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Date : 20050729

Dossier : T-2022-04

Référence : 2005 CF 1051

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

appelant

YAO ZHOU HUANG

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Yao Zhou Huang est arrivé au Canada de Chine le 19 août 1998, accompagné par sa femme et ses deux fils. Il a demandé la citoyenneté canadienne le 28 mars 2003 et une juge de la citoyenneté la lui a accordée.

[2]                L'appelant soutient que la juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que M. Huang avait rempli l'exigence de résidence imposée par le paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (voir l'annexe). Je conviens que la juge de la citoyenneté a commis une erreur et j'accueillerai donc l'appel.


I. La question en litige

[3]                La conclusion de la juge de la citoyenneté, selon laquelle M. Huang avait rempli l'exigence de résidence, était-elle raisonnable?

II. Analyse

[4]                L'épouse de M. Huang a des problèmes de santé mentale depuis plusieurs années. Soucieux de son bien-être, il l'a ramenée en Chine pendant de longues périodes afin de lui donner accès à la fois aux traitements de la médecine occidentale et de la médecine chinoise traditionnelle. Il a été diagnostiqué qu'elle était atteinte de schizophrénie.

[5]                Les Huang ont passé la plus grande partie de l'année 1999 en Chine. En 2000, après son retour au Canada, Mme Huang a demandé à être traitée par un psychiatre de Vancouver parlant chinois, mais elle ne l'a vu que deux fois. Le couple est retourné en Chine en 2001 et y a passé six mois, et en 2002, huit mois. Malheureusement, l'état de Mme Huang s'est détérioré en 2003. Les médicaments qui lui avaient été prescrits en Chine n'avaient plus d'effet. Elle a été hospitalisée à Vancouver. Cependant, en fin de compte, elle a été aiguillée vers un psychiatre canadien qui la traite avec succès.

[6]                Aux termes de la Loi sur la citoyenneté, la personne qui demande la citoyenneté canadienne doit avoir, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans. M. Huang devait donc établir qu'il avait résidé au Canada pendant trois ans (1095 jours), du 28 mars 1999 au 28 mars 2003. En fait, en raison de ses nombreuses absences, M. Huang n'a été physiquement présent au Canada que pendant 669 jours.

[7]                La loi fait preuve d'une certaine souplesse dans l'application de l'exigence de résidence; elle reconnaît que la personne qui a clairement établi ses liens avec le Canada peut quand même être considérée comme résidente au cours de ses périodes d'absence. Les juges de la citoyenneté doivent tenir compte d'un ensemble de facteurs et de critères lorsqu'ils décident si le candidat a maintenu sa résidence au Canada en dépit d'absences fréquentes ou longues : voir, par exemple, Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.); Woo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1808 (1re inst.) (QL).

[8]                La juge de la citoyenneté a conclu que M. Huang avait établi sa résidence au Canada en février 1999 lorsqu'il est rentré au Canada après avoir mis en ordre ses affaires en Chine. L'appelant ne trouve rien à redire à cette conclusion. La juge de la citoyenneté a ensuite conclu que les longues absences de M. Huang pouvaient être qualifiées de _TRADUCTION_ « temporaires et involontaires » parce qu'il faisait de son mieux pour obtenir les traitements médicaux appropriés pour son épouse. Il estimait pouvoir trouver ces traitements en Chine, non au Canada.

[9]                Cependant, comme le soutient l'appelant, le comportement de M. Huang ne correspond tout simplement pas à celui d'une personne qui désire devenir canadienne. Les Huang n'ont pas vraiment donné au système de santé canadien une chance équitable de faire ses preuves avant 2003. Ils n'ont consulté qu'un seul psychiatre canadien, alors que l'on comptait au moins une douzaine d'autres psychiatres parlant chinois à Vancouver à l'époque. Il est aussi possible de se faire traiter par la médecine chinoise traditionnelle à Vancouver. En outre, il y a une importante communauté chinoise à Vancouver, vers laquelle M. Huang aurait pu se tourner s'il avait besoin d'aide pour trouver des services médicaux.

[10]            Je suis d'avis que le comportement de M. Huang ne peut être qualifié d'involontaire, en dépit de ses évidentes bonnes intentions. Il a tout simplement opté de faire traiter son épouse à l'extérieur du Canada. La situation à laquelle il faisait face ne pouvait pas non plus être qualifiée de « temporaire » . Dès 1999, il était manifeste que Mme Huang aurait besoin de traitements médicaux de longue durée.

[11]            La juge de la citoyenneté a pris en compte plusieurs facteurs lorsqu'elle a étudié la demande de M. Huang, comme elle était tenue de le faire. Cependant, ses motifs montrent que, à l'évidence, elle a estimé que la nature « temporaire et involontaire » des absences de M. Huang revêtait une importance primordiale. Je suis d'avis que, comme elle a fait erreur en qualifiant ces absences, la décision de la juge de la citoyenneté n'est pas étayée par la preuve.


                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :                               

1.          L'appel est accueilli.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _            

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


                                                                        Annexe


Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29

Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

                                             [...]

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

Citizenship Act, R.S.C. 1985, c. C-29

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

                                               ...

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-2022-04

INTITULÉ :                                        MCI

c.

YAO ZHOU HUANG

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 20 JUILLET 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                       LE 29 JUILLET 2005

COMPARUTIONS:

Jonathan Shapiro                                   POUR LE DEMANDEUR

Aucune comparution                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.                                  POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

LOH & COMPANY                            POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)


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