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Date : 20050307

Dossier : IMM-9332-03

Référence : 2005 CF 326

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                    PRATHEEPAN LOGESWARAN

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Pratheepan Logeswaran a quitté le Sri Lanka en 2000. Après son arrivée au Canada, il a présenté une demande d'asile en alléguant que l'armée sri-lankaise l'avait maltraité en raison de son origine ethnique tamoule. Sa demande a été rejetée pour manque de preuve.

[2]                M. Logeswaran a par la suite demandé un examen des risques avant renvoi (l'ERAR), et l'agent qui l'a effectué a conclu qu'il ne courrait pas un grand danger s'il retournait au Sri Lanka et que, de toute façon, il pourrait probablement vivre en sécurité à Colombo.


[3]                M. Logeswaran soutient que l'agent qui a effectué l'ERAR a commis des erreurs graves et me demande d'ordonner un nouvel examen. Je ne vois toutefois aucune raison d'annuler l'examen auquel a procédé l'agent et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Les questions en litige

1.          L'agent chargé de l'ERAR a-t-il mal interprété l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)?

2.          L'agent a-t-il omis d'analyser correctement les preuves pertinentes?

II. Analyse

1. L'agent d'ERAR a-t-il mal interprété l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)?


[4]                M. Logeswaran soutient que l'agent d'ERAR a commis une erreur en appliquant la norme de la prépondérance des probabilités dans l'application de l'article 97 de la LIPR (voir annexe), et non pas la norme moins stricte de la « possibilité sérieuse » qui s'applique aux demandes d'asile. Cette question a été tranchée par la Cour d'appel fédérale et je suis lié par son arrêt : Yi Mei Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 1, [2005] A.C.F. no 1 (QL) (C.A.).

[5]                Le juge Rothstein a décidé que la norme de preuve appropriée relativement à l'application de l'article 97 de la Loi est la prépondérance des probabilités. En outre, le juge Rothstein a déterminé que les demandeurs doivent établir qu'ils seront probablement soumis à la torture ou subiront d'autres formes de mauvais traitements graves. Il a déclaré :

La preuve selon la prépondérance des probabilités est la norme de preuve que le tribunal applique dans la présentation d'une preuve afin de tirer ses conclusions de fait. Le critère permettant de déterminer le risque de torture est de savoir, compte tenu des faits dont le tribunal est saisi, si le tribunal est convaincu qu'il est plus probable que le contraire que l'individu serait personnellement soumis à un danger de torture. (Au paragraphe 29.)

En l'espèce, l'agent d'ERAR termine son examen en ces termes : [traduction] « En ce qui concerne l'article 97, j'estime qu'il est peu probable que le demandeur soit exposé au risque d'être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou de peines cruels ou inusités et, par conséquent, il ne satisfait pas aux conditions mentionnées dans l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés concernant les personnes à protéger » . Le raisonnement de l'agent est conforme au jugement du juge Rothstein dans l'affaire Li, ci-dessus, et je dois donc rejeter l'argument de M. Logeswaran sur ce point.


2. L'agent a-t-il omis d'analyser correctement la preuve pertinente?

[6]                M. Logeswaran conteste deux aspects de l'analyse de la preuve à laquelle a procédé l'agent. Je ne peux modifier les conclusions de fait de l'agent que si je les trouve manifestement déraisonnables, en ce sens qu'elles sont tout à fait contraire à la preuve pertinente.

a) L'analyse de la situation actuelle au Sri Lanka

[7]                M. Logeswaran soutient que l'agent a brossé un tableau trop positif de la situation politique actuelle au Sri Lanka. L'agent a noté ce qui suit :

.                  il existe un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), qui oblige les parties à s'abstenir de commettre des actes hostiles à l'égard des civils;

.                  les droits de la personne sont mieux protégés à l'heure actuelle au Sri Lanka, mais certains problèmes subsistent, notamment des cas de torture de détenus.


[8]                M. Logeswaran soutient que l'agent n'a pas tenu compte du fait que les pourparlers de paix tenus au Sri Lanka ont connu des échecs et que le conflit armé pourrait fort bien reprendre. Cependant, d'après ce que j'ai compris des motifs de l'agent, celui-ci reconnaît que le processus de paix a commencé à s'enliser. L'agent a noté « des échecs et des violations occasionnelles du cessez-le-feu » , ainsi que l'existence « de problèmes politiques et de violations des droits de la personne » . M. Logeswaran conteste en fait l'importance et la force probante que l'agent a accordé à ces éléments de preuve; ce n'est pas un motif qui permet d'annuler la décision de l'agent.

[9]                M. Logeswaran soutient également que l'agent a omis d'examiner le risque qu'il soit arrêté et maltraité pour avoir quitté le Sri Lanka en utilisant des titres de voyage falsifiés. Je ne vois rien dans le dossier qui indique que M. Logeswaran ait présenté des observations à ce sujet à l'agent, même si un des documents présentés à l'agent mentionnait la possibilité qu'il soit arrêté aux termes du Immigrants and Emigrants Act du Sri Lanka. Ce document montre en fait qu'il est peu probable que les personnes se trouvant dans la situation de M. Logewaran soient détenues. Là encore, je ne vois pas là un motif permettant de discréditer l'analyse qu'a effectuée l'agent.

b) L'analyse des possibilités qu'a M. Logeswaran de vivre en sécurité à Colombo

[10]            L'agent a conclu que de nombreux Tamouls, peut-être près de 400 000, vivent en sécurité à Colombo. M. Logeswaran soutient que l'agent a omis d'examiner la question de savoir s'il serait raisonnable de s'attendre à ce qu'il s'établisse à Colombo au lieu de vivre au nord du Sri Lanka où il pourrait bénéficier de l'aide et de l'appui de ses parents.


[11]            Je reconnais avec M. Logeswaran que l'agent n'a analysé que rapidement la possibilité qu'il vive à Colombo. Cependant, si j'examine l'ensemble des motifs fournis par l'agent, je ne peux critiquer son analyse. Après tout, l'agent a jugé qu'il était peu probable que M. Logeswaran soit maltraité où qu'il vive au Sri Lanka. Dans les circonstances, la conclusion supplémentaire selon laquelle il pourrait probablement vivre en sécurité à Colombo est amplement justifiée par la preuve.

[12]            Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. M. Logeswaran avait demandé que je certifie une question de portée générale concernant la norme de preuve appropriée de façon à préserver ses possibilité de recours. Même si la Cour d'appel fédérale a tranché cette question dans l'arrêt Li, ci-dessus, je fais droit à la demande de M. Logeswaran et certifie la même question que celle à laquelle il a été répondu dans Li :

L'article 97 de la Loi exige-t-il qu'une personne établisse, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle fera face aux risques décrits aux alinéas 97(1)a) et b)?

                                           JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE :

1.    La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.    La question suivante soit certifiée :

L'article 97 de la Loi exige-t-il qu'une personne établisse, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle fera face aux risques décrits aux alinéas 97(1)a) et b)?

                                                                          « James W. O'Reilly »                    

                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                Annexe


Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d'une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.



                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-9332-03

INTITULÉ :                                                          PRATHEEPAN LOGESWARAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 22 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                 LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                         LE 7 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman                                                     POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BARBARA JACKMAN                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

JOHN H. SIMS, c.r.                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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