Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210325


Dossier : IMM-3017-20

Référence : 2021 CF 265

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2021

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

HECTOR ARTHURO VILCHIS RAMIREZ

JANNY SINAI GOMEZ ORTEGA

demandeurs

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés oralement à l’audience tenue par vidéoconférence à Vancouver (Colombie-Britannique), le 1er février 2021)

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 26 février 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs à l’encontre du rejet de leur demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission. Le commissaire de la SAR a rejeté l’appel au motif que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Mérida, au Mexique.

I. Le contexte

[2] Les demandeurs sont citoyens du Mexique. Ils sont tous deux âgés de 35 ans, sont mariés et n’ont pas d’enfants.

[3] L’époux [le demandeur principal] est détenteur d’un diplôme universitaire en tourisme et en administration des affaires. Il a occupé un poste d’administrateur et a aussi travaillé dans l’industrie de l’accueil, comme gérant d’un Starbucks.

[4] L’épouse est avocate. Outre sa licence en droit, elle est titulaire d’une maîtrise en droits de la personne. Elle a travaillé comme avocate, fonctionnaire judiciaire, secrétaire et agente de mise en marché.

[5] Le demandeur principal est le fils cadet de sa famille. Sa famille réside dans la ville de Toluca, dans l’État de Mexico (près de la ville de Mexico), où elle exploite une clinique médicale [la clinique]. La clinique appartient aux parents du demandeur principal. Son père y travaille à titre d’omnipraticien, son frère est psychologue, sa sœur est nutritionniste et sa mère prépare les repas et gère le personnel d’entretien ménager. Le demandeur principal a travaillé comme administrateur à la clinique.

[6] Avant son mariage, le demandeur principal vivait avec sa famille dans une demeure située près de la clinique.

[7] La demande d’asile sous-jacente des demandeurs découle d’une série de menaces et d’attaques dont le demandeur principal et sa famille ont été victimes. Les faits qui s’y rapportent peuvent être résumés ainsi :

  • En 2004, le frère du demandeur principal a été enlevé. Après 10 jours, il a été libéré contre le paiement d’une rançon. On a émis l’hypothèse que les autorités locales ont pu tremper dans l’enlèvement.

  • Par la suite, les membres de la famille ont commencé à recevoir des coups de fil menaçants chez eux, sur leurs téléphones cellulaires personnels et à la clinique. Certains appelants ont affirmé être membres du cartel des chevaliers templiers.

  • En janvier 2015, un individu s’est approché de la voiture du demandeur principal et a brisé son rétroviseur. Le demandeur principal est sorti de son véhicule et a été battu, mais est parvenu à s’échapper. Nul n’a soulevé la possibilité que les cartels aient pu être impliqués dans cette attaque.

  • En février 2015, quelqu’un a pénétré par effraction dans la voiture du demandeur principal, à l’extérieur de la demeure familiale. L’identité du contrevenant reste inconnue.

  • Le mois suivant, en mars 2015, le demandeur principal a reçu un coup de fil qui l’informait que sa sœur avait été enlevée. Or, cette annonce s’est révélée fausse et la sœur était en sécurité.

  • Le demandeur principal est arrivé au Canada en mai 2015 et y a séjourné pendant 10 mois grâce à un visa d’étudiant. En mars 2016, il est retourné au Mexique.

  • En juin 2016, trois hommes armés sont entrés par effraction dans la demeure familiale. La mère du demandeur principal a été rouée de coups et les voleurs se sont emparés d’une certaine somme d’argent et de bijoux. Les criminels n’ont pas revendiqué une appartenance à un cartel.

  • Après cet incident, le demandeur principal a vécu avec un stress et une anxiété énormes. Il a décidé de retourner au Canada grâce à un visa de visiteur.

  • Durant son séjour à Vancouver, le demandeur principal a reçu sur son cellulaire un coup de fil d’un individu qui a faussement prétendu avoir enlevé un membre de sa famille.

  • En décembre 2016, le demandeur principal est retourné au Mexique parce qu’il était sur le point de se marier et que son visa de visiteur canadien était en passe de périmer.

  • En avril 2017, le comptable de la clinique a été battu et volé. Il a déclaré qu’un individu avait appelé la clinique et avait affirmé être membre du cartel de Los Zetas.

  • Plus tard en avril 2017, le demandeur principal et sa nouvelle épouse se sont rendus au Canada et ont revendiqué le statut de réfugiés. Ils n’ont pas identifié les cartels comme agents de persécution à leur arrivée au point d’entrée.

II. La décision de la SAR

[8] Le commissaire de la SAR a conclu que la preuve ne permettait pas de démontrer que les cartels étaient mêlés aux incidents décrits ci-dessus. Il a ajouté que, même si cela avait été le cas, il n’existait pas d’éléments de preuve montrant que ces groupes seraient capables de retrouver les demandeurs dans la ville de Mérida, dans l’État du Yucatán, ou qu’ils souhaiteraient le faire. La SAR a statué que la preuve révélait une absence de volonté de cibler les demandeurs. Elle a déclaré que les agresseurs « auraient passé maintenant quelque seize années depuis le kidnapping du frère de l’appelant à menacer sa famille par téléphone sans véritablement agir contre elle ».

[9] Le commissaire de la SAR a aussi fait remarquer qu’après leur mariage les demandeurs avaient vécu à l’extérieur de la demeure familiale pendant plusieurs mois avant de venir au Canada sans être menacés.

[10] Le commissaire de la SAR a aussi constaté que dès que le demandeur principal avait changé son numéro de téléphone pour en prendre un nouveau qui n’était pas consigné ou associé à la clinique, il n’a plus reçu aucun appel de menaces.

[11] Le commissaire de la SAR a conclu que la preuve confirmait que des criminels ordinaires avaient ciblé la famille du demandeur et les personnes qu’elle employait à cause de leur lien avec la clinique.

[12] Le commissaire de la SAR a estimé que ces faits, considérés ensemble, donnent à penser que les demandeurs ne seraient pas susceptibles d’être exposés à un risque s’ils devaient retourner à Mérida et couper les ponts avec la clinique.

[13] Le commissaire de la SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle rien dans la preuve ne démontre que les demandeurs auraient de la difficulté à se loger ou à trouver du travail, surtout vu leur niveau d’instruction.

[14] Le commissaire de la SAR n’a pas retenu l’argument des demandeurs selon lequel le fait de vivre à Mérida sans retourner à Toluca pour voir leur famille reviendrait à vivre dans la clandestinité. Le commissaire a plutôt jugé que les demandeurs étaient libres de communiquer avec les membres de leur famille et que ces derniers pouvaient leur rendre visite à Mérida.

[15] Le commissaire de la SAR a conclu, eu égard aux troubles psychologiques du demandeur principal, que la SPR avait pris en compte les éléments de preuve pertinents et que le demandeur principal n’avait pas suivi de thérapie au Mexique ou au Canada. En outre, le commissaire de la SAR a relevé que le demandeur principal était retourné au Mexique même lorsqu’il était la proie d’un stress intense. Le demandeur principal a lui-même reconnu qu’il serait en mesure de suivre une thérapie à Mérida. Le commissaire de la SAR a donc jugé que la PRI était raisonnable.

[16] Finalement, le commissaire de la SAR a refusé d’accepter un rapport psychologique de 2018 à titre de nouvel élément de preuve parce qu’il n’ajoutait aucun nouveau diagnostic à un rapport déjà produit qui avait été examiné.

III. Analyse et conclusions

[17] À mon avis, le commissaire de la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils s’exposaient à un risque dans la région de la PRI. La preuve indique clairement que c’est la clinique qui était dans la ligne de mire des criminels.

[18] Les demandeurs font valoir que le commissaire de la SAR aurait dû examiner la question de savoir si le fait, pour le demandeur principal, de suivre une thérapie à Mérida serait susceptible de répondre à ses besoins en matière de santé mentale. Selon moi, une telle analyse aurait été spéculative et se situe bien au-delà du champ d’expertise de la SAR.

[19] Pour terminer, je conclus que la décision de la SAR a traité des questions importantes d’une manière raisonnable. Je ne suis donc pas convaincue par la prétention des demandeurs selon laquelle la décision est lacunaire sur le plan de l’analyse.

[20] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[21] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification en vue d’un appel.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3017-20

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3017-20

 

INTITULÉ :

HECTOR ARTHURO VILCHIS RAMIREZ,

JANNY SINAI GOMEZ ORTEGA c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À VANCOUVER, COLOMBIE-BRITANNIQUE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1er FÉVRIER 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 MARS 2021

 

COMPARUTIONS :

Emma Andrews

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Il Hoon (Ezra) Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Emma Andrews Law Firm

Avocate

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.