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Date : 20040130

Dossier : IMM-1-03

Référence : 2004 CF 167

ENTRE :

                                                         OKSANA OLESY DZEY

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE MACTAVISH

[1]                Oksana Olesy Dzey est arrivée au Canada en provenance de l'Ukraine, munie d'un visa de visiteur, le 25 décembre 1999. Elle a demandé l'asile l'année suivante. Elle allègue qu'elle a été battue par son mari pendant de nombreuses années et que la police ukrainienne a refusé de la protéger.

[2]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a décidé que Mme Dzey n'était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Commission a rejeté sa demande parce qu'elle a considéré que Mme Dzey n'avait pas présenté de preuve crédible établissant qu'elle avait été battue par son mari. Mme Dzey prétend que la décision de la Commission devrait être annulée parce que les conclusions qu'elle a tirées au sujet de la crédibilité étaient manifestement déraisonnables.

Contexte

[3]         Mme Dzey, une citoyenne de l'Ukraine, a fait la connaissance de Petro Dzey en 1985. Ils ont commencé à vivre ensemble et se sont mariés peu de temps après. Mme Dzey avait un fils d'un précédent mariage, Ruslan. M. Dzey occupait un poste important au sein du gouvernement : il était ingénieur en chef à Lviv, où il supervisait environ 300 employés.

[4]                Mme Dzey dit qu'elle et son mari ont été heureux jusqu'au moment de l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. M. Dzey a alors perdu son emploi et a commencé à consommer de l'alcool exagérément. Leur mariage s'est détérioré, et M. Dzey aurait commencé à s'en prendre physiquement et verbalement à Mme Dzey. Cette dernière affirme qu'elle est déjà restée trois jours à l'hôpital après que son mari l'a battue. Elle prétend qu'elle a signalé l'incident à la police et que celle-ci lui a répondu qu'elle ne disposait pas d'éléments de preuve suffisants pour mener une enquête, malgré les contusions graves dont souffrait Mme Dzey. La police lui aurait dit qu'il s'agissait d'un [traduction] « problème interne » et qu'elle ne voulait pas s'en mêler.


[5]                Mme Dzey soutient qu'elle a souvent été battue par son mari entre 1997 et 1999 et qu'elle était continuellement menacée de mort ou de blessures. Elle a notamment été enfermée dans le sous-sol pendant des heures à une occasion; son mari a menacé d'engager quelqu'un pour la tuer et il l'a menacée avec un fusil.

[6]                Mme Dzey dit qu'en décembre 1999 son mari l'a frappée avec suffisamment de force pour lui faire perdre conscience et que, lorsqu'elle est revenue à elle, tout brûlait autour d'elle. La police aurait été appelée, mais elle aurait été réticente à faire enquête après que le mari de Mme Dzey lui a dit que l'incendie était un accident. Mme Dzey croit que son mari a mis le feu pour la tuer. Elle allègue que les autorités n'ont mené qu'une enquête superficielle en réponse à ses demandes en raison, notamment, des liens de son mari avec des personnes faisant partie du service de police et de l'apathie générale démontrée par la police à l'égard de la violence conjugale.

[7]                Après cet incident, Mme Dzey a quitté la résidence familiale pour s'installer chez son cousin. Elle a retenu les services d'un avocat et a demandé le divorce en novembre 1999. Le divorce a été prononcé le 21 décembre suivant. Ce soir-là, M. Dzey s'est rendu chez le cousin de Mme Dzey avec deux autres hommes. Il a de nouveau battu sa femme et a menacé de se venger du divorce.

[8]                Le lendemain, Mme Dzey est allée à Kiev. Elle est ensuite partie pour le Canada, où elle est arrivée le 25 décembre 1999. Elle est entrée au Canada munie d'un visa de visiteur et parrainée par un cousin habitant à Kamloops. Quelque temps après son arrivée, elle a consulté un avocat de Colombie-Britannique afin que son visa soit prolongé. Elle dit qu'elle n'a pas parlé à cet avocat de la possibilité de demander l'asile car elle ne savait pas qu'une telle demande pouvait être présentée pour cause de violence conjugale. Elle dit que c'est son prêtre qui lui a suggéré de demander l'asile en invoquant la violence conjugale dont elle était victime. Ce prêtre lui a conseillé de présenter sa demande à Toronto, où il avait des relations. Mme Dzey s'est donc rendue à Toronto et a présenté une demande d'asile le 14 décembre 2000.

[9]                M. Dzey habite toujours l'appartement qu'il partageait avec Mme Dzey en Ukraine. Ils sont tous deux détenteurs de la propiska pour l'appartement. Une propiska est un permis délivré par les autorités qui enregistre le lieu de résidence. M. Dzey refuse de renoncer à la propiska, et il ne peut prétendument être expulsé tant qu'il détient le document. Le fils de Mme Dzey, Ruslan, a changé de nom et d'emploi et a quitté son quartier d'origine, soi-disant parce qu'il craignait que son beau-père s'en prenne à lui, mais il continue de payer les frais d'entretien de l'appartement parce qu'il ne veut pas perdre la propiska.

Décision de la Commission


[10]       La Commission a décidé que Mme Dzey n'était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Elle a relevé de graves problèmes de crédibilité. Ces problèmes étaient suffisamment importants pour jeter un doute sur plusieurs aspects du récit de Mme Dzey, y compris le fait qu'elle aurait été persécutée par son mari.

[11]            La Commission avait de la difficulté à comprendre le témoignage de Mme Dzey. Elle a jugé que celle-ci était restée évasive. Elle a constaté qu'elle répondait souvent aux questions par d'autres questions, même si on lui a demandé à plusieurs reprises de répondre aux questions qui lui étaient posées.

[12]            La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la violence alléguée n'existait pas. Elle a accordé peu de poids à un rapport d'hôpital parce qu'il ne comportait aucun [traduction] « élément de sécurité » ou ne précisait pas que le mari de Mme Dzey était l'agresseur. De même, la Commission a rejeté le rapport de police produit par Mme Dzey, concluant que les événements qui y étaient décrits n'étaient tout simplement pas survenus. Selon la Commission, il était invraisemblable que Mme Dzey ait pu obtenir un rapport de police décrivant en détail les événements après le fait, étant donné qu'elle a déclaré dans son témoignage que la police avait refusé d'enregistrer sa plainte lorsqu'elle avait voulu signaler l'agression. La Commission a aussi jugé invraisemblable que Mme Dzey ait pu obtenir un rapport de police avec une certaine facilité, alors qu'elle prétendait que la police avait protégé son mari dans le passé. Mme Dzey n'a pas été en mesure de fournir une explication satisfaisante à la Commission lorsqu'on l'a interrogée au sujet de ces incohérences contenues dans son récit.

[13]            La Commission a conclu également que, selon la prépondérance des probabilités, Mme Dzey n'a pas demandé le divorce. La preuve documentaire produite par celle-ci au sujet de son divorce était incompatible avec la procédure de divorce qu'elle a elle-même décrite dans son témoignage. Les documents ne comportaient aucun [traduction] « élément de sécurité » et ne correspondaient pas aux résultats des recherches effectuées par la Commission sur la procédure de divorce en vigueur en Ukraine. Mme Dzey n'a pas non plus été en mesure d'expliquer ces incohérences. En conséquence, la Commission a accordé peu de poids au certificat de divorce qu'elle a produit.

[14]            La Commission a considéré que la prétention de Mme Dzey selon laquelle son fils continue de payer les frais de son ancien appartement pendant que M. Dzey y vit n'était pas crédible, et elle l'a rejetée. Selon elle, Mme Dzey n'a pas expliqué de manière convaincante, dans son témoignage, pourquoi son fils n'avait pas expulsé son beau-père et pourquoi il continue à payer les frais de cet appartement en plus du loyer de celui qu'il habite.

[15]            La Commission a constaté que Mme Dzey n'avait demandé l'asile que lorsque son visa de visiteur n'avait pas été prolongé. Elle a rejeté la prétention de Mme Dzey selon laquelle son avocat de Colombie-Britannique ne savait pas comment présenter une demande d'asile. De plus, elle n'a pas cru que l'on avait dit à Mme Dzey que les demandes d'asile ne pouvaient être présentées qu'à Toronto.

[16]            Enfin, la Commission a décidé d'accorder peu de poids au rapport psychologique présenté par Mme Dzey. Ce rapport indique qu'à son arrivée au Canada celle-ci souffrait du syndrome de stress post-traumatique par suite de la violence que son mari aurait exercée contre elle. Comme elle avait rejeté les allégations de violence conjugale sous-tendant le rapport, la Commission a choisi de ne pas accorder beaucoup de poids au rapport lui-même.

[17]            En conséquence, la Commission a conclu que Mme Dzey ne craignait pas avec raison d'être persécutée par son ancien mari et qu'elle n'était donc pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

Questions en litige

[18]       Mme Dzey prétend que la décision défavorable rendue par la Commission relativement à la question de la crédibilité était manifestement déraisonnable. Elle fait valoir en particulier que la Commission n'a pas motivé sa décision de manière appropriée, qu'elle n'a pas tenu compte de certains éléments de preuve et qu'elle a décrit de façon inexacte ou a mal compris la preuve lorsqu'elle a conclu que sa demande d'asile n'était pas crédible.

Analyse


[19]       La Commission de l'immigration et du statut de réfugié possède une expertise bien établie pour trancher des questions de fait, notamment l'évaluation de la crédibilité des demandeurs d'asile. Cette expertise se trouve en fait au coeur de la compétence de la Commission. En tant que juge des faits, la Commission peut tirer des conclusions raisonnables sur la crédibilité du récit d'un demandeur, qui sont fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison. Par conséquent, la Cour n'annulera une conclusion de fait tirée par la Commission que s'il est démontré qu'elle est manifestement déraisonnable (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 40, et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

[20]            Mme Dzey prétend qu'on ne devrait pas considérer qu'elle est restée évasive parce qu'elle a répondu par d'autres questions aux questions qui lui étaient posées à l'audience sur sa demande d'asile. Elle dit que l'audience l'avait rendue très nerveuse et très inquiète. Selon elle, il faut distinguer la teneur de ses réponses de leur style. Or, cette prétention n'a aucun fondement à mes yeux. Comme c'est elle qui a entendu Mme Dzey, la Commission était la mieux placée pour évaluer la crédibilité de son récit et pour tirer les conclusions appropriées sur ce point.

[21]            Les prétentions de Mme Dzey ont trait en grande partie à la manière dont la Commission a traité la preuve documentaire qu'elle a présentée et qui, selon elle, corrobore sa demande de façon indépendante. Elle se fonde à cet égard sur la décision A.G.I. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1287, où la Cour a statué que la Commission avait agi de manière manifestement déraisonnable en ne déterminant pas si une preuve documentaire similaire corroborait une demande d'asile de façon indépendante.

[22]            On peut facilement faire une distinction entre la décision A.G.I. et la présente affaire. Dans A.G.I., la Commission n'avait aucun doute au sujet de l'authenticité de la preuve documentaire en question, mais elle a omis de déterminer si les certificats constituaient une preuve crédible et indépendante de la demande, alors qu'en l'espèce la Commission a clairement mis en doute l'authenticité des documents et a expliqué pourquoi en termes explicites, comme il sera expliqué plus loin.

[23]            Mme Dzey prétend que la Commission a commis une erreur en accordant peu de poids au document émanant de l'hôpital qu'elle a produit et qui, selon elle, corrobore sa description des agressions commises par son mari. Elle soutient que le document était un [traduction] « certificat d'hôpital » et non un [traduction] « rapport d'hôpital » . Elle fait valoir en conséquence qu'on ne devrait pas s'attendre à ce qu'un certificat d'hôpital précise la cause des blessures en question. De plus, la Commission a décidé d'accorder peu de poids au rapport, notamment parce qu'il ne comportait aucun [traduction] « élément de sécurité » , mais elle n'a pas précisé ce qu'elle entendait par [traduction] « élément de sécurité » . Mme Dzey soutient que la Commission n'a pas mis en doute l'authenticité du document au cours de l'audience. Finalement, elle prétend que, si elle avait des doutes au sujet de l'authenticité du document émanant de l'hôpital, la Commission aurait dû le faire vérifier ou communiquer avec l'hôpital.

[24]            J'estime que la décision de la Commission d'accorder peu de poids au certificat d'hôpital ne devrait pas être modifiée. La Commission a examiné le document et a expliqué pourquoi elle ne lui accordait que peu de poids. Je ne peux conclure que la Commission a traité cet élément de preuve de manière manifestement déraisonnable.

[25]            La Commission n'a pas l'obligation de soumettre un document produit en preuve à des analyses scientifiques en autant qu'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour mettre en doute son authenticité (Hossain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 160). Le juge Nadon a d'ailleurs dit ce qui suit au paragraphe 21 de la décision Hamid c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1995] A.C.F. no 1293 (QL) :

Lorsqu'une commission [...] conclut que le requérant n'est pas crédible, dans la plupart des cas, il s'ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant ne puisse prouver de façon satisfaisante qu'ils sont véritablement authentiques. En l'espèce, la preuve du requérant n'a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

[26]            La Commission n'a pas écarté totalement le certificat d'hôpital en décidant de lui accorder peu de poids. Elle a simplement décidé que le document ne corroborait pas suffisamment le récit de Mme Dzey. Comme elle avait déjà de sérieux doutes au sujet de la véracité de ce récit, il était tout à fait approprié que la Commission accorde une valeur probante limitée à cet élément de preuve.


[27]            Il aurait été utile que la Commission explique ce qu'elle entendait par [traduction] « élément de sécurité » . On peut cependant penser qu'il s'agit de signes officiels comme des hologrammes, des sceaux ou des filigranes.

[28]            Je ne suis pas non plus convaincue que l'évaluation faite par la Commission du certificat de divorce de Mme Dzey était manifestement déraisonnable. La Commission a examiné le document et a expliqué en détail pourquoi elle lui accordait peu de poids. Encore une fois, je crois qu'il ne serait pas approprié que la Cour modifie la décision de la Commission concernant le poids à accorder à ce document.

[29]            Mme Dzey soutient que la Commission a aussi commis une erreur lorsqu'elle a fait référence au rapport de police et l'a rejeté. Selon elle, ce document n'était pas un [traduction] « rapport de police » , mais un [traduction] « certificat du ministère des Affaires intérieures de l'Ukraine » qui confirmait qu'elle avait porté plainte à la police concernant la violence exercée contre elle par son mari. Le rapport confirme, selon elle, qu'elle s'est rendue au poste de police à de nombreuses reprises, et la Commission a agi de manière déraisonnable en le rejetant puisqu'il s'agissait d'une preuve objective et crédible qui corroborait son témoignage.


[30]            Il ressort de la transcription que Mme Dzey a clairement parlé du ministère des Affaires intérieures comme de [traduction] « la police » dans son témoignage. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur en faisant référence à un rapport de police. Je ne peux pas conclure non plus qu'elle a commis une erreur lorsqu'elle a soupesé ce document. Les conclusions d'invraisemblance tirées par la Commission ne peuvent donc pas être qualifiées de manifestement déraisonnables.

[31]            Mme Dzey prétend que la Commission disposait d'un élément de preuve concernant l'incendie dans son appartement - un certificat du conseil de la coopérative d'habitation et de construction de la ville de Lviv, en Ukraine - mais qu'elle n'en a pas tenu compte. Le certificat indique que [traduction] « la requérante a demandé de l'aide pour expulser de l'appartement son mari, M. Dzey, Petro Petrovich, qui consommait de l'alcool et la battait lorsqu'il revenait à la maison en état d'ébriété » . Le certificat mentionne également que [traduction] « l'incendie de l'appartement a été causé par la négligence de M. Dzey alors qu'il était en état d'ébriété » . Mme Dzey prétend que la Commission n'a pas mis en doute l'authenticité du certificat et que celui-ci constitue une preuve objective corroborant son témoignage selon lequel son ancien mari la battait et qu'elle a tenté de le faire expulser de l'appartement.


[32]            Un examen de la décision de la Commission révèle que celle-ci a tenu compte de ce document dans ses motifs. La décision décrit de quelle manière Mme Dzey a affirmé dans son témoignage que [traduction] « personne ne savait comment cela [l'incendie] était arrivé » lorsque la Commission a attiré son attention sur la partie du document où il est indiqué que l'incendie a été causé par la négligence de son mari. Il ne fait aucun doute que la Commission a tenu compte du certificat, et je ne peux conclure que sa décision de lui accorder peu de poids était manifestement déraisonnable.

[33]            Mme Dzey prétend que la Commission a décrit de façon inexacte ou a mal compris la preuve lorsqu'elle a déclaré que [traduction] « le témoignage de la demanderesse sur les raisons pour lesquelles son fils, qui a changé de nom afin de se distancier de la personne qui aurait battu sa mère, n'a pas expulsé son beau-père et continue de payer le loyer de cet appartement et de celui qu'il habite n'était pas convaincant » . Mme Dzey prétend qu'elle n'a pas indiqué dans son témoignage que c'est son fils qui paie le loyer de l'appartement, mais plutôt qu'elle était propriétaire de l'appartement et que son fils continue de payer les frais afin de conserver la propiska. Elle affirme en outre qu'elle a tenté d'expulser son ancien mari de l'appartement, mais qu'elle en a été incapable. Son fils n'est pas en mesure d'expulser son beau-père, selon elle, car c'est lui qui détient la propiska. Mme Dzey soutient que les propiskas sont difficiles à obtenir. Elle dit que la seule que son fils détient concerne l'appartement qu'elle partageait avec son mari. Elle fait valoir que, si son fils ne continue pas de payer les frais d'entretien de l'appartement, elle en perdra la possession même si elle en est toujours propriétaire.


[34]            J'ai pris connaissance de la transcription du témoignage de Mme Dzey au sujet de la propiska, et je suis d'avis que la preuve qui a été présentée à la Commission n'appuie pas sa thèse. On a tenté à de nombreuses reprises au cours de l'audience sur la demande d'asile de clarifier le témoignage de Mme Dzey au sujet de la propriété et les occupants de l'appartement, ainsi que des dispositions financières prises à son égard. Je me contenterai de dire que les réponses de Mme Dzey étaient incohérentes et ne présentaient guère d'utilité. Par conséquent, je suis convaincue que la Commission n'a pas mal compris la preuve relative à l'appartement. Au contraire, j'estime que sa conclusion selon laquelle le témoignage de Mme Dzey n'était pas crédible était raisonnable.

[35]            En ce qui concerne le délai de présentation de la demande d'asile de Mme Dzey, la Commission a rejeté l'explication de cette dernière selon laquelle son avocat de Colombie-Britannique ne savait pas comment présenter une telle demande. La Commission n'a pas accepté non plus son témoignage selon lequel on lui avait dit que les demandes d'asile ne pouvaient être présentées qu'à Toronto.

[36]            Mme Dzey prétend que la Commission a décrit la preuve de façon inexacte à cet égard. Ce qu'elle aurait dit, c'est qu'elle ne connaissait rien au sujet du processus d'asile ou ne savait pas qu'elle pouvait demander l'asile pour cause de violence conjugale, de sorte qu'elle n'a pas discuté de la possibilité de présenter une demande d'asile avec l'avocat de Colombie-Britannique. C'est son prêtre à Kamloops qui lui a dit qu'elle devrait demander l'asile et aller à Toronto pour le faire car il connaissait des personnes dans cette ville qui pourraient l'aider.

[37]            Un examen de la transcription confirme que Mme Dzey a été interrogée au sujet du délai d'un an qui s'est écoulé avant qu'elle ne demande l'asile. Ayant lu cette transcription, je conviens avec Mme Dzey que la Commission n'a pas parfaitement compris son témoignage sur cette question. Ainsi, Mme Dzey a déclaré que son prêtre lui avait dit qu'elle devrait aller à Toronto pour présenter sa demande d'asile parce qu'il connaissait des personnes dans cette ville qui pourraient l'aider, mais, à mon avis, elle n'a pas dit que les demandes d'asile ne pouvaient être présentées qu'à Toronto.

[38]            La Commission n'a toutefois pas fondé ses conclusions relatives à la crédibilité sur le seul témoignage de Mme Dzey concernant l'endroit où présenter une demande d'asile. Elle a relevé un certain nombre de problèmes concernant le témoignage de Mme Dzey, et elle a conclu que cette dernière n'était pas crédible en se fondant sur l'ensemble de la preuve. Comme je ne suis pas convaincue que cette seule erreur a influé sur la décision, celle-ci ne sera pas annulée pour cette seule raison.

[39]            La preuve relative à l'avis juridique obtenu par Mme Dzey en Colombie-Britannique est moins claire. Mme Dzey a indiqué dans son témoignage qu'elle n'avait jamais discuté de la possibilité de demander l'asile avec son avocat de Kamloops, mais elle a parlé de cette possibilité à d'autres moments : [traduction] « ..., dans cette petite ville, personne n'était au courant et mon cousin ne savait rien, cet avocat ne [savait] rien non plus... » .

[40]            Il ressort clairement des prétentions qu'elle a présentées à la Cour que Mme Dzey tente de clarifier le témoignage qu'elle a rendu devant la Commission. Elle ne m'a cependant pas convaincue, compte tenu des incohérences évidentes contenues dans son témoignage, que l'évaluation de cette preuve effectuée par la Commission et les conclusions qui en ont été tirées sont manifestement déraisonnables.

[41]            Finalement, Mme Dzey prétend que la Commission n'a pas bien compris ou traité la preuve relative au rapport psychologique qu'elle a déposée à l'audience sur la demande d'asile et qui indique qu'elle [traduction] « a souffert au début du syndrome de stress post-traumatique par suite de la violence conjugale dont elle a été victime pendant de nombreuses années » . Selon elle, la Commission n'a pas accordé suffisamment de poids à ce rapport.

[42]            Je suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il dit que la Commission a pris le rapport psychologique en considération, mais qu'elle a choisi de lui accorder peu de poids parce qu'elle a rejeté les hypothèses factuelles sous-jacentes avancées par Mme Dzey. Comme le juge Rothstein l'a dit dans Rosales c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 72 F.T.R.1 :

... la lettre d'un psychiatre ne prouve pas en elle-même qu'un demandeur de statut satisfait aux conditions applicables au statut de réfugié au sens de la Convention. Tout au plus, dans la présente affaire, la lettre corrobore le récit du requérant. C'est en effet la preuve factuelle qui doit servir à établir si le requérant satisfait aux conditions d'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention.

Étant donné qu'elle a conclu que les faits sur lesquels reposait le rapport n'étaient pas crédibles, la Commission pouvait accorder un poids limité à ce document.

[43]            Pour ces motifs, j'ai conclu que Mme Dzey n'a pas démontré que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en l'espèce. Par conséquent, la présente demande est rejetée.

Certification

[44]       Aucune partie n'ayant proposé une question à des fins de certification, aucune question ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

     1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     2.    Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                          « Anne L. Mactavish »    

           Juge

OTTAWA

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                               

                               COUR FÉDÉRALE

Date : 20040130

Dossier : IMM-1-03

ENTRE :

                           OKSANA OLESY DZEY

                                                                        demanderesse

                                            - et -

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                               défendeur

                                                                                                                      

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                      


COUR FÉDÉRALE

                                                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-1-03

INTITULÉ :                                                               OKSANA OLESY DZEY

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 28 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                               LE 30 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

John P. Howorum                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Jeremiah Eastman                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John P. Howorum                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

Ministère de la Justice                                        POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)


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