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Date : 20051021

Dossier : T‑626‑96

Référence : 2005 CF 1432

Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2005

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

 

ENTRE :

 

HUSSEIN FARZAM

demandeur

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défenderesse

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans cette requête, le demandeur prie la Cour de rendre une ordonnance autorisant le dépôt de deux documents comme preuves directes dans le procès de l’action qui doit débuter le 24 octobre 2005, moins de trois jours après l’émission de la présente ordonnance et de ses motifs.

 

[2]               Il est nécessaire d’avoir une bonne compréhension des faits avant d’étudier la présente requête. Les faits suivants ne sont pas contestés.

 

LES FAITS

 

[3]               Le 28 mars 1984, le demandeur et Mme Esmat Mohiti se sont mariés en Iran. Le demandeur s’est trouvé dans le camp de réfugiés de Shomeli, en Iraq, de 1984 à 1988. Le 26 octobre 1988, il est arrivé au Canada à la faveur d’un permis ministériel. Cependant, il n’avait pas le statut de résident permanent. Le 5 novembre 1991, le demandeur a obtenu le droit d’établissement.

 

[4]               Le 30 juin 1992, la demande de parrainage présentée par le demandeur pour son épouse, y compris l’engagement de soutien, était approuvée et transmise au bureau de Damas du défendeur. Le bureau de Damas a reçu la demande de parrainage le 29 juillet 1992. Néanmoins, le 4 juin 1993, le bureau de Damas envoyait à l’épouse du demandeur, Mme Mohiti, un télex l’informant que le demandeur n’avait pas déposé l’engagement de soutien.

 

[5]               Vers la fin de décembre 1993, Mme Mohiti a semble‑t‑il divorcé du demandeur en Iran.

 

[6]               Le 10 janvier 1994, l’ambassade du Canada à Damas délivrait à Mme Mohiti un permis ministériel l’autorisant à venir au Canada.

 

LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

 

[7]               Le 4 août 1995, une déclaration était déposée par le demandeur devant la Cour de l’Ontario (Division générale), n° du greffe 93311/95. Le demandeur voulait obtenir réparation pour la faute présumée du défendeur dans le traitement de son dossier d’immigration et de celui de son ex‑épouse. Le 17 novembre 1995, le juge Soublière rendait une ordonnance suspendant la procédure, en application de l’article 106 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C‑43.

 

[8]               Le 14 mars 1996, le demandeur déposait devant la Cour fédérale, Section de première instance (sa désignation à l’époque), une déclaration dans laquelle il demandait réparation pour la faute présumée du défendeur dans le traitement de son dossier d’immigration et de celui de son ex‑épouse. Depuis le 10 août 1999, le juge Hugessen agit comme juge responsable de la gestion de l’instance. La protonotaire Aronovitch l’assiste dans la procédure.

 

[9]               Le 16 septembre 2002, le défendeur déposait une requête en jugement sommaire dans laquelle il plaidait l’absence de question légitime. Essentiellement, la requête faisait valoir que les délais de prescription étaient dépassés quand l’instance avait été introduite. La requête a été accueillie en partie par le juge Hugessen le 10 février 2003. L’appel du demandeur a été rejeté par la Cour d’appel fédérale le 29 octobre 2003 à la suite d’un examen de l’état de l’instance.

 

[10]           Dans ses motifs, le juge Hugessen exprimait l’avis que l’action du demandeur pouvait être scindée en trois prétentions distinctes, dont chacune alléguait une faute. La première prétention était fondée sur de présumées déclarations inexactes faites au demandeur par un agent d’immigration en dehors du Canada, avant même que le demandeur n’arrive au Canada. La deuxième prétention se fondait sur la perte présumée de possibilités d’emploi parce que le demandeur avait été considéré comme un demandeur d’asile, ce qui l’avait empêché d’accepter un emploi sans y être autorisé. La troisième prétention concernait le préjudice causé par une présumée rupture de mariage résultant de la faute présumée du défendeur; laquelle rupture aurait mis le demandeur dans un état dépressif.

 

[11]           L’ordonnance rendue par le juge Hugessen a eu pour effet de restreindre l’action du demandeur de la manière suivante : ses deux premières prétentions étaient déclarées irrecevables en raison de la prescription, mais le demandeur pouvait quand même faire fond sur sa troisième prétention, uniquement toutefois eu égard au préjudice résultant d’actions ou d’omissions imputables aux représentants du défendeur en dehors du Canada :

 

En ce qui concerne les prétentions du demandeur concernant les actes et les omissions de la défenderesse et de ses agents quant au traitement de la demande qu’il a présentée afin que sa femme soit autorisée à venir au Canada, la Cour dispose d’éléments de preuve lui permettant de conclure que le retard dans le traitement de cette demande était attribuable à la négligence du bureau de la défenderesse situé à Téhéran ou à Damas. Les agents de l’Immigration travaillant dans ces bureaux ne jouissent pas de la protection de la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public quant aux actes ou aux omissions qu’ils commettent. Par conséquent, la prétention fondée sur la prétendue négligence des agents travaillant dans les bureaux d’outre‑mer du ministère semble être faite en temps opportun et ne devrait pas être rejetée.

 

Toutefois, cette prétention doit être limitée aux actes ou aux omissions qui sont commis à l’étranger par des agents du ministère, de sorte qu’elle devrait être rejetée pour ce qui est des actes ou des omissions commis par des agents en Ontario.

 

[12]           À la suite d’une conférence préparatoire à l’instruction, la protonotaire Aronovitch a résumé, dans son ordonnance datée du 1er février 2005, en marge de l’ordonnance susmentionnée du juge Hugessen, le cadre factuel et juridique applicable à la présente affaire :

 

a)      Eu égard aux circonstances de cette affaire, le demandeur était‑il a priori le bénéficiaire d’une obligation de diligence dans le traitement de la demande de son épouse?

b)      Les actions ou omissions des fonctionnaires de CIC en dehors du Canada ont‑elles constitué un manquement à l’obligation de diligence qui s’appliquait au traitement du dossier de Mme Mohiti?

c)      Si une responsabilité peut être établie, quel est le montant approprié de réparation qui s’impose?

d)      La partie qui obtiendra gain de cause aura‑t‑elle droit aux dépens et, dans l’affirmative, à combien?

 

[13]           Les parties s’étant déclarées disposées à engager le débat le plus tôt possible pendant 12 journées qui seraient réservées, le juge en chef Lutfy a rendu le 16 mars 2005 une ordonnance dans laquelle il fixait la date du procès au 24 octobre 2005, pour instruction à Ottawa. C’était il y a près de sept mois.

 

[14]      Afin de simplifier les questions légitimes et de régler tous les points de procédure de manière à faciliter le déroulement de l’instance, une conférence de gestion de l’instruction s’est tenue le 12 octobre 2005 à l’initiative du soussigné. Ce jour‑là, la Cour fut informée que le demandeur avait pris des dispositions le 25 juillet 2005 pour que des interprètes soient présents durant le procès. Il semble aussi que le 5 août 2005 le demandeur avait signifié et déposé une requête pour qu’il soit ordonné à l’administrateur de la Cour d’émettre des citations à comparaître pour faciliter l’entrée au Canada de membres de la famille résidant en Iran. Le demandeur a fait valoir alors que ces témoins déposeraient probablement à propos des raisons qu’avait eues Mme Mohiti de divorcer et de se remarier avec un autre homme. Le 18 août 2005, la protonotaire Aronovitch rendait en effet une ordonnance assignant Razia Farzam, Hassan Farzam et Goulsom Farzam à comparaître. Cependant, le 3 octobre 2005, M. Hassan Farzam, frère du demandeur, et Mme Razia Farzam, mère du demandeur (ci‑après les témoins iraniens) se voyaient refuser l’admission au Canada par des fonctionnaires canadiens de l’immigration. Durant la conférence, l’avocate du demandeur a exprimé le désir de son client de faire ajourner le procès jusqu’à l’issue d’une procédure de contrôle judiciaire visant à contraindre le ministre à délivrer des visas aux témoins iraniens. Soit dit en passant, le demandeur n’entend pas assigner sa sœur, Mme Goulsom Farzam, ni Mme Mohiti, comme témoins au procès. La Cour a été informée par l’avocate que Mme Mohiti avait semble‑t‑il rompu toute communication avec le demandeur et que son nouveau mari ne l’autoriserait probablement pas à témoigner en l’instance. La Cour a aussi été informée par les avocats que les parties étaient en train de préparer un recueil conjoint de documents et de mettre la touche finale à un exposé conjoint des faits, dont le délai de dépôt était déjà dépassé. En tout état de cause, et sur l’insistance du défendeur, cet exposé des faits ne contiendrait aucune admission sur le contenu des dépositions des témoins iraniens. Le défendeur n’était pas non plus disposé à admettre que Mme Mohiti avait divorcé du demandeur en 1993 en conséquence directe de la lenteur et des présumées erreurs des fonctionnaires de l’immigration travaillant pour le défendeur dans ses bureaux de Damas et de Téhéran. En fin de compte, l’avocate du demandeur a dit souhaiter être autorisé à présenter une requête autorisant la production de sa preuve par d’autres moyens.

 

[14]           À la suite de la présentation des conclusions de l’avocate le 12 octobre 2005, j’ai émis les directives suivantes :

 

[traduction] Les parties déposeront leur exposé conjoint des faits au plus tard à 16 heures le 12 octobre 2005. Elles déposeront un recueil conjoint de documents au plus tard à 16 heures le 13 octobre 2005. Le demandeur signifiera et déposera au plus tard à 16 heures le 13 octobre 2005 toute requête en ajournement de l’instruction de cette action. La requête sera écrite et adressée au juge en chef. Le défendeur signifiera et déposera son dossier de réponse à la requête au plus tard à 16 heures le 14 octobre 2005. La réplique du demandeur devra être signifiée et déposée au plus tard à 16 heures le 17 octobre 2005. Il est également ordonné que, si le demandeur souhaite présenter une requête l’autorisant à produire sa preuve par d’autres moyens, la requête devra être signifiée et déposée dans les mêmes délais que la requête en ajournement de l’instruction.

 

[15]           Le 13 octobre 2005, le demandeur déposait effectivement une requête en ajournement afin de pouvoir obtenir l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du défendeur de refuser l’admission des témoins iraniens, ce qui permettrait aux témoins iraniens de déposer à l’instruction ou de pouvoir recueillir sa preuve par d’autres moyens. Simultanément, le demandeur déposait la présente requête.

 

[16]           Le 18 octobre 2005, le juge en chef Lutfy rejetait la requête en ajournement et ordonnait que toutes les autres question en litige, y compris les dépens de ladite requête, soient renvoyées devant le chargé de l’instruction.

 

LA PRÉSENTE REQUÊTE

 

[17]           Le demandeur dit qu’il a en sa possession deux documents émanant de Mme Mohiti qui prouvent la cause du divorce qu’elle a semble‑t‑il obtenu en décembre 1993. Le premier de ces documents est une déclaration, apparemment attestée par un notaire public en Iran, qui porte la date du 3 octobre 1996 (le document de 1996). Le deuxième document est une lettre, apparemment signée par Mme Mohiti, portant la date du 13 avril 1993 et apparemment adressée au demandeur (le document de 1993). Les deux documents sont rédigés en farsi. Le demandeur voudrait que ces deux documents, ainsi que leurs traductions anglaises, soient déposés à l’instruction comme preuves directes.

 

[18]           Le demandeur présente cette requête en application de l’article 286 des Règles de la Cour fédérale (1998) DORS/98‑106 (les Règles), qui est rédigé comme suit :

 

286. La Cour peut, avant l’instruction, ordonner que la preuve d’un fait particulier soit présentée à l’instruction de la manière précisée dans l’ordonnance, notamment :

 

 

286. The Court may, before trial, order that evidence of any fact be given at the trial in such a manner as may be specified in the order, including

 

a) par une déclaration sous serment de renseignements ou d’une croyance;

 

 

(a) by statement on oath of information or belief;

 

b) par la production de documents ou d’éléments matériels;

 

 

(b) by the production of documents or other material;

 

c) par la production de copies de documents;

 

 

(c) by the production of copies of documents; or

 

d) dans le cas d’un fait notoire ou d’un fait connu dans un district particulier, par la production d’une publication particulière qui relate ce fait.

 

(d) in the case of a fact that is or was a matter of common knowledge either generally or in a particular district, by the production of a specified publication containing a statement of that fact.

 

[19]           Le demandeur prétend que le document de 1993 fait état de l’ [traduction] « impatience » de Mme Mohiti ainsi que de [traduction] « son irritation et ses doutes croissants en raison de la lenteur du traitement de son dossier d’immigration ». Le demandeur prétend aussi que le document de 1993 prouve que Mme Mohiti avait [traduction] « été informée par d’autres personnes en quête de visas d’admission au Canada que le processus de parrainage ne nécessitait pas quatre années pour être mené à terme ». Quant au document de 1996, le demandeur dit qu’il prouve que Esmat Mohiti a divorcé de lui en conséquence directe de : 1) la lenteur des formalités d’admission de Mme Mohiti au Canada et des erreurs commises durant ces formalités; 2) de la carence des représentants du défendeur à prendre en temps voulu les mesures utiles pour corriger ces retards et ces erreurs. La règle interdisant la preuve par ouï‑dire a eu pour effet habituellement de rendre irrecevables les déclarations écrites présentées comme preuve de la vérité ou comme preuve de leur contenu. En l’espèce, le demandeur a reconnu que les deux documents en litige ne pouvaient pas, selon la règle classique, être présentés comme preuves directes à l’instruction.

 

[20]           Il est manifeste que l’une des questions litigieuses fondamentales lors de l’instruction sera la cause du divorce prononcé en décembre 1993. Puisque c’est Mme Mohiti qui a pris l’initiative de la procédure de divorce, c’est elle qui serait la mieux à même de témoigner devant la Cour sur cette question. Elle vit en Iran. Toutefois, le demandeur dit que Mme Mohiti s’est remariée quelques mois après avoir divorcé de lui et qu’elle ne s’est pas montrée disposée à participer au procès. Il dit aussi que, même si elle s’était montrée disposée à y participer, son mari actuel l’en aurait empêchée.

 

[21]           Selon le demandeur, des exceptions ont été apportées à la règle interdisant la preuve par ouï‑dire quand il est impossible ou difficile d’obtenir d’autres preuves et quand l’auteur de la déclaration n’est pas une partie intéressée. Le demandeur prétend que Mme Mohiti n’est pas une partie intéressée puisqu’elle n’a jamais voulu participer au procès et parce que les deux documents en cause sont finalement les deux seules preuves qu’elle ait jamais fournie au demandeur. Selon le demandeur, les deux documents sont dignes de foi parce que Mme Mohiti, n’ayant rien à gagner dans le litige, n’a aucune raison de faire une fausse déclaration favorable au demandeur.

 

[22]           Le demandeur dit aussi que l’approche structurée, en matière de preuve par ouï‑dire, qui est exposée dans l’arrêt R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531, 59 C.C.C. (3d) 92, l’autoriserait à produire comme preuves directes dans le procès les documents de 1993 et de 1996, car ils satisfont aux critères de la « nécessité » et de la « fiabilité ». Selon l’approche structurée qui est développée dans l’arrêt Khan, une déclaration relatée sera recevable comme preuve de la véracité de son contenu si elle satisfait aux exigences distinctes que sont la « nécessité » et la « fiabilité ». Dans l’arrêt R. c. Hawkins, [1996] 3 R.C.S. 1043, à la page 1081, 141 D.L.R. (4th) 193, la Cour suprême écrivait que « si une déclaration relatée satisfait à ces deux exigences, le juge du procès peut la soumettre au juge des faits, sous réserve des garanties appropriées et des mises en garde quant au poids à lui accorder ».

 

[23]           La présente requête doit être rejetée. Je suis d’avis que la preuve en cause dans cette requête ne satisfait pas aux exigences distinctes que sont la « nécessité » et la « fiabilité ». Le demandeur ne m’a pas persuadé qu’il a pris des mesures raisonnables pour assurer la participation de Mme Mohiti au procès. Sur ce point, je ne suis tout simplement pas convaincu par les raisons laconiques avancées par le demandeur dans son affidavit, où il écrit qu’il n’a plus aucun contact avec son ex‑épouse et que le nouveau mari de Mme Mohiti lui a interdit de communiquer avec le demandeur et sa famille. Le défendeur serait d’ailleurs gravement lésé si les documents de 1993 et de 1996 étaient admis comme preuves directes dans le procès.

 

LA NÉCESSITÉ

 

[24]           Il ressort clairement de l’arrêt R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915, 94 D.L.R. (4th) 590, que la nécessité concerne à la fois la pertinence de la preuve par ouï‑dire et son aptitude à établir un fait. La nécessité doit s’entendre ici de ce qui est raisonnablement nécessaire. Le critère de la nécessité doit aussi être considéré d’une manière souple, apte à englober une pluralité de situations dans lesquelles la preuve est indisponible pour diverses raisons. Une déclaration relatée peut être nécessaire dans une foule de situations. Par conséquent, les catégories de la nécessité ne sont pas finies.

 

[25]           Aux pages 590 et 591 de l’arrêt R c. F. (W.J.), [1999] 3 R.C.S. 569, 178 D.L.R. (4th) 53, la juge McLachlin s’était exprimée sur la manière dont un tribunal peut s’y prendre pour décider si la déclaration relatée satisfait aux critères de la nécessité.

 

[36] Par conséquent, il ne faut pas aborder la nécessité comme si l’affaire devait entrer dans une catégorie prédéterminée. Il s’agit de savoir si, d’après les faits dont est saisi le juge du procès, la preuve directe n’est pas disponible malgré le déploiement d’efforts raisonnables pour l’obtenir. Les motifs de la nécessité peuvent varier -- allant de l’inhabilité totale à déposer aux conséquences traumatisantes de la déposition pour le témoin.

 

(…)

 

[39] Nous pouvons donc conclure que, lorsqu’il est évident en soi que le témoignage d’un enfant ne sera effectivement pas disponible, le juge peut conclure à la nécessité et admettre les déclarations extrajudiciaires de l’enfant, pourvu qu’elles soient fiables.

[40] Par ailleurs, dans le cas où il n’est pas évident en soi que la preuve directe ne sera pas disponible malgré le déploiement d’efforts raisonnables pour l’obtenir, le juge peut exiger une preuve de ce fait. Ce peut être le cas lorsque le ministère public n’appelle pas l’enfant à témoigner en affirmant simplement que cela traumatiserait l’enfant. C’est dans ce contexte que notre Cour a parlé, dans Khan, d’une « preuve solide fondée sur des évaluations psychologiques que le témoignage devant le tribunal pourrait être traumatisant » (p. 546).

[41] Il est donc erroné de soutenir que l’affirmation que la déclaration extrajudiciaire est nécessaire selon la règle de l’arrêt Khan doit, dans tous les cas, être étayée par une preuve extrinsèque. Il appartient au juge du procès et non au poursuivant de décider de la nécessité. Certes, il doit y avoir un fondement à la décision du juge du procès que la nécessité est établie. Ce fondement peut cependant découler soit des faits et des circonstances de l’affaire portés à la connaissance du juge du procès, soit de la preuve présentée par le ministère public. Lorsque ce qui survient au procès convainc le juge qu’il n’est pas raisonnablement possible d’obtenir de l’enfant un récit utile des faits au moyen d’un témoignage direct, le juge peut bien conclure à la nécessité pour le motif qu’elle est évidente en soi. À défaut de cela, le juge peut se fonder sur la preuve présentée par le ministère public pour conclure à la nécessité. La non‑disponibilité d’un témoignage direct peut être évidente en soi dans le cas de très jeunes enfants, mais ce n’est pas le seul cas où elle peut l’être. Si les circonstances révèlent que l’enfant ne peut pas, pour une raison quelconque, témoigner de façon utile, le juge du procès peut alors conclure qu’il est évident en soi, ou évident d’après ce qui s’est passé au procès, que les déclarations extrajudiciaires sont « nécessaires » pour que le tribunal puisse obtenir la preuve et découvrir la vérité.

 

[26]           Aux fins de la présente requête, je présumerai que Mme Mohiti a divorcé du demandeur vers la fin de décembre 1993 et qu’elle s’est remariée en Iran quelques mois après avoir obtenu son divorce. Les circonstances exactes du divorce n’ont pas été indiquées par le demandeur, et il est difficile de voir comment et pour quels motifs particuliers le supposé divorce a été demandé, obtenu et, le cas échéant, prononcé par un tribunal iranien. Je relèverai cependant que la preuve d’une procédure ou pièce d’un tribunal étranger peut se faire, dans toute action ou procédure dont la Cour est saisie, au moyen d’une ampliation ou copie certifiée de la procédure ou pièce, donnée comme portant le sceau du tribunal, sans aucune preuve de l’authenticité de ce sceau ou de la signature du juge ni autre preuve (paragraphe 23(1) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑5). Aucun document du genre n’a été versé dans le recueil conjoint de documents déposé à la Cour le 13 octobre 2005. En tout état de cause, ce n’est pas le divorce que le demandeur souhaite produire comme preuve au moyen des documents de 1993 et de 1996, mais essentiellement les motifs qu’avait Mme Mohiti de divorcer de lui vers la fin de décembre 1993. C’est là un des points essentiels qui seront examinés durant le procès. La preuve de l’intention est très différente de la preuve qui est requise par exemple pour établir l’existence d’un divorce. La cause du présumé divorce, on le comprendra, est fort litigieuse puisque le divorce résulte du cumul d’une série de faits et/ou d’états affectifs de Mme Mohiti.

 

[27]           Le demandeur doit prouver que, malgré les efforts raisonnables qu’il a faits pour assurer la comparution du témoin au procès, le témoin n’est pas disponible. En l’espèce, le demandeur a dit que Mme Mohiti n’allait pas pouvoir témoigner parce qu’elle n’était pas disposée à participer de quelque façon au procès. Le demandeur donne à entendre que, même si elle était disposée à le faire, son mari actuel ne l’autoriserait pas à demander un visa ou un passeport pour aller témoigner au Canada. Toutefois, ces affirmations ont été faites sans être appuyées par une preuve crédible à l’appui. Le demandeur dit simplement que Mme Mohiti avait semble‑t‑il accepté de l’aider en 1996 en faisant [traduction] « une déclaration concernant sa tentative d’immigrer au Canada et concernant notre divorce ». Toutefois, le demandeur dit avoir été informé que [traduction] « c’était là le maximum qu’elle [Mme Mohiti] était disposée à faire pour aider ma cause ». Dans l’affidavit du demandeur, il n’est fait état d’aucune tentative ultérieure qu’aurait faite le demandeur ou sa famille pour obtenir la coopération de Mme Mohiti ou de son nouveau mari dans la présente instance. Les explications générales suivantes données par le demandeur sont laconiques et constituent une preuve par ouï‑dire à laquelle je n’accorde que très peu de valeur probante : [traduction] « [depuis 1996, le mari de Mme Mohiti] l’a empêchée de communiquer avec moi et avec ma famille. Ma famille a été priée de ne plus communiquer avec Mme Mohiti, sans quoi l’intervention de la police serait demandée ».

 

[28]           Le demandeur sait depuis pas mal de temps maintenant qu’il devra prouver la cause du divorce et que le meilleur témoin en mesure de déposer sur ce sujet est Mme Mohiti en personne. Cela est certain, Mme Mohiti ne sera pas présente durant le procès. La nécessité, cependant, ne peut être déduite du seul fait que le témoin ne se présentera pas au procès. Je suis d’avis que les documents de 1993 et de 1996 ne satisfont pas au critère de la nécessité. Le demandeur savait depuis pas mal de temps l’importance de la preuve établissant l’intention de Mme Mohiti de divorcer, mais il n’a pris des mesures à cet égard que dix jours avant le procès. La présente affaire relève du régime de la gestion des instances depuis au moins 1999. Le demandeur ne s’est jamais adressé au juge responsable de la gestion de l’instance ni à la protonotaire pour obtenir des directives sur la manière dont il aurait pu régler ce problème particulier. Le demandeur n’a même jamais déposé de requête pour que soit signifiée à Mme Mohiti une citation à comparaître. Le fait que Mme Mohiti soit paraît‑il peu encline à témoigner est la principale raison avancée par le demandeur pour justifier le dépôt de déclarations relatées. Les raisons avancées par le demandeur pour justifier le dépôt des deux documents comme preuves directes des motivations de Mme Mohiti et de la cause du divorce sont trop minces quand on les rapporte au préjudice subi par le défendeur. Le droit de contre‑interroger le témoin sur un aspect aussi essentiel devrait l’emporter au vu des circonstances particulières de cette affaire.

 

[29]           Il ne m’est pas nécessaire de faire reposer ma conclusion sur les observations suivantes, mais j’ajouterai qu’avant de déposer la présente requête, le demandeur aurait dû considérer ou épuiser d’autres possibilités, et le principe général suivant énoncé à l’article 3 des Règles de la Cour fédérale n’en aurait pas moins été respecté :

 

Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

 

These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

 

[30]           Un seul exemple suffira. Le demandeur ne dit pas non plus dans son affidavit qu’il ait même songé à demander la délivrance d’une commission rogatoire en application des articles 271 et 272 des Règles, et il n’explique pas pourquoi il ne l’a pas fait :

 

271. (1) La Cour peut, sur requête, ordonner qu’une personne soit interrogée hors cour en vue de l’instruction.

 

 

271. (1) On motion, the Court may order the examination for trial of a person out of court.

 

(2) La Cour peut tenir compte des facteurs suivants lorsqu’elle rend l’ordonnance visée au paragraphe (1) :

 

 

(2) In making an order under subsection (1), the Court may consider

 

a) l’absence prévue de la personne au moment de l’instruction;

 

 

(a) the expected absence of the person at the time of trial;

 

b) l’âge ou l’infirmité de la personne;

 

 

(b) the age or any infirmity of the person;

 

c) la distance qui sépare la résidence de la personne du lieu de l’instruction;

 

 

(c) the distance the person resides from the place of trial; and

 

d) les frais qu’occasionnerait la présence de celle‑ci à l’instruction.

 

 

(d) the expense of having the person attend at trial.

 

(3) Dans l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) ou sur requête subséquente d’une partie, la Cour peut donner des directives au sujet des date, heure, lieu et frais de l’interrogatoire, de la façon de procéder, de l’avis à donner à la personne à interroger et aux autres parties, de la comparution des témoins et de la production des documents ou éléments matériels demandés.

 

 

(3) In an order under subsection (1), or on the subsequent motion of a party, the Court may give directions regarding the time, place, manner and costs of the examination, notice to be given to the person being examined and to other parties, the attendance of witnesses and the production of requested documents or material.

 

(4) La Cour peut, sur requête, ordonner qu’un témoin interrogé en application du paragraphe (1) subisse un interrogatoire supplémentaire devant elle ou la personne qu’elle désigne à cette fin, si l’interrogatoire n’a pas lieu, la Cour peut refuser d’admettre la déposition de ce témoin.

 

 

(4) On motion, the Court may order the further examination, before the Court or before a person designated by the Court, of any witness examined under subsection (1), and if such an examination is not conducted, the Court may refuse to admit the evidence of that witness.

 

272. (1) Lorsque l’interrogatoire visé à la règle 271 doit se faire à l’étranger, la Cour peut ordonner à cette fin, selon les formules 272A, 272B ou 272C, la délivrance d’une commission rogatoire sous son sceau, de lettres rogatoires, d’une lettre de demande ou de tout autre document nécessaire

 

 

272. (1) Where an examination under rule 271 is to be made outside Canada, the Court may order the issuance of a commission under the seal of the Court, letters rogatory, a letter of request or any other document necessary for the examination in Form 272A, 272B or 272C, as the case may be.

 

(2) À moins que les parties n’en conviennent autrement ou que la Cour n’en ordonne autrement, la personne autorisée en vertu du paragraphe (1) à interroger un témoin dans un pays autre que le Canada procède à cet interrogatoire d’une manière qui lie le témoin selon le droit de ce pays.

 

(2) A person authorized under subsection (1) to take the examination of a witness in a jurisdiction outside Canada shall, unless the parties agree otherwise or the Court orders otherwise, take the examination in a manner that is binding on the witness under the law of that jurisdiction.

 

[31]           Si une ordonnance avait été rendue en vertu des articles 271 ou 272, et sauf ordonnance contraire de la Cour, le demandeur aurait été autorisé à utiliser durant le procès le témoignage de Mme Mohiti :

 

273. Sauf ordonnance contraire de la Cour, toute déposition recueillie à l’interrogatoire visé aux paragraphes 271(1) ou (4) peut, sans autre justification, être invoquée en preuve par toute partie.

 

273. Unless the Court orders otherwise, evidence obtained on an examination under subsection 271(1) or (4) may, without further proof, be used in evidence by any party.

 

[32]           Je reconnais que la constitution d’une commission rogatoire à l’étranger est une procédure longue et coûteuse, mais l’action a été introduite il y a près de 10 ans. J’observe ici que nul n’a donné à entendre que la procédure exposée dans les articles 271 et 272 serait vaine ou que les autorités iraniennes refuseraient de donner suite à une commission rogatoire. Dans ces conditions, il est raisonnable de présumer que l’emploi d’une commission rogatoire à l’étranger aurait pu dissiper la présumée difficulté entraînée par l’indisponibilité de Mme Mohiti, et cela d’une manière qui aurait satisfait aux trois critères énoncés dans l’article 3 des Règles.

 

LA FIABILITÉ

 

[33]           Les documents de 1993 et de 1996 ne satisfont pas au critère de la nécessité, mais j’examinerai néanmoins l’application du second critère de l’arrêt Khan aux circonstances de la présente affaire. Selon l’approche structurée, une déclaration relatée doit non seulement être nécessaire, elle doit aussi être fiable. Comme le critère de la nécessité, celui de la fiabilité de la preuve par ouï‑dire doit être évalué d’après les circonstances particulières du dossier, sous réserve des garanties appropriées et des mises en garde quant à la valeur probante.

 

[34]           Selon John Sopinka, Sidney N. Lederman et Alan W. Bryant, dans l’ouvrage The Law of Evidence in Canada, 2e édition. (Toronto : Butterworth, 1999), à la page 197, [traduction] « Il n’est pas essentiel que la déclaration soit absolument fiable. Une fiabilité substantielle suffira. […] La fiabilité ne sera pas substantielle si la déclaration relatée s’accorde aussi bien avec d’autres hypothèses. […] »

 

[35]           Dans l’arrêt R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740, à la page 764, 79 C.C.C. (3d) 257, le juge en chef Lamer évoquait certains des principaux « dangers du ouï‑dire » que comporte l’admission de déclarations antérieures incompatibles faites par un témoin. Ce sont les dangers suivants :

 

1)      l’absence de serment ou d’affirmation solennelle lorsque la déclaration a été faite;

2)      l’impossibilité pour le juge des faits d’évaluer le comportement et, par conséquent, la crédibilité de l’auteur de la déclaration au moment où il l’a faite;

3)      l’impossibilité pour le juge des faits de s’assurer que le témoin a effectivement dit ce que l’on prétend qu’il a dit; et

4)      l’absence de contre‑interrogatoire mené par la partie adverse au moment précis où la déclaration a été faite.

 

[36]           De plus, dans l’arrêt Khan, à la page 542, la juge McLachlin qualifiait la fiabilité du témoignage de l’enfant :

 

Le témoignage comportait également des indices sérieux de fiabilité. T. était désintéressée, en ce sens que sa déclaration ne servait pas son intérêt personnel. Elle a fait la déclaration avant même qu’il ne soit question de litige. (…)

 

[37]           J’observe aussi qu’à la page 1084 de l’arrêt Hawkins, le juge en chef Lamer et le juge Iacobucci ont étudié la fonction exercée par le juge d’instance dans la décision quant à savoir s’il a été satisfait au critère de la fiabilité :

 

Le critère de la fiabilité vise un seuil de fiabilité et non une fiabilité absolue. La tâche du juge du procès se limite à déterminer si la déclaration relatée en question renferme suffisamment d’indices de fiabilité pour fournir au juge des faits une base satisfaisante pour examiner la véracité de la déclaration. Plus particulièrement, le juge doit cerner les dangers spécifiques du ouï‑dire auquel donne lieu la déclaration et déterminer ensuite si les faits entourant cette déclaration offrent suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité pour contrebalancer ces dangers. Il continue d’appartenir au juge des faits de se prononcer sur la fiabilité absolue de la déclaration et sur le poids à lui accorder.

 

[38]           Par conséquent, pour juger si les documents de 1993 et de 1996 renferment suffisamment d’indices de fiabilité, il est crucial de cerner d’abord les dangers spécifiques du ouï‑dire auquel donne lieu la déclaration et de déterminer ensuite si les faits entourant cette déclaration offrent suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité pour contrebalancer ces dangers. Pour cet exercice, je présumerai, sans me prononcer formellement sur ce point, que l’authenticité des documents de 1993 et de 1996 a été prouvée par le demandeur.

 

[39]           En l’espèce, les déclarations relatées particulières qui figurent dans les documents de 1993 et de 1996 ne renferment pas d’indices suffisants de fiabilité pour donner offrant au juge soussigné, en sa qualité de juge des faits, une base satisfaisante pour examiner la véracité de ces déclarations. Si l’on considère certains des dangers du ouï‑dire applicables à la lettre de Mme Mohiti datée de 1993, il est évident que le document n’a pas été établi sous serment, ce qui le rend très peu fiable dès lors qu’il s’agit d’établir la véracité du contenu des échanges qu’elle aurait pu avoir ou non avec les représentants du défendeur à l’étranger. Or, il semble que la déclaration faite par Mme Mohiti en octobre 1996 ait été attestée par un notaire public en Iran. Mais cette déclaration a été faite après que le demandeur eut déposé sa déclaration devant la Cour, le 14 mars 1996. Le fait que le demandeur avait déjà intenté sa poursuite contre le défendeur constituerait un facteur important à explorer dans un contre‑interrogatoire de Mme Mohiti. Par exemple, Mme Mohiti pourrait être interrogée pour savoir si on lui avait dicté le contenu de la déclaration et si on lui avait demandé d’exclure certaines informations. Ce point particulier suscite l’existence d’un danger trop sérieux pour que le document puisse être produit comme preuve directe à l’instruction, à moins que Mme Mohiti soit appelée à témoigner. À ce stade, il n’y a pas de garanties appropriées concernant la recevabilité de cette preuve par ouï‑dire, et il m’est impossible de voir comment cette preuve pourrait être réfutée à l’instance par le défendeur, quelle que puisse être la valeur probante qui lui serait finalement attribuée par le juge du procès.

 

[40]           En l’espèce, la crédibilité du contenu des documents est une question litigieuse d’importance critique. Vu les circonstances de cette affaire, il est évident que la Cour ne sera pas en mesure d’observer le comportement de Mme Mohiti à la barre puisqu’elle ne témoignera pas au procès. Dans l’arrêt B. (K. G.), le juge en chef Lamer soulignait à la page 792 la difficulté pour le juge des faits d’évaluer la crédibilité du déclarant dans de telles circonstances :

 

Quand le témoin est à la barre, le juge des faits peut observer ses réactions aux questions, ses hésitations, il peut voir s’il est catégorique, etc. Fait plus important, qui englobe tous ces facteurs, le juge peut évaluer la relation entre celui qui pose les questions et le témoin, et voir dans quelle mesure le témoignage est le produit de l’interrogatoire. Ces observations et indications subtiles ne ressortent pas d’une transcription lue à l’audience par un avocat sur un ton monocorde et faisant totalement abstraction du climat de l’échange.

 

[41]           En l’espèce, les faits entourant les déclarations relatées n’offrent pas de garanties circonstancielles suffisantes de fiabilité propres à compenser les dangers déjà évoqués. D’ailleurs, l’affirmation centrale du demandeur est que son ex‑épouse a divorcé de lui en raison de la lenteur avec laquelle son dossier d’immigration à elle était traité. Le divorce aurait mis le demandeur dans un état dépressif pour lequel il demande réparation au défendeur. La cause du divorce du demandeur est donc un aspect important du procès. Ici, le défendeur n’est pas disposé à admettre que Mme Mohiti a divorcé du demandeur en raison des retards et des présumées erreurs des représentants du défendeur travaillant à l’étranger. La charge de la preuve incombe au demandeur. Le défendeur croit donc que Mme Mohiti a pu décider de divorcer du demandeur pour des raisons n’ayant aucun rapport avec la demande de parrainage présentée en sa faveur. Sur ce point, le défendeur signale que nombre d’autres raisons plausibles auraient fort bien pu conduire Mme Mohiti à décider de divorcer du demandeur. D’abord, elle a pu être pressée par son père – pour une raison quelconque– de divorcer du demandeur. Ensuite, Mme Mohiti a pu décider tout simplement qu’elle ne souhaitait plus quitter l’Iran et partir pour le Canada pour vivre avec le demandeur. La fiabilité ne saurait être substantielle ici puisque les déclarations relatées s’accordent aussi bien avec d’autres hypothèses. Par conséquent, avant que les déclarations faites par Mme Mohiti dans les lettres de 1993 et de 1996 soient acceptées comme preuves directes, le défendeur devrait pouvoir contre‑interroger celle‑ci lors de l’instruction sur tous les faits pertinents.

 

CONCLUSION

 

[42]           Pour les motifs susmentionnés, je rejette la requête du demandeur. Compte tenu du résultat et de l’ensemble des facteurs pertinents, le défendeur aura droit à ses dépens.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE : la requête du demandeur pour que soit rendue une ordonnance autorisant le dépôt des documents de 1993 et 1996 comme preuves directes durant le procès de la présente action est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑626‑96

 

 

INTITULÉ :                                       Hussein Farzam

                                                            c.

                                                            Sa Majesté la Reine du chef du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario) PAR REQUÊTE 369

 

 

DATE DE L’AUDIENCE:                le 14 octobre 2005

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MARTINEAU

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 OCTOBRE 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Silvia R. Maciunas

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Michael Roach

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Silvia R. Maciunas

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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