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Date : 20210730


Dossier : T-1277-20

Référence : 2021 CF 809

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2021

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

KENNETH THORPE TANNER

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Il y a plus de six ans, en mai 2015, le défendeur, M. Tanner, a demandé la citoyenneté canadienne. Au cours de cette période, la question déterminante que devaient trancher les décideurs saisis de sa demande (les agents de citoyenneté, les juges de la citoyenneté et la Cour) portait sur le nombre de jours où le demandeur a été effectivement présent au Canada dans les quatre années ayant directement précédé le dépôt de sa demande.

[2] Le premier juge de la citoyenneté (le juge Wong) a conclu que M. Tanner ne satisfaisait pas à l’exigence en vigueur au moment de sa demande, c’est‑à‑dire d’avoir été effectivement présent au Canada pendant au moins 1095 jours au cours des quatre années précédant le dépôt de la demande. Cette décision a été annulée par la Cour. Le juge Southcott a conclu que, pour en arriver à ce calcul, le juge Wong avait comptabilisé 14 jours d’absence en double. L’affaire a été renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

[3] Lors du nouvel examen, la deuxième juge de la citoyenneté (la juge Hart) a conclu qu’elle était liée par les conclusions du juge Southcott selon lesquelles M. Tanner satisfaisait au seuil relatif à la présence effective, et elle a accueilli sa demande de citoyenneté sur ce fondement.

[4] Le ministre sollicite le contrôle judiciaire de cette décision favorable en matière de citoyenneté. Il fait valoir que la juge Hart a limité l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en concluant être liée par les commentaires du juge Southcott concernant le nombre de jours de présence effective de M. Tanner au Canada. Subsidiairement, le ministre fait aussi valoir que la décision est déraisonnable puisque la juge Hart n’a pas tenu compte des nouveaux éléments de preuve et des nouvelles observations ni expliqué comment elle est parvenue à sa décision quant à la présence effective au Canada autrement qu’en se disant liée par les conclusions de la Cour.

[5] Je conclus que la nouvelle décision est déraisonnable parce que la juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte des nouveaux calculs et éléments de preuves ni des nouvelles observations qui lui avaient été présentés. Le dossier présenté à la juge Hart était différent de celui dont disposait le juge Southcott. Par conséquent, je n’ai pas à établir si elle a limité l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se considérant comme liée par les commentaires de celui‑ci, puisqu’elle a commis une erreur en ne tenant pas compte des nouveaux documents dans le cadre du nouvel examen.

[6] Dans ses motifs, la juge Hart a expressément affirmé qu’elle n’a pas tenu compte des nouveaux documents pour arriver à sa décision sur la demande de citoyenneté de M. Tanner. Il s’agit d’une erreur qui rend sa décision déraisonnable.

[7] Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire du ministre.

II. Contexte

[8] Le défendeur, M. Tanner, est citoyen des États‑Unis. Il travaille au Canada depuis plus de 14 ans. En avril 2009, il est devenu résident permanent du Canada. En août 2013, M. Tanner a déménagé aux États‑Unis avec sa famille, mais a continué de se rendre au Canada pour le travail.

[9] En mai 2015, M. Tanner a déposé sa demande de citoyenneté canadienne. Il a indiqué avoir passé 276 jours à l’extérieur du Canada et 1184 jours à l’intérieur du pays au cours des quatre années précédentes.

[10] En 2017, l’agent de citoyenneté qui avait évalué la demande n’était pas convaincu que M. Tanner satisfaisait à l’exigence relative à la présence effective au Canada, et il a renvoyé le dossier à un juge de la citoyenneté pour qu’il rende une décision. En novembre 2017, le juge de la citoyenneté Wong a rejeté la demande et a conclu que M. Tanner n’avait pas atteint le seuil des 1095 jours de présence effective au Canada au cours des quatre années précédant le dépôt de la demande.

[11] M. Tanner a sollicité le contrôle judiciaire de la décision lui refusant la citoyenneté et, en juillet 2018, le juge Southcott a annulé la décision défavorable au motif que certaines absences avaient été comptées en double, et il a renvoyé l’affaire à un autre juge de la citoyenneté pour qu’il rende une nouvelle décision (Tanner c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 798). Il n’a donné aucune consigne en particulier hormis celle de renvoyer l’affaire à un autre juge de la citoyenneté pour qu’il rende une nouvelle décision.

[12] En avril 2019, un agent de citoyenneté a préparé une note au dossier indiquant que M. Tanner ne satisfaisait pas aux exigences en matière de présence effective et qu’il y avait certaines périodes au cours desquelles il ne pouvait confirmer sa présence au Canada. L’agent était également préoccupé par le fait de compter les jours où M. Tanner travaillait au Canada, mais rentrait chez lui aux États‑Unis. Cette note au dossier, ainsi qu’un fichier Excel créé par l’agent pour calculer les absences de M. Tanner du Canada, ont été envoyés à la juge Hart. Le même mois, celle‑ci a tenu une audience avec M. Tanner et le représentant du ministre.

[13] Au cours de l’audience, M. Tanner a appris l’existence du fichier Excel utilisé par l’agent de citoyenneté pour calculer ses absences. Il a demandé qu’on lui fournisse le fichier afin qu’il puisse présenter une réponse appropriée. Le représentant du ministre a refusé de donner le fichier à M. Tanner et lui a conseillé de présenter une demande d’accès à l’information pour obtenir le document.

[14] À la suite de l’audience, l’avocate de M. Tanner a présenté des observations et des éléments de preuve supplémentaires pour démontrer que son client était présent au Canada durant les jours en litige. Le représentant du ministre a aussi présenté des observations.

[15] Par souci d’équité procédurale, la juge Hart a ajourné l’affaire jusqu’à ce que M. Tanner ait accès au fichier Excel sur lequel se fondait le ministre. M. Tanner a fait savoir qu’il aviserait la juge Hart et le représentant du ministre dès lors qu’il recevrait les résultats de sa demande d’accès à l’information.

[16] Après une année, M. Tanner n’avait toujours pas reçu les résultats de sa demande d’accès à l’information. Sans aviser les parties, la juge Hart a conclu que le fichier n’était pas pertinent aux fins de sa décision et a décidé de trancher la demande sans en tenir compte. Elle a accueilli la demande de citoyenneté de M. Tanner.

[17] Puisque la demande de citoyenneté de M. Tanner avait été déposée avant le 11 juin 2015, la juge Hart a souligné qu’elle pouvait adopter n’importe lequel des trois critères principaux appliqués pour évaluer la résidence énoncés dans la décision Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 7776. Elle a décidé, à l’instar du juge Wong, d’appliquer l’approche strictement quantitative utilisée dans la décision Re Pourghasemi, [1993] ACF no 232 (le critère de la résidence physique énoncé dans la décision Pourghasemi). La juge Hart a ensuite conclu, compte tenu de l’approche quantitative adoptée dans la décision Pourghasemi, qu’elle était liée par la conclusion du juge Southcott selon laquelle M. Tanner avait satisfait à l’exigence relative à la présence effective en ayant passé 1099 jours au Canada.

[18] Les parties n’ont reçu la décision qu’environ cinq mois après qu’elle ait été rendue. Après avoir reçu la décision, le ministre a sollicité le contrôle judiciaire de la décision d’accorder la citoyenneté à M. Tanner.

III. Question en litige et norme de contrôle

[19] La question que soulève la demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la juge de la citoyenneté a commis une erreur en rendant sa décision sans tenir compte des nouveaux éléments de preuve ni des nouvelles observations déposés après que l’affaire ait été renvoyée pour nouvelle décision.

[20] Les parties ont convenu que la décision de la juge Hart est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a confirmé que, lorsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond, la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable. Aucune des exceptions à cette présomption ne s’applique en l’espèce.

IV. Analyse

[21] Dans le cadre du nouvel examen, la juge Hart a conclu que M. Tanner avait été effectivement présent au Canada pendant 1099 jours uniquement parce qu’elle croyait être liée par les commentaires du juge Southcott lors du contrôle judiciaire portant sur le nombre de jours où M. Tanner avait été effectivement présent au Canada. Après avoir choisi d’appliquer le critère de résidence physique énoncé dans la décision Pourghasemi, la juge Hart croyait être liée par ces commentaires. Ce raisonnement est énoncé explicitement dans sa décision :

[traduction]

La conclusion du juge Southcott selon laquelle M. Tanner satisfaisait à l’exigence de résidence puisqu’il avait été effectivement présent au Canada pendant 1099 jours est claire et sans équivoque. Compte tenu de la jurisprudence précitée, il est aussi évident que, comme j’ai décidé d’appliquer le critère énoncé dans la décision Pourghasemi, je suis liée en l’espèce par la décision de la Cour fédérale.

[22] La juge Hart a signalé qu’elle n’avait pas tenu compte des nouveaux calculs de résidence préparés par l’une ou l’autre des parties pour rendre sa décision. Elle a conclu que ces nouveaux calculs n’étaient pas pertinents à l’égard de sa conclusion quant à la résidence physique. Dans sa décision, la juge Hart n’a pas non plus abordé les nouvelles observations déposées par le représentant du ministre et par M. Tanner. Les nouveaux calculs et éléments de preuve, ainsi que les nouvelles observations, n’étaient pas pertinents à son avis puisqu’elle avait établi, indépendamment de ceux‑ci, qu’elle était liée par le nombre « 1099 jours » figurant dans la décision du juge Southcott.

[23] Les nouveaux éléments de preuve et les nouvelles observations dont disposait la juge Hart, mais non le juge Southcott, étaient notamment les suivants :

  • Deux rapports à jour du SIED portant sur les antécédents de voyage et datés du 31 janvier 2019;

  • Une note au dossier d’avril 2019 d’un autre agent de citoyenneté ayant examiné le dossier, qui est parvenu à un nouveau calcul portant à au moins 608 le nombre de jours d’absence de M. Tanner durant la période en cause;

  • Les observations déposées par les parties à l’audience du 24 avril 2019 devant la juge Hart;

  • Les observations écrites de M. Tanner à la suite de l’audience du 24 avril 2019, qui portent sur la thèse du représentant du ministre quant à la façon de calculer les jours où il travaillait au Canada puis retournait à sa résidence située aux États‑Unis; M. Tanner a aussi abordé certaines des dates soulevées à l’audience et a présenté un tableau récapitulatif ainsi que d’autres documents pour expliquer ses allées et venues au cours des journées en question.

[24] L’agent de citoyenneté qui avait évalué le dossier de M. Tanner dans le cadre du nouvel examen a présenté à la juge Hart un nombre divergent, et plus élevé, de jours d’absence par rapport à celui qui avait été présenté au juge Wong auparavant. Une des questions clés dans le litige opposant les parties, qui avait été examinée dans les observations de M. Tanner de mai 2019 et dans les notes au dossier de l’agent de citoyenneté d’avril 2019, concernait la manière de calculer les jours où M. Tanner travaillait au Canada, mais retournait chez lui aux États‑Unis plus tard le même jour. La juge Hart n’a pas examiné ces observations dans sa décision.

[25] La juge Hart a commis une erreur en affirmant que la conclusion du juge Southcott selon laquelle M. Tanner cumulait 1099 jours de présence effective au Canada était [traduction] « claire et sans équivoque » et qu’elle était liée par cette conclusion sans égard aux nouveaux éléments de preuve et aux nouvelles observations ayant été déposés dans le cadre du nouvel examen.

[26] Premièrement, à mon avis, le juge Southcott n’a pas rendu de décision définitive quant au nombre de jours où M. Tanner était présent au Canada. Il a souligné dans sa décision qu’il n’établissait pas lequel des points de départ utilisés par les parties pour calculer la présence de M. Tanner au Canada était le bon : le point de départ invoqué par le ministre à ce moment-là (351 jours d’absence) ou celui utilisé par M. Tanner (276 jours d’absence). L’évaluation du juge Southcott se limitait à déterminer si l’erreur de comptabilisation en double aurait changé quelque chose à la décision compte tenu du seuil requis de 1095 jours de résidence physique. Il a conclu que cette erreur ferait une différence, puisque même s’il utilisait le point de départ du ministre comprenant un nombre supérieur d’absences, M. Tanner dépasserait le seuil requis en cumulant 1099 jours de présence effective au Canada. Selon moi, ces commentaires ne constituent pas une conclusion factuelle définitive en ce qui a trait au nombre de jours de présence effective de M. Tanner au Canada.

[27] Deuxièmement, les commentaires du juge Southcott ne pouvaient certainement pas vouloir dire que le nombre 1099 devait être adopté lors du nouvel examen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les nouveaux éléments de preuve et les nouvelles observations des parties. La seule directive du juge Southcott était la suivante : « [L]a décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour une nouvelle détermination. » Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yansane, 2017 CAF 48 [Yansane] au paragraphe 25, la Cour d’appel fédérale a affirmé « qu’un tribunal administratif auquel on renvoie un dossier doit toujours tenir compte de la décision et des conclusions de la cour de révision, à moins que de nouveaux faits ne puissent justifier une analyse différente » (non souligné dans l’original). Il est impossible d’établir si les nouveaux faits (éléments de preuve et observations) commandent une analyse différente si on ne les a pas examinés; pour en arriver à sa décision, la juge de la citoyenneté chargée du nouvel examen devait tenir compte des nouveaux éléments de preuve et arguments.

[28] M. Tanner soutient qu’il était loisible à la juge Hart d’arriver à la même conclusion que le juge Southcott sans avoir à faire le calcul elle-même. Je conviens qu’il était loisible à la juge d’arriver à la même décision, mais elle était tenue, en procédant au nouvel examen, d’examiner les observations et éléments de preuve dont elle disposait. La question n’est pas de savoir si le décideur peut arriver à la même conclusion, ou s’il a tenu compte du raisonnement de la Cour; comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Yansane, le décideur doit tenir compte des commentaires de la Cour pour arriver à une nouvelle décision. Le problème en l’espèce est que la décideure a conclu qu’elle n’avait pas d’autres choix que de suivre les commentaires de la Cour malgré le fait qu’elle disposait de nouvelles observations et de nouveaux éléments de preuve.

[29] M. Tanner fait aussi valoir [traduction] « qu’on peut supposer que la juge Hart aurait de toute façon tiré les mêmes conclusions que le juge Southcott compte tenu du dossier et de la preuve dont elle disposait ». Mon rôle dans le cadre du contrôle judiciaire n’est pas d’examiner le dossier et d’essayer d’établir si le décideur aurait pu tirer telle ou telle conclusion. Certains éléments de preuve et certaines observations dont disposait la juge Hart ne figuraient pas dans le dossier présenté au juge Southcott. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a confirmé que « [l]e caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov, au para 126). À mon avis, la seule conclusion possible à la suite de l’examen des motifs de la juge Hart est qu’elle n’a pas jugé nécessaire de tenir compte des nouveaux éléments de preuve et des nouvelles observations qui avaient été déposés. Comme je l’ai déjà mentionné, la juge Hart a expressément affirmé qu’elle ne tiendrait pas compte des nouveaux calculs, puisqu’elle croyait être liée par les commentaires du juge Southcott relatifs à la présence effective. Il est impossible de savoir comment la juge Hart s’y serait prise pour déterminer les jours de présence effective si elle avait examiné les nouveaux éléments de preuve et les nouvelles observations dont elle disposait.

[30] Un point litigieux majeur entre les parties demeure en suspens en raison du défaut de la juge de tenir compte de leurs observations et calculs, c’est‑à‑dire la manière de calculer les jours où M. Tanner travaillait au Canada, mais retournait chez lui aux États‑Unis après le travail. La Cour suprême du Canada a conclu ce qui suit au paragraphe 127 de l’arrêt Vavilov : « Les principes de la justification et de la transparence exigent que les motifs du décideur administratif tiennent valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties. »

[31] En raison de ma conclusion selon laquelle la juge de la citoyenneté a commis une erreur en décidant de ne pas tenir compte des nouveaux éléments de preuve et des nouvelles observations dont elle disposait, j’accueille la demande de contrôle judiciaire du ministre et je renvoie le dossier à un autre juge de la citoyenneté pour qu’il rende une nouvelle décision.

[32] Bien que la question des délais en l’espèce n’ait pas été invoquée comme motif de redressement, j’aimerais faire quelques commentaires à ce sujet. M. Tanner a présenté sa demande de citoyenneté il y a plus de six ans. En raison d’une erreur de comptabilisation en double, la première décision a été renvoyée et une nouvelle décision a été rendue le 31 juillet 2018. Lors du nouvel examen, il y a eu deux périodes de retard qui, à mon avis, sont particulièrement regrettables.

[33] Le paragraphe 14(1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29, prévoit que, lorsqu’une demande est transmise à un juge de la citoyenneté parce que le ministre n’est pas convaincu que le demandeur remplit les conditions, « le juge de la citoyenneté statue, dans les soixante jours suivant sa saisine, sur la question de savoir si le demandeur les remplit ». La Cour a conclu que cette exigence est de nature directive plutôt qu’obligatoire. Néanmoins, elle indique clairement que l’intention du législateur était de traiter ces dossiers assez rapidement (Al Khoury c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 536 aux paragraphes 17-19, citant Yan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1153 aux paragraphes 21-25).

[34] Le représentant du ministre a refusé de fournir à M. Tanner le fichier Excel qu’il avait utilisé pour effectuer ses nouveaux calculs relatifs aux absences de M. Tanner. Il s’agit d’un document sur lequel il s’appuyait et qui avait été présenté à la juge Hart. On voit mal pourquoi le représentant du ministre ne voulait pas que M. Tanner dispose des mêmes documents que ceux qu’il avait présentés au décideur; comme l’a souligné la juge Hart lorsqu’elle a ajourné l’affaire, ce comportement constituait manifestement un manquement aux principes d’équité procédurale. L’insistance du représentant du ministre pour que M. Tanner fasse une demande d’accès à l’information plutôt que de lui fournir le document directement a entraîné un retard d’environ un an dans le traitement du dossier. Finalement, comme je l’ai déjà expliqué, la juge Hart a décidé qu’elle pouvait trancher l’affaire sans s’appuyer sur le document.

[35] Le deuxième retard était imputable au fait que M. Tanner et le ministre ont reçu la décision environ cinq mois après qu’elle ait été rendue. Le paragraphe 14(2) de la Loi sur la citoyenneté exige que l’avis relatif à la décision du juge de la citoyenneté d’accueillir ou non une demande soit fourni au ministre « [a]ussitôt après avoir statué sur la demande ». Rien dans le dossier dont je dispose n’explique ce retard.

[36] J’espère, compte tenu des délais que j’ai mentionnés, que la demande de M. Tanner sera traitée rapidement.

[37] Dans ses observations écrites, M. Tanner a demandé que des dépens lui soient adjugés. Puisque j’ai conclu que l’affaire devait être renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue, rien ne justifie que des dépens soient adjugés à M. Tanner.

[38] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier T-1277-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. La décision de la juge Hart est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour qu’il rende une nouvelle décision rapidement;

  3. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1277-20

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c KENNETH THORPE TANNER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 JUILLET 2021

 

COMPARUTIONS :

Erica Louie

 

POUR LE DEMANDEUR

Brian Portas

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Borden Ladner Gervais SENCRL, SRL

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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