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Date : 20210713


Dossier : T‑816‑19

Référence : 2021 CF 738

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 13 juillet 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

HESAMEDDIN ABBASPOUR TAZEHKAND

demandeur

et

LA BANQUE DU CANADA

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Par voie d’un avis de requête daté du 30 mars 2021, déposé pour examen sur la base de prétentions écrites sous le régime de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), la Banque du Canada (la défenderesse) sollicite une ordonnance enjoignant à monsieur Tazehkand (le demandeur) de fournir le cautionnement pour les dépens prévu à l’article 416 des Règles.

[2] Le demandeur a introduit l’instance en l’espèce le 21 mai 2019 pour demander le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne rejetant sa plainte déposée en vertu de la Loi canadienne des droits de la personne, LRC 1985, c H‑6. Dans sa plainte, le demandeur a fait valoir que la défenderesse avait commis un acte discriminatoire en refusant de l’embaucher.

[3] Dans un jugement daté du 30 décembre 2020, la demande de contrôle judiciaire a été rejetée, et des dépens de 2 500 $ ont été adjugés à la défenderesse.

[4] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale à la Cour d’appel fédérale dans le dossier no A‑50‑21.

[5] Le 26 février 2021, la défenderesse a obtenu une ordonnance lui accordant réparation comme suit en vue de faciliter le recouvrement des dépens adjugés en sa faveur :

[traduction]

1. La Banque du Canada est autorisée, en vertu de l’article 433 des Règles, à déposer une demande écrite pour faire délivrer un bref de saisie‑exécution.

2. Par suite de la délivrance de ce bref de saisie‑exécution, le shérif de la ville d’Ottawa [le shérif] pourra saisir les biens meubles ou personnels et les biens immeubles ou réels qui se trouvent dans son ressort et qui appartiennent à Hasemeddin Abbaspour Tazehkand et procéder à leur vente afin de réaliser les sommes suivantes :

a. 2 500 $ plus les intérêts postérieurs à la date du jugement, calculés à un taux annuel de 2 pour cent à partir du 20 décembre 2020 jusqu’à la date de réception du paiement, les intérêts étant composés annuellement;

b. les frais afférents à cette saisie‑exécution;

c. et les dépens adjugés à la Banque du Canada dans le cadre de la présente requête.

3. Des dépens de 500 $ doivent être versés à la Banque du Canada dans le cadre de la présente requête.

[6] Le 11 mars 2021, le demandeur a sollicité un réexamen de l’ordonnance rendue le 26 février 2021. Il a également déposé à la Cour d’appel fédérale un avis d’appel relativement à cette ordonnance, dans le dossier no A‑118‑21.

[7] La défenderesse a déposé l’affidavit de monsieur Noah Houlton, fait sous serment le 6 avril 2021, à l’appui de sa requête. M. Houlton y déclare que des demandes de paiement des dépens en souffrance ont été transmises par courrier électronique le 7 janvier 2021 et le 1er février 2021. M. Houlton précise également que la défenderesse, à la date de l’affidavit, n’avait pas encore recouvré les sommes impayées.

[8] Le demandeur a aussi déposé un affidavit, fait sous serment le 21 juin 2021. Il y affirme, notamment, qu’il est au chômage et touche des prestations d’assurance‑emploi depuis octobre 2020. Ces prestations totalisent actuellement 448 $ par semaine.

[9] Dans son affidavit, le demandeur mentionne des courriels qu’il a envoyés aux avocats de la défenderesse au sujet du règlement des dépens impayés.

[10] La défenderesse sollicite une ordonnance enjoignant que soit fourni un cautionnement pour les dépens dans la présente instance du fait que le demandeur n’a pas payé les dépens qui ont été adjugés contre lui dans le jugement du 30 décembre 2020 et l’ordonnance du 26 février 2021.

[11] La défenderesse s’appuie sur l’alinéa 416(1)f) des Règles afin de réclamer le cautionnement pour les dépens. Cet alinéa est libellé comme suit :

Cautionnement

Where security available

416 (1) Lorsque, par suite d’une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que l’une des situations visées aux alinéas a) à h) existe, elle peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur :

416 (1) Where, on the motion of a defendant, it appears to the Court that

f) le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie;

(f) the defendant has an order against the plaintiff for costs in the same or another proceeding that remain unpaid in whole or in part,

 

the Court may order the plaintiff to give security for the defendant’s costs.

[12] Selon l’arrêt Lavigne c Société canadienne des postes, 2009 CF 756, une partie a droit à première vue de réclamer la fourniture d’un cautionnement lorsque des dépens adjugés en sa faveur demeurent impayés.

[13] Toutefois, selon l’article 417 des Règles, la Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens malgré l’alinéa 416(1)f) des Règles si la partie qui est visée par cette ordonnance fait la preuve de son indigence et convainc la Cour du bien‑fondé de la cause.

[14] Le demandeur soutient qu’il est indigent puisqu’il touche pour seul revenu des prestations d’assurance‑emploi.

[15] Une simple allégation d’indigence ne suffit pas. À cet égard, je me reporte à l’arrêt Sauve c Canada, 2012 CAF 287, où la Cour d’appel fédérale s’est exprimée comme suit :

[9] Une simple affirmation d’une partie au litige selon laquelle elle n’a pas les moyens de fournir un cautionnement pour les dépens est manifestement insuffisante pour faire jouer l’article 417 des Règles : B‑Filer Inc. c. Bank of Nova Scotia, 2007 CAF 409; 371 N.R. 292, aux paragraphes 9 à 11; Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 237, 393 N.R. 67, au paragraphe 10.

[10] Des éléments de preuve concrets doivent être présentés à l’appui d’une allégation d’indigence, y compris des renseignements financiers clairs et complets sous une forme compréhensible. Des déclarations de revenus, des relevés bancaires, des listes d’éléments d’actif et des états financiers (si possible) doivent être produits. Une preuve de l’impossibilité de contracter un emprunt d’une tierce partie pour respecter l’ordonnance de cautionnement doit également être présentée. L’accès aux ressources familiales et communautaires doit aussi être envisagé. Aucune question importante ne doit être laissée sans réponse.

[16] Je ne suis pas convaincue que le demandeur a fait la preuve de son indigence. Il a présenté pour seule preuve de sa situation financière un relevé de prestations d’assurance‑emploi.

[17] Le revenu du demandeur n’est pas élevé, mais il s’agit tout de même d’un revenu.

[18] L’article 417 des Règles énonce des éléments qui s’additionnent et invite la Cour à examiner le bien‑fondé de la cause, de manière à protéger le droit d’un demandeur indigent de défendre sa cause; voir Sauve, précité.

[19] Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire, qui a été entendue le 23 novembre 2020. Un jugement rendu le 30 décembre 2020 a rejeté cette demande. Un avis d’appel a été déposé le 8 février 2021.

[20] Le bien‑fondé de la cause du demandeur a déjà été évalué.

[21] Je ne suis pas convaincue que le demandeur a fait la preuve de son droit de se prévaloir de l’article 417 des Règles en raison de son indigence ou du bien‑fondé de la cause en l’instance, qui a déjà été jugée.

[22] Je constate, sur la foi des éléments de preuve présentés par la défenderesse, que des dépens ont été adjugés à deux reprises en sa faveur et qu’ils demeurent impayés.

[23] Cependant, puisque le demandeur a déposé un appel à la Cour d’appel fédérale à l’égard du jugement rendu le 30 décembre 2020 et un appel contre l’ordonnance prononcée le 26 février 2021, je m’interroge sur l’utilité d’ordonner un cautionnement pour les dépens en l’espèce.

[24] La « cause » a pris fin devant la Cour fédérale, hormis les mesures que peut prendre la défenderesse pour recouvrer les dépens qui demeurent impayés.

[25] Dans l’arrêt Worldspan Marine Inc. c Sargeant, 2019 CAF 207, la Cour d’appel fédérale a formulé les commentaires suivants sur l’objectif du cautionnement pour les dépens en ce qui concerne les dépens afférents à une instance future et non passée :

[29] Dans la lettre de son avocat du 2 juillet 2019, M. Sargeant demande qu'il y ait un cautionnement pour dépens si le sursis est accordé. Cependant, ce cautionnement s'applique aux dépens afférents à une instance en cours, et non aux dépens adjugés et impayés …

[26] Une ordonnance de cautionnement pour les dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour, ce qui ressort clairement des termes utilisés au début et à la fin du paragraphe 416(1) des Règles :

Cautionnement

Where security available

416 (1) Lorsque, par suite d’une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que l’une des situations visées aux alinéas a) à h) existe, elle peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur :

416 (1) Where, on the motion of a defendant, it appears to the Court that

 

the Court may order the plaintiff to give security for the defendant’s costs.

[27] Compte tenu de la preuve présentée par les parties, de leurs plaidoiries et de la jurisprudence applicable, je ne suis pas convaincue que l’ordonnance demandée devrait être accordée, et la requête est rejetée. Exerçant mon pouvoir discrétionnaire en matière de dépens, conformément à l’article 400 des Règles, je n’adjuge aucuns dépens.


ORDONNANCE dans le dossier T‑816‑19

LA COUR ORDONNE QUE la requête est rejetée. J’exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas adjuger de dépens.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑816‑19

 

INTITULÉ :

HESAMEDDIN ABBASPOUR TAZEHKAND c LA BANQUE DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À ST. JOHN’S (Terre‑Neuve‑et‑Labrador) , CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 13 JUILLET 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Hesameddin Abbaspour Tazehkand

LE DEMANDEUR

 

Lynn Harnden

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Emond Harnden LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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