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Date : 20031217

Dossier : IMM-9338-03

Référence : 2003 CF 1491

Toronto (Ontario), le 17 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                                    YOSUUF GABRA

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience, puis énoncés par écrit et révisés pour plus de précision)

[1]                 Le demandeur, un citoyen d'Israël arabe, a témoigné pour le compte de la police israélienne dans le cadre de poursuites intentées contre les membres de deux organisations criminelles arabes. Son témoignage a entraîné la condamnation de ces derniers, ce pourquoi sa vie est en danger en Israël. Afin de pouvoir mieux le protéger, la police israélienne a fourni au demandeur de nouvelles pièces d'identité. Le demandeur s'est rendu aux États-Unis, où il a été déclaré coupable d'une série d'actes criminels. Il a été déporté en Israël. Muni de nouvelles pièces d'identité, fournies encore une fois par les autorités israéliennes, il est venu au Canada, soi-disant pour assister à un match de basket-ball. Il a été arrêté au point d'entrée.


[2]                 Le demandeur a essayé en vain d'obtenir la protection du Canada en application des alinéas 97(1)a) et 97(1)b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27. Une décision défavorable relative à un examen des risques avant renvoi (l'ERAR) a également été rendue à son égard le 18 novembre 2003. Deux lettres émanant de la police israélienne ont été présentées lors de l'audience concernant l'ERAR. Leurs auteurs attestent que la vie du demandeur est réellement menacée et demandent l'octroi à celui-ci de la permission de rester au Canada. L'avocat du défendeur m'a informé que le renvoi du demandeur du Canada est imminent. Le demandeur a demandé un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi qui a été ou qui est sur le point d'être prise contre lui. Les deux parties m'ont demandé d'examiner la requête maintenant, pour éviter qu'une requête ne soit présentée d'urgence pendant les vacances de Noël, lors de l'exécution de la mesure de renvoi.

[3]                 Les requêtes en sursis sont évidemment assujetties au critère à trois volets énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

[4]                 J'estime que le demandeur ne satisfait pas au volet du critère ayant trait à la prépondérance des inconvénients, et ce, pour les motifs suivants :


-            Il est arrivé au Canada muni de fausses pièces d'identité et il a menti à l'agent d'immigration au sujet de la raison de sa venue au pays. Ce n'est qu'après qu'il a été arrêté et qu'on a obtenu les résultats d'une analyse d'empreintes digitales que le demandeur a accepté de révéler sa véritable identité et a déclaré avoir qualité de personne à protéger.

-            De son propre aveu, le demandeur a commis plusieurs crimes graves en Israël.

-            Le dossier de la CISR révèle que des déclarations de culpabilité ont été prononcées contre le demandeur aux États-Unis, qu'il y a purgé une peine et qu'il a été expulsé.

-            Le demandeur fait toujours l'objet de plusieurs accusations graves en instance aux États-Unis, plus particulièrement d'une accusation d'enlèvement.

-            Le demandeur a pu se prévaloir de tous les recours judiciaires qui s'offraient à lui au Canada : il a eu droit à une audience devant la CISR en présence de son avocat et à un ERAR dans le cadre duquel il a pu présenter des éléments de preuve additionnels. Toutefois, les deux démarches ont débouché sur la conclusion que le demandeur pouvait se réclamer de la protection de l'État d'Israël.

-            Le demandeur est en prison depuis plus d'un an et il est actuellement en isolement.

-            L'État d'Israël, par l'intermédiaire de ses agents d'application de la loi, a reconnu que le demandeur est exposé à des menaces à sa vie en Israël et a demandé au Canada d'accorder au demandeur la permission de rester au pays. Il n'a cependant jamais affirmé être incapable de le protéger.

-            Il ne fait aucun doute que l'État d'Israël est prêt à permettre au demandeur de revenir si sa tentative d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision relative à l'ERAR n'est pas couronnée de succès, ce qui est très probable.


-            L'arrêt Suresh c. Canada (M.C.I.), [1999] 4 C.F. 206, ne peut pas être invoqué en l'espèce. Dans l'arrêt en question, on avait soulevé la question de la crédibilité de la promesse du gouvernement sri-lankais de ne pas torturer le réfugié. Le sérieux des efforts du gouvernement israélien en vue de protéger le demandeur n'est pas en cause dans la présente affaire.

[5]                 Pour pouvoir obtenir le recours en equity qu'il sollicite, le demandeur devait se présenter devant la Cour en n'ayant rien à se reprocher. Comme on peut le constater à la lecture de ce qui précède, ce n'est absolument pas le cas.

[6]                 L'exigence relative à l'application régulière de la loi ayant été remplie à l'égard du demandeur, la prépondérance des inconvénients favorise maintenant le défendeur. On doit protéger l'intégrité du système d'immigration et de protection des réfugiés du Canada et dissiper l'impression que ce système peut être utilisé par un autre pays comme programme officieux et extraterritorial de protection de ses témoins.

[7]                 La présente demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi est donc rejetée.


                                                        ORDONNANCE

Vu la requête en date du 5 décembre 2003 que le demandeur a présentée afin d'obtenir un sursis à l'exécution de toute mesure de renvoi prise ou susceptible d'être prise contre lui (pour donner suite à la décision défavorable relative à l'ERAR rendue le 18 novembre 2003) qui lui ordonnerait de quitter le Canada;                          

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.

          « K. von Finckenstein »          

Juge                             

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-9338-03

INTITULÉ :                                                        YOSUUF GABRA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 16 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                     LE 17 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Hart A. Kaminker                                                 POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kranc & Associates                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

                                                             Date : 20031217

                                               Dossier : IMM-9338-03

ENTRE :

YOSUUF GABRA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                        défendeur

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MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

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