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Date : 20210609


Dossier : T-1862-19

Référence : 2021 CF 576

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 9 juin 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SALLY MARIE DAVIS,

EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE LA SUCCESSION DE FEUE BEVERLEY M. SHAW

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] La demanderesse, Mme Sally Marie Davis, en sa qualité d’exécutrice testamentaire de la succession de feue Beverley M. Shaw, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 25 janvier 2019 par la déléguée du ministre du Revenu national (le ministre), Mme Kimberley Baillie (la déléguée). Dans cette décision, la déléguée a rejeté la seconde demande d’allègement fiscal de la demanderesse à l’égard de la pénalité pour production tardive et des intérêts imposés relativement à la déclaration de revenus de 2010 de la succession de feue Beverley M. Shaw, la mère de la demanderesse.

[2] Suivant le paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), le procureur général du Canada représente le ministre à titre de défendeur (le défendeur).

II. CONTEXTE

[3] Les détails qui suivent proviennent des affidavits déposés par les parties, du dossier du tribunal et des réponses à l’interrogatoire écrit mené par la demanderesse aux termes de l’article 99 des Règles.

[4] La demanderesse a déposé son affidavit souscrit le 4 décembre 2019. Elle a aussi déposé l’affidavit de son conjoint, M. Gordon Edward Davis, qui a également été souscrit le 4 décembre 2019.

[5] Le défendeur a déposé l’affidavit de Mme Tracy Dahl, agente principale d’allègement pour les contribuables à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). L’interrogatoire écrit mené par la demanderesse visait Mme Dahl.

[6] Le dossier du tribunal est composé des documents dont disposait la déléguée pour rendre sa décision.

[7] Mme Beverley M. Shaw est décédée le 31 octobre 2010. Les impôts à l’égard de sa succession devaient être payés le 30 avril 2011.

[8] L’ARC a établi une cotisation le 12 novembre 2013. À ce moment-là, il n’était pas fait mention d’un solde à payer, ni de pénalité pour production tardive ou d’intérêts à payer.

[9] Le 28 août 2014, l’ARC a établi une nouvelle cotisation sans modification.

[10] En 2016, la demanderesse a présenté une demande de certificat de décharge. Cette demande a entraîné une vérification et l’établissement d’une nouvelle cotisation le 4 juillet 2016. La nouvelle cotisation comprenait deux feuillets non déclarés auparavant se rapportant à des fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), qui ont augmenté le revenu imposable de la succession de 189 401,00 $. Cette augmentation a donné lieu à un impôt supplémentaire de 79 852,80 $, de même qu’à une pénalité pour production tardive de 13 189,68 $, correspondant à 17 % du montant dû depuis le 30 avril 2011, et des intérêts débiteurs de 27 455,04 $, pour un montant total à payer de 120 515,54 $.

[11] La demanderesse a acquitté ce montant en totalité au moyen de paiements effectués les 5, 6 et 14 juillet 2016.

[12] Le 21 septembre 2016, la demanderesse a déposé un avis d’opposition. Le 29 septembre 2017, l’ARC a établi une nouvelle cotisation confirmant celle du 4 juillet 2016.

[13] Le 4 octobre 2016, l’ARC a reçu de la demanderesse une première demande d’annulation de la pénalité pour production tardive et des intérêts courus entre le 1er mai 2011 et le 4 juillet 2016. La demanderesse a sollicité cet allègement au titre du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) (la Loi).

[14] Le 27 avril 2018, S. Carroll, chef d’équipe au Centre d’expertise d’allègement pour les contribuables, a rendu une décision par laquelle ont été annulés les intérêts courus entre le 23 juillet 2013 et le 4 juillet 2016, qui s’élevaient à 16 790,14 $.

[15] Le 4 janvier 2019, l’ARC a reçu de la demanderesse une seconde demande d’annulation de la pénalité pour production tardive.

[16] Mme Dahl a considéré que la seconde demande se rapportait à la pénalité et aux intérêts restants. Elle a recommandé que la pénalité soit maintenue et qu’aucun autre allègement ne soit accordé à l’égard des intérêts. Le 25 janvier 2019, la déléguée a suivi cette recommandation et a rendu la décision par laquelle la seconde demande de la demanderesse a été rejetée.

III. OBSERVATIONS

A. Les observations de la demanderesse

[17] La demanderesse soutient que la décision de la déléguée est déraisonnable. Elle affirme également qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale en raison d’une crainte raisonnable de partialité.

[18] La demanderesse mentionne notamment le court délai entre la réception de sa seconde demande par l’ARC (le 4 janvier 2019) et la décision rendue par la déléguée (le 25 janvier 2019). Elle souligne également le « fait » que Tracy Dahl, l’agente principale d’allègement pour les contribuables qui a examiné la seconde demande, relève de la personne qui a rendu la première décision et que Mme Dahl n’aurait « vraisemblablement » pas voulu annuler la décision de son supérieur.

[19] La demanderesse fait valoir que, conformément à l’alinéa 26a) de la circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu IC07-1R1 (la circulaire IC07-1R1), intitulée « Dispositions d’allègement pour les contribuables », l’ARC était tenue de l’informer en temps opportun des feuillets manquants liés aux FERR. Elle soutient que comme l’ARC ne lui a pas fourni ces feuillets, elle n’était pas au courant des FERR et ne pouvait pas produire une déclaration de revenus les incluant. Selon la demanderesse, il s’agit de circonstances indépendantes de sa volonté.

[20] La demanderesse fait également valoir que l’imposition d’une pénalité et d’intérêts était aussi attribuable à des circonstances indépendantes de sa volonté et que la déléguée devait tenir compte des troubles émotifs sévères découlant du décès de sa mère, à la lumière de l’article 25 de la circulaire IC07-1R1, de même que du fait qu’elle a respecté, par le passé, la Loi et a agi rapidement pour remédier à l’omission conformément à l’article 33 de la circulaire IC07-1R1.

[21] De plus, la demanderesse soutient qu’en rendant sa décision, la déléguée a contrevenu aux articles 8 et 12 de la Charte des droits du contribuable.

[22] L’article 8 garantit une application uniforme de la loi. Dans son affidavit, la demanderesse allègue que le vérificateur de l’ARC lui a dit que, normalement, aucune pénalité n’est imposée dans une situation comme la sienne.

[23] La demanderesse soutient que si aucune pénalité n’est imposée habituellement dans une situation comme la sienne, l’imposition d’une pénalité en l’espèce viole la garantie d’application uniforme de la loi.

[24] L’article 12 de la Charte des droits du contribuable garantit au contribuable le droit à un examen de sa demande de renonciation aux intérêts et aux pénalités découlant de circonstances indépendantes de sa volonté.

[25] Enfin, la demanderesse allègue que la décision viole les principes de justice naturelle et d’équité procédurale.

B. Les observations du défendeur

[26] Le défendeur soutient que la justesse de la nouvelle cotisation d’impôt datée du 4 juillet 2016 et la date de production ne sont pas en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire. La seule question en litige est le caractère raisonnable de la décision.

[27] Le défendeur fait valoir que la décision est raisonnable et équitable sur le plan procédural.

IV. ANALYSE ET DÉCISION

[28] La décision en cause a été rendue au titre du paragraphe 220(3.1) de la Loi, dont le libellé est le suivant :

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

Waiver of penalty or interest

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

[29] Cette disposition législative confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts et aux pénalités. Selon l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, la décision contestée en l’espèce est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[30] Aux paragraphes 75 et 83 de l’arrêt Vavilov, précité, la Cour suprême du Canada a expliqué ainsi le contenu de la norme de la décision raisonnable :

[75] […] Comme nous le mentionnons déjà au par. 13, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable a pour point de départ la retenue judiciaire et le respect du rôle distinct des décideurs administratifs. De plus, comme nous l’expliquons ci‑dessous, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable tient compte de toutes les circonstances pertinentes pour déterminer si la partie demanderesse s’est acquittée de son fardeau.

[…]

[83] Il s’ensuit que le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher elles‑mêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. […]

[31] Je renvoie également au paragraphe 24 de l’arrêt Canada (Agence du revenu) c Telfer, 2009 CAF 23, où la Cour d’appel fédérale a déclaré ceci :

La norme de la décision déraisonnable est la norme de contrôle qui s’applique normalement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9, au paragraphe 51 (Dunsmuir)). De fait, notre Cour avait déjà décidé dans Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 DTC 5245, 2005 CAF 153, que le caractère déraisonnable simpliciter (une des deux normes déférentes appliquées à l’époque par les tribunaux) était la norme de contrôle applicable à une décision prise en vertu du paragraphe 220(3.1).

[32] Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339.

[33] La date de production de la déclaration de revenus n’est pas en cause dans la présente demande. La preuve démontre que la demanderesse a produit la déclaration le 23 juillet 2013, alors que la date limite de production était le 30 avril 2011. La pénalité pour production tardive a été imposée parce que la déclaration a été produite en retard.

[34] La déléguée a examiné le dossier de la demanderesse, et, selon la décision du 25 janvier 2019, elle a effectué un [traduction] « deuxième examen indépendant des faits et des circonstances » et a refusé l’allègement demandé. La déléguée a indiqué que la pénalité pour production tardive avait été imposée parce que la déclaration de revenus avait été produite en retard. Elle a expliqué qu’étant donné que la demanderesse n’avait pas présenté de circonstances indépendantes de sa volonté qui l’auraient empêchée de produire la déclaration à temps, l’allègement de cette pénalité n’était pas justifié.

[35] La demanderesse a présenté une demande d’allègement au titre de l’article 23 de la circulaire IC07-1R1, dont le libellé est le suivant :

Le ministre du Revenu national peut accorder un allègement des pénalités et des intérêts dans les situations suivantes si elles justifient l’incapacité du contribuable à respecter une obligation ou une exigence fiscale :

a) Circonstances exceptionnelles

b) Actions de l’ARC

c) Incapacité de payer ou difficultés financières

[36] L’article 25 de la circulaire IC07-1R1 définit les « circonstances exceptionnelles » :

Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, si elles découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi comprennent, sans en exclure d’autres, les suivantes :

a) Catastrophes naturelles ou d’origine humaine, telles qu’une inondation ou un incendie

b) Troubles publics ou interruptions de services, tels qu’une grève des postes

c) Maladies ou accidents graves

d) Troubles émotifs sévères ou souffrances morales graves, tels qu’un décès dans la famille immédiate

[37] Dans sa première demande d’allègement, la demanderesse a invoqué, pour la justifier, le retard de l’ARC, des difficultés financières et des circonstances exceptionnelles. Dans sa seconde demande, elle a de nouveau invoqué le retard de l’ARC et des circonstances exceptionnelles.

[38] La déléguée s’est concentrée sur le retard dans la production de la déclaration de revenus comme motif pour l’imposition d’une pénalité pour production tardive. Elle a fait remarquer que, même si la demanderesse affirmait que la déclaration avait initialement été produite au début de 2011, cette affirmation n’était pas étayée par les éléments de preuve.

[39] À la lumière du contenu du dossier du tribunal, qui comprend la première demande d’allègement de la demanderesse, les documents consultés par le premier décideur, la décision concernant la première demande, ainsi que la seconde demande d’allègement, je conclus que la conclusion de la déléguée selon laquelle la déclaration de revenus a été produite tardivement est raisonnable.

[40] La décision rendue en réponse à la première demande d’allègement, soit celle de renoncer à une partie des intérêts, a été rendue compte tenu du fait que la demanderesse ne disposait pas de tous les renseignements sur le revenu imposable, c’est-à-dire des renseignements concernant les FERR.

[41] Le critère juridique n’est pas subjectif; il requiert des éléments de transparence, de justification et d’intelligibilité, comme il en a été question dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

[42] Ces trois éléments obligent la cour de révision à considérer la preuve dont disposait le décideur. La cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve, mais selon l’arrêt Vavilov, précité, elle doit examiner la preuve dont disposait le décideur.

[43] Je suis convaincue que la déléguée a conclu de manière raisonnable que la déclaration de revenus avait été produite tardivement et qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles justifiant l’annulation de la pénalité pour production tardive ou la renonciation à celle-ci.

[44] Bien que la déléguée n’ait pas abordé séparément la demande d’annulation des intérêts ou de renonciation à ceux-ci, le rejet de cette demande est implicite dans celui de la demande de renonciation à la pénalité pour production tardive.

[45] Il reste la question de l’équité procédurale.

[46] La demanderesse soutient que la déléguée n’a pas agi de façon impartiale en rendant sa décision.

[47] Essentiellement, la demanderesse fait valoir que la déléguée n’a pas effectué une évaluation équitable et neutre de sa seconde demande d’allègement et qu’elle a fait preuve de partialité.

[48] Le critère juridique relatif à la partialité est rigoureux.

[49] Il incombe à la partie alléguant la partialité d’en faire la preuve.

[50] Dans le récent arrêt Oleynik c Canada (Procureur général), 2020 CAF 5 au para 56 (demande d’autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée, 39118 (15 octobre 2020)), la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur le critère relatif à la partialité, s’appuyant sur l’arrêt Committee for Justice and Liberty et al. c L’Office national de l’énergie et al., [1978] 1 RCS 369, rendu par la Cour suprême du Canada. Ce critère est le suivant :

[À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

[51] Au paragraphe 57 de l’arrêt Oleynik, précité, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit :

En énonçant ce critère dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty, à la page 395, le juge de Grandpré a pris soin de préciser que les motifs de la crainte doivent être « sérieux ». Il a également convenu que le critère — ce que penserait une personne raisonnable et bien renseignée — ne peut être celui « d’une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne ». En d’autres termes, le seuil à franchir pour conclure à une crainte raisonnable de partialité est élevé, et le fardeau de la partie qui cherche à établir l’existence d’une crainte raisonnable est donc élevé : voir Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, [2015] 2 R.C.S. 282, aux paragraphes 25 et 26.

[52] À mon avis, la demanderesse n’a pas réussi à étayer l’allégation de partialité de la part de la déléguée découlant de sa relation de travail avec un autre employé de l’ARC qui participe à l’évaluation des demandes d’allègement.

[53] Je ferais remarquer qu’une allégation de partialité à l’endroit d’un fonctionnaire est une affaire sérieuse et ne devrait pas être faite en l’absence de preuve significative. Il n’y a pas de telle preuve en l’espèce.

[54] Il n’y a aucune preuve à l’appui de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle la seconde demande n’a pas été examinée équitablement. Les observations présentées à l’égard de la seconde demande n’étaient pas longues. Je ne vois rien de douteux dans le délai qui s’est écoulé entre l’envoi de cette demande et des observations, et la communication de la décision.

[55] Comme il a été mentionné ci-dessus, la décision d’accorder ou de refuser un allègement des pénalités et des intérêts est discrétionnaire. Les directives de la circulaire IC07-1R1 encadrent l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[56] Dans sa décision, la déléguée a indiqué ceci :

[traduction]

Mon examen démontre que même si tous les revenus liés aux FERR avaient été déclarés lorsque la déclaration papier a été reçue le 23 juillet 2013, la pénalité pour production tardive imposée aurait été la même que celle qui a été imposée le 4 juillet 2016, parce que la déclaration a été produite plus de 12 mois après la date limite. Comme vous n’avez pas présenté de circonstances indépendantes de votre volonté qui vous auraient empêchée de produire la déclaration à temps, l’allègement de cette pénalité n’est pas justifié.

[57] Selon moi, cette déclaration reflète l’avis de la déléguée après son évaluation des documents et des observations présentées par la demanderesse. La déléguée avait été mandatée pour évaluer les éléments de preuve et les arguments présentés à l’appui de la demande d’allègement, afin de déterminer si la demanderesse remplissait les conditions pour obtenir un allègement. La demanderesse a sollicité cet allègement sur le fondement de circonstances atténuantes indépendantes de sa volonté.

[58] Compte tenu des documents contenus dans le dossier du tribunal, dont des fiches de renseignements, je suis convaincue que la conclusion de la déléguée est raisonnable. Une décision défavorable ne suscite pas, en soi, une crainte raisonnable de partialité. La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer une crainte raisonnable de partialité quant à la manière dont la décision concernant sa seconde demande d’allègement a été rendue.

[59] De même, je ne vois aucune irrégularité découlant du fait que la déléguée a examiné la première demande d’allègement et la décision qui a été rendue à l’égard de celle-ci.

[60] Ces documents font partie du dossier de la demanderesse. Dans la décision Leblanc c Canada (Procureur général), 2010 CF 688, la Cour fédérale a formulé des commentaires sur le fait que la personne ayant rendu la décision dans cette affaire avait examiné « avec toute la prudence voulue » des décisions déjà annulées et qu’elle avait tiré sa propre conclusion.

[61] En l’espèce, je ne vois rien dans le dossier qui permet de réfuter la présomption selon laquelle la déléguée a fait son travail de façon appropriée et indépendante.

[62] Encore une fois, il n’y a pas de preuve démontrant que la déléguée a été influencée par des considérations non pertinentes, dont la « nécessité » alléguée de se plier à la volonté d’un supérieur.

[63] La demanderesse n’a pas réussi à faire la preuve d’un manquement à l’équité procédurale.

[64] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. La décision est raisonnable et il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

[65] Les parties ont convenu d’assumer leurs propres dépens, et aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-1862-19

LA COUR ORDONNE le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1862-19

 

INTITULÉ :

SALLY MARIE DAVIS, EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE LA SUCCESSION DE FEUE BEVERLEY M. SHAW c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 DÉCEMBRE 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JUIN 2021

COMPARUTIONS :

Sally Marie Davis

POUR SON PROPRE COMPTE

Alexander Wind

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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