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Date : 20010425

Dossier : IMM-5480-99

Référence neutre : 2001 CFPI 385

ENTRE :

                                     OLABISI JAMES et

                         MARGARET KEHINDE JAMES

                                                                                        demandeurs

                                                     et

                                                     

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION


[1]    Olabisi James et Margaret Kehinde James (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié, Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 25 octobre 1999. Par cette décision, la Commission a accueilli la demande du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le défendeur), présentée en vertu de l'article 69.2 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), visant le réexamen et l'annulation de la reconnaissance par la Commission que les demandeurs étaient des réfugiés au sens de la Convention.

LES FAITS

[2]    Le 26 septembre 1990, les demandeurs ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada. Des Formulaires de renseignements personnels signés Olabisi James et Margaret James ont été produits le 20 janvier 1992. Le demandeur a déclaré qu'il n'avait jamais utilisé d'autres noms, qu'il faisait partie de la tribu des Yoruba et qu'il était né à Lagos, au Nigeria, le 1er mai 1964.

[3]    La demanderesse a déclaré qu'elle était éducatrice en garderie et qu'elle se trouvait dans le village de sa mère lorsque son mari a été arrêté pour avoir participé à une tentative de coup d'État.

[4]    Le 23 juin 1992, les demandeurs ont obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. En juillet 1992, ils ont présenté une demande de résidence permanente au Canada. Ils ont alors été encouragés à faire les démarches nécessaires à l'obtention de papiers d'identité, pour étayer leurs demandes de résidence permanente.


[5]                Le 1er septembre 1992, un certain Shola Adekola a été arrêté et incarcéré par Immigration Canada, au motif qu'il avait omis de comparaître à l'enquête le 10 octobre 1991. Cette enquête avait été instituée suite à la rédaction par des fonctionnaires de l'Immigration de rapports sur les demandeurs sans statut du nom de Shola Adekola et de Bukola Adekola. Ces rapports indiquaient que les conjoints étaient des ressortissants du Nigeria parlant couramment le Yoruba, et qu'ils avaient déclaré être entrés au Canada le 13 décembre 1990 à l'aéroport Mirabel, à Montréal.

[6]                Le 2 septembre 1992, le demandeur a comparu en justice relativement à sept accusations de fraude. Le 20 septembre 1992, il a plaidé coupable à une accusation de possession de carte de crédit volée. Le 24 septembre 1992, il a été accusé d'avoir fraudé l'aide sociale.

[7]                Le 30 décembre 1997, le défendeur a déposé une demande de réexamen et d'annulation du statut de réfugié au sens de la Convention qui avait été reconnu au demandeur. L'autorisation a été accordée le 3 février 1998. Le défendeur n'a rien fait d'autre pendant plusieurs mois, mais la demande d'annulation a été entendue par la Commission les 17 mars et 19 juillet 1999.


[8]                À l'audience, la Commission a entendu huit témoins et examiné la preuve documentaire, y compris les photographies. La Cour a conclu que Shola Adekola et le demandeur sont une seule et même personne, et que la demanderesse s'était présentée aux autorités de l'Immigration comme étant Bukola Adekola. Les demandeurs ont reçu des prestations d'aide sociale sous le nom d'Adekola, à compter de janvier 1991. En septembre 1992, le demandeur a été accusé d'avoir fraudé l'aide sociale et il a subséquemment été reconnu coupable. Bien que la demanderesse n'ait pas été accusée d'avoir fraudé l'aide sociale, la Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, elle était au courant de la situation.

[9]                La Commission a aussi constaté que le demandeur s'était présenté aux autorités d'Immigration sous le nom de Yisa Cohen Ogunniyi et qu'il avait aussi revendiqué sous ce nom le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada.

[10]            De plus, la Commission a conclu que les passeports nigériens délivrés au nom des demandeurs n'ont pas été obtenus selon les règles et qu'ils ne sont pas des documents dignes de foi.

[11]            La Commission a conclu que le certificat de naissance délivré au demandeur sous le nom de Olabisi James est authentique. La Commission s'est aussi déclarée convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs étaient effectivement Olabisi James et Margaret James.


[12]            La Commission a conclu à l'existence de motifs permettant d'annuler la reconnaissance du statut de réfugié du demandeur. La Commission a conclu que l'utilisation d'identités multiples par les demandeurs à l'époque où leur revendication de statut de réfugié était à l'étude constituait une omission importante qui aurait soulevé des interrogations sérieuses chez les commissaires relativement à la crédibilité des demandeurs. Elle a conclu que la dissimulation des identités multiples était déterminante dans leurs revendications de statut de réfugié, parce qu'elle avait eu pour effet d'exclure ou d'éliminer toute enquête sur le bien-fondé des revendications en cause.

[13]            La Commission a conclu que les demandeurs « ne sont pas des gens qui se préoccupent de dire la vérité » et donc que les circonstances de l'espèce ne l'autorisaient pas à exercer son pouvoir discrétionnaire de déterminer si la décision a été, ou pourrait avoir été, fondée sur d'autres éléments de preuve suffisants.

LA QUESTION EN LITIGE

[14]            La seule question à examiner dans cette demande consiste à savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que les demandeurs avaient obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention par des moyens frauduleux, de fausses déclarations, ou la suppression ou la dissimulation de faits importants.


LES ARGUMENTS DES DEMANDEURS

[15]            Les demandeurs admettent qu'Olabisi James est coupable d'avoir fraudé l'aide sociale, mais ils soutiennent qu'il est clair que ce crime a été commis à des fins financières et non à l'appui de leur revendication de statut de réfugié. Les demandeurs déclarent que ces activités criminelles ne suffisent pas à justifier l'annulation de son statut de réfugié au sens de la Convention.

[16]            Les demandeurs soutiennent aussi que la raison principale pour laquelle le défendeur a demandé le réexamen et l'annulation de leur statut de réfugié est qu'il mettait en doute qu'ils étaient réellement Olabisi James et Margaret James, ainsi que le fait que les documents utilisés pour prouver ces identités étaient frauduleux.

[17]            Les demandeurs soutiennent que la Commission a déclaré expressément qu'elle acceptait leur identité. Ils soutiennent que cette conclusion vient contredire le fondement sur lequel on a demandé l'annulation et, en conséquence, que la Commission n'aurait pas dû annuler leur statut.


[18]            Les demandeurs soutiennent de plus que la Commission a commis une erreur en ne reconnaissant pas la validité de leurs passeports, étant donné que le gouvernement du Nigeria, qui les a délivrés, a déclaré qu'ils étaient authentiques. Les demandeurs soutiennent qu'il n'est pas raisonnable qu'une instance canadienne décide que les passeports n'étaient pas dignes de foi, contrairement aux déclarations de l'autorité qui les a délivrés.

[19]            Les demandeurs soutiennent que, dans leur cas, l'utilisation d'identités multiples est une question subsidiaire qui n'a rien à voir avec leur statut de réfugié au sens de la Convention.

[20]            Les demandeurs soutiennent que la Commission n'avait pas de motif approprié de distinguer leur situation de celle de Olutu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] J.C.F. no 1704. Le fait que les demandeurs avaient présenté des revendications de statut de réfugié sous d'autres noms, contrairement à la situation dans Olutu, précité, où les demandeurs n'avaient pas procédé ainsi, est une distinction qui n'est pas pertinente. En conséquence, les demandeurs soutiennent que le principe utilisé dans Olutu, précité, devrait s'appliquer à leur situation. Ils prétendent que la Commission aurait dû examiner le lien entre les fausses déclarations et leur revendication de réfugié au sens de la Convention, le défaut de l'avoir fait étant une erreur susceptible de révision.


[21]            Finalement, les demandeurs soutiennent que la décision de la Commission revient à dire qu'une personne qui par ailleurs aurait droit au statut de réfugié au sens de la Convention, comme l'indique sa conclusion de juin 1992, ne pourrait obtenir ce statut parce qu'elle a fraudé l'aide sociale ou déposé des revendications de statut de réfugié sous de faux noms, ce qui lui enlèverait toute crédibilité.

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[22]            Le défendeur soutient que Olutu, précité, établit le principe que lorsque des représentations erronées déterminantes ont été faites dans le cadre de revendications du statut de réfugié, par exemple la présentation de plusieurs revendications sous des noms différents, la Commission est autorisée à annuler le statut de réfugié au sens de la Convention au motif d'une absence de crédibilité du revendicateur.

[23]            Dans Olutu, précité, la Cour a conclu que dans cette affaire la Commission avait fondé ses conclusions quant à la crédibilité sur l'allégation que le demandeur avait présenté deux autres revendications, allégation que l'avocat du ministre a admis n'être pas fondée. En l'instance, la Commission possède une preuve au sujet des autres revendications de réfugié des demandeurs présentées sous d'autres noms et, en conséquence, elle pouvait tout à fait distinguer l'affaire présente des faits dans Olutu, précité.


[24]            En réponse aux arguments soulevés par les demandeurs suite au fait que la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils étaient effectivement Olabisi James et Margaret James, et qu'ils devraient conserver leur statut de réfugié puisqu'ils avaient fait la preuve que telle était leur identité, le défendeur soutient que la question des identités multiples n'est pas le fondement de la décision de la Commission. La Commission s'est plutôt fondée sur son évaluation de la crédibilité des demandeurs afin de déterminer s'il y avait lieu d'annuler leur statut de réfugié au sens de la Convention.

[25]            Le défendeur soutient ensuite que la Commission n'a trouvé aucune autre preuve crédible qui aurait pu fonder sa décision ou autoriser l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi.

[26]            Le défendeur soutient que jusqu'au moment où un demandeur est jugé être un réfugié au sens de la Convention en vertu de l'article 2 de la Loi, il a le fardeau de démontrer de façon claire et convaincante le bien-fondé de sa revendication. Le défendeur déclare qu'il ne reste plus assez de preuves assez crédibles devant la Commission pour que celle-ci puisse exercer son pouvoir discrétionnaire. De plus, le défendeur soutient que la Commission ne peut examiner que la preuve existante au moment de la détermination initiale du statut de réfugié au sens de la Convention, et non la preuve d'événements subséquents.

ANALYSE

[27]            Dans l'examen de cette demande, il faut d'abord déterminer quelle est la norme de contrôle appropriée.


[28]            Il est bien établi que la norme de contrôle d'une décision de la Commission, y compris lorsqu'elle se penche sur une demande de réexamen et d'annulation, est la décision manifestement déraisonnable : voir De Connick c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 110 F.T.R. 207 et Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 102 F.T.R. 203.

[29]            En l'instance, la seule question qui doit être tranchée consiste à savoir si la Commission a correctement distingué la décision dans Olutu, précité, étant donné qu'il est clair qu'elle avait une preuve suffisante pour conclure que les demandeurs avaient fait plus d'une revendication de statut de réfugié au sens de la Convention, en utilisant des noms différents.

[30]            Selon moi, la Commission a correctement distingué la décision dans Olutu, précité. Dans cette dernière affaire, le demandeur avait utilisé des noms différents pour obtenir de l'aide sociale, mais il n'avait pas fait plusieurs demandes sous des noms différents pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention. Dans la présente affaire, le demandeur a utilisé des identités différentes à la fois pour obtenir des prestations d'aide sociale et pour revendiquer la protection qu'accorde le statut de réfugié au sens de la Convention. On ne sait pas pourquoi les demandeurs ont choisi d'agir ainsi.


[31]            Toutefois, le fait qu'ils ont finalement obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention sous leurs vrais noms ne diminue en rien l'impact négatif de cette situation sur leur crédibilité dans le cadre de leur revendication de statut de réfugié au sens de la Convention.

[32]            Selon moi, la Commission avait raison de conclure que les diverses demandes de statut de réfugié au sens de la Convention sous des identités différentes suffisait à fonder une conclusion négative quant à la crédibilité générale des demandeurs.

[33]            En conséquence, j'arrive à la conclusion qu'il n'y a pas de fondement qui m'autoriserait à intervenir dans la décision de la Commission, qu'il s'agisse de ses conclusions négatives quant à la crédibilité générale ou de la façon par laquelle elle a décidé de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire que lui accorde le paragraphe 69.3(5) de la Loi.

[34]            Les avocats ne m'ont pas présenté de question à certifier.

[35]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« E. Heneghan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 25 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                         IMM-5480-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                        James et autre

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 14 mars 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                      Madame le juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                                  le 25 avril 2001

ONT COMPARU

M. John Guoba                                                             POUR LE DEMANDEUR

M. Jamie Todd                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. John Guoba                                                             POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                                     

Date : 20010425

Dossier : IMM-5480-99

Référence neutre : 2001 CFPI 385

OTTAWA (ONTARIO), LE 25 AVRIL 2001

EN PRÉSENCE DE : Mme LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                     OLABISI JAMES et

                         MARGARET KEHINDE JAMES

                                                                                        demandeurs

                                                     et

                                                     

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

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