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Date : 20010828

Dossier : T-2393-00

Référence neutre : 2001 CFPI 953

ENTRE :

                                                       ELENA VIERU CONTA

                                                                                                                                  demanderesse

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 La demanderesse, Elena Vieru Conta, interjette appel de la décision du juge de la citoyenneté Arthur Miki, datée du 25 octobre 2000, refusant sa demande de citoyenneté canadienne.


[2]                 Le juge Miki a conclu que la demanderesse ne répondait pas aux conditions de résidence imposées par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi), qui se lit comme suit :


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[...]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

[...]

5. (1)    The Minister shall grant citizenship to any person who:

[...]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[...]


[3]                 L'alinéa 5(1)c) exige que la personne qui désire obtenir la citoyenneté canadienne réside au Canada durant au moins trois ans sur les quatre ans qui précédent la date de sa demande.


[4]                 La demanderesse, une citoyenne de la Suisse, est née à Moscou le 29 janvier 1957. Elle a obtenu sa résidence permanente au Canada le 26 février 1998. Elle a présenté sa demande de citoyenneté canadienne le 28 mars 2000, et celle-ci a été rejetée le 25 octobre 2000 par le juge Miki.

[5]                 La demanderesse est bien loin de satisfaire à la condition de 1095 jours de résidence permanente. Elle explique son déficit par les raisons suivantes :

1.         Son mari, maintenant citoyen canadien, est un chef d'orchestre qui a de la difficulté à trouver du travail au Canada et doit donc travailler à l'étranger. En conséquence, la demanderesse n'a d'autre choix que de voyager et vivre avec son mari;

2.         Elle a dû passer énormément de temps en Roumanie afin de prendre soin de sa mère qui était souffrante.

[6]                 En concluant contre la demanderesse, le juge de la citoyenneté a fait les observations suivantes :

[traduction] J'ai le regret de vous informer du rejet de votre demande de citoyenneté canadienne.

Le 25 octobre 2000, vous avez comparu devant moi dans le cadre d'une audience relative à votre demande de citoyenneté canadienne.

J'ai constaté que vous avez satisfait à toutes les conditions énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, à l'exception des conditions de résidence. En vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, le demandeur doit accumuler au moins trois ans de résidence au Canada au cours des quatre ans précédant immédiatement sa demande.

La raison pour laquelle ces conditions de résidence sont exigées est clairement énoncée dans la décision de la Cour d'appel fédérale intitulée RE :Pourghasemi (dossier no T-80-92), où le juge Muldoon s'exprime ainsi :


Ainsi donc, ceux qui entendent partager volontairement le sort des Canadiens en devenant citoyens du pays doivent le faire en vivant parmi les Canadiens, au Canada, durant trois des quatre années précédant la demande, afin de se canadianiser. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à l'étranger, car la vie canadienne et la société canadienne n'existent qu'au Canada, nulle part ailleurs.

Également, prenez note que le Parlement du Canada a alloué une période de quatre ans, à l'intérieur de laquelle un demandeur peut effectuer ses trois ans de résidence. Cette disposition a pour but de permettre certaines absences durant cette période de quatre ans. Dans Re : Koo (dossier no T-20-92), le juge Reed fait les observations suivantes concernant l'intention du Parlement en fixant cette période :

La condition de trois ans de résidence dans une période de quatre ans semble avoir été conçue pour permettre une absence physique d'une durée d'un an pendant les quatre ans prescrits. Certes, les débats tenus à l'époque donnent à penser que l'on envisageait comme durée minimale une présence physique au Canada de 1 095 jours.

Lors de l'audience, vous nous avez dit espérer expliquer votre compte de jours de résidence à la satisfaction de la Cour. Sans aucun doute, vous saviez que, dans des circonstances particulières, il a été jugé que certaines personnes avaient satisfait aux conditions de résidence en dépit de longues périodes d'absence physique du Canada.

J'ai effectivement tenu compte des renseignements suivants qui étaient contenus à votre dossier ou que vous m'avez fournis lors de l'audience.

Vous avez présenté votre demande le 28 mars 2000 donc, la période de quatre ans à examiner débute le 28 mars 1996. Vous êtes entrée au Canada le 31 août 1989 avec un statut temporaire, puis vous avez obtenu le statut de résidente permanente le 28 février 1998.

Au départ, vous avez quitté le Canada le 24 juin 1997 afin d'accompagner votre fils et votre mari, ce dernier s'étant trouvé un emploi en Europe en tant que chef d'orchestre. Depuis ce temps, vous êtes revenue au Canada en deux occasions pour des périodes d'environ 30 jours, la première fois étant pour recevoir le statut de résidente permanente. Sans cette raison, vous seriez demeurée à l'étranger. Malgré le fait que vous avez entreposé vos biens ici et que vous projetez de revenir au Canada, vous n'avez pas centralisé votre mode de vie ici.

Durant les quatre dernières années, vous avez résidé au total 252 jours au Canada et 858 jours à l'extérieur du Canada.

À mon avis, vous n'avez pas passé suffisamment de temps au Canada pour participer pleinement à la vie canadienne et il m'est impossible d'acquiescer à votre demande de citoyenneté. J'estime que vous ferez une excellente citoyenne canadienne un jour mais, pour l'instant, je ne peux modifier les exigences dans la proportion qu'exigerait votre demande.


Après avoir considéré les paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi, j'ai décidé de ne pas faire de recommandation positive à cet égard d'autant plus qu'il n'y avait pas preuve d'incapacité, de détresse particulière ou inhabituelle ou de services exceptionnels rendus au Canada.

Conformément au paragraphe 14(3) de la Loi sur la citoyenneté, vous êtes donc avisée que, pour les motifs sus-mentionnés, votre demande de citoyenneté n'est pas approuvée.

[7]                 Je suis d'avis qu'en concluant de la sorte le juge n'a fait aucune erreur susceptible de révision. Pour les motifs que j'ai énoncés dans Zhang c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 1943 (Q.L.), dossier T-213-00, j'estime que le présent appel doit être rejeté.

[8]                 Comme je l'ai dit au paragraphe 9 des motifs de la décision Zhang, précitée, il se peut fort bien qu'une personne qui demande la citoyenneté, mais qui n'a pas complété ses trois ans au Canada, ait tout de même établi sa résidence ici de façon à lui permettre d'accumuler des jours de résidence malgré des séjours à l'étranger. À mon avis toutefois, tel n'est pas le cas en l'espèce.

[9]                 Le juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse n'avait pas passé suffisamment de temps au Canada pour participer pleinement à la vie canadienne et, par conséquent, il l'a avisée qu'il ne pouvait approuver sa demande. À mon avis, d'après les faits dont il disposait, le juge de la citoyenneté n'a pas conclu erronément. Même si j'éprouve énormément de sympathie pour la demanderesse et que j'estime qu'elle deviendra un jour une citoyenne éminente de ce pays, de qui nous serions tous fiers, ce ne sont évidemment pas des motifs suffisants pour faire droit à son appel.


[10]            Il appert de la Loi que le législateur désirait que ses futurs citoyens demeurent physiquement au pays avant de présenter leur demande. Il est également clair à mon avis que le demanderesse, pour des raisons en partie indépendantes de sa volonté, n'a pas centralisé son mode de vie au Canada. Elle aime manifestement ce pays et vivrait bien ici si son mari et elle-même trouvaient un emploi convenable dans les professions qu'ils ont choisies. Quoi qu'il en soit, le fait est que la demanderesse n'a pas satisfait aux conditions de résidence et, par conséquent, elle ne peut, pour l'instant, devenir citoyenne canadienne.

[11]            Il est dommage que la demanderesse, à qui a été accordé le statut de résidente permanente en 1993, n'ait pas été en mesure de revenir au Canada avant que ce statut ne vienne à expiration. En conséquence, les jours passés au Canada entre le 31 août 1989 et l'automne 1993 ne pouvaient être considérés, sauf de façon restreinte, à l'égard de sa demande de citoyenneté canadienne présentée en date du 28 mars 2000.

[12]            Le présent appel soulève une autre question, à savoir si le juge Miki aurait dû recommander d'accorder la citoyenneté en application du paragraphe 5(4) de la Loi. Cette disposition est ainsi libellée :



5. (4)    Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d'ordonner au ministre d'attribuer la citoyenneté à toute personne qu'il désigne; le ministre procède alors sans délai à l'attribution.


[13]            Concernant cette question, le juge Miki a indiqué dans sa lettre de refus qu'il ne pouvait faire une recommandation positive puisqu'il n'y avait aucune preuve d'incapacité ou de maladie, de détresse particulière ou inhabituelle ou de services exceptionnels rendus au Canada.

[14]            Là encore, je suis d'avis que la demanderesse ne peut avoir gain de cause puisque, comme je l'ai établi dans la décision Zhang, précitée, la présente Cour n'a pas compétence pour recommander à la ministre d'attribuer la citoyenneté à la demanderesse, ni d'ordonner au juge de la citoyenneté de faire une telle recommandation à la ministre.

[15]            Pour ces motifs, malheureusement pour la demanderesse et avec regrets de ma part, je dois rejeter son appel.

« Marc Nadon »

                                                                                                             Juge                     

Toronto (Ontario)

Le 28 août 2001

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


                                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-2393-00

                                                                                                                   

INTITULÉ :                                                       ELENA VIERU CONTA

                                                                                              demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 21 août 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Winnipeg (Manitoba)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                     le 28 août 2001

COMPARUTIONS :                          

Elena Vieru Conta                                                en son propre nom

Nalini Reddy                                                         pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Elena Vieru Conta                                              

a/s Dr. R. Katz                                       

14 Quincy Drive                                                                            

Regina (Saskatchewan) S4S 6L8                       pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)                                            pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010828

Dossier : T-2393-00

ENTRE :

ELENA VIERU CONTA

                                                                                          demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                                                         

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                          


Date : 20010828

Dossier : T-2393-00

Toronto (Ontario), le mardi 28 août 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

ENTRE :

                                   ELENA VIERU CONTA

                                                                                              demanderesse

                                                         

                                                       -et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                                           ORDONNANCE

L'appel interjeté par la demanderesse à l'encontre de la décision du juge de la citoyenneté Arthur Miki, en date du 25 octobre 2000, est rejeté.

« Marc Nadon »

                                                                                                             Juge                       

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.

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