs homologues travaillant ailleurs, c’est peut-être parce que le financement total est insuffisant ou à cause de la manière dont les 19 bandes répartissent leurs ressources. Ni l’une ni l’autre de ces deux explications ne justifient le dépôt d’une plainte pour disparité salariale en vertu de l’article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

 

[41]           Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée, avec dépens.

 


 

 

         « Sean Harrington »

                     Juge

 

 

 

OTTAWA (Ontario)

Le 26 mai 2005

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 

 

 

 

 



                                     COUR FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-2390-03

 

INTITULÉ :                                                   CHRIS McCORMICK

ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 18 MAI 2005

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 MAI 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yavar Hameed                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Monika Lozinska                                              POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yavar Hameed                                     POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada


Date : 20050526

 

Dossier : T-2390-03

 

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

 

                                   CHRIS McCORMICK

 

                                                                                          demandeur

 

                                                     et

 

                          LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

   LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

 

                                                                                          défendeurs

 

                                        ORDONNANCE

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne, datée du 7 novembre 2003, de ne pas statuer sur la plainte déposée par le demandeur au nom d’infirmières autorisées qui exercent leurs fonctions pour certaines bandes autochtones en Ontario est rejetée avec dépens.


 

 

                     « Sean Harrington »

                                 Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 

 

 

 

 


 


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.