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                                                                                                                               Date : 20040430

                                                                                                                    Dossier : IMM-2316-03

                                                                                                                 Référence : 2004 CF 638

ENTRE :

                                                               Jamila EL BRINI

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 5 mars 2003, statuant que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

[2]         Jamila El Brini (la demanderesse) est citoyenne du Maroc. Elle allègue avoir une crainte de persécution bien fondée en raison de son appartenance à un groupe social, soit les femmes. Elle allègue en outre être une personne à protéger.


[3]         La CISR a conclu que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » , parce qu'elle ntait pas crédible et qu'elle n'a pas démontré l'incapacité de ltat marocain de la protéger.

[4]         En matière de crédibilité, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la CISR à moins que le demandeur puisse démontrer que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7). Il est bien établi que la CISR est un tribunal spécialisé qui a le pouvoir d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure oùles inférences qu'il tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et les motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).

[5]         En l'espèce, la CISR a conclu que le récit de la demanderesse ntait pas crédible parce que celui-ci comportait plusieurs omissions, invraisemblances et incohérences. La CISR a noté, entre autres, les incohérences, dans le Formulaire de renseignements personnels modifié, au sujet de la violence dont la demanderesse dit avoir été victime après 1994 et au sujet des plaintes qu'elle aurait déposées. De plus, la CISR a accordépeu de valeur probante aux documents soumis parce que ceux-ci, des documents médicaux et la lettre de la mère de la demanderesse datée du 30 juillet 2001, comportaient des incohérences. Une révision du dossier et, surtout, des notes sténographiques de l'audience démontre que la CISR a bien tenu compte des explications de la demanderesse mais qu'elle les a simplement jugées insuffisantes.


[6]         La CISR a aussi conclu que la demanderesse n'avait pas établi l'incapacité de ltat de la protéger. Ltat est présumé être capable de protéger ses citoyens. En l'espèce, la demanderesse a allégué avoir recherché la protection des autorités, mais prétend que celles-ci ne voulaient pas lui en accorder en raison de l'importance de la famille de son mari au Maroc et aussi parce que les incidents de violence conjugale ntaient pas sanglants. Toutefois, le témoignage de la demanderesse à ce sujet étant confus, incohérent et contradictoire, comme le révèle les pages 381 à 387 du dossier du tribunal, je ne peux conclure que celui-ci a erré en jugeant que la demanderesse n'avait pas démontré par une preuve claire et convaincante qu'elle ne pouvait pas obtenir la protection de ltat (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689).

[7]         Le défendeur a enfin raison de rappeler que la CISR a conclu à un manque de crainte subjective parce que les agissements de la demanderesse lorsqu'elle a quittéle Maroc ne correspondent pas au comportement d'une personne qui craint réellement la persécution. Le fait que la demanderesse n'ait pas revendiqué le statut de réfugiée lors de son passage aux États-Unis et qu'elle ait attendu presqu'un mois avant de faire sa revendication au Canada sont des indices significatifs du caractère de la crainte de persécution alléguée et la CISR pouvait ainsi raisonnablement conclure à un manque de crédibilité de la crainte subjective alléguée par la demanderesse (Ilie c. Canada (M.C.I.), [1994] A.C.F. no 1758 (QL)).

[8]         Finalement, la plainte de la demanderesse à l'effet que le tribunal, dans le contexte de son allégation de violence conjugale, n'ait pas fait preuve de sensibilité, est tout simplement sans fondement. Une lecture des notes sténographiques révèle une atmosphère tout à fait appropriée et un comportement irréprochable du président du tribunal. C'est sans doute pourquoi le premier avocat de la demanderesse n'a fait aucune intervention, à cet égard, lors de l'audition devant la CISR.


[9]         Pour toutes ces raisons, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 avril 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2316-03

INTITULÉ :                                                       Jamila EL BRINI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 1er avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 30 avril 2004        

COMPARUTIONS :

Me Michelle Langelier                                    POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Edith Savard                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michelle Langelier                                          POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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