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Date : 20040917

Dossier : IMM-5811-03

Référence : 2004 CF 1280

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                                   ZHI HUI TAN

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                          - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( la Commission), datée du 7 juillet 2002, dans laquelle la Commission a décidé que la demanderesse n'avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.

[2]                La demanderesse sollicite une ordonnance en vue d'annuler la décision de la Commission et de renvoyer sa demande à un tribunal différemment constitué pour qu'il prenne une nouvelle décision.

Contexte

[3]                La demanderesse, Zhi Hui Tan, est une citoyenne de la Chine populaire qui allègue craindre avec raison d'être persécutée du fait de l'opinion politique qu'on lui prête savoir celle d'une personne qui aurait tenté de violer la politique chinoise de l'enfant unique.

[4]                En 1989, la demanderesse a épousé Lin Jian He lors d'une cérémonie rurale qui s'est déroulée en famille. Parce que son mari n'avait pas atteint l'âge de la maturité à l'époque, l'État a refusé d'émettre un certificat de mariage. L'État a enregistré officiellement le mariage de la demanderesse en 2000.


[5]                Le 26 octobre 1990, la demanderesse a donné naissance à une fille. La demanderesse allègue que le comité de planification familiale a imposé une amende au couple parce qu'il avait eu un enfant alors que la loi ne reconnaissait pas le mariage et que le couple n'avait pas obtenu le certificat l'autorisant à avoir un enfant. En outre, la demanderesse allègue que sept mois après son accouchement, le comité de planification des naissances l'a obligée à se faire poser un dispositif intra-utérin à des fins de contraception. La demanderesse dit qu'elle a subi des effets secondaires du dispositif, notamment nausées, crampes et douleurs dans le bas du dos. Depuis 1991, la demanderesse a demandé, à dix reprises, à l'État la permission de faire retirer le DIU, mais elle n'a jamais été autorisée à le faire. L'État lui a également refusé la permission d'avoir un deuxième enfant.

[6]                Dans le récit que contient son Formulaire de renseignements personnels (FRP), la demanderesse allègue qu'elle a été forcée de subir deux avortements en Chine. Le premier avortement a eu lieu en 1993. Elle était alors enceinte de deux mois et elle a été approchée au marché par les membres du comité de planification des naissances. Le deuxième avortement allégué par la demanderesse a eu lieu en 1998, après qu'elle eût demandé à un médecin qui n'était pas affilié au régime de l'État de lui retirer le DIU. Elle était enceinte de huit mois. Suivant l'avortement forcé, la demanderesse dit qu'un DIU a de nouveau été posé. La demanderesse affirme également que l'État l'a obligée à subir un ultrason à tous les quatre mois pour vérifier si elle était enceinte. Les femmes qui refusaient, selon la demanderesse, se voyaient imposer une amende ou retirer le droit de travailler.

[7]                En 1995, quand elle ne s'est pas présentée pour l'ultrason comme elle devait le faire, la demanderesse allègue que des membres du comité de planification des naissances lui ont rendu visite chez elle. Le mari de la demanderesse s'est fâché et il s'est disputé avec les visiteurs. La demanderesse allègue que son mari a été envoyé dans un camp de travail pendant une année après l'incident et que l'État a avisé les parents de son mari qu'elle devait subir une stérilisation.

[8]                La demanderesse a quitté la Chine pour se rendre à Vancouver (Colombie-Britannique) le 29 octobre 2001 avec de faux titres de voyage. Dès son arrivée, elle a demandé l'asile à l'aéroport de Vancouver.

[9]                Dans les notes prises au point d'entrée (PDE), la demanderesse n'a pas mentionné les avortements forcés, l'avis de stérilisation et le fait que son mari avait été envoyé dans un camp de travail pendant une année.

[10]            Le 28 février 2003, la Commission a tenu une audience pour trancher la demande de la demanderesse.

Motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section de la protection des réfugiés)

[11]            Dans sa décision datée du 7 juillet 2003, la Commission a rejeté la demande au motif que la demanderesse n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[12]            La Commission a dit qu'elle avait tenu compte des difficultés qu'une personne pouvait éprouver durant son témoignage, étant donné le recours aux services d'un interprète et le caractère stressant de la situation et que pourtant, elle avait estimé que le témoignage de la demanderesse était « évasif, alambiqué, contradictoire, invraisemblable, et [...], par conséquent, non crédible » .


[13]            La Commission n'a pas cru que les événements qui se seraient produits en Chine, selon le témoignage de la demanderesse pendant l'audience, s'étaient réellement produits. En particulier, la Commission a relevé certaines incohérences, omissions ou contradictions entre les notes prises au PDE et les déclarations contenues dans le FRP, ainsi que de situations improbables relatées dans des parties importantes de son récit des événements.

[14]            Comme l'a reconnu la demanderesse, elle a mentionné, dans sa déclaration au PDE, la nature inhumaine de la politique de planification des naissances du gouvernement chinois et le fait qu'on l'avait obligée à prendre des mesures de contraception, mais elle n'a pas mentionné plusieurs événements décrits dans le FRP et dans sa déposition orale. Les notes prises au PDE ne mentionnaient pas les avortements forcés, les menaces d'arrestation et de stérilisation ni le fait que son mari avait été envoyé dans un camp de travail ni qu'elle s'était cachée du comité de planification des naissances. Priée d'en donner la raison, elle a répondu qu'elle était nerveuse au PDE, qu'elle ne voulait pas dévoiler le fait que son conjoint se trouvait dans un camp et qu'elle n'avait pas eu suffisamment de temps pour rédiger ses déclarations au PDE.


[15]            Les explications de la demanderesse n'ont pas convaincu la Commission qui a dit qu'elle estimait tout à fait « non fondée » sa déclaration selon laquelle elle n'avait pas eu suffisamment de temps pour écrire, au PDE, les principales raisons de sa venue au Canada. La Commission a également dit qu'il n'y avait aucune preuve que l'interprétation aurait été préjudiciable à la demanderesse et qu'il ne s'agissait donc pas d'un facteur pouvant justifier les renseignements manquants.

[16]            Dans son raisonnement, la Commission a dit que des incohérences entre les déclarations au PDE et celles du FRP n'entraînaient pas nécessairement le rejet d'une demande, mais quand, comme en l'espèce, la demanderesse omettait de mentionner des questions fondamentales qui étaient le fondement de sa demande de protection, sa crédibilité était mise en doute. La Commission a dit qu'elle se serait attendue, et ce serait raisonnable, à ce qu'une personne dans la position de la demanderesse saisisse la première occasion qui se présente pour expliquer aux autorités du pays d'accueil qui l'interrogeaient la raison première de la persécution qu'elle prétendait subir. En l'espèce, la demanderesse a fait par écrit une déclaration détaillée, et dans sa propre langue encore, en ne mentionnant pas la raison la plus pertinente.

[17]            En outre, la Commission a souligné que la description des événements ayant entraîné le premier avortement forcé allégué était invraisemblable. La demanderesse a prétendu marcher dans la rue quand elle a été abordée par des agents qui lui ont demandé de subir un ultrason parce qu'elle était « quelque peu rondelette » . À entendre la demanderesse et à observer son comportement quand elle a fourni ces réponses, le tribunal en arrive à la conclusion que ces événements n'ont pas eu lieu.


[18]            La Commission n'était pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse ait été recherchée par les autorités chinoises à cause d'une prétendue violation de la politique de planification familiale ni qu'il y ait une chance raisonnable ou une possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée, pour l'un ou l'autre des motifs retenus par la Convention, si elle devait retourner en Chine.

[19]            En se fondant sur ses conclusions négatives en matière de crédibilité ainsi que sur une augmentation du nombre de faux documents provenant de la Chine, la Commission n'a pas accordé beaucoup d'importance aux documents de la demanderesse attestant les avortements forcés et l'avis de stérilisation.

[20]            La Commission a également décidé que la demanderesse n'était pas une personne à protéger en conformité avec les alinéas 97(1)a) et 97(1)b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). En tirant cette conclusion, la Commission a dit qu'elle n'avait pas cru la déclaration de la demanderesse selon laquelle, si elle devait retourner en Chine, elle pourrait subir des conséquences légales relativement mineures, c'est-à-dire qu'elle pourrait faire l'objet de remontrances, d'avertissements et d'amendes. La Commission a mentionné que, selon la preuve documentaire, les personnes qui enfreignent la politique de planification des naissances en Chine sont rarement emprisonnées quand elles retournent en Chine et que les sanctions les plus sévères sont réservées aux récidivistes ou aux organisateurs du trafic clandestin.

[21]            Somme toute, la Commission n'a pas été convaincue que la demanderesse avait des motifs valables de croire qu'elle serait persécutée pour la violation alléguée de la politique de planification des naissances en Chine ni pour un motif prévu par la Convention.

Observations de la demanderesse

[22]            La demanderesse conteste la décision de la Commission pour deux motifs principaux. Premièrement, la Commission a pris sa décision négative d'une manière abusive et arbitraire sans tenir compte de la preuve dont elle était saisie. Deuxièmement, la demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve objective qui établissait qu'elle est un réfugié au sens de la Convention.

[23]            La demanderesse prétend que la Commission s'est surtout préoccupée des incohérences entre sa déclaration au PDE et le récit que contenait son FRP. Toutefois, la demanderesse affirme qu'elle a toujours dit qu'elle craignait d'être persécutée à cause de son désir d'avoir un deuxième enfant et du refus des autorités chinoises de le lui permettre. Selon la demanderesse, sa déclaration au PDE, ainsi celles qui sont contenues dans son FRP sont cohérentes entre elles et avec son témoignage oral devant la Commission. La déclaration au PDE est moins détaillée à cause tout simplement des circonstances dans lesquelles elle a été rédigée. La demanderesse prétend également que la Commission ne devrait pas prendre les déclarations au PDE au [traduction] « pied de la lettre » , mais qu'elle devrait plutôt s'interroger sur le contexte de l'entrevue et sur la capacité de la personne de comprendre les questions.


[24]            La demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte du fait que la définition d'un réfugié au sens de la Convention est prospective et elle soutient que les questions de crédibilité concernant la description qu'elle a donnée des actes de persécution passés ne devraient pas avoir pour effet de discréditer sa demande.

[25]            La demanderesse prétend en outre que si la Commission évaluait sa crainte subjective actuelle, elle constaterait que toute la preuve présentée par la demanderesse indique constamment que sa crainte d'être persécutée résulte des tentatives du gouvernement chinois pour l'empêcher d'avoir un deuxième enfant.

[26]            La demanderesse souligne que même si, habituellement, le premier récit d'une personne est le plus véridique, il n'en est pas toujours ainsi et que cela dépend de certains facteurs, notamment les antécédents culturels de la demanderesse, le durée de l'entrevue, la présence d'un interprète et les attentes de la demanderesse. La demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur quand elle n'a pas évalué la déclaration au PDE en tenant compte de ces facteurs.


[27]            Dans l'affaire qui nous concerne plus précisément, la demanderesse allègue qu'elle n'a pas compris ce qu'on attendait d'elle quand on lui a dit de faire une déclaration, qu'elle n'avait qu'une sixième année de scolarité, qu'on ne lui a pas dit ce qu'elle devait écrire, qu'elle était nerveuse, qu'elle pleurait et qu'on lui a donné très peu de temps pour rédiger sa déclaration. La demanderesse fait valoir que même si la Commission a dit qu'elle avait examiné la déclaration au PDE en tenant compte du contexte, ce n'est pas du tout ce qu'elle a fait et que, par conséquent, elle a commis une erreur.

[28]            Subsidiairement, la demanderesse soutient que même si la conclusion négative en matière de crédibilité était justifiée, la Commission devait évaluer la partie objective de la demande pour décider si la demanderesse était un réfugié au sens de la Convention. Puisque la Commission n'a pas contesté que la demanderesse était une femme mariée, qu'elle avait un enfant et qu'elle en souhaitait un deuxième, la demanderesse prétend que la Commission devait apprécier la preuve en tenant compte de la preuve documentaire qui décrit comment les fonctionnaires chinois traitent les femmes qui se trouvent dans une situation semblable à celle de la demanderesse.

[29]            Puisque la Commission n'est pas allée plus loin que sa conclusion négative en matière de crédibilité et qu'elle n'a pas évalué la partie objective de la prétention de la demanderesse, cette dernière prétend que la Cour devrait annuler la décision de la Commission.

Observations du défendeur

[30]            Le défendeur prétend que la norme de contrôle qui s'applique à une décision négative de la Commission en matière de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[31]            Le défendeur souligne que la Commission a reconnu que les omissions n'entraînent pas nécessairement le rejet d'une demande d'asile mais qu'en l'espèce, la nature des omissions, l'invraisemblance du récit de la demanderesse et son comportement pendant son témoignage sont plus que suffisants pour justifier une conclusion négative en matière de crédibilité. Le défendeur prétend que la Commission a le droit de tirer une conclusion négative en se fondant sur une telle preuve.

[32]            Le défendeur prétend que la Commission avait raisonnablement le droit de conclure à l'invraisemblance du récit de la demanderesse et que la Cour ne devrait pas annuler cette décision dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

[33]            Le défendeur affirme que la Commission n'a pas commis une erreur en ne tenant pas compte du fondement objectif de la demande de la demanderesse, malgré la conclusion négative en matière de crédibilité. La Commission n'est pas obligée, selon le défendeur, de se demander si la personne serait un réfugié si son récit était vrai.


[34]            Le défendeur prétend également que cette affaire se distingue des affaires mentionnées par la demanderesse dans lesquelles certains éléments du récit d'un revendicateur qui avaient été acceptés établissaient à eux seuls le bien-fondé d'une demande d'asile compte tenu de la preuve documentaire. Le défendeur prétend qu'en l'espèce, la demanderesse a fondé sa demande sur des événements très précis qui, selon la demanderesse, se seraient produits. Puisque la Commission n'a pas cru que ces événements s'étaient produits, le défendeur prétend que la Commission pouvait conclure qu' « il n'existe pas suffisamment de preuves crédibles et dignes de foi pour rendre une décision favorable en l'espèce » .

[35]            Le défendeur demande le rejet de la présente demande.

Questions en litige

[36]            1.         La Commission a-t-elle rendu sa conclusion négative en matière de crédibilité d'une manière arbitraire et abusive sans égard à la preuve dont elle était saisie?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d'examiner la question de savoir si la demanderesse craignait objectivement et avec raison d'être persécutée?

Dispositions législatives pertinentes

[37]            La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 prévoit :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[38]            Je vais d'abord examiner la question 2.

[39]            Question 2

La Commission a-t-elle commis une erreur en n'examinant pas la question de savoir si la demanderesse craignait objectivement et avec raison d'être persécutée?

La demanderesse prétend que même si la Commission était justifiée de tirer une conclusion négative en matière de crédibilité, elle a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte, en sus de la preuve documentaire, des conditions dans lesquelles se trouvaient des femmes semblables à la demanderesse en Chine avant de refuser sa demande d'asile.

[40]            La Commission, en l'espèce, n'a mentionné que les divers documents concernant les conditions en Chine pour conclure que la demanderesse n'était pas une « personne à protéger » en conformité avec l'article 97 de la LIPR. La Commission n'a pas contesté que la demanderesse était une femme chinoise qui avait un enfant et qui n'avait pas le droit d'en avoir d'autres, comme la demanderesse l'a déclaré. L'avocat de la demanderesse a soulevé la question des Chinoises qui se trouvaient dans une situation semblable devant la Commission.

[41]            Toutefois, la Commission n'a pas analysé la nature objective de la crainte d'être persécutée de la demanderesse et elle ne s'est pas non plus demandée si la preuve concernant d'autres Chinoises dans une situation semblable influait sur son appréciation de la crainte subjective d'être persécutée de la demanderesse. Comme je l'ai dit dans Baranyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 664, [2001] A.C.F. no 987 (QL), au paragraphe 14 :


Même lorsque la SSR juge qu'un demandeur n'est pas crédible, elle est tout de même tenue de prendre en compte la preuve documentaire. Dans l'affaire Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 130 (C.F. 1re inst.), notre Cour a déclaré à la page 132 :

Il est clair que lorsque la seule preuve qui relie le demandeur à la persécution émane de son témoignage, le fait de rejeter ce témoignage signifie que le lien avec la persécution n'existe plus. Il devient donc impossible d'établir un lien entre la revendication de la personne et la preuve documentaire.

La situation est évidemment différente en l'espèce, car il existait une preuve, dont la CIN de la demanderesse principale, émanant d'autres sources que son témoignage et permettant de relier sa demande à la persécution infligée aux jeunes femmes tamoules au Sri Lanka.

La preuve documentaire peut ou peut ne pas avoir établi une crainte fondée de persécution pour ce qui est de la situation de la demanderesse. La SSR aurait dû avoir examiné cette preuve pour déterminer si celle-ci a établi le bien-fondé de la crainte de persécution. J'ai passé en revue la décision de la SSR et je ne trouve aucune référence à des preuves documentaires concernant la persécution dont font ou ont fait l'objet d'autres citoyens roms hongrois. À mon avis, que ce soit à la lumière de la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter ou de celle de la décision manifestement déraisonnable, la SSR a commis une erreur de droit susceptible de révision en omettant de tenir compte de cette preuve.

[42]            Un raisonnement semblable s'applique en l'espèce. Je conviens, avec la demanderesse, que la Commission n'a pas analysé la preuve documentaire de manière à déterminer la situation semblable dans laquelle se trouvaient d'autres femmes. Il appartient à la Commission d'évaluer cette preuve et non à la Cour. La Commission a commis une erreur susceptible de contrôle.

[43]            Compte tenu de ma conclusion en rapport avec la question 2, il ne m'est pas nécessaire d'examiner la question 1.

[44]            La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et la question est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.


[45]            Aucune des parties n'a soumis une question grave d'importance générale.

ORDONNANCE

[46]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la question soit renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour qu'il prenne une nouvelle décision.

                                                                            _ John A. O'Keefe _             

                                                                                                     Juge                          

Ottawa (Ontario)

le 17 septembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-5811-03

INTITULÉ :                            ZHI HUI TAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 18 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :           LE 17 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Shane Molyneaux                      POUR LA DEMANDERESSE

Sandra Weafer                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates       POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg, c.r.               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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