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Date : 20010529

Dossier : T-808-98

Référence neutre : 2001 CFPI 546

ENTRE :

                          JOHNSON & JOHNSON INC. et

                   EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

                                                                                        demanderesses

                                                    - et -

    ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA, INC.

                                                                                           défenderesse

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1] Les présents motifs se rapportent à une requête présentée par la défenderesse Arterial Vascular Engineering Canada, Inc. ( AVEC ) pour obtenir une ordonnance infirmant une ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière, le 4 avril 2001, dans la mesure où il y ordonne à la défenderesse de répondre à certaines questions auxquelles son représentant a refusé de répondre lors de l'interrogatoire préalable.


[2] L'action des demanderesses porte sur certains brevets détenus par les demanderesses Johnson & Johnson Inc. et par Expandable Grafts Partnership (ci-après JOHNSON ) qui auraient été contrefaits, à savoir les brevets numéros 1,281,505, 1,338,303, 1,322,628, et 1,330,186 ( les brevets ). Ils ont trait à des implants intravasculaires expansibles appelés stents, servant au traitement des maladies vasculaires et conçus pour être insérés dans les vaisseaux et les maintenir ouverts. La société AVEC nie toute contrefaçon liée à son dispositif et conteste la validité des brevets en cause.

[3] La défenderesse interjette appel de l'ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière dans la mesure où il y ordonne à la défenderesse de répondre à six questions déterminées ayant déjà été posées et auxquelles elle a refusé de répondre lors de l'interrogatoire préalable. En ce qui à trait aux autres questions visées par l'ordonnance, celle-ci n'est pas contestée.

[4] Les parties se sont entendues sur les principes à appliquer, notamment :

1)          Une ordonnance discrétionnaire rendue par un protonotaire ne devrait pas être infirmée à moins qu'elle ne soit manifestement erronée quant aux faits, ou qu'elle ne s'appuie sur un mauvais principe juridique, ou qu'il en résulte une injustice à l'égard de l'appelante. Si un appel est accueilli, la Cour reprend l'affaire depuis le début. (Canada v. Aqua-Gem Investments Ltd. [1993] 2 C.F. 426 à la page 463 (C.A.F.))


2)          La personne soumise à un interrogatoire préalable doit répondre au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure (règle 240a) des Règles de la Cour fédérale (1998).

3)          Les questions et les documents sont pertinents dans la mesure où ils visent à obtenir ou à fournir des renseignements qui permettent directement ou indirectement de faire progresser la cause d'une partie ou de miner celle de la partie adverse (Reading & Bates Construction Co. et al. v. Baker Energy Resources Co. et al. (1988), 24 C.P.R. (3d) 66, à la page 70 (C.F. 1re inst.)).

4)          La pertinence est une question de droit, et la Cour ne peut contraindre quelqu'un à répondre à des questions qui, malgré leur pertinence, ne permettent vraisemblablement pas de faire progresser la situation juridique d'une partie ou qui nécessitent une telle recherche ou dont le temps de réponse est si long que le résultat s'en trouve injustifié parce que la situation des parties ne variera probablement pas de façon significative. (Reading & Bates Construction Co., précitée, aux pages 70 et 71).


5)          Les questions qui requièrent une opinion, que ce soit d'experts ou de témoins, ou qui nécessitent un avis juridique, une interprétation de document ou un commentaire portant sur une déclaration faite par un tiers, ne sont pas légitimes et il n'y a pas lieu d'y répondre. (Coming Glass Works v. Canada Wire & Cable Co. Ltd. (1983), 74 C.P.R. (2d) 105 à la page 106, 108 (C.F. 1re inst..), Reading & Bates Construction Co., précitée, à la page 71).

[5] Les questions en litige, identifiées par les numéros indiqués dans les transcriptions, et un résumé des arguments concernant chacune d'elles, sont ci-après énoncés et accompagnés de ma décision.

1.          Question 225 (Transcription - Confidentielle, 5 avril 2000, p. 50)

Si le Micro Stent II a été le premier stent coronarien expansible doté d'un ballonnet expédié par AVE Canada Inc.

Objection de la défenderesse : Les actes de procédure allèguent contrefaçon liée à deux types particuliers de stents fabriqués par AVEC, soit le Micro Stent II et le stent GFX. Il n'est pas pertinent de savoir si le Micro Stent II a été le premier stent coronarien expansible doté d'un ballonnet expédié par AVEC. Le fait de savoir si des stents ont été expédiés avant le Micro Stent II ou non n'a pas d'incidence sur la question de la contrefaçon des brevets des demanderesses par les deux stents nommément désignés.

Observations des demanderesses :L'objection est prématurée. Si le Micro Stent II a été le premier produit expédié, il s'agit manifestement d'un fait allégué mais non admis, en l'occurrence au paragraphe 10 de la défense et demande reconventionnelle modifiée dans lequel AVEC a allégué avoir cessé de fabriquer et de vendre le Micro Stent II au Canada.


Directive :L'observation des demanderesses ne démontre pas la pertinence de la question quant à la contrefaçon soulevée dans les actes de procédure. La conclusion du protonotaire selon laquelle la question était pertinente constitue une erreur de droit et devrait être infirmée.

Il n'y a pas lieu de répondre à cette question.

2.    Question 94 (Transcription - Très Confidentielle, 5 avril 2000, p. 23)

Si la production manufacturière qui se faisait à Richmond, C.-B. s'effectue maintenant aux États-Unis, comme il en a été question dans la déclaration de AVEC 092792.

Objection de la défenderesse : La question n'a aucun rapport avec les points en litige, l'action portant sur la validité et la contrefaçon des brevets des demanderesses au Canada. Les activités d'une autre société ayant lieu ailleurs qu'au Canada ne sont aucunement pertinentes.

Observations des demanderesses : L'objection n'est pas bien fondée étant donné que la question se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure, particulièrement dans la défense et demande reconventionnelle modifiée, au paragraphe 21 de laquelle il est allégué que « AVEC a fabriqué et vendu un stent en liaison avec la marque de commerce Micro Stent II, mais la fabrication et la vente de ce dispositif ont cessé au Canada » . Les demanderesses ont fait remarquer qu'elles devraient avoir la possibilité d'analyser la déclaration incluse dans le document mentionné dans la question, à savoir le rapport annuel de la société AVEC pour l'année 1997 lequel fait allusion à une éventuelle production destinée au marché américain à partir d'installations situées aux États-Unis.


Directive : Les observations des demanderesses ne démontrent pas la pertinence par rapport aux questions en litige, étant donné qu'aucun point litigieux ne porte sur la fabrication des dispositifs aux États-Unis dans une usine située là-bas. Les faits recherchés sont peut-être des faits généralement connus de la société AVEC, mais ils ne se rapportent pas aux questions soulevées dans les actes de procédure. L'évaluation faite par le protonotaire de la pertinence de la question était erronée et elle est infirmée.

Il n'y a pas lieu de répondre à cette question.

3.    Question 384 (Transcription, Confidentielle, 5 avril 2000, p. 92.

Sans avoir recours à l'avis d'un médecin expert, ...dans quelles circonstances le stent se déploie-t-il à 9 atmosphères plutôt qu'à 11 atmosphères ?

Objections de la défenderesse : La question n'est pas légitime car elle ne porte sur aucun des faits en litige soulevés dans les actes de procédure et également parce qu'il faudrait recourir à l'avis d'un expert, malgré la restriction à cet effet, car il est impossible d'y répondre de manière satisfaisante sans l'avis d'un médecin expert sur lequel l'utilisation du stent serait fondée. Quoi qu'il en soit, son utilisation n'est pas pertinente en ce qui a trait aux questions de contrefaçon et de validité.

Observations des demanderesses : Les demanderesses soutiennent qu'il s'agit d'une question appropriée faisant suite aux réponses du témoin de la défenderesse portant sur l'intervalle de pression recommandé pour le déploiement du stent de la défenderesse. On invoque la pertinence de cette question à la lumière du paragraphe 23 de la défense et demande reconventionnelle modifiée où il est allégué que la technologie utilisée pour le stent fabriqué par AVEC est totalement différente de celle ayant fait l'objet du brevet. Les demanderesses font valoir que la question est pertinente en ce qui a trait aux caractéristiques et au fonctionnement du dispositif en cause.


Directive : À mon avis, la question ne porte pas sur le fonctionnement du dispositif de la défenderesse, mais plutôt sur des faits connus du témoin de la société AVEC concernant les circonstances dans lesquelles le dispositif peut être employé à une pression déterminée, question dont la réponse, si elle est connue, peut seulement se fonder sur l'avis d'un médecin expert. L'ordonnance du protonotaire, fondée sur ce qui lui a semblé être de commune renommée pour le représentant de la défenderesse, n'a pas tenu compte du fait que ce dernier devrait fonder sa réponse sur l'avis d'un médecin expert.

Il n'y a pas lieu de répondre à la question.

4.    Questions 209 et 210 (Transcription, 5 avril 2000, Confidentielle, p. 46 et 47.

S'il est vrai que le Micro Stent II était un « dispositif de deuxième génération » (en ce qui concerne AVEC 092788).

Objections de la défenderesse : La question vise à obtenir des renseignements concernant les stents de la défenderesse fabriqués antérieurement à ceux qui auraient contrefait les brevets des demanderesses.

Observations des demanderesses: On allègue que la question de dispositif de « deuxième génération » découle de l'utilisation de cette expression dans le rapport annuel de la société AVEC.

Directive :L'utilisation d'une expression dans la documentation soumise ne soulève pas, en soi, une question litigieuse en l'espèce, et cette question n'est pas pertinente en ce qu'elle ne porte pas sur un des points soulevés dans les actes de procédure. Le protonotaire a commis une erreur de droit en concluant que cette question se rapportait aux points en litige et son ordonnance doit être infirmée.

Il n'y a pas lieu de répondre à la question.

5.    Question 236 (Transcription Confidentielle, 5 avril 2000, p. 93.

Quelle signification la société défenderesse a-t-elle donnée à l'énoncé se trouvant dans le document no AVEC 092788 (rapport annuel de la société AVEC) selon lequel le Micro Stent II a « une force radiale accrue » ?


6.    Question 33 (Transcription, Très Confidentielle, 6 avril 2000, p. 12)

En ce qui concerne AVEC 106034, que voulait dire John Schiek par « prothèse » dans ce document?

Objections de la défenderesse :    Ces deux questions ne sont pas légitimes. En faisant porter leurs questions sur le sens des mots, les demanderesses sont à la recherche d'une interprétation des documents concernés, ainsi que d'une preuve sous forme d'opinion. En outre, on fait remarquer que les renseignements recherchés ne sont pas pertinents aux questions en litige et ne font pas progresser la cause des demanderesses.

Observations des demanderesses : On fait valoir que le protonotaire a correctement utilisé son pouvoir discrétionnaire et qu'il a reconnu la pertinence de questionner un représentant de la société soumis à un interrogatoire préalable pour savoir quelle signification la société donnait à une phrase ou une expression utilisée dans sa propre documentation.

Directive : À mon avis, le protonotaire n'a commis aucune erreur de droit, et il n'a commis aucune erreur manifeste dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. La question 236 porte sur une caractéristique du stent fabriqué par la société AVEC décrite dans un de ses documents, et la question 33 concerne un mot utilisé dans une lettre émanant d'un vice-président de la compagnie défenderesse et portant sur le stent en cause. Il y a lieu de répondre à ces deux questions.

Conclusion

[6] Une ordonnance est rendue accueillant en partie l'appel de la défenderesse et portant qu'il n'y a pas lieu de répondre à quatre des six questions, auxquelles la défenderesse s'est objectée.


[7]         Il y a lieu de répondre aux questions 236 C. 5 avril 2000, et 33, T.C. 6 avril 2000, visées par l'ordonnance du protonotaire.

[8]         Les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                      (signé) W. Andrew MacKay

                                                                                                           JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 29 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-808-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          JOHNSON & JOHNSON INC. ET AL. c. ARTERIAL

VASCULAR ENGINEERING CANADA, INC.

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 14 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge MacKAY

EN DATE DU :         Le 29 mai 2001

ONT COMPARU :

ALLYSON WHYTE                                           POUR LES DEMANDERESSES

JULIE PERRIN                                                   POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

AIRD & BERLIS

TORONTO                                                          POUR LES DEMANDERESSES

GOODMANS s.r.l.

TORONTO                                                          POUR LA DÉFENDERESSE


Date : 20010529

Dossier : T-808-98

OTTAWA (Ontario) ce 29e jour de mai 2001

EN PRÉSENCE DE :                                       Monsieur le juge MacKay

ENTRE :

                          JOHNSON & JOHNSON INC. et

                   EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

                                                                                        demanderesses

                                                    - et -

    ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA, INC.

                                                                                           défenderesse

VU la requête de la défenderesse visant à obtenir

1)    une ordonnance infirmant l'ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière en date du 4 avril 2001, et

2)    une ordonnance rejetant la requête des demanderesses, visant à obtenir des réponses à des questions refusées dans l'interrogatoire préalable.

APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Toronto le 14 mai 2001, la Cour ayant alors sursis au prononcé de la décision, et après avoir examiné les observations présentées par les parties;


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          La requête est accueillie en partie.

2.          L'ordonnance en cause est infirmée, mais pour autant seulement que sont concernées les questions suivantes :

Question 225 (transcription C, 5 avril 2000)

Question 94 (transcription TC, 5 avril 2000)

Question 384 (transcription C, 5 avril 2000)

Questions 209, 210 (transcription C, 5 avril 2000)

Il n'y a pas lieu de répondre aux questions énoncées au paragraphe 2 et la requête des demanderesses est rejetée dans la mesure où elle visait à obtenir des réponses à ces questions.

3.          La requête de la défenderesse est rejetée quant à cette partie de l'ordonnance visant à obtenir des réponses aux questions 236 (transcription C, 5 avril 2000) et 33 (transcription TC, 6 avril 2000). Il faut répondre à ces questions conformément à l'ordonnance du protonotaire.

4.          Les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                           (signé) W. Andrew MacKay

                                                                                                           JUGE

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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