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Date : 20210706


Dossier : IMM-5626-20

Référence : 2021 CF 706

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

MA CONCEPCION, DIAZ ARCOS

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 16 octobre 2020 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) dans laquelle la SAR a confirmé le rejet de la demande d’asile de la demanderesse en raison d’une possibilité de refuge intérieur (PRI).

[2] La demanderesse est citoyenne du Mexique et elle demande le statut de réfugié pour crainte d’individus qui veulent récupérer quelque chose qu’ils croient que son ex-copain lui aurait remis. Le 15 octobre 2018, la demanderesse a quitté le Mexique pour le Canada.

[3] La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile au motif qu’il y a une PRI dans les États de Campeche et du Yucatan et que la demanderesse ne ferait pas face à un risque prospectif plus grand que celui auquel font face les autres femmes au pays. La SAR a confirmé cette décision en s’attardant à l’existence d’une PRI.

[4] Le concept de PRI est inhérent à la définition de « réfugié » : un demandeur d’asile doit être un réfugié d’un pays, et non d’une région d’un pays. Afin de déterminer l’existence d’une PRI, la SAR doit être satisfaite que les demandeurs ne risquent pas sérieusement d’être persécutés dans la PRI proposée et que les conditions soient telles qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable, considérant toutes les circonstances, que les demandeurs y trouvent refuge (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 aux pp 593, 597 (CAF)).

[5] Le test pour l’établissement d’une PRI se compose de deux volets, et il appartient au demandeur d’asile de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans tout le pays. Ce standard est d’autant plus élevé au deuxième volet de l’analyse qui ne requiert « rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr » (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 au para 15).

[6] Le présent contrôle judiciaire porte sur la raisonnabilité des conclusions de la SAR eu égard à l’existence d’une PRI. Une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85).

[7] La demanderesse soutient qu’elle risque la persécution dans les PRI identifiées en raison de la capacité des agents de persécution d’intercepter la demanderesse avant qu’elle puisse se relocaliser compte tenu de leurs actions passées à son égard et de l’inefficacité des autorités policières.

[8] Elle soutient également que les PRI ne sont pas raisonnables pour sa relocalisation en raison des facteurs économiques et culturels en lien avec son sexe.

[9] Au premier volet de l’analyse, suite à sa propre évaluation de la preuve, la SAR a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré l’intérêt et la capacité de ses agents de persécution de la retrouver dans les PRI proposées. Cette conclusion est fondée principalement sur l’absence d’information permettant d’identifier de quelconque manière les agents de persécution ou leur domaine d’activités criminelles. Il était notamment spéculatif à savoir s’ils appartenaient à un cartel de drogue, ceci ne figurant d’ailleurs pas dans le récit de la demanderesse.

[10] La SAR a également constaté que la preuve soumise sur les crimes organisés et des organisations ne fait pas référence à la vente d’information, comme l’atteste la demanderesse, facilitant ainsi la capacité des agents de persécution de la retrouver. L’article fait plutôt le point sur les organisations qui font le trafic de drogues.

[11] Quant au deuxième volet, la SAR a conclu que la demanderesse n’avait soumis aucune preuve réelle et concrète de conditions qui mettraient en péril sa vie et sa sécurité dans les PRI. C’est donc après avoir examiné la situation personnelle de la demanderesse, soit sa capacité de se trouver un travail, de se loger et de bénéficier d’un certain appui familial, que la SAR a déterminé qu’elle n’a pas démontré que les PRI sont déraisonnables. À défaut de preuve, la SAR n’a de plus pas retenu l’argument de la demanderesse sur la situation sécuritaire des PRI. Elle a néanmoins reconnu que le retour de la demanderesse au pays ne sera pas exempt de difficultés. Cependant, aucune preuve n’a été soumise attestant de conditions prévalentes dans les PRI de sorte qu’elles soient jugées déraisonnables.

[12] Enfin, eu égard à la prétention de la demanderesse selon laquelle elle courait un risque plus grand que d’autres femmes au Mexique, au seul motif qu’elle a déjà été ciblée par des criminels, la SAR l’a rejetée, ayant déjà conclu que la preuve n’avait pas établi que ces criminels auraient l’intérêt et la capacité de la retrouver dans les PRI.

[13] Compte tenu de ce qui précède, la décision de la SAR a les caractéristiques d’une décision raisonnable. Le point saillant est le manque de preuve, fardeau qui incombait à la demanderesse.

[14] Au premier volet, il n’y avait malheureusement aucun fondement permettant au tribunal d’attribuer des caractéristiques aux agents de persécution allégués, de sorte à les identifier au sens large, et d’établir leur intérêt et leur capacité de retrouver la demanderesse. Par conséquent, la SAR ne pouvait déterminer si la demanderesse risquait la persécution dans les PRI. Similairement, au deuxième volet de l’analyse, faute de preuve soumise, le dossier en appel devant la SAR était insuffisant en soi pour atteindre le seuil élevé requis par la jurisprudence afin de conclure que les PRI sont déraisonnables.

[15] La SAR est présumée avoir considéré l’ensemble du dossier (Basanti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1068 au para 24). Elle pouvait justement évaluer, soupeser et privilégier les éléments de preuve pour lesquels les motifs sont justifiés au regard du dossier. La demanderesse n’invoque aucun élément de preuve ou observation qui serait en contradiction directe avec les conclusions de la SAR.

[16] Pour tous ces motifs, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT au dossier IMM-5626-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5626-20

 

INTITULÉ :

MA CONCEPCION, DIAZ ARCOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 juin 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 juillet 2021

 

COMPARUTIONS :

Serban Mihai Tismanariu

 

Pour LA DEMANDERESSE

 

Suzon Létourneau

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Serban Mihai Tismanariu

Montréal (Québec)

 

Pour LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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