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Date : 20010704

Dossier : IMM-2636-00

Référence neutre : 2001 CFPI 751

ENTRE :

YANG LIU

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Teitelbaum

[1]              La demande de contrôle judiciaire vise la décision, datée du 28 mars 2000, d'une agente des visas de l'Ambassade du Canada à Beijing, en Chine. L'agente a refusé d'accorder une autorisation d'étude au Canada parce qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur était un véritable visiteur au Canada ou qu'il disposait de suffisamment de ressources pour assurer sa subsistance pendant son séjour au Canada.


[2]              Le demandeur, Yang Liu, est âgé de 18 ans et citoyen de la République populaire de Chine. En novembre 1999, il a présenté une demande d'autorisation d'étude au Canada à l'Ambassade du Canada à Beijing. Il poursuivait alors ses études dans une école secondaire de deuxième cycle de Beijing à un niveau équivalant à un secondaire V au Canada.

[3]              De pair avec sa demande, le demandeur a présenté une lettre du conseil d'administration de l'arrondissement scolaire no 48 selon laquelle il était accepté au cinquième secondaire pour la période allant du 25 avril au 21 décembre 2000 (dossier certifié du tribunal, p. 14). Selon son plan d'étude au Canada, également joint à la demande d'autorisation d'étude, le demandeur comptait suivre des cours d'anglais langue seconde à Howe Sound pendant une période de six mois, puis terminer ses études secondaires à la même école. Il prévoyait ensuite étudier trois ans en administration des affaires dans une université canadienne (dossier certifié du tribunal, p. 15). La durée totale de son séjour au Canada aurait été de quatre ans et demi.

[4]              Aucune entrevue personnelle n'a eu lieu.

[5]             Le 28 mars 2000, l'agente des visas a examiné les documents présentés par le demandeur. Elle a refusé l'autorisation d'étude au motif que le demandeur ne l'avait pas convaincue qu'il était un véritable visiteur, non plus qu'il avait les ressources nécessaires pour assurer sa subsistance. Elle lui a donc fait parvenir une lettre de refus le même jour.


Prétentions du demandeur

[6]              Le demandeur prétend que l'agente des visas a commis une erreur en tirant une conclusion de fait de manière arbitraire, sans tenir compte des documents dont elle était saisie concernant la question du diplôme étranger. Il soutient que, dans son affidavit, l'agente des visas s'en remet à un document renfermant le compte-rendu de la rencontre, en 1998, du sous-ministre délégué de la Citoyenneté et de l'Immigration, Marc Lafrenière et du vice-ministre chinois de l'Éducation, Wei Yu (voir le dossier du défendeur, onglet A, affidavit de l'agente des visas Romana Hur, pièce A, p. 5 et 6). Selon l'agente des visas, ce document indiquait qu'il est pratiquement impossible, pour un étudiant chinois titulaire d'un diplôme étranger d'études secondaires, de réintégrer le système d'enseignement chinois à cause de sa connaissance insuffisante des caractères chinois. Cependant, dans ses notes STIDI, l'agente des visas ne fait mention ni de ce document ni de son contenu, mais dit simplement que les diplômes étrangers d'études secondaires ne sont pas reconnus (dossier certifié du tribunal, p. 17). Le demandeur fait valoir que l'agente des visas a manqué à son obligation d'équité en omettant de lui faire part de ses craintes et de lui donner la possibilité de les dissiper.

[7]              Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en indiquant, dans ses notes STIDI, que la personne qui compte demeurer au Canada quatre ans et demi devient un résident de fait et cesse d'être un visiteur.


[8]              Le demandeur soutient que la Cour ne devrait pas tenir compte du raisonnement de l'agente des visas, qui figure seulement dans son affidavit, et non dans ses notes STIDI, selon lequel le demandeur recourrait vraisemblablement à des moyens illégaux pour demeurer au Canada.

[9]              Le demandeur ajoute que l'agente des visas n'a pas bien apprécié la preuve afférente à ses ressources financières. Il soutient qu'elle a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en n'acceptant du demandeur que des certificats de dépôt ou des relevés bancaires comme preuves de ses ressources financières. Le demandeur s'inscrit en faux contre l'omission de l'agente des visas d'inscrire dans ses notes STIDI la valeur financière du portefeuille d'actions de ses parents. Il conteste par ailleurs le raisonnement de l'agente des visas, figurant dans son affidavit, selon lequel la valeur des certificats d'actions pourrait fluctuer et ne pas lui permettre d'assurer sa subsistance. Il ajoute que l'agente des visas n'a pas tenu compte de la mention, à la case 11 de la demande d'autorisation d'étude, qu'il disposerait, pendant son séjour au Canada, de 501 896,30 $ (page 7 du dossier du tribunal), dont 401 137,13 $ CAN en espèces détenus par une société de courtage (page 13 du dossier du tribunal).


[10]            Enfin, le demandeur prétend que l'agente des visas a commis une erreur en exigeant que sa famille [traduction] « s'en tire très bien » , de sorte qu'il soit [traduction] « très fortement incité à retourner en Chine une fois ses études terminées » (citations tirées du dossier du demandeur, onglet 4, contre-interrogatoire sur affidavit de l'agente des visas Romana Hur, p. 20).

Prétentions du défendeur

[11]            Le défendeur fait valoir que la norme de contrôle applicable est celle du caractère manifestement déraisonnable. Je ne suis pas d'accord.

[12]            Le défendeur soutient que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en s'appuyant sur le compte-rendu d'une rencontre ayant eu lieu en 1998 entre les représentants de l'Immigration canadienne et ceux du ministère chinois de l'Éducation. Il ajoute que, dans son affidavit, l'agente des visas développe ses notes STIDI et les situe dans leur contexte.

[13]            Le défendeur prétend qu'il était loisible à l'agente des visas de conclure que le demandeur n'avait pas repoussé la présomption, établie au paragraphe 9(1.2) de la Loi sur l'immigration, qu'il était un immigrant éventuel. Pour arriver à cette conclusion, l'agente des visas pouvait tenir compte des objectifs à long terme du demandeur, dont la durée de son séjour au Canada.


[14]            Le défendeur fait valoir que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en concluant que le demandeur n'avait pas présenté suffisamment de documents concernant ses ressources financières. De plus, le demandeur n'avait pas donné suite à la demande de produire des lettres de confirmation d'emploi par les employeurs de ses parents, non plus qu'à la demande de produire des relevés bancaires originaux portant une date récente et établissant le solde courant des comptes en banque de la famille pour les 18 derniers mois.

[15]            En ce qui a trait à l'obligation d'équité, le défendeur soutient que l'agente des visas n'avait pas à faire part de ses craintes au demandeur puisqu'elles découlaient directement de la Loi sur l'immigration et du Règlement sur l'immigration, de même que de la trousse de demande d'une autorisation d'étude.

Analyse

[16]            La personne qui n'est ni citoyen canadien ni résident permanent au Canada doit, pour faire des études au Canada, être titulaire d'une autorisation d'étude valide. Suivant le paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, sauf les cas prévus par règlement, les immigrants et les visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée. Le paragraphe 9(1.2) dispose qu'il incombe à la personne qui demande un visa de convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant. Partant, il appartient au demandeur d'établir son intention véritable de séjourner temporairement au Canada pour y étudier.


[17]            L'alinéa 15(1)b) du Règlement prévoit que la demande d'autorisation d'étude doit être accompagnée, entre autres, d'une lettre de l'institution ayant accepté le requérant et des documents voulus pour convaincre l'agent des visas que le requérant a des ressources financières suffisantes pour subvenir à ses besoins pendant son séjour au Canada.

[18]            La décision d'accorder ou non une autorisation d'étude est discrétionnaire. Dans De La Cruz c. Canada (M.E.I.) (1989), 26 F.T.R. 285 (C.F. 1re inst.), la Cour a conclu que « le devoir de l'agent des visas est d'examiner toute demande de façon appropriée, mais [qu']il n'est tenu de délivrer un visa de visiteur que s'il est convaincu que le requérant respecte les exigences législatives » . En ce qui concerne la portée du contrôle judiciaire d'une telle décision, la Cour a dit ce qui suit :

Pour obtenir gain de cause, les requérants ne peuvent se contenter de démontrer que [la Cour aurait] pu en venir à une conclusion différente de celle de l'agent des visas. Il doit y avoir soit une erreur de droit manifeste au vu du dossier, soit un manquement au devoir d'équité approprié à cette décision essentiellement administrative.

[19]            La norme de contrôle applicable à ce genre de décision - c'est-à-dire la décision discrétionnaire de l'agent des visas - est celle qu'a énoncée le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 1, aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.


[20]            Dans Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 95 (IMM-2813-00, 25 janvier 2001), renvoyant à l'extrait qui précède de même qu'à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge Rouleau a statué que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[21]            Le demandeur conteste la conclusion de l'agente des visas selon laquelle il ne retournerait vraisemblablement pas en Chine après ses études et il prétend que l'agente des visas n'a pas appliqué le bon critère. Il invoque l'article 4.6.1 du guide établi par Citoyenneté et Immigration Canada pour le traitement des demandes de permis de séjour pour étudiant, dont voici le libellé :

[traduction] Les requérants ont la responsabilité de prouver, à votre satisfaction, qu'ils sont des visiteurs authentiques. Cependant, dans le cas des étudiants étrangers, la question générale n'est pas de savoir si le requérant est un immigrant éventuel, mais plutôt de déterminer s'il est un immigrant illégal éventuel.

[22]            Dans Mittal c. Canada (M.C.I.) (1998), 147 F.T.R. 285 (1re inst.), le juge Lutfy, maintenant juge en chef adjoint, a conclu :

[Les lignes directrices] peuvent servir de « politique générale » ou de « règles empiriques grossières » lorsqu'il s'agit pour l'agent des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré. Toutefois, les lignes directrices ne devraient pas entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire que possède l'agent des visas en devenant des règles obligatoires et décisives.


[23]            Compte tenu des notes STIDI et de l'affidavit, j'estime que l'agente des visas a appliqué le bon critère, savoir si le demandeur retournerait vraisemblablement en Chine après ses études.

[24]            Dans ses notes STIDI, l'agente des visas exprime des craintes relativement à l'éventualité que le demandeur ne termine pas ses études secondaires en Chine. À défaut d'un diplôme chinois d'études secondaires de deuxième cycle, il ne pourrait poursuivre d'études postsecondaires dans son pays. L'agente de visas écrit qu'il n'aurait d'autre choix que de demeurer au Canada pour parfaire son éducation et, après être demeuré aussi longtemps au Canada, le demandeur deviendrait un résident de fait.

[25]            Dans Wong c. Canada (M.C.I.) (1999), 246 N.R. 377 (C.A.F.), la Cour conclut au paragraphe 13 que l'agent des visas peut tenir compte des objectifs à long terme du demandeur :

Nous sommes fermement convaincus que l'agent des visas a compétence, même dès la première demande d'un tel visa, pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme du demandeur. Un tel objectif est un élément pertinent, bien que non concluant, qu'il faut soupeser avec tous les autres faits et facteurs pour déterminer si le demandeur est un visiteur au sens de la Loi.


[26]            De toute évidence, l'agent des visas peut tenir compte de l'ensemble des circonstances du demandeur. C'est précisément ce que l'agente des visas a fait en l'espèce et, sauf mauvaise foi ou erreur ressortant du dossier, la Cour n'est pas justifiée de modifier sa décision.

[27]            En ce qui concerne la question du caractère suffisant des ressources financières, il appartient au demandeur de fournir la documentation nécessaire pour étayer sa demande d'autorisation d'étude. La trousse de demande précise que des renseignements détaillés doivent être fournis, ainsi qu'une preuve des fonds dont disposerait le demandeur. Selon les notes STIDI, le demandeur n'a présenté qu'une liste d'actions détenues. Il n'a pas convaincu l'agente qu'il disposait de liquidités suffisantes pour subvenir à ses besoins. Il n'a produit aucun certificat de dépôt ou relevé bancaire. L'agente des visas n'était pas tenue de demander un complément d'information ou des précisions, la trousse de demande indiquant clairement que de tels éléments de preuve étaient exigés. En outre, je n'ai été saisi d'aucune preuve que le demandeur a produit des documents se rapportant à la prétendue encaisse du compte de courtage ou précisant la période pendant laquelle les fonds ont été détenus dans ce compte ou l'origine de ces fonds. De plus, dans les documents déposés, le demandeur et sa famille ont déclaré qu'ils n'avaient pas d'économies.


[28]            Je suis d'avis que le demandeur n'a pas réussi à établir le manquement à l'obligation d'équité ou l'existence d'une erreur ressortant du dossier et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[29]            Aucune des parties n'a demandé la certification d'une question d'importance générale.

Max M. Teitelbaum

          Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

4 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-2636-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Yang Liu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :              3 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR PAR : le juge Teitelbaum

DATE DES MOTIFS :                       4 juillet 2001

ONT COMPARU :

Melvin Weigel                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Mark Sheardown                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lu Chan                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Sous-procureur général du Canada                         POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

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