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Date : 20060601

Dossier : T-776-02

Référence : 2006 CF 673

 

ENTRE :

PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN, COMPOSANTE D'AIR CANADA, COMITÉ DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL de la SECTION LOCALE 4004 (TORONTO)

 

                                                                                                                                        demandeurs

 

et

 

 

AIR CANADA, DOUGLAS MALANKA et JACQUES SERVANT

                                                                                                                                          défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE HUGHES

[1]               La Cour statue sur une demande présentée par le syndicat représentant les employés du transport aérien d'Air Canada en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision en date du 18 avril 2002 (la décision no 02‑004) par laquelle un agent d'appel a, en vertu du Code canadien du travail, estimé qu'un agent d'appel ne peut connaître de l'appel d'une décision par laquelle un agent de santé et de sécurité a estimé qu'il n'existait pas de danger dans les lieux de travail. À titre subsidiaire, les demandeurs sollicitent la prorogation du délai qui leur est imparti pour introduire une instance en contrôle judiciaire de la décision de l'agent de santé et de sécurité.

[2]               En l'an 2000, les deux principaux transporteurs aériens du Canada ont fusionné : Air Canada a fait l'acquisition des Lignes aériennes Canadien International. À la suite de cette fusion, Air Canada, la société qui avait survécu à la fusion, devait obtenir un permis d'exploitation aérienne unique avant que le regroupement du personnel navigant technique de chacune des deux anciennes sociétés puisse être autorisé. Dans le cadre de cette opération, il fallait élaborer un nouveau guide traitant notamment des questions de santé et de sécurité à l'intention des agents de bord et former ces derniers relativement aux instructions et consignes contenues dans le guide en question.

 

[3]               À la fin de l'an 2000, un manuel qui était censé intégrer les meilleures procédures des deux transporteurs aériens a été élaboré. Le syndicat représentant le personnel navigant a obtenu une copie du manuel le 10 novembre 2000. Le 7 décembre 2000, le syndicat a appris qu'Air Canada avait fixé au 3 janvier 2001 la date d'entrée en vigueur du nouveau manuel. Le syndicat avait plusieurs réserves au sujet de l'aspect santé et sécurité du nouveau manuel et il craignait qu'on ne réussisse pas à former suffisamment d'agents à temps pour le 3 janvier 2001. À la suite de la rencontre tenue entre le syndicat et des représentants d'Air Canada, le syndicat a, le 22 décembre 2000, soumis une lettre à laquelle était jointe une annexe dans laquelle il exposait en détail ses préoccupations.

 

[4]               Air Canada a, dans des lettres datées du 29 décembre 2000 et du 3 janvier 2001, exprimé sa volonté de poursuivre le dialogue avec le syndicat et son désir de collaborer avec lui.

 

[5]               Le 2 janvier 2001, le syndicat a déposé une plainte auprès de Transports Canada. Il réclamait un report de la mise en application du Manuel et demandait que des instructions soient données pour mettre un frein à ce que le syndicat estimait être des contraventions au Code canadien du travail. Transports Canada a répondu le même jour en déclarant, à tort, qu'il fallait d'abord établir un processus de règlement interne des plaintes. Plus tard le même jour, le syndicat a réagi en signalant l'erreur. Encore le même jour, Transports Canada a répondu par écrit en concluant à l'absence de danger. Le lendemain, au cours d'une conversation téléphonique, Transports Canada a informé le syndicat qu'une enquête était en cours, ce qui a été par la suite confirmé par une lettre adressée par Transports Canada au syndicat le 19 janvier 2001.

 

[6]               Suivant le syndicat, l'enquêteuse qui a été désignée en vertu du paragraphe 127.1(9) de la partie II du Code canadien du travail n'était pas juste, impartiale ou objective. Selon les éléments de preuve non contredits portés à la connaissance de la Cour, cette personne aurait dit que le président de la division de la santé et de la sécurité du syndicat était une des personnes de l'industrie du transport aérien qu'elle détestait le plus. De plus, l'enquêteuse aurait [traduction] « levé les yeux au ciel et murmuré des propos désobligeants » au sujet de ce président lors d'une communication qu'elle donnait à une autre occasion. Le syndicat affirme que cette personne ne pouvait rédiger un rapport objectif.

 

[7]               L'enquêteuse a fait enquête et elle a produit un rapport accompagné d'une note de service le 14 mars 2001. Il ressort de ce rapport que l'enquêteuse n'a parlé qu'à des représentants d'Air Canada et qu'elle n'a pas fait d'effort pour parler au syndicat ou aux agents de bord. Suivant le syndicat, en agissant ainsi, l'enquêteuse a manqué aux principes d'équité procédurale.

 

[8]               Le syndicat affirme par conséquent que le rapport est nul puisque l'enquêteuse avait un parti pris et que la procédure qu'elle a suivie était entachée d'irrégularités entraînant la nullité du rapport.

 

[9]               L'agent de santé et de sécurité de Transports Canada a souscrit pour l'essentiel au rapport de l'enquêteuse. Dans les deux cas où le rapport constatait que des préoccupations pouvaient exister, Air Canada a donné une promesse de conformité volontaire. Dans la lettre du 7 mai 2001 qu'il a adressé au syndicat, l'agent concluait :

[traduction]

 

Pour s'assurer de bien tenir compte de la santé et de la sécurité au travail dans le processus général de prise de décision de la société, les cadres de chacun des services de la société doivent être conscients que les décisions concernant des changements à bord des aéronefs sont susceptibles d'avoir des incidences sur le travail de l'équipage et de créer des dangers dans leur lieu de travail. Les décisions et les initiatives doivent être discutées avec le comité des politiques. Les préoccupations en question ont été transmises à Air Canada, qui a été invité à donner des promesses de conformité volontaire.

 

Nous n'avons pu trouver aucune preuve démontrant qu’Air Canada a contrevenu à son devoir général, en tant qu'employeur, de veiller à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail. En fait, en obligeant son personnel à suivre le Manuel des agents de bord dans lequel les mesures d'urgence sont précisées, l'employeur démontre qu'il remplit les obligations que l'article 124 met à sa charge.

 

Notre enquête révèle que le représentant des employés sur les lieux de travail de Dorval a reçu des plaintes verbales concernant la transmission no147. Ces plaintes auraient dû être déférées à la Direction. Les préoccupations soulevées par les employés en matière de santé et de sécurité au travail concernant la mise en application des modifications apportées au Manuel des agents de bord doivent être abordées lors des réunions des comités locaux de santé et de sécurité au travail.

 

Le « comité du syndicat » a soumis ses observations écrites à Air Canada le 22 décembre 2000. Nous avons le regret de vous informer qu'il ne s'agit pas là d'un comité reconnu à la partie II du Code canadien du travail. Les observations en question ont été examinées et elles ne démontrent pas l'existence du danger évoqué dans les points mentionnés dans la transmission. Les employés qui ont des préoccupations à formuler au sujet de la santé ou de la sécurité au travail doivent s'adresser au comité des politiques ou au comité en milieu de travail compétent.

 

[10]           Le syndicat a interjeté appel de cette décision en vertu des articles 146 et 146.1 du Code canadien du travail. L'appel a été instruit par un agent d'appel désigné en vertu du paragraphe 140(1) du Code. Dans une lettre adressée le 7 juin 2001 aux avocats du syndicat, cet agent écrivait ce qui suit :

[traduction]

 

Le Code n'autorise pas les agents d'appels à examiner les promesses de conformité volontaire acceptées par un agent de santé et de sécurité.

 

Par conséquent, le Bureau ne peut faire de commentaires ou enquêter sur le bien-fondé de la décision d'un agent de santé et de sécurité d'accepter une promesse de conformité volontaire plutôt que de donner des instructions dans un cas déterminé.

 

 

[11]           Cette lettre complétait la décision du 18 avril 2002 par laquelle le même agent d'appel répondait aux préoccupations soulevées par le syndicat dans le cadre de la présente instance en contrôle judiciaire et notamment celles formulées dans les paragraphes suivants :

Bien qu'une définition du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail n'ait pas nécessairement force obligatoire en ce qui concerne les termes employés dans le Code, je déduis du paragraphe 140(1) et de l'article 122.1 (objet du Code) que les agents de santé et de sécurité doivent être capables d'exercer la discrétion qui leur est conférée par le Code. Il me semble que, si un employeur ou un employé pense que l'enquête d'un agent de santé et de sécurité est teintée de partialité ou fondamentalement erronée, son recours est de présenter une plainte à Développement des ressources humaines Canada ou directement au ministre du Travail. J'aurais également tendance à croire que l'employeur ou l'employé pourrait également demander une révision judiciaire.

 

L'alinéa 127.1(10)a) et le paragraphe 145(1) du Code confèrent explicitement aux agents de santé et de sécurité les pouvoirs discrétionnaires nécessaires pour donner ou non des instructions dans une situation de contravention à la partie II. Le paragraphe 145(1) existe, sous une forme ou une autre, depuis au moins 1984. L'article 127.1 a été ajouté lors de la modification au Code en 2000. Bien que ma position ne soit pas définitive, il me semble que, si le temps avait prouvé que l'absence d'un processus d'appel sur le choix d'un agent de ne pas donner d'instruction sur une contravention était une omission sérieuse, le Parlement aurait eu la possibilité en 2000 de réviser le Code en conséquence et d'y inclure un processus d'appel à cet égard. Il ne l'a pas fait.

 

À cet égard, il me semble logique que le Parlement ait permis aux agents de santé et de sécurité d'exercer certains pouvoirs discrétionnaires en ce qui a trait aux instructions compte tenu du fait que les contraventions au Code n'ont pas toutes la même gravité; certaines sont majeures alors que d'autres sont mineures. Dans le cas de contraventions moins importantes, le pouvoir discrétionnaire conféré aux agents de santé et de sécurité en vertu de l'alinéa 127.1(10)a) et du paragraphe 145(1) leur permet d'en arriver à la conformité par d'autres stratégies d'exécution, comme l'acceptation d'une promesse de conformité volontaire.

 

Enfin, même si je concluais que les agents d'appel ont l'autorité implicite suggérée par Mme Symes, je ne peux trouver dans le Code aucune compétence pour corriger la situation. L'article 146.1 n'autorise spécifiquement les agents d'appel qu'à donner des instructions lorsqu'il y a un danger et ne traite pas de contraventions. De toute évidence, le Parlement aurait nanti les agents d'appel des compétences nécessaires pour donner des instructions à l'égard d'une contravention ou à renvoyer un dossier à l'agent de santé et de sécurité si telle avait été son intention lorsque le Code a été modifié en 2000. Le paragraphe 146.1(1) dispose [...]

 

Pour en arriver à une décision, j'ai trouvé dans la présente affaire que les arguments des deux parties étaient convaincants. Je peux fort bien comprendre l'argument de Mme Symes suivant lequel l'absence dans le Code de mécanisme pour en appeler de l'enquête d'un agent de santé et de sécurité qui serait teintée de partialité ou fondamentalement erronée peut sembler contradictoire avec les dispositions du système de responsabilité interne et la disposition sur l'objet de la partie II. Les faits allégués dans la présente affaire (voir le paragraphe [3]) suggèrent que, lorsqu'elle a mené son enquête suite à une plainte d'existence d'un danger du SCFP, l'agent de santé et de sécurité de Transports Canada ne l'aurait pas fait en présence des employés et des employeurs. Si tel est le cas, on peut comprendre pourquoi le SCFP souhaite poursuivre cette affaire.

 

Néanmoins, malgré mes efforts, je ne peux me convaincre que le Code autorise implicitement les agents d'appel à réviser la décision d'un agent de santé et de sécurité de ne pas donner d'instruction, que l'enquête soit ou non teintée de partialité ou fondamentalement erronée. C'est à regret que je conclus que je ne possède pas les compétences nécessaires pour instruire cet appel, et le dossier est maintenant clos.

 

 

[12]           Le syndicat sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 18 avril 2002 de l'agent d'appel et soulève les questions suivantes :

1.      L'agent d'appel a-t-il commis une erreur en concluant qu'il ne pouvait connaître de l'appel en vertu du Code?

2.      Si l'agent d'appel n'a pas commis d'erreur, le paragraphe 146(1) du Code est-il inopérant au motif qu'il contrevient à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

3.      Si l'agent n'a pas commis d'erreur et que le paragraphe 146 (1) ne contrevient pas à la Charte, y a-t-il lieu d'accorder une prorogation de délai de manière à permettre au syndicat de demander le contrôle judiciaire de la décision du 7 mai 2001 du chef du Comité de la santé et sécurité au travail, Division du transport aérien, Transports Canada?

 

Première question ─ L'agent d'appel a-t-il commis une erreur en concluant qu'il ne pouvait connaître de l'appel en vertu du Code?

 

[13]           La Cour doit d'abord s'attaquer à la tâche de préciser la norme de contrôle applicable à la décision à l'examen. Ainsi que la Cour suprême du Canada l'a expliqué dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 27, la Cour doit se livrer à une analyse « pragmatique et fonctionnelle » pour déterminer où se situe la décision à l'examen sur le « continuum » du degré de retenue judiciaire dont l’une des extrémités exige « le moins de retenue » et l’autre en exige « le plus ». Pour faciliter l'analyse, la Cour suprême a suggéré les quatre facteurs suivants : (i) clauses privatives; (ii) expertise; (iii) objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause; (iv) nature du problème.

 

[14]           Dans le cas qui nous occupe, pour ce qui est du premier facteur ─ l'existence de clauses privatives ─ on trouve une clause privative stricte à l'article 146.4 du Code.

146.4 Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’agent d’appel exercée dans le cadre de la présente partie.

 

 

[15]           L'existence, en l'espèce, d'une clause stricte permet de conclure qu'il y a lieu de faire preuve d'un degré élevé de retenue judiciaire envers la décision à l'examen (voir, par ex., le jugement Canadian Freightways Ltd. c. Canada (Procureur général) [2003] A.C.F. no 552, 2003 CFPI 391, au paragraphe 18).

 

(ii) Expertise

[16]           L'agent est une personne désignée en vertu des dispositions du paragraphe 145.1(1) du Code et le paragraphe 145.1(2) lui confère de vastes attributions, notamment en matière d’immunité :

145.1 (1) Nomination – (1) Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d’agent d’appel pour l’application de la présente partie.

(2) Attributions – Pour l’application des articles 146 à 146.5, l’agent d’appel est investi des mêmes attributions — notamment en matière d’immunité — que l’agent de santé et de sécurité.

 

 

[17]           Il ressort également de cette disposition qu'il y a lieu de faire preuve d'un degré élevé de retenue en l'espèce.

 

(iii) Objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause

[18]           L'objet de la partie II du Code canadien du travail est clairement énoncé à l'article 122.1 :

                                                122.1 Prévention des accidents et des maladies – La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

 

 

[19]           Les dispositions à l'examen portent sur les appels de décisions ou d'instructions relatives aux dangers qui existent sur les lieux de travail. La partie II, qui est assortie de mécanismes d'appel, est conçue comme un Code renfermant des dispositions permettant de déceler les dangers auxquels les employés sont exposés et elle précise des mécanismes de solution amiable. En cas d'échec d'un règlement amiable, un agent de santé et de sécurité peut ouvrir une enquête, prendre des décisions et donner des instructions qui peuvent être portées en appel. L'exhaustivité du Code à cet égard indique que la Cour doit faire preuve d'un degré élevée de retenue.

 

(iv) Nature du problème

[20]           Le problème auquel est confronté l'agent d'appel et qui est posé à la Cour a trait à la compétence de l'agent en question et, plus particulièrement, à la question de savoir si, saisi d'un appel, cet agent peut examiner un cas dans lequel l'agent de santé et de sécurité n'a pas pris de décision ou donné d'instructions mais a accepté une promesse de conformité volontaire à la place d'une décision ou d'une instruction.

 

[21]           Les questions de compétence ont souvent conduit la Cour à accorder un degré peu élevé de retenue en ce qui concerne les décisions des tribunaux administratifs. Toutefois, ainsi que la Cour d'appel de l'Ontario l'a expliqué dans l'arrêt Ontario Public Service Employees Union c. Seneca College of Applied Arts, 4 mai 2006, dossier no C43274, sous la plume du juge Laskin, aux paragraphes 29 à 32 :

[traduction]

 

Malheureusement, dans sa décision, la Cour divisionnaire ne s'est pas livrée à cette analyse pragmatique et fonctionnelle. Il semble qu'elle ait plutôt estimé que, comme la question en litige était, à son avis, une question de compétence et une question de droit, la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte.

 

Ce raisonnement est mal fondé. Ce n'est pas parce que la Cour qualifie une question de « question de compétence » ou de « question juridictionnelle » qu'il s'ensuit nécessairement que la norme de contrôle applicable à la décision du tribunal administratif sur cette question est la norme de la décision correcte. Ainsi que le juge Evans l'a souligné dans l'arrêt Via Rail Canada Inc. c. Cairns (2004), 241 D.L.R. (4th) 700, au paragraphe 33 (C.A.F.) : « Des concepts abstraits, tels que celui de la "question de compétence", jouent maintenant un rôle beaucoup moins grand dans l'établissement de la norme de contrôle applicable au point attaqué de la décision d'un tribunal ».

 

En d'autres termes, le fait pour la Cour de conclure qu'une question comporte un aspect juridictionnel ne la dispense pas de son obligation de procéder à l'analyse pragmatique et fonctionnelle (voir à cet égard les arrêts Voice Construction, précité, aux paragraphes 20 à 22, Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 236, au paragraphe 21 et ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), [2006] C.S.C. 4, aux paragraphes 22 et 23. Le fait que la question en litige « touche la compétence » n'est qu'un des facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle et, le plus souvent, il constitue la qualification qui est donnée au résultat de cette analyse (voir les arrêts Via Rail, précité, au paragraphe 36, et Pushpanathan, précité, au paragraphe 28).

 

L’objectif global de l’analyse pragmatique et fonctionnelle ─ en vertu de laquelle la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs ─ est de cerner l’intention du législateur (voir l'arrêt Dr. Q, précité, au paragraphe 26). L'intention du législateur était-elle que la Cour saisie d'une demande de contrôle judiciaire fasse preuve de retenue envers la décision du tribunal administratif et, dans l'affirmative, quel était le degré de retenue applicable? Ou, si l'on formule la question en fonction de la compétence, le législateur voulait-il que cette question relève exclusivement de la compétence du tribunal administratif (voir l'arrêt U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, aux pages 1089 à 1091).

 

 

[22]           Une question juridictionnelle ne commande donc pas toujours un degré peu élevé de retenue ni l'application de la norme dite de la « décision correcte », bien qu'un degré faible à modéré de retenue puisse être indiqué en pareil cas.

 

L'ANALYSE PRAGMATIQUE ET FONCTIONNELLE

[23]           La Cour doit considérer les dispositions de la partie II du Code comme un tout, en tenant compte du fait que la question en litige est une question de compétence et que la Cour est notamment appelée à déterminer ce qui peut constituer une « décision » ou une « instruction » pour ce qui est de l'exercice de la compétence de l'agent d'appel. Ces mots doivent être situés dans le contexte de la partie II du Code, en fonction du sens que leur attribuent ceux qui travaillent au jour le jour sous le régime du Code. L'analyse pragmatique et fonctionnelle exige en l'espèce que l'on accorde un degré de retenue élevé à la décision de l'agent d'appel. Bien que cette décision doive être analysée, la Cour ne doit pas en finir par se contenter de substituer sa propre analyse à celle de l'agent, à moins qu'il n'existe une raison claire et convaincante de le faire.

 

[24]           La lecture des motifs exposés par l'agent d'appel démontre qu'il a examiné à fond les dispositions applicables de la partie II du Code relatives aux appels interjetés devant un agent d'appel et à la compétence de celui-ci à leur égard. Le Syndicat invoque deux motifs pour soutenir qu'il faut pousser plus loin l'analyse à laquelle l'agent a procédé en l'espèce, à savoir :

 

1.      Implicitement, lorsqu'une loi prévoit un droit d'appel, cette loi doit être interprétée de manière à garantir l'égalité d'accès à la procédure d'appel à toutes les personnes susceptibles d'être touchées.

2.      Les dispositions d'appel doivent être interprétées à la lumière de l'article 7 de la Charte de manière à reconnaître que le droit à la « sécurité de sa personne » garantit l'égalité d'accès à la procédure d'appel à toutes les personnes susceptibles d'être touchées.

Point 1

[25]           Le syndicat soutient que lorsqu'une disposition conférant un droit d'appel comme celle qui nous occupe en l'espèce est prévue par une loi, on contreviendrait aux « principes de justice naturelle » si l'on interprétait ces dispositions autrement que comme un mécanisme garantissant l'égalité d'accès à la procédure d'appel à toutes les personnes susceptibles d'être touchées. Le syndicat invoque au soutien de sa thèse le jugement rendu par le juge Berger dans l'arrêt Préfontaine c. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.) [2001] A.J. no 1444, 2001 ABCA 288, et en particulier le paragraphe 7, où le juge explique ce qui suit : [traduction] « lorsque le législateur choisit de prévoir un mécanisme d'appel, ce mécanisme doit, à mon avis, être appliqué de manière à respecter les principes de justice naturelle ». Cette décision portait sur la question de savoir si le juge de première instance qui avait rendu une décision pouvait également être la personne chargée de décider s'il y avait lieu d'accorder l'autorisation de faire appel de cette décision. Le juge Berger a estimé que ce rôle revenait à un autre juge.

 

[26]           Le débat ne porte pas sur cette question en l'espèce. Dans le cas qui nous occupe, le Code ouvre une voie de recours à l'employeur lorsqu'il a été contraint d'accomplir un acte déterminé en vertu d'une décision ou d'une instruction. Lorsque aucune décision n'a été prise et qu'aucune instruction n'a été donnée, l'employé peut, aux conditions énumérées à l'article 128, refuser de travailler. Il peut également présenter une demande de contrôle judiciaire. Ainsi que le juge Linden l'explique au nom de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens, (1992), 142 NR 173 (autorisation d'appel refusée à [1992] SCCA no 253) à la page 176 :

Il est loisible au Parlement de refuser constitutionnellement le droit d'appel. Les principes de justice fondamentale n'obligent pas à tenir des audiences et des appels interminables à chacune des étapes d'une procédure. Dans cette affaire-ci, le Parlement a sans aucun doute jugé qu'il existait suffisamment d'autres voies d'appel et de révision et qu'il était injustifié de faire appel à cette étape préliminaire.

 

 

[27]           En l'espèce, le Code définit avec précision certaines voies de recours tout en prévoyant aussi d'autres moyens de faire reconnaître ses droits. On ne saurait interpoler un droit d'appel implicite dans le Code.

 

Point 2

[28]           Le syndicat affirme que les dispositions de la partie II du Code qui prévoient un mécanisme d'appel doivent être interprétées à la lumière de l'article 7 de la Charte, qui garantit le droit à la « sécurité de sa personne ». Il fait valoir que, comme le nouveau manuel traite notamment de questions de santé et de sécurité et que l'article 122.1 du Code déclare expressément que la partie II du Code a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions, il faut donner une interprétation large aux dispositions relatives à l'appel de manière large à garantir l'égalité d'accès à toutes les personnes susceptibles d'être visées.

 

[29]           On doit donner la préférence aux valeurs consacrées dans la Charte lorsqu'on interprète une loi, mais uniquement lorsque celle-ci se prête à plusieurs interprétations. Le tribunal ne peut récrire une loi qui ne comporte aucune véritable ambiguïté. C'est ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans les termes les plus nets dans l'arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989], 1 R.C.S. 1038 sous la plume du juge en chef Dickson, qui écrit ce qui suit, au nom des juges majoritaires, au paragraphe 87 :

Or, quoique cette Cour ne doive pas ajouter ou retrancher un élément à une disposition législative de façon à la rendre conforme à la Charte, elle ne doit pas par ailleurs interpréter une disposition législative, susceptible de plus d'une interprétation, de façon à la rendre incompatible avec la Charte et, de ce fait, inopérante. Une disposition législative conférant une discrétion imprécise doit donc être interprétée comme ne permettant pas de violer les droits garantis par la Charte.

 

 

[30]           Par ailleurs, dans l'arrêt Hills c. Canada (Procureur général) [1988] 1 R.C.S. 513, la juge L’Heureux-Dubé dit ce qui suit, au nom de la majorité, au paragraphe 95 :

Bien qu'il n'invoque aucune disposition précise de la Charte, l'appelant a néanmoins soutenu que, dans l'interprétation d'une loi, on doit donner la préférence aux valeurs consacrées dans la Charte, notamment à celle de la liberté d'association. Je suis d'accord que ces valeurs doivent être préférées à une interprétation qui leur serait contraire (SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573; Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110).

 

 

[31]           Les dispositions de la partie II du Code relatives aux appels ne se prêtent pas à plusieurs interprétations raisonnables. Elles sont claires. Il n'est pas nécessaire de recourir à la Charte pour dégager l'interprétation appropriée.

 

[32]           Par conséquent, en réponse à la première question, je conclus que l'agent d'appel n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il ne pouvait connaître de l'appel.

 

Deuxième question ─ Si l'agent d'appel n'a pas commis d'erreur, le paragraphe 146(1) du Code est-il inopérant au motif qu'il contrevient à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

 

[33]           Ce point soulève une question constitutionnelle. Il ressort du dossier que les avis appropriés ont été signifiés aux procureurs généraux appropriés. Aucun d'entre eux n'a encore choisi de prendre part à la présente action.

 

[34]           Pour débattre de cette question, le syndicat affirme que, si les dispositions du Code qui confèrent le droit de se porter en appel devant un agent d'appel n'est ouvert qu'à l'employeur visé par une décision ou une instruction, ces dispositions ne garantissent pas la « sécurité de la personne » des employés et elles doivent par conséquent être invalidées.

 

[35]           Je reviens sur les propos que j'ai tenus précédemment au sujet du point 1 soulevé par le syndicat au sujet de l'égalité d'accès au droit d'appel. Il n'est pas nécessaire que la loi garantisse à chacun l'égalité d'accès à chacune des voies de recours qu'elle prévoit : il suffit qu'elle permette d'obtenir une réparation utile. Dans le cas qui nous occupe, l'employé peut refuser de travailler dans certaines circonstances déterminées et il peut exercer un recours en contrôle judiciaire lorsque les conditions applicables sont réunies. Le paragraphe 146(1) du Code ne contrevient pas aux principes consacrés à l'article 7 de la Charte.

Troisième question ─ Y a-t-il lieu d'accorder une prorogation de délai de manière à permettre au syndicat de demander le contrôle judiciaire de la décision du 7 mai 2001?

 

[36]           La décision sous-jacente est celle du 7 mai 2001. L'agent de santé et de sécurité a essentiellement adopté le rapport de l'enquêteuse en concluant qu'il n'existait aucun danger et qu'il y avait lieu d'accepter les promesses de conformité volontaire. Ainsi qu'il a déjà été précisé, le syndicat cherche à contester cette décision au motif qu'elle est entachée de partialité et qu'elle contrevient aux principes de justice fondamentale. Il n'a cependant encore introduit aucune instance en contrôle judiciaire de cette décision.

 

[37]           Le syndicat explique qu'il n'a pas introduit d'instance en contrôle judiciaire de la décision du 7 mai 2001 parce qu'il estimait qu'il convenait bien davantage d'interjeter appel devant un agent d'appel et parce qu'il croyait que l'agent pouvait connaître de cette question. Aux termes de l'ordonnance qu'elle a prononcée le 12 septembre 2002, la Cour a autorisé le syndicat à plaider qu'il devait bénéficier d'une prorogation du délai imparti pour demander au besoin le contrôle judiciaire de la décision du 7 mai 2001. Or, cette mesure est maintenant nécessaire.

 

[38]           Les critères dont il y a lieu de tenir compte pour décider s'il faut accorder une prorogation de délai sont bien établis. Ainsi, dans le jugement Alcorn c. Commissaire du Service correctionnel du Canada [1999], 163 FTR 1, aux paragraphes 34 à 43, notre Cour énumère les facteurs suivants :

1.      Une intention constante de demander le contrôle judiciaire a-t-elle été démontrée et une explication raisonnable a-t-elle été avancée pour justifier le retard?

2.      Le demandeur a-t-il fait la preuve qu'il possède une cause défendable?

3.      Un préjudice est-il causé à autrui?

 

[39]           Sur le premier critère, signalons que le syndicat a démontré son intention constante de contester la décision du 7 mai 2001. Il croyait que le moyen approprié de le faire était d'en appeler. Aux termes de l'ordonnance susmentionnée, notre Cour l'a autorisé à demander au besoin la prorogation du délai qui lui était imparti pour présenter une demande de contrôle judiciaire. Les délais écoulés depuis, du fait notamment du prononcé d'ordonnances par lesquelles la Cour supérieure de l'Ontario a suspendu des instances comme la présente, constituent une explication valable pour justifier tout retard survenu par la suite.

 

[40]           Pour ce qui est du deuxième critère, la Cour n'a pas à trancher l'affaire; elle est simplement appelée à décider si la cause est défendable. Ce critère préliminaire est peu exigeant. J'estime qu'en l'espèce il a été respecté.

 

[41]           En ce qui concerne le troisième des critères en question, Air Canada soutient que le débat est devenu théorique. Le Manuel a été mis en application et a été modifié au cours des années qui ont suivi. Le syndicat soutient que la décision qu'il cherche à contester soulève des questions de principe qu'il devrait être autorisé à débattre. J'estime qu'Air Canada ne subira aucun préjudice grave si la prorogation de délai demandée est accordée.

 

[42]           Il sera donc accordé aux demandeurs, ou à l'un ou l'autre d'entre eux, une prorogation de délai de trente (30) jours, à compter de la date des présents motifs, pour déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision du 7 mai 2001. Les dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'ordonnance prononcée par la Cour le 12 septembre 2002 s'appliqueront.

 

Dépens

 

[43]           Chacune des parties obtient en partie gain de cause. Air Canada s'est retrouvée dans la position de devoir défendre une loi qu'elle n'a pas rédigée, n'ayant pu bénéficier de l'aide du gouvernement. Il n'y a pas lieu d'adjuger de dépens.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-776-02

 

INTITULÉ :                                       PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DES EMPLOYÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET AL.

 c.

 AIR CANADA ET AL.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 29 MAI 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 1er JUIN 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Beth Symes

POUR LES DEMANDEURS

 

Timothy Lawson

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Symes & Street

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Heenan Blaikie

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS


 

 

Date : 20060601

Dossier : T-776-02

Toronto (Ontario), le 1er juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

ENTRE :

PAMELA SACHS, SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN, COMPOSANTE D'AIR CANADA, COMITÉ DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL de la SECTION LOCALE 4004 (TORONTO)

 

                                                                                                                                        demandeurs

 

et

 

 

AIR CANADA, DOUGLAS MALANKA et JACQUES SERVANT

                                                                                                                                          défendeurs

 

 

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR, STATUANT SUR LA DEMANDE dont elle a été saisie le lundi 29 mai 2006 en vue d'obtenir :

 

1.                  une ordonnance annulant la décision du 18 avril 2002 de Malanka (décision no 02-004);

 

2.                  un jugement déclarant qu'un agent d'appel peut, en vertu de l'article 146 du Code, connaître de l'appel d'une décision par laquelle un agent de santé et de sécurité a jugé qu'il n'existait pas de danger dans les lieux de travail et déclarant que cet agent a également compétence pour reprendre depuis le début l'examen du bien-fondé d'une plainte déposée en vertu du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail et/ou du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs);

 

3.                  une ordonnance enjoignant à Malanka ou à un autre agent d'appel d'instruire l'appel de la décision de Jacques Servant en date du 7 mai 2001 et de reprendre depuis le début l'examen de la plainte des demandeurs;

 

4.                  à titre subsidiaire, si la Cour conclut que Malanka ne pouvait connaître de l'appel de la décision de Jacques Servant en date du 7 mai 2001, les demandeurs sollicitent les mesures suivantes :

 

a.                  une ordonnance annulation la décision de Jacques Servant en date du 7 mai 2001;

 

b.                  une ordonnance enjoignant à un autre agent de santé et de sécurité d'enquêter sur les plaintes déposées par les demandeurs en vertu du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail et/ou du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs);

 

c.                   au besoin, une ordonnance prorogeant le délai imparti aux demandeurs pour saisir directement la Cour d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Jacques Servant en date du 7 mai 2001;

5.               En tout état de cause, les demandeurs sollicitent les mesures suivantes :

a.                les dépens de la présente demande de contrôle judiciaire;

b.               toute autre réparation que la Cour jugera bon d'accorder.

 

            VU l'ordonnance prononcée par la Cour le 12 septembre 2002;

 

LECTURE FAITE des pièces versées au dossier ET APRÈS AUDITION des observations des avocats des parties;

 

ET pour les motifs ci-joints;

 

1.                  REJETTE la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'appel (Malanka) en date du 12 avril 2002;

2.                  ACCORDE l'autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent de santé et de sécurité (Servant) en date du 7 mai 2001 à condition que cette demande soit déposée dans les 30 jours des présentes, sur quoi les dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'ordonnance prononcée par la Cour le 12 septembre 2002 s'appliqueront;

3.                  REJETTE par ailleurs la présente demande;

4.                  N'ADJUGE aucuns dépens.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

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