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     Date : 19990420

     Dossier : IMM-2540-98

ENTRE :


ANA GABRIELA ESPRIELLA RAMIREZ,


demanderesse,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]      La demanderesse, qui est de citoyenneté mexicaine, demande le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 27 avril 1998, qu'elle n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      La question en litige est celle de savoir si les conclusions tirées par la Commission sur la crédibilité sont à ce point vagues qu'on ne peut savoir avec certitude sur quels faits la Commission a fondé sa décision. À la page 2 de ses motifs, la Commission a tiré la conclusion suivante en ce qui concerne la crédibilité :

         [Traduction] Après avoir examiné soigneusement toute la preuve qui lui a été présentée, le tribunal est parvenu à plusieurs conclusions. Le comportement de la revendicatrice était souvent sérieux et direct et il est clair qu'elle a une certaine connaissance de l'anglais, ce qui a aidé en partie à rendre son témoignage crédible en apparence, mais à certains autres moments de son témoignage, le tribunal n'était pas convaincu que son témoignage était crédible et digne de foi. En fait, le tribunal a eu le sentiment qu'elle l'embellissait à certains moments.         

[3]      La Commission est tenue de fournir des motifs clairs et non équivoques sur la crédibilité de la revendicatrice. Les conclusions qui précèdent ne peuvent être considérées autrement que comme vagues et générales; voir Hilo c. Canada (MEI) (1992), 15 Imm L.R. (2nd) 199, à la p. 201 (C.A.F.). De plus, si la Commission ne croit qu'une partie du témoignage de la demanderesse, elle doit préciser quels éléments elle a retenus et lesquels elle a rejetés. À titre d'exemple de son omission de le préciser, citons le témoignage offert par la demanderesse dans son formulaire de renseignements personnels :

         [Traduction] Le lendemain je me suis présentée aux autorités de Guanajo (la police) pour me plaindre, comme j'en avais exprimé l'intention, des appels téléphoniques de menace et j'ai demandé leur protection. Malgré mes allégations, la police m'a gardée en détention pendant 8 heures sous prétexte de faire enquête sur mes allégations. Finalement, le chef du poste de police est venu me voir et m'a dit que Francisco Gamboa était son ami et que si je tentais de le dénoncer dans n'importe quel poste de police au pays, le personnel du poste me jetterais en prison pour plusieurs jours. À cause de cette réponse, je ne me suis plus jamais adressée aux policiers. La même semaine, j'ai reçu plusieurs appels téléphoniques, des appels de menace et des appels obscènes.         

[4]      Si elle est vraie, cette allégation revêt de l'importance quant au lien. Je ne sais pas si la Commission a jugé sa déposition sur ce point crédible ou non. Elle a pu la tenir pour véridique et la soupeser en regard d'autres facteurs, mais je ne peux dire si c'est le cas.

[5]      La demanderesse a déclaré dans son témoignage :

         [Traduction] ... lorsque M. Rangel m'a téléphoné, il m'a offert son appui, il m'a dit qu'il m'appuierait et que rien ne m'arriverait.         

Voici comment la Commission a interprété cette déclaration :

         [Traduction] ... [L]a revendicatrice a témoigné que M. Rangel lui avait offert sa protection, mais qu'elle l'avait refusée. Le tribunal ne juge pas cela particulièrement raisonnable de la part de la revendicatrice.         

[6]      Je ne sais pas pourquoi la Commission a eu le sentiment que M. Rangel, désigné par la demanderesse comme le superviseur régional de la vérification, pouvait la protéger alors que la police lui avait censément refusé sa protection. Une fois encore, l'absence de motifs clairs justifiant ses conclusions sur la crédibilité m'empêche de savoir ce que la Commission a conclu.

[7]      En ce qui concerne la PRI, la Commission a conclu qu'aucun élément de preuve n'étayait la prétention de la demanderesse portant qu'elle craignait toujours d'être persécutée. Or, la demanderesse avait témoigné à l'audience que ses parents ont continué à recevoir des menaces après son départ du Mexique. La Commission n'a pas indiqué pourquoi elle n'a pas jugé son témoignage crédible sur ce point.

[8]      Compte tenu des conclusions vagues tirées par la Commission, je n'ai d'autre choix que de renvoyer l'affaire pour réexamen par un tribunal différemment constitué. Je ne tire aucune conclusion sur le lien et sur la PRI parce que je ne dispose pas de faits suffisants.



[9]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision rendue par la Commission le 27 avril 1998 est annulée. L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

     (Signé) " William P. McKeown "

                                     juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

20 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-2540-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ANA GABRIELA ESPRIELLA RAMIREZ

                     - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :          LE VENDREDI 9 AVRIL 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :              JEUDI 20 AVRIL 1999

ONT COMPARU :              M e David Orman

                     pour la demanderesse

                     M e Sally Thomas

                     pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                     M e David Orman

                     Avocat

                     #500 - 70, rue Bond

                     Toronto (Ontario)

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