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Date : 20210707


Dossier : IMM‑2167‑20

Référence : 2021 CF 721

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

LY THI CHUC TRAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Mme Ly Thi Chuc Tran, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas (l’agent) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a rejeté sa demande de résidence permanente au titre du Programme des candidats des provinces (PCP). L’agent a conclu que la demanderesse ne cherchait pas à s’établir au Nouveau‑Brunswick, soit la province qui lui a délivré le certificat dans le cadre du PCP, comme l’exige l’alinéa 87(2)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (RIPR).

[2] La demanderesse soutient que l’agent a commis deux erreurs susceptibles de contrôle. Premièrement, elle fait valoir que l’agent n’a pas réfuté la présomption découlant de la désignation provinciale dans le cadre du PCP, à savoir qu’elle cherchait à s’établir au Nouveau‑Brunswick. Deuxièmement, elle soutient que l’agent n’a pas obtenu une confirmation de la décision auprès d’un autre agent avant de rejeter sa demande, conformément aux paragraphes 87(3) et 87(4) du RIPR.

[3] En outre, la demanderesse avance que l’agent a manqué à son obligation d’agir avec équité, car il ne lui a pas offert l’occasion de répondre à ses préoccupations quant à la crédibilité.

[4] À mon avis, la décision de l’agent est raisonnable. L’agent a fourni des motifs justifiés, transparents et intelligibles pour étayer sa conclusion selon laquelle il était peu probable que la demanderesse s’établisse au Nouveau‑Brunswick. La demanderesse demande essentiellement à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’agent et de tirer une conclusion différente, ce que la Cour doit s’abstenir de faire. Je conclus également qu’il était raisonnable pour l’agent de ne pas obtenir une confirmation de la décision auprès d’un autre agent en application du paragraphe 87(4) du RIPR, car cette disposition s’applique uniquement à une décision selon laquelle il est peu probable qu’un étranger réussisse son établissement économique au Canada.

[5] Enfin, je conclus que l’agent n’a pas manqué à son obligation d’agir avec équité, car il a offert à la demanderesse une occasion suffisante de répondre à ses préoccupations quant à la crédibilité au cours de l’entrevue. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Les faits

A. La demanderesse

[6] La demanderesse est une ressortissante du Vietnam âgée de 43 ans. Elle est propriétaire d’une entreprise prospère au Vietnam qui offre de l’équipement de sécurité pour les navires.

[7] Le 25 juin 2018, la demanderesse, avec son époux et ses quatre enfants (nés en 2005, 2009, 2010 et 2017), a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des candidats des provinces au sens de l’article 87 du RIPR. À l’appui de sa demande, elle a joint un certificat délivré par le Nouveau‑Brunswick, la désignant comme candidate au titre du volet entrepreneurial du PCP conformément à l’alinéa 87(2)a) du RIPR. La demanderesse a fait valoir qu’elle avait l’intention de démarrer une entreprise faisant le commerce de produits de sécurité maritime à Saint John, au Nouveau‑Brunswick.

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[8] Le 17 janvier 2020, l’agent a rencontré la demanderesse en entrevue dans l’objectif d’évaluer son intention de démarrer une entreprise et de s’établir au Nouveau‑Brunswick. L’entrevue et les échanges subséquents sont décrits dans les notes de l’agent versées dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), qui font partie des motifs de la décision de l’agent (Torres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 150, au para 19).

[9] Au cours de l’entrevue du 17 janvier 2020, l’agent a émis plusieurs réserves quant à la crédibilité de la demanderesse, dont les suivantes :

  • a) dans sa demande de résidence permanente, dans des formulaires subséquents et au cours de son entrevue, la demanderesse a affirmé qu’aucun membre de sa famille ne s’était déjà vu refuser une demande de visa canadien, mais elle a par la suite reconnu que ses enfants s’étaient déjà vus refuser des visas de visiteur;

  • b) dans sa demande de résidence permanente, la demanderesse a déclaré que son enfant le plus jeune était né au Vietnam, mais elle a par la suite reconnu qu’il était né au Canada en 2017;

  • c) la demanderesse a soutenu qu’elle avait l’intention de démarrer une entreprise au Nouveau‑Brunswick, mais son plan d’affaires était uniquement le formulaire que la province du Nouveau‑Brunswick lui exigeait de remplir pour sa demande au titre du PCP. Le plan d’affaires de la demanderesse ne comprenait aucune étude de marché, stratégie de marketing, ni prévision de recettes, et la demanderesse n’a pas rempli la section du formulaire portant sur les règlements de l’industrie, les permis et les licences.

[10] Dans un courriel du 30 janvier 2020 transmis à un représentant du Nouveau‑Brunswick, l’agent a expliqué qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse cherchait à s’établir au Nouveau‑Brunswick pour les motifs suivants :

  • a) les déclarations incohérentes de la demanderesse sur les rejets des demandes de visa de ses enfants et le pays de naissance de son plus jeune minaient sa crédibilité;

  • b) la demanderesse s’est rendue au Canada à 28 semaines de grossesse et est demeurée au Canada pour accoucher. Bien que la demanderesse ait déclaré qu’elle était restée au Canada en raison de complications relatives à la grossesse, l’agent a conclu qu’il était probable qu’elle soit demeurée au Canada pour que son enfant obtienne la citoyenneté (c.‑à‑d. [traduction] « tourisme obstétrique »);

  • c) les membres de la famille proche de la demanderesse habitant en Ontario et en Colombie‑Britannique créaient un facteur [traduction] « d’attirance » vers ces provinces au lieu du Nouveau‑Brunswick;

  • d) la demanderesse a fait deux séjours au Canada, mais elle n’a séjourné qu’une seule fois au Nouveau‑Brunswick, pendant une semaine. La demanderesse a reconnu que cette visite ne lui avait pas permis de savoir si elle voulait que sa famille habite au Nouveau‑Brunswick en permanence;

  • e) la demanderesse semblait avoir comme objectif d’obtenir la citoyenneté pour ses enfants et de leur permettre d’étudier au Canada;

  • f) le plan d’affaires de la demanderesse ne comprenait pas les détails qu’on s’attend raisonnablement à trouver pour le lancement d’une nouvelle entreprise.

[11] Dans un courriel du 30 janvier 2020, le représentant du Nouveau‑Brunswick a confirmé l’évaluation préliminaire de l’agent, à savoir que la demanderesse avait probablement fait de fausses déclarations dans sa demande et ne souhaitait pas véritablement s’établir au Nouveau‑Brunswick.

[12] Dans une décision datée du 31 janvier 2020, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse. En particulier, l’agent s’est exprimé en ces termes :

[traduction]

Des suites d’un examen complet, il a été conclu qu’il est improbable que vous vous établissiez dans la province de désignation si un visa de résident permanent vous était délivré. Les facteurs ayant mené à cette conclusion vous ont été présentés au cours d’une entrevue tenue à Hô Chi Minh‑Ville le 17 janvier 2020. Les réponses que vous avez données à ces réserves ont été pleinement prises en compte, mais il a été conclu qu’elles ne font pas contrepoids aux facteurs qui vous sont défavorables.

Par conséquent, il est conclu que vous ne satisfaites pas aux exigences du paragraphe 87(2) du RIPR et que vous n’êtes pas considérée comme un membre de la catégorie des candidats des provinces. En conséquence, votre demande est rejetée.

[13] L’agent n’a pas obtenu une confirmation de la décision auprès d’un autre agent, comme le prévoit le paragraphe 87(4) du RIPR, avant de rendre sa décision.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[14] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne réfutant pas la présomption créée par l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick?

  2. L’agent a‑t‑il commis une erreur en n’obtenant pas une confirmation de la décision auprès d’un autre agent?

  3. L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’agir avec équité?

[15] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable aux deux premières questions est celle de la décision raisonnable, tandis que la norme applicable à la troisième question est celle de la décision correcte.

[16] Je suis d’accord. La norme de contrôle applicable aux questions se rapportant à la décision d’un agent des visas concernant une demande de résidence permanente au titre du PCP est celle de la décision raisonnable (Bano c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 568 (Bano), aux para 13‑14, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov)), tandis que l’exercice de contrôle des questions relatives à l’équité procédurale est particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, au para 35).

[17] Cependant, je souligne un léger désaccord à cet égard. La demanderesse affirme que la décision de l’agent de ne pas consulter un autre agent conformément au paragraphe 87(4) du RIPR constitue un manquement à l’équité procédurale et qu’en conséquence, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

[18] Je ne suis pas de cet avis. L’interprétation de sa loi habilitante par le décideur établit une présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Vavilov, au para 25). Cet aspect de la décision de l’agent concerne l’interprétation et l’application du RIPR, et aucun motif permettant de réfuter la présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable ne s’applique (Vavilov, au para 17; voir aussi Nwachukwu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 122, au para 9). En outre, la demanderesse n’a pas établi que la consultation d’un autre agent est un droit qui lui est garanti par les principes de l’équité procédurale, et non par le RIPR.

[19] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov, aux para 12‑13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, notamment le résultat et le raisonnement, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[20] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision comporte une déficience suffisamment capitale ou importante (Vavilov, au para 100). Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci (Vavilov, au para 125).

[21] En revanche, la norme de la décision correcte est une norme de contrôle qui ne commande aucune déférence. Dans le contexte de l’équité procédurale, la question centrale est celle de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris les facteurs énumérés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux para 21‑28 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au para 54).

IV. Analyse

A. L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne réfutant pas la présomption créée par l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick?

[22] Le PCP accorde une certaine autonomie aux provinces et aux territoires en ce qui concerne la sélection des étrangers qui répondent aux besoins particuliers de leur administration, à condition que les candidats choisis puissent « réussir leur établissement économique » au Canada (Bano, au para 18). Cette exigence est énoncée au paragraphe 87(1) du RIPR :

Catégorie

87 (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des candidats des provinces est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

 

Class

87 (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the provincial nominee class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada.

[23] Conformément au paragraphe 87(2) du RIPR, un étranger doit être désigné par un gouvernement provincial et chercher à s’établir dans la province en question pour devenir un résident permanent au titre du PCP :

Qualité

Member of the class

87 (2) Fait partie de la catégorie des candidats des provinces l’étranger qui satisfait aux critères suivants :

87 (2) A foreign national is a member of the provincial nominee class if

a) sous réserve du paragraphe (5), il est visé par un certificat de désignation délivré par le gouvernement provincial concerné conformément à l’accord concernant les candidats des provinces que la province en cause a conclu avec le ministre;

(a) subject to subsection (5), they are named in a nomination certificate issued by the government of a province under a provincial nomination agreement between that province and the Minister; and

b) il cherche à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation.

(b) they intend to reside in the province that has nominated them.

[24] La demanderesse fait valoir que lorsqu’un étranger est désigné par le Nouveau‑Brunswick au titre du PNP, il existe une présomption que cette personne a la capacité à réussir son établissement économique au Canada. Elle soutient que cette présomption découle de l’annexe A de l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick sur l’immigration (l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick), dont voici un extrait :

4.1 Le Nouveau‑Brunswick a la responsabilité exclusive et non transférable d’évaluer et de désigner des candidats qui, à son avis :

4.1.1 Contribueront au développement économique du Nouveau‑Brunswick; et

4.1.2 Ont la capacité et l’intention de réussir leur établissement économique et de s’installer en permanence dans la province, sous réserve des clauses 4.2 à 4.8 de la présente annexe.

4.1 New Brunswick has the sole and non‑transferable responsibility to assess and nominate candidates who, in New Brunswick’s determination:

4.1.1 Will be of benefit to the economic development of New Brunswick; and

4.1.2 Have the ability and intention to economically establish and permanently settle in New Brunswick subject to sections 4.2 through 4.8.

4.14 Le Canada doit considérer la désignation faite par le Nouveau‑Brunswick comme la preuve que la province a exercé sa diligence raisonnable pour s’assurer que le candidat apportera un avantage économique au Nouveau‑Brunswick et répond aux critères du Programme des candidats des provinces du Nouveau‑Brunswick.

4.14 Canada shall consider New Brunswick’s nomination as evidence that New Brunswick has carried out its due diligence determining that an applicant will be of economic benefit to New Brunswick and has met the requirements of New Brunswick’s Provincial Nominee Program.

[25] La demanderesse souligne que la présomption découlant de l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick ressort de la politique même d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). En particulier, l’article 5 du guide OP 7‑B Candidats des provinces (OP 7‑B) d’IRCC est rédigé en ces termes : « Les agents d’immigration peuvent présumer qu’un candidat désigné par une province a l’intention, selon l’opinion des représentants de la province, de s’établir dans cette province et a de fortes chances de réussir son établissement sur le plan économique au Canada. » [Non souligné dans l’original.]

[26] Selon la demanderesse, la décision de l’agent portant qu’elle ne cherche pas à s’établir au Nouveau‑Brunswick est déraisonnable compte tenu de la présomption contraire découlant de l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick et du guide OP 7‑B.

[27] À mon avis, une simple lecture de l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick et du guide OP 7‑B ne donne pas lieu à la présomption invoquée par la demanderesse. Bien que les deux instruments prévoient qu’une désignation au titre du PCP prouve que le Nouveau‑Brunswick croit qu’un étranger cherche à s’établir dans la province, je conclus qu’ils ne confirment pas qu’une telle présomption s’étend à IRCC.

[28] En faisant valoir le contraire, la demanderesse s’appuie sur deux décisions : Hassan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 1096 (Hassan) et Begum c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 162 (Begum).

[29] Je conclus que les décisions Hassan et Begum se distinguent toutes deux de la présente affaire. Ces décisions permettent d’affirmer que si un étranger est désigné par une province au titre du PCP, il est présumé que cet étranger a la capacité à réussir son établissement économique au Canada (Hassan, aux para 20‑24; Begum, aux para 26‑28; voir aussi Bano, au para 19). En l’espèce, l’agent ne conteste pas que la demanderesse a la capacité à réussir son établissement économique au Canada. Il conclut plutôt qu’elle ne cherche pas à s’établir au Nouveau‑Brunswick. Comme je l’explique en détail ci‑dessous, je ne suis pas convaincu par l’argument de la demanderesse selon lequel ces décisions sont mutuellement inclusives.

[30] En outre, je conclus que la décision de l’agent est raisonnable compte tenu du protocole énoncé dans l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick. Conformément aux articles 4.18 et 4.20 de l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick, l’agent doit consulter le Nouveau‑Brunswick avant de refuser la demande de résidence permanente du demandeur, mais il peut prendre sa décision sans aviser le Nouveau‑Brunswick :

4.18 Si le Canada juge que la demande de visa de résident permanent d’un candidat désigné par le Nouveau‑Brunswick sera vraisemblablement refusée du fait que le demandeur ne peut respecter les conditions du Programme des candidats des provinces du Nouveau‑Brunswick ou les conditions d’appartenance à la catégorie des candidats des provinces aux termes du RIPR et du présent accord, il en avisera sur le champ le Nouveau‑Brunswick, en tenant compte du contexte opérationnel local, et la consultera au sujet des motifs d’un éventuel refus.

4.18 Should Canada determine that an individual nominated by New Brunswick is likely to be refused a Permanent Resident visa based on the applicant’s inability to meet the requirements of the New Brunswick Provincial Nominee Program and the requirements of membership in the Provincial Nominee class as per the IRPR and this Agreement, New Brunswick will be notified as soon as possible, taking into consideration local operating environments, and New Brunswick will be consulted regarding the reasons for possible refusal.

4.20 Dans tous les cas où le Canada établit qu’une personne désignée par le Nouveau‑Brunswick ne remplit pas les conditions d’admissibilité prévues dans la LIPR, il refusera la demande sans aviser le Nouveau‑Brunswick avant de prendre la décision définitive. […]

4.20 In all cases where Canada determines that an individual nominated by New Brunswick does not meet the admissibility requirements of the IRPA, Canada will refuse without notifying New Brunswick before the final decision. […]

[emphase ajoutée]

[emphasis added]

[31] L’agent a suivi le protocole énoncé dans l’Accord Canada‑Nouveau‑Brunswick pour rendre sa décision. Après avoir rencontré la demanderesse en entrevue, l’agent a consulté un représentant du Nouveau‑Brunswick et lui a fait part de ses réserves quant à la crédibilité de la demanderesse, particulièrement en ce qui a trait à son intention de s’établir au Nouveau‑Brunswick. Dans sa réponse, le représentant du Nouveau‑Brunswick a indiqué qu’il avait les mêmes réserves que l’agent, et a affirmé que la demanderesse avait probablement fait de fausses déclarations dans sa demande et ne souhaitait pas véritablement s’établir au Nouveau‑Brunswick.

[32] Enfin, la décision de l’agent concernant le manque de crédibilité de la demanderesse en ce qui a trait à son intention de s’établir au Nouveau‑Brunswick est justifiée, transparente et intelligible (Vavilov, au para 99).

[33] L’intention de s’établir dans une province choisie est un critère hautement subjectif, et l’évaluation de ce critère peut tenir compte de tous les indices, y compris le comportement antérieur, les circonstances présentes et les plans futurs (Rabbani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 257, au para 43). Pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible, l’agent a soupesé différents facteurs, dont les liens familiaux de la demanderesse et ses voyages antérieurs en Ontario et en Colombie‑Britannique; sa reconnaissance du fait qu’elle n’a pas passé suffisamment de temps au Nouveau‑Brunswick pour savoir si elle voulait que sa famille habite à cet endroit en permanence; le caractère incomplet de son plan d’affaires; et sa reconnaissance du fait que l’objectif principal de sa demande au titre du PCP était d’habiter avec ses enfants pendant leurs études au Canada.

[34] La demanderesse fait valoir que cette décision est déraisonnable, car l’agent se préoccupait du désir de la demanderesse de voir ses enfants réussir leur intégration au Canada. Cependant, cet argument ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’agent. En invoquant cet argument, la demanderesse demande plutôt simplement à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’agent et de tirer une conclusion différente, mais cela n’est pas le but d’un contrôle judiciaire (Dhesi c Canada (Procureur général), 2018 CF 283, au para 24, citant Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au para 61).

[35] Comme l’a affirmé mon collègue le juge McHaffie, la conclusion de l’agent quant à la crédibilité fait partie du processus de recherche des faits, et par conséquent, elle appelle la déférence lors du contrôle (Azenabor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1160, au para 6). Les décisions quant à la crédibilité constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits […] et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve » (Yan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 146, au para 18). En l’espèce, la demanderesse n’a établi l’existence d’aucun motif justifiant d’infirmer la décision de l’agent.

B. L’agent a‑t‑il commis une erreur en n’obtenant pas une confirmation de la décision auprès d’un autre agent?

[36] Les paragraphes 87(3) et 87(4) du RIPR énoncent deux garanties procédurales qui favorisent la délibération lorsqu’un agent des visas prend une décision qui diverge de la désignation provinciale et conclut qu’il est peu probable qu’un étranger réussisse son établissement économique au Canada (Bano, au para 20). Plus précisément, le paragraphe 87(3) oblige l’agent des visas à consulter le gouvernement qui a délivré le certificat s’il veut substituer son appréciation à une décision provinciale quant à l’établissement économique, et le paragraphe 87(4) exige de faire confirmer par un autre agent la décision d’un agent de substituer son appréciation à une décision conformément au paragraphe 87(3).

Substitution d’appréciation

Substitution of evaluation

(3) Si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).

(3) If the fact that the foreign national is named in a certificate referred to in paragraph (2)(a) is not a sufficient indicator of whether they may become economically established in Canada and an officer has consulted the government that issued the certificate, the officer may substitute for the criteria set out in subsection (2) their evaluation of the likelihood of the ability of the foreign national to become economically established in Canada.

Confirmation

Concurrence

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

[37] La demanderesse fait valoir qu’il était déraisonnable pour l’agent de conclure qu’elle ne cherchait pas à s’établir au Nouveau‑Brunswick sans obtenir une confirmation de la décision auprès d’un autre agent conformément aux paragraphes 87(3) et 87(4) du RIPR.

[38] La demanderesse soutient que les deux critères énoncés au paragraphe 87(2) du RIPR – être désigné par une province et chercher à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation – font partie intégrante de la réussite de l’établissement économique au Canada selon le paragraphe 87(1) et sont mutuellement inclusifs. Par conséquent, selon la demanderesse, si un agent conclut qu’un étranger ne cherche pas à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation aux termes de l’alinéa 87(2)b), cette décision constitue une substitution d’appréciation de la capacité de l’étranger à réussir son établissement économique au Canada aux termes du paragraphe 87(3), et fait en sorte qu’il est nécessaire d’obtenir la confirmation d’un autre agent comme le prévoit le paragraphe 87(4).

[39] La demanderesse soutient que cette interprétation est claire lorsque l’article 87 du RIPR est lu « dans [son] contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, au para 21). En particulier, la demanderesse souligne qu’en vertu du paragraphe 87(3), un « agent peut […] substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2) ». La demanderesse souligne que la portée de ce libellé n’est pas limitée uniquement au critère énoncé à l’alinéa 87(2)a) (c.‑à‑d. une désignation par une province), et qu’elle englobe par conséquent le critère énoncé à l’alinéa 87(2)b) (c.‑à‑d. l’intention de s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation). La demanderesse affirme que si le législateur avait eu une autre intention, le paragraphe 87(3) serait libellé de façon à s’appliquer uniquement à une nouvelle appréciation du critère énoncé à l’alinéa 87(2)a).

[40] Malgré les observations de la demanderesse, je conclus que l’interprétation et l’application de l’article 87 du RIPR par l’agent sont intrinsèquement cohérentes et justifiées au regard du droit applicable (Vavilov, au para 85). L’agent a raisonnablement conclu qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir une confirmation d’un autre agent avant de conclure que la demanderesse ne cherchait pas à s’établir au Nouveau‑Brunswick.

[41] La jurisprudence étaye la conclusion de l’agent. Dans la décision Kikeshian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 658 (Kikeshian), au paragraphe 17, le juge Barnes a confirmé que l’intention d’un étranger de vivre dans la province ayant délivré le certificat de désignation et sa capacité à réussir son établissement économique au Canada « n’ont pas un poids équivalent ».

[42] S’appuyant sur la décision Kikeshian, le juge Martineau a confirmé dans l’affaire Ransanz c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1109 (Ransanz) que la décision concernant l’intention d’un étranger de s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation n’entraîne pas l’application des obligations de consultation et de confirmation prévues aux paragraphes 87(3) et 87(4) du RIPR :

Le paragraphe 87(3) du Règlement accorde expressément aux fonctionnaires fédéraux le pouvoir discrétionnaire de substituer leur appréciation de la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada, pourvu qu’ils consultent le gouvernement qui a délivré le certificat et qu’ils obtiennent confirmation d’un autre agent (paragraphes 87(3) et 87(4)). Cependant, il est crucial que ces obligations de consulter et de confirmer s’appliquent seulement et expressément à la première condition prévue au paragraphe 87(2), à savoir aux considérations relatives à la probabilité que le demandeur ait la capacité à réussir son établissement au Canada, conformément au critère d’obtention du certificat de désignation provincial visé à l’alinéa 87(2)a). L’intention du demandeur de résider dans la province qui lui a délivré le certificat (alinéa 87(2)b)) est une condition distincte, qui est exempte de l’obligation de consulter et de confirmer et qui s’ajoute à la délivrance du certificat de sélection ou à la désignation des candidats des provinces.

[Non souligné dans l’original.]

[43] L’interprétation de l’agent est aussi intrinsèquement cohérente. Il va de soi qu’une personne pourrait avoir les moyens et la capacité à réussir son établissement économique au Canada sans chercher à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation. La capacité d’une personne à réussir son établissement économique dans le pays en entier n’est pas déterminante quant à la question de savoir si elle cherche à s’établir dans une province en particulier, et vice versa.

[44] En outre, l’interprétation de l’agent est justifiée à la lumière du libellé du paragraphe 87(3) du RIPR. Je cite de nouveau cette disposition par souci de clarté :

Substitution d’appréciation

Substitution of evaluation

(3) Si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).

(3) If the fact that the foreign national is named in a certificate referred to in paragraph (2)(a) is not a sufficient indicator of whether they may become economically established in Canada and an officer has consulted the government that issued the certificate, the officer may substitute for the criteria set out in subsection (2) their evaluation of the likelihood of the ability of the foreign national to become economically established in Canada.

[45] Aux termes du paragraphe 87(3), le pouvoir d’un agent des visas de substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe 87(2) découle du fait qu’un étranger visé par un certificat de désignation délivré par une province n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada.

[46] Il est vrai que le libellé du paragraphe 87(3) renvoie aux « critères prévus au paragraphe (2) », et qu’en conséquence, il englobe à première vue les deux critères de ce paragraphe. Cependant, je conclus que ce libellé général est limité par le fait que le paragraphe 87(3) porte uniquement sur la délivrance d’un certificat de désignation des provinces aux termes de l’alinéa 87(2)a), et non sur l’intention d’une personne de s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation aux termes de l’alinéa 87(2)b). Par conséquent, j’estime qu’il était raisonnable pour l’agent de conclure que sa décision au titre de l’alinéa 87(2)b) ne constituait pas une substitution d’appréciation aux termes du paragraphe 87(3) et ne faisait pas en sorte qu’il était nécessaire d’obtenir la confirmation d’un autre agent comme le prévoit le paragraphe 87(4).

[47] En faisant valoir le contraire, la demanderesse soutient que l’article 7.8 du guide OP 7‑B confirme qu’il est nécessaire qu’un agent obtienne la confirmation d’un autre agent s’il refuse une demande au titre du PCP au motif qu’un étranger ne cherche pas à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation.

7.8 Refus de la demande

Il y a trois raisons pour lesquelles un candidat d’une province qui satisfait à toutes les conditions d’admissibilité prévues dans la loi peut se voir refuser un visa :

l’agent a des raisons de croire que le demandeur n’a pas l’intention de vivre dans la province qui l’a désigné;

l’agent a des raisons de croire que le demandeur ne pourra vraisemblablement pas réussir son établissement économique au Canada;

[…]

Dans chaque cas, l’agent doit disposer d’une preuve pour appuyer sa conviction et renverser les présomptions implicites à la désignation de la province. Chaque accord portant sur la désignation des candidats des provinces oblige l’agent d’immigration à consulter un agent de la province désignée concernant l’intention de refuser, et ce, avant que le refus ne soit prononcé.

Si l’agent, après consultation avec la province, a toujours l’intention de refuser la demande, le R87(4) requiert qu’un second agent confirme la décision de refus avant qu’elle ne puisse devenir officielle.

[48] Je souligne que l’article 7.8 du guide OP 7‑B ne précise pas les motifs de refus pour lesquels il est nécessaire d’obtenir une confirmation d’un autre agent conformément au paragraphe 87(4) du RIPR. Même si j’accepte l’argument de la demanderesse selon lequel l’article 7.8 s’applique à tous les motifs de refus, y compris la décision selon laquelle un étranger ne cherche pas à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation, je ne suis pas convaincu que la décision de l’agent est déraisonnable.

[49] Bien que le libellé général de l’article 7.8 du guide OP 7‑B puisse donner lieu à une interprétation de l’article 87 du RIPR différente de celle retenue par l’agent, je conclus que la décision de l’agent était néanmoins justifiée compte tenu de cette possibilité. Les documents de politique du ministère, y compris le guide OP 7‑B, peuvent aider la Cour à déterminer le caractère raisonnable de la décision de l’agent, mais ils n’ont pas force de loi et ne lient pas le ministre (Sran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 791, au para 17; Vavilov, au para 94). Compte tenu du libellé général de l’article 7.8 du guide OP 7‑B et du fait que l’agent a retenu une interprétation intrinsèquement cohérente de l’article 87 du RIPR qui est justifiée au regard de la jurisprudence, je conclus que la décision de l’agent est néanmoins justifiée, transparente et intelligible au regard de l’interprétation du guide OP 7‑B proposée par la demanderesse (Vavilov, au para 99).

C. L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’agir équitablement?

[50] La demanderesse soutient que l’agent a manqué à son obligation d’agir équitablement parce qu’il ne lui a pas fourni un avis écrit concernant ses réserves quant à l’intention de la demanderesse de s’établir au Nouveau‑Brunswick avant de rejeter la demande de résidence permanente de celle‑ci.

[51] L’obligation d’agir équitablement exige que les décideurs administratifs donnent la possibilité aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés (Baker, au para 22). Comme le confirme l’arrêt Vavilov au paragraphe 77, le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans un cas donné dépend des circonstances et est évalué conformément aux facteurs suivants :

  • a) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;

  • b) la nature du régime législatif;

  • c) l’importance de la décision pour l’individu ou les individus visés;

  • d) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision;

  • e) les choix de procédure faits par le décideur administratif lui‑même.

[52] En appliquant les facteurs énoncés ci‑dessus, je conclus que l’obligation de l’agent d’agir équitablement envers la demanderesse se situe à l’extrémité inférieure du spectre (Yasmin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 383, au para 18).

[53] En gardant ce seuil relativement bas à l’esprit, je conclus que l’agent n’a pas manqué à son obligation d’agir équitablement envers la demanderesse. L’obligation d’agir équitablement exigeait que l’agent accorde à la demanderesse la possibilité de répondre à ses réserves quant à la crédibilité pendant l’entrevue; l’agent n’était pas tenu de fournir à la demanderesse un avis écrit concernant ces réserves avant de rendre sa décision (Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1247, aux para 91‑93; De Azeem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1043, au para 37; Khwaja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 522, aux para 17‑21). L’agent s’est acquitté de cette obligation en accordant à la demanderesse des occasions significatives de répondre à ses réserves pendant l’entrevue.

[54] Pour faire valoir que l’agent ne lui a pas fourni une occasion suffisante de répondre à ses réserves, la demanderesse s’appuie sur Gedara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 209 (Gedara) et Bideh c PNB, 2016 NBBR 192 (Bideh).

[55] Je conclus que les décisions Gedara et Bideh se distinguent toutes deux de la présente affaire.

[56] Dans la décision Gedara, le juge Manson a conclu qu’un agent des visas avait manqué à son obligation d’agir équitablement, car les notes du SMGC ne précisaient pas si « la préoccupation concernant la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada lui [avait] été précisément communiquée, dans l’entrevue ou autrement, afin qu’il [eût eu] la possibilité d’y répondre » (Gedara, au para 35) [non souligné dans l’original]. Contrairement au ressortissant étranger dans l’affaire Gedara, la demanderesse en l’espèce a eu l’occasion de répondre aux réserves de l’agent pendant l’entrevue.

[57] De même, dans l’affaire Bideh, la ressortissante étrangère n’a pas été informée des préoccupations particulières qui ont mené à la conclusion qu’elle n’avait pas l’intention de résider au Nouveau‑Brunswick. Elle a seulement été avisée que l’autorité provinciale n’était pas convaincue de son « engagement envers le Nouveau‑Brunswick » (Bideh, aux para 36‑37). En l’espèce, l’agent a clairement expliqué ses réserves à la demanderesse et lui a donné des occasions d’y répondre, comme l’illustrent les déclarations de l’agent pendant l’entrevue du 17 janvier 2020 :

[traduction]

Je remarque que vous semblez avoir des préoccupations quant à la possibilité que vos enfants habitent et étudient au Canada. Il semble s’agir de votre principal objectif, qui paraît plus important que l’entreprise que vous proposez de lancer. Tous ces facteurs ont une incidence sur votre crédibilité et me portent à croire que vous utilisez peut‑être le PCP uniquement pour obtenir un statut d’immigration au Canada et que vous avez peut‑être l’intention d’habiter ailleurs qu’au Nouveau‑Brunswick. Voulez‑vous répondre à ces réserves?

[…]

Nous n’avez pas divulgué les demandes de visa refusées par le passé ni le bon pays de naissance de votre plus jeune enfant. Je pense qu’il est fort possible que vous ayez agi ainsi délibérément pour tenter de nous tromper […] Je remarque également que des membres de votre famille habitent ailleurs au Canada, ce qui crée un facteur d’attirance vers ces endroits du Canada au lieu du Nouveau‑Brunswick. Voulez‑vous réagir à ces déclarations?

[…]

Vous proposez de vivre dans un autre pays et d’y investir beaucoup d’argent. Pourquoi n’avez‑vous pas rédigé un plan d’affaires valable sur papier?

[Non souligné dans l’original.]

[58] Je conclus que la demanderesse connaissait les réserves de l’agent quant à sa crédibilité et qu’elle a eu des occasions significatives d’y répondre. La demanderesse a répondu à chacune des questions de l’agent, elle n’a pas demandé qu’on lui donne la possibilité de fournir d’autres éléments de preuve ou observations, et elle a confirmé qu’elle avait la responsabilité de demander des précisions si elle ne comprenait pas l’interprète ou une question, mais elle ne l’a pas fait.

V. Question certifiée

[59] La demanderesse propose que la question suivante soit certifiée pour qu’il soit possible d’interjeter appel au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) :

La décision d’un agent d’immigration fédéral de rejeter une demande de résidence permanente au titre de l’alinéa 87(2)b) du RIPR fait‑elle en sorte qu’il est nécessaire d’obtenir la confirmation d’un autre agent comme le prévoit le paragraphe 87(4)?

[60] Le défendeur affirme que cette question ne répond pas aux critères de certification, car une question à certifier doit être « déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale » (Lunyamila c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2018 CAF 22, au para 46), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[61] Une question ne peut avoir des conséquences importantes ou être de portée générale si le droit sur cette question est bien établi (Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, au para 36). Comme je l’indique aux paragraphes 41 et 42 du présent jugement, il ressort clairement de la jurisprudence que la nécessité d’obtenir une confirmation d’un autre agent comme le prévoit l’article 87(4) du RIPR ne découle pas d’une décision selon laquelle l’étranger ne cherche pas à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation, comme l’exige l’alinéa 87(2)b) (Kikeshian, au para 17; Ransanz, au para 25). Je conclus que les décisions de mes collègues sont très convaincantes et que la demanderesse n’a pas présenté de jurisprudence soulevant des doutes sur ces décisions. Par conséquent, je refuse de certifier la question proposée par la demanderesse.

VI. Conclusion

[62] Je conclus que la décision de l’agent était raisonnable et a été prise conformément aux principes de l’équité procédurale. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

[63] Enfin, je rejette la demande de certification présentée par la défenderesse en vue d’un appel, car la question proposée n’est pas une question grave de portée générale au sens de l’alinéa 74d) de la LIPR.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑2167‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2167‑20

 

INTITULÉ :

LY THI CHUC TRAN c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE CHARLOTTETOWN (ÎLE‑DU‑PRINCE‑ÉDOUARD), HALIFAX (NOUVELLE‑ÉCOSSE) ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 7 juillet 2021

 

COMPARUTIONS :

Gary Scales

Duncan Sturz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy Smeltzer

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnes Cooper

Avocats

Charlottetown (Île‑du‑Prince‑Édouard)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

pour le défendeur

 

 

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