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Date : 20040616

Dossier : IMM-9067-03

Référence : 2004 CF 870

OTTAWA (ONTARIO), LE 16e JOUR DE JUIN 2004

Présent :          L'HONORABLE LUC MARTINEAU

ENTRE :                                

                                                  GUERMACHE, ABDEL-SALAM

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                               MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                          Défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur, Abdel-Salam Guermache, un citoyen d'Algérie, s'est vu refusé le statut de « réfugié au sens de la Convention » et celui de « personne à protéger » par le commissaire Laurier Thibault (le commissaire) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la Commission). Conformément au paragraphe 72 (1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi), le demandeur présente devant cette Cour une demande de contrôle judiciaire.


[2]                La Commission a rejeté la demande d'asile du demandeur au motif que celui-ci n'était pas crédible. Lecture faite de la décision attaquée et compte tenu de la preuve au dossier, le demandeur ne m'a pas convaincu que la décision est entachée d'une erreur de droit, ou encore que la conclusion de non-crédibilité est manifestement déraisonnable. Acceptant l'argumentation présentée par le défendeur, je ne trouve donc aucun motif permettant à la Cour d'intervenir à cet égard.

[3]                Cependant, le demandeur allègue également que le comportement du commissaire à l'audience est de nature à soulever une crainte raisonnable de partialité chez une personne raisonnable et bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, et ce, de façon réaliste et pratique (Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 (C.S.C.); (1976), 68 D.L.R. (3d) 716 (C.S.C.)). Le demandeur allègue notamment que le Commissaire a créé une atmosphère extrêmement tendue durant l'audience, à un tel point, que ceci a affecté son témoignage.


[4]                Les commissaires ont un rôle difficile mais primordial à jouer. En raison de leur charge de travail, les pressions sont énormes. Néanmoins, même s'ils ont pu entendre la même « histoire » des centaines de fois, les individus sont différents, de sorte que chaque demande de protection mérite le même degré de soin. Faut-il le rappeler, le Canada offre l'asile à ceux qui craignent avec raison d'être persécutés du fait de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques, leur appartenance à un groupe social en particulier, ainsi qu'à ceux qui risquent la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités. Du même coup, s'agissant des réfugiés, la Loi a notamment pour objet de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d'une procédure équitable et efficace reflétant les idéaux humanitaires du Canada, et qui soit respectueuse, d'une part, de l'intégrité du processus canadien d'asile, et d'autre part, des droits et des libertés fondamentales reconnus à tout être humain (paragraphes 3(2) c) et e) de la Loi). Les commissaires sont donc le premier, et actuellement le dernier maillon décisionnel (les dispositions de la Loi relatives à la section d'appel des réfugiés n'étant pas encore en vigueur) auquel les revendicateurs peuvent adresser leur demande d'asile et se faire entendre au Canada dans le cadre formel d'une audition orale devant un tribunal quasi-judiciaire.

[5]                Ceci étant dit, l'ampleur de la tâche des commissaires ne doit pas faire perdre de vue le fait que les règles de justice naturelle doivent être respectées, et qu'en tout temps, leur conduite lors de l'audition d'une demande d'asile doit être irréprochable et empreinte d'objectivité. Il va de soi que la courtoisie et la politesse les plus élémentaires sont de rigueur. L'intimidation, le mépris, les allusions désobligeantes n'ont pas leur place. Pas plus que la rudesse et les écarts de langage. Comme l'écrivait le très honorable Fauteux dans le Livre du magistrat, « [p]ar sa modération, sa discipline et sa courtoisie dans ses relations avec les avocats, les parties et les témoins, le magistrat assurera le climat nécessaire à l'oeuvre de la Justice. » (Le très honorable Gérald Fauteux, Le livre du magistrat, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1980 à la p. 49).


[6]                Bien que le Commissaire et l'agent chargé de la revendication peuvent et se doivent de poser des questions afin de clarifier les propos d'un revendicateur, il est clair que certaines limites ne peuvent être franchies. Sans imposer de canon ou de règle absolue, si le « contre-interrogatoire » est permis, celui-ci devrait normalement intervenir après le « témoignage » du revendicateur. L'attitude neutre à laquelle on s'attend de la part du commissaire qui entend la cause suggère fortement que celui-ci s'en tienne, autant que possible, à ses responsabilités propres et laisse le conseiller du revendicateur, l'agent chargé de la revendication, et le cas échéant, le représentant du Ministre, jouer leur rôle respectif. À cet égard, on devrait généralement s'attendre à ce que les questions posées par ces derniers éclaireront le tribunal sur les aspects clés du témoignage du revendicateur, voir sur les lacunes ou les contradictions les plus flagrantes de son témoignage. D'autre part, sa responsabilité à l'égard de la conduite de l'audition, peut obliger le commissaire à poser des questions qui doivent être posées et ne l'ont pas été à cause d'une défaillance des avocats. Encore une fois, je ne dis pas ici que ce sont les seuls cas où le commissaire peut poser des questions. Toutefois, quelque soit la raison valable pour laquelle le commissaire choisit d'intervenir, celui-ci doit faire preuve de tact et d'une certaine retenue dans la façon dont il s'adresse au revendicateur et dans la formulation des questions qu'il désire lui demander. Pour reprendre les propos du juge Lamer (tel qu'il était alors) dans l'affaire R. c. Brouillard, [1985] 1 R.C.S. 39 au paragraphe 25 (C.S.C.); (1985), 16 D.L.R. (4th) 447 (C.S.C.), « ... si le juge peut et doit intervenir pour que justice soit rendue, il doit quand même le faire de telle sorte que justice paraisse être rendue. Tout est dans la façon. »


[7]                Il faut donc ici s'assurer que le « contre-interrogatoire » du commissaire et ses interventions au cours de l'audition ne suscitent pas une apparence de partialité. La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Sivaguru c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 F.C. 374 (C.A.), [1992] A.C.F. no 47 (C.A.) (QL) aux paragraphes 16 et 17 écrit à ce propos :

À mon avis, une audience ne répond à ces critères que dans la mesure où la Commission agit avec impartialité. À mon sens, un membre de la Commission doit faire preuve de la même impartialité que doit avoir un juge, c'est-à-dire celle dont a parlé le juge LeDain dans l'arrêt Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673. À la page 685, Sa Seigneurie s'est exprimée en ces termes:

L'impartialité désigne un état d'esprit ou une attitude du tribunal vis-à-vis des points en litige et des parties dans une instance donnée. Le terme "impartial", comme l'a souligné le juge en chef Howland, connote une absence de préjugé, réel ou apparent.

Dans trois affaires récentes portées devant cette Cour, on a contesté des décisions de la Commission en plaidant notamment que le membre de la Commission avait employé des moyens excessifs et irréguliers pour interroger le demandeur à l'audience. Il s'agit des affaires Mahendran c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 14 Imm. L.R. (2d) 30 (C.A.F.); Yusuf c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 629 (C.A.) et Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), A-824-90, Stone, J.C.A., jugement en date du 5 décembre 1991 (encore inédit). La contestation a été rejetée dans deux de ces affaires. Dans la troisième, l'affaire Yusuf, le juge Hugessen, J.C.A., a statué comme suit, aux pages 637 et 638:

À mon avis, ces remarques sexistes, déplacées et fort mal à propos de la part d'un membre de la section du statut sont de nature à créer une apparence de partialité chez leur auteur. Le jour est passé où on tolérait la condescendance, le ton de supériorité inhérente et les "compliments" insultants qu'on offrait trop souvent aux femmes qui osaient pénétrer dans le sanctuaire mâle des tribunaux de justice. Le juge qui se le permet aujourd'hui perd son manteau d'impartialité. La décision ne peut pas tenir.

À mon avis, ce passage illustre le cas où l'interrogatoire peut révéler un préjugé, réel ou apparent. Dans [page390] cette affaire, l'interrogatoire par le membre de la Commission témoignait, comme l'a exprimé le juge LeDain dans l'arrêt Valente, d'"un état d'esprit ou une attitude du tribunal vis-à-vis des points en litige et des parties".

Pour qu'une "audience" soit digne de ce nom, la Commission doit constamment être disposée à étudier des éléments de preuve présentés de la manière objective et impartiale voulue pour en arriver à la vérité.

[mon soulignement]


[8]                Aux paragraphes 18, 19 et 20 de la décision De Leon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 852 (C.F. 1re inst.) (QL), IMM-6251-98, le juge Pelletier (tel qu'il était alors) souligne ce qui suit :

Il est vrai que ce n'est pas la fonction du tribunal ou de l'agent de favoriser le témoignage d'un revendicateur. Le fardeau de la preuve demeure toujours sur le revendicateur. Les contradictions et les invraisemblances sont des indices importants d'un manque de vérité dans une histoire. Étant mal placé pour vérifier des contradictions et des invraisemblances, le tribunal doit se fier entièrement sur le revendicateur pour apprendre la vérité sur sa situation. Si un revendicateur ne se montre pas digne de foi dans certains détails, la Section du statut est justifiée de trouver qu'il n'est pas digne de foi dans d'autres éléments de sa revendication. Mais tout ceci présuppose que la Section du statut respecte le revendicateur et son témoignage.

Il est vrai aussi que l'agent chargé de la revendication et le tribunal ont le droit de contre-interroger le demandeur et si les circonstances l'exigent, cette contre-interrogation peut être agressive. Mais il ne faut pas confondre la poursuite de la vérité et le harcèlement du demandeur. Dans l'instance, le tribunal a trouvé des contradictions là où il n'y en avait pas, et pour arriver à ces contradictions, n'a pas tenu compte des éléments dont il disposait dans le sens de l'aliéna 18.1(4)(d) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1985 c. F-7. En conséquence, la décision doit être cassée et la cause remise pour une nouvelle audition par un tribunal différemment constitué.

Compte tenu des allégations qui font partie de la demande de contrôle judiciaire, il est fort probable que le demandeur ait quitté la salle d'audience, convaincu que sa cause était perdue d'entrée en jeu. En plus de se faire accuser de contradictions là où il n'y en avait pas, il a aussi dû supporter des remarques qui lui auraient paru insultantes. La Section du statut de réfugié occupe un rôle central dans l'administration des obligations du Canada au sujet des réfugiés. Ceux qui sont chargés de la responsabilité de commissaire ou d'agent chargé de la revendication représentent le Canada aux yeux des revendicateurs. Ils se doivent donc de se comporter de façon à écarter toute suggestion que le Canada n'est pas ouvert à la réception des réfugiés, même si elle se réserve le droit de se satisfaire de leur bonne foi. C'est une tâche qui demande une probité et une intégrité exemplaires. Le fait qu'il y ait des manquements dans la conduite d'une audition de temps à autre ne fait que souligner l'importance de l'impartialité et l'ouverture d'esprit de ceux à qui cette tâche a été confiée.

[mon soulignement]

[9]                Ayant les principes susmentionnés à l'esprit et ayant pris connaissance de l'ensemble du dossier, je conclus que les règles de la justice naturelle n'ont pas été respectées dans le présent dossier. Je suis également d'avis qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique en arriverait à la conclusion que le comportement du Commissaire est de nature à susciter une crainte raisonnable de partialité (Committee for Justice and Liberty, supra).

[10]            Ici, dès le départ, il est clair que le commissaire n'était aucunement intéressé à entendre le témoignage du demandeur. De fait, le processus choisi par le commissaire a fait en sorte que le demandeur n'a pas eu l'occasion de présenter sa « cause » devant un décideur impartial. Ainsi, l'audience du 15 mai 2003 tient plus d'une enquête policière qu'une audition devant un tribunal, aussi spécialisé soit-il. Sans répit, du début à la fin de l'audition, le commissaire a questionné le demandeur sur une infinité de détails, manifestement avec l'objectif de le faire « craquer » . Non seulement le demandeur devait-il répondre aux questions posées par l'agent chargé de la revendication mais, systématiquement, le demandeur devait, en même temps, également du mieux qu'il pouvait, répondre aux multiples questions du commissaire lui-même. Manifestement, celui-ci recherchait tous les prétextes possibles pour mettre le demandeur en contradiction. Or, rien ne me permet de conclure qu'il s'agissait d'un cas où, manifestement, le demandeur cherchait à se défiler ou à éluder les questions posées. Bien au contraire, visiblement, le commissaire s'impatientait dès que le demandeur tentait de compléter ses réponses.

[11]            On a ici la nette impression que l'agent chargé de la revendication n'était ni plus ni moins qu'une « doublure » , le premier rôle, celui de « grand inquisiteur » , étant tenu par le commissaire lui-même. Quant à la conseillère du demandeur, celle-ci était reléguée au rôle secondaire et très limité que voulait bien lui accorder le commissaire. Pour la forme sans doute, le commissaire l'a ponctuellement invité ou lui a permis de poser quelques questions, ici et là. Je dis cela parce qu'à la suite du contre-interrogatoire « en règle » effectué par le commissaire, qui a dû paraître interminable, et des longues tirades du commissaire sur des aspects périphériques n'ayant aucune pertinence véritable (sinon qu'elles démontrent de façon éloquente les préjugés et les partis-pris du commissaire), on peut se demander ce que pouvait faire de plus la conseillère du demandeur. Il est clair ici que peu importe ce que pouvait dire ou ajouter la conseillère du demandeur, la « cause » du demandeur était décidée d'avance par le commissaire.

[12]            Bref, les commentaires gratuits et déplacés ainsi que le ton, l'impatience et l'agressivité manifestées à l'audition par le commissaire n'étaient pas justifiés. Rien ne me permet de conclure que les multiples interventions du commissaires seraient en relation directe avec quelque réponse évasive ou l'absence de collaboration du demandeur. Celles-ci paraissent la résultante plutôt de l'opinion pré-conçue que le commissaire semble avoir à l'égard des citoyens algériens qui revendiquent le statut de réfugié au Canada. À titre d'exemples, voici quelques extraits de la transcription de cette audition. Pour une meilleure compréhension les interventions ou questions du commissaire sont soulignées dans le texte qui suit :


PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)

[. . .]

-                ... Monsieur, le tribunal ne vous demandera pas de répéter tout ce qui est dans votre formulaire de renseignements personnels, prenant pour acquis que si vous aviez à témoigner au fond, vous répéteriez tout ce qui y est indiqué.

... Moi, je mets personne en prison, je condamne personne à mort, alors si ça peut vous rassurer, on a déjà réglé ça.

[. . .]

Q.             ... Voyez-vous, moi je parle assez fort, non pas pour tenter de vous intimider, Monsieur, mais pour que vous me compreniez...

[. . .]

PAR L'ACR (s'adressant au revendicateur)

[. . .]

Q.             O.K. Et qu'est-ce qui s'est passé?

R.             Je sortais pour aller prendre le bus, l'autobus, à mon chemin, la distance... entre le commissariat... l'arrêt d'autobus était... est légèrement loin de... du commissariat. À mon chemin, je marchais, soudainement une auto qui s'est arrêtée, quatre personnes sont descendues de... du véhicule, ils sont venu chez moi, ils m'ont insultés, ils m'ont frappé à la tête, ils m'ont dit comme quoi je suis un... comment on appelle ça, un indicateur avec la police.

Q.             Et ces personnes, est-ce que vous les connaissez?

R.             Non.

Q.             Est-ce que vous les aviez déjà vues?

R.             Non.

Q.             Et est-ce qu'ils vous ont dit autre chose que vous étiez un indicateur de police?

R.             Ils m'ont dit: « Il faut que tu arrêtes ce travail. »

Q.             Est-ce qu'ils ont...


R.             « Et il faut pas dire que tu vas... tu vas avoir la paix, on va t'avoir. »

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)

Q.             Pourquoi ils... pourquoi ils vous ont pas tué tout de suite, Monsieur?

R.             Je ne sais pas, peut-être j'avais... j'étais chanceux.

[. . .]

PAR LA CONSEILLÈRE (s'adressant au président)

Q.             Et je peux poser une question?

R.             Oui, oui, oui.

PAR LA CONSEILLÈRE (s'adressant au revendicateur)

Q.             Pourquoi vous êtes resté à la maison?

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant à la conseillère)

-                Excellente question.

[. . .]

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)

[. . .]

Q.             Alors, Monsieur, comment est-ce que vous pouvez m'expliquer que si vous remettez votre passeport à votre frère, le 7, le 8 ou le 10 de février 2002 pour obtenir un visa, que votre frère remet ça à quelqu'un, puis qu'un moment donné, là, le visa il est émis le 28 janvier 2002. Alors, si c'est un vrai visa, là, il y a comme un problème, Monsieur. Comment pouvez-vous remettre un passeport à votre frère sans visa le 7, 8 ou le 10 février et qu'il y ait dans votre passeport un visa daté du 28 janvier 2002?

[. . .]

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)


-                Regardez bien, Monsieur, c'est parce qu'à toutes les fois qu'on vous confronte, là, à toutes les fois qu'on vous confronte, Monsieur vous ajustez votre témoignage, là. Là : « Je me suis trompé. » Pourquoi Monsieur? J'ai répété je ne sais pas combien de fois que comme ça vous... j'ai répété au moins quatre fois, Monsieur, vous avez remis votre passeport à votre frère le 6, 7, 8, j'ai... j'ai fait exprès, Monsieur, j'ai fait exprès pour le répéter pour que s'il y avait un problème vous allumiez.

Même pas, c'est quand je vous confronte que là vous me dites : « Non, il y a une erreur, je pense que je l'ai remis le 20 à mon frère. »

[. . .]

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)

Q.             Monsieur, est-ce que le... l'asile territorial ça vous dit quelque chose?

R.             C'est-à-dire demander la protection.

PAR LA CONSEILLÈRE (s'adressant au revendicateur)

-                Non l'asile territorial.

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)

-                C'est ça. Parce que voyez-vous, Monsieur, pour les... pour les Algériens, de façon particulière, le gouvernement français a... a mis en plus du... de la demande de... de refuge du statut de réfugié, là selon la Convention, il a permis à ce que des gens puissent demander l'asile territorial en France au niveau de la préfecture.

[. . .]

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur)

[. . .]

-                ... Monsieur, parce que je commence à les connaître les endroits où on achète les passeports. Alors, il y a le Quick, le Salem puis il y a... il y en a deux autres, là, mais vous, vous savez pas à quel endroit, là.

R.             Je connais pas beaucoup la France, c'est la première fois que je... j'allais là-bas, mais je sais que c'est dans un café à Barbès.

Q.             Oui, mais c'est ça, mais vous savez pas, là... est-ce que dehors c'est... le toit était rouge, là, à l'extérieur?

[. . .]

PAR LA CONSEILLÈRE (s'adressant au président)

-                Ce que j'essaye d'expliquer au tribunal c'est que ce n'était pas de son... de son ressort, il devait attendre qu'on lui envoie les documents...


[. . .]

R.             Bien oui, mais écoutez, là, c'est pas un secret d'État, ça, on peut en faire des photocopies des formulaires, là...

-               On n'a pas le droit, Monsieur, pas du tout, jamais de la vie. Depuis la...

[. . .]

[mon soulignement]

[13]            En conclusion, il y a eu, en l'espèce, un déni de justice. Suite à une lecture attentive des propos échangés au cours de l'audience, je suis convaincu que non seulement le commissaire a délaissé son rôle de décideur impartial, mais également que les interventions incessantes de celui-ci ont eu pour effet d'empêcher le demandeur de présenter sa cause (Farkas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 356 au para. 8 (C.F. 1re inst.) (QL), 2001 FCT 190 (C.F. 1re inst.); Del Castillo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 79 F.T.R. 207 au para. 24 (C.F. 1re inst.), [1994] A.C.F. no 538 (C.F. 1re inst.) (QL)). Par conséquent, nonobstant les conclusions de non-crédibilité à l'égard du demandeur, cette Cour se doit d'intervenir aux fins de permettre au demandeur de présenter, à nouveau, sa demande d'asile devant un décideur impartial.

[14]            Aucune question d'importance générale n'a été soulevée par les procureurs et aucune ne sera certifiée en l'espèce.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 29 octobre 2003, soit accordée et que l'affaire soit renvoyée devant un tribunal différemment constitué, aux fins d'une nouvelle audition.                                                                     

                   « Luc Martineau »                  

                                                                                                     Juge                                 


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-9067-03

INTITULÉ :               GUERMACHE, ABDEL-SALAM c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                        MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 18 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                             LE 16 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

ME RACHEL BENAROCH                             POUR LE DEMANDEUR

ME DIANE LEMERY                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ME RACHEL BENAROCH                             POUR LE DEMANDEUR

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                  POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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