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Date : 20050330

Dossier : IMM-1929-04

Référence : 2005 CF 423

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                                    UMUT CIN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Umut Cin s'est enfui de Turquie en 2000 alors qu'il n'était âgé que de 18 ans. Il a revendiqué le statut de réfugié au Canada, alléguant avoir été détenu et battu par la police parce qu'il est d'origine kurde et de religion alevie. Il prétend en outre que la police s'en est prise à lui parce qu'elle voulait retrouver son oncle, lequel s'était soustrait au service militaire et avait obtenu le statut de réfugié au Canada.

[2]                Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a considéré que certains éléments du récit de M. Cin étaient invraisemblables. Selon M. Cin, la Commission a commis des erreurs graves dans son appréciation de la preuve. Il me demande d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience. Je conviens avec lui que la Commission a commis des erreurs. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Questions en litige

1. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que M. Cin n'avait pas été détenu et battu en 1998?

2. La Commission a-t-elle commis une erreur en n'ajoutant pas foi au témoignage de M. Cin concernant le refus de son oncle de faire son service militaire?

II. Analyse

1. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que M. Cin n'avait pas été détenu et battu en 1998?


[3]                M. Cin dit qu'en mars 1998 il a arrêté et détenu en même temps que 15 autres personnes après avoir assisté à une célébration Newroz. Il aurait été battu pendant trois jours. La Commission a jugé invraisemblable que M. Cin ne se soit pas enfui de Turquie immédiatement après avoir été remis en liberté. Elle a conclu que M. Cin n'avait jamais été arrêté ou battu.

[4]                La Commission peut tirer des conclusions de fait et les juges doivent démontrer une grande retenue à l'égard de ses conclusions. Elle peut aussi conclure que le récit d'un demandeur est invraisemblable si cette conclusion est étayée par la preuve. Dans certains cas, la Cour est tout aussi bien placée que la Commission pour apprécier la vraisemblance de la version des événements qui a été présentée à cette dernière. Divsalar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 875 (1re inst.) (QL); Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1131 (1re inst.) (QL).

[5]                M. Cin a indiqué qu'il ne voulait pas quitter la Turquie après avoir été détenu et battu parce qu'il avait seulement 16 ans à l'époque et qu'il voulait terminer ses études secondaires. Ses explications ne semblent pas assez invraisemblables pour que la Commission ait eu raison de conclure que son témoignage était complètement faux. Rien ne permettait de croire, au moment de sa remise en liberté, que M. Cin serait de nouveau maltraité s'il cessait ses activités politiques et religieuses comme il l'a fait. On pourrait comprendre le désir de sa mère de le voir rester en Turquie jusqu'à la fin de ses études et rejoindre ensuite son oncle au Canada.

2. La Commission a-t-elle commis une erreur en n'ajoutant pas foi au témoignage de M. Cin concernant le refus de son oncle de faire son service militaire?


[6]                M. Cin a indiqué dans son témoignage que son oncle lui avait rendu visite en Turquie en 1997. Son oncle avait fait le voyage du Canada vers la Turquie et était ensuite revenu au Canada sans aucun problème. Encore une fois, la Commission a conclu que le témoignage de M. Cin était très invraisemblable.

[7]                Ayant constaté que « [t]ous les fugitifs militaires sont enregistrés et seraient découverts au moment des vérifications de sécurité à la frontière » , la Commission avait des doutes au sujet de la véracité du témoignage de M. Cin selon lequel les autorités l'ont arrêté et interrogé en 1999 parce qu'elles étaient à la recherche de son oncle. Or, si les autorités étaient réellement intéressées par son oncle, elles auraient pu l'arrêter en 1997.

[8]                La Commission ne disposait cependant d'aucune preuve indiquant que l'oncle de M. Cin était recherché en 1997. L'oncle de M. Cin aurait très bien pu se rendre en Turquie et en repartir en toute liberté si la date à laquelle il devait commencer son service militaire n'était pas encore arrivée. La Commission, qui n'avait tout simplement aucune raison de ne pas ajouter foi au témoignage de M. Cin sur ce point, a pourtant conclu que ce témoignage était « miné par la capacité de son oncle d'entrer et de sortir de Turquie sans attirer l'attention des autorités » .


[9]                J'estime que les conclusions que la Commission a tirées sur les deux questions énoncées ci-dessus ne sont pas compatibles avec la preuve dont elle disposait. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d'une nouvelle audience. Aucune partie n'a proposé une question de portée générale aux fins de certification, et aucune question semblable n'est énoncée.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la tenue d'une nouvelle audience est ordonnée.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »       

                                                                                                                                                     Juge                     

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-1929-04

INTITULÉ :                                                             UMUT CIN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 26 JANVIER 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                  LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                            LE 30 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Alp Debreli                                                                POUR LE DEMANDEUR

Greg George                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alp Debreli                                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


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