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Date : 20210707


Dossier : IMM‑574‑20

Référence : 2021 CF 713

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

AKA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 23 janvier 2020 par laquelle une agente d’exécution de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada a rejeté sa demande de sursis administratif à une mesure de renvoi.

[2] La demanderesse est citoyenne de l’Inde et a demandé l’asile au Canada en invoquant craindre une menace pour sa vie ou le risque de subir un préjudice grave de la part des autorités pour des événements entourant la mort de son père, y compris des allégations d’agression sexuelle aux mains d’un agent de police. La demande d’asile a été rejetée en 2014 pour manque de crédibilité de la demanderesse et en raison de son comportement incompatible avec la crainte d’être persécutée. En janvier 2015, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision. La demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) présentée par la demanderesse a ensuite été rejetée en juillet 2019 et la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été refusée. La demanderesse a ensuite soumis une demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire.

[3] Le 5 février 2020, une mesure de renvoi a été prise à l’égard de la demanderesse. Le 23 janvier 2020, une agente d’application de la loi a refusé sa demande de sursis administratif, que notre Cour a cependant prononcé en attendant l’issue du présent contrôle judiciaire.

[4] Le présent contrôle judiciaire concerne le caractère raisonnable de la décision de l’agente. Comme l’énonce l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para 85, une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti ».

[5] La demanderesse fait valoir que l’agente a ignoré la situation d’impunité qui règne en Inde, qu’elle a omis de prendre en compte le caractère déficitaire de sa représentation passée et qu’elle s’est méprise dans l’évaluation des éléments de preuve médicale portant sur son diagnostic et son traitement. Elle prétend aussi que les motifs fournis à propos du risque en cas de retour au pays sont lacunaires et dénués de fondement. À cet égard, l’agente aurait appliqué une norme de contrôle erronée lorsqu’elle a évalué le risque prospectif de persécution.

[6] En l’espèce, l’agente a conclu qu’une demande pendante pour motifs d’ordre humanitaire n’a pas pour effet de suspendre l’exécution d’une mesure de renvoi et que l’issue de la demande n’était pas imminente. L’agente a également déterminé qu’une éventuelle deuxième demande d’ERAR n’équivaudrait pas automatiquement à un sursis de la mesure de renvoi.

[7] De plus, l’agente a décidé que les risques auxquels la demanderesse serait exposée à son retour avaient déjà été analysés dans des instances antérieures en immigration. L’agente n’a découvert aucune nouvelle preuve documentaire crédible portant sur de nouveaux risques. Elle n’a pas non plus trouvé d’éléments de preuve médicale qui laisseraient croire que la mesure de renvoi ne pourrait pas être exécutée ou qu’un traitement ne serait pas accessible en Inde.

[8] La Cour n’est pas convaincue que la décision de l’agente est raisonnable, car ses motifs sont lacunaires en ce qui concerne la question, comme on le verra plus loin.

[9] La demanderesse a fait l’objet d’une évaluation des risques à la suite du refus de sa demande d’asile qui n’a permis de découvrir aucun risque objectivement identifiable qui se matérialiserait à son retour en Inde. La lettre du 20 janvier 2020, portant sur sa santé et signée par un travailleur social, un infirmier praticien spécialisé et un docteur, démontre exactement le contraire pour des motifs la concernant et révèle le péril qu’elle court.

[10] En ce qui concerne la lettre, l’agente a estimé que rien n’indiquait que la demanderesse souffrait d’une maladie qui l’empêcherait de retourner en Inde ou qu’aucun suivi médical ou traitement ne seraient disponibles dans ce pays. Pourtant, la lettre des professionnels de la santé expose l’inverse des conclusions de l’agente. La demanderesse est suivie par un omnipraticien depuis 2011 pour une dépression et des symptômes associés au trouble de stress post‑traumatique causé par la violence sexuelle. La demanderesse reçoit un traitement pharmaceutique et est aux prises avec des idées suicidaires depuis 2011. Sur cet aspect, son état s’est dégradé récemment selon cet élément de preuve.

[11] La Cour juge que l’agente n’a pas soupesé adéquatement les éléments de preuve. La lettre offre de toute évidence à l’agente l’assise nécessaire pour lui permettre d’exercer le pouvoir discrétionnaire limité qu’elle détient dans ce genre de cas. La lettre fait état des antécédents de la demanderesse en matière de traitement, ainsi que de la progression de ce traitement. La Cour renvoie à la décision sur le sursis de la mesure de renvoi qui se trouve au dossier, laquelle comporte des motifs importants.

[12] Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑574‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent d’exécution de la loi pour un nouvel examen. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑574‑20

 

INTITULÉ :

AKA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE

LE 29 JUIN 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 JUILLET 2021

 

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sonia Bédard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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