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Date : 20210616


Dossier : IMM-3443-20

Référence : 2021 CF 615

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 juin 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

SUKHWINDER SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) de confisquer les dépôts de garantie par suite d’un manquement à un bon de garantie d’exécution et à des conditions de mise en liberté sous caution aux fins de l’immigration.

[2] Le demandeur est un garant en vue d’assurer le respect des conditions de mise en liberté sous caution aux fins de l’immigration qui a fait un dépôt de garantie de 5 000 $ et un bon de garantie d’exécution de 15 000 $ au nom d’un tiers. Le 7 mai 2020, une lettre adressée au demandeur a été envoyée pour chaque garantie indiquant un manquement aux conditions de la part du tiers ou des éléments de preuve dénotant un tel manquement et exigeant, dans les trente jours, des observations expliquant pourquoi ne pas réaliser les garanties. Une lettre semblable avait déjà été envoyée au tiers le 19 juin 2019.

[3] N’ayant pas reçu de réponse de la part du demandeur, l’ASFC l’a informé au moyen de deux lettres, l’une datée du 2 juillet 2020 et l’autre du 9 juillet 2020, que les dépôts de garantie étaient confisqués.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur le respect de l’équité procédurale par l’ASFC et sur le caractère raisonnable de ses conclusions concernant les motifs fournis. Sauf en ce qui a trait à la première question, la norme de contrôle applicable par la Cour est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 77).

[5] Le demandeur soutient que l’ASFC a manqué aux principes d’équité procédurale, puisqu’il n’a jamais reçu les lettres d’avis, ce qui lui aurait permis d’exposer ses observations avant que l’ASFC rende une décision. De plus, le demandeur fait valoir que les motifs exposés dans les décisions sont insuffisants, puisqu’il est difficile de comprendre quelles conditions n’ont pas été respectées et comment – le tiers étant maintenant expulsé – ces manquements sont attribuables au demandeur et si les principes qui guident l’exercice du pouvoir discrétionnaire ont été pris en compte.

[6] Tout d’abord, il est évident que les lettres d’équité procédurale ont été envoyées et reçues à l’adresse du demandeur indiquée dans le dossier de l’ASFC, notamment celle indiquée sur la promesse de garantie. L’adresse correspond également à celle utilisée par l’Agence du revenu du Canada. La même adresse a également été utilisée pour la lettre indiquant la confiscation des garanties, dont le demandeur a accusé réception. Les deux lettres d’équité ont été envoyées par Purolator, avec numéro de suivi, confirmation de la livraison à domicile trois jours après l’envoi postal et signature à la réception.

[7] La Cour n’arrive pas à déterminer si l’avocat du demandeur figurait au dossier au moment en question pour accuser réception des lettres, puisque la seule indication de la présence d’un avocat se trouve dans une seule lettre écrite datée du 30 avril 2020, qui n’est pas adressée à l’ASFC, mais plutôt à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

[8] Nonobstant ce qui précède, la Cour est convaincue que le demandeur a été avisé de l’éventuelle confiscation des garanties et du délai de trente jours pour présenter ses observations à cet égard.

[9] Cependant, les lettres d’équité n’avisent pas effectivement le demandeur du manquement aux conditions, de sorte que le garant peut décider de répondre sans s’adresser à l’ASFC pour obtenir plus de renseignements dans les délais prescrits. Alors que les lettres au demandeur indiquent un manquement aux conditions, car le tiers ne s’est pas présenté à la date, à l’heure et à l’endroit requis pour respecter les obligations imposées par la loi, y compris la mesure de renvoi, si nécessaire, et que le tiers n’a pas coopéré pleinement en ce qui a trait à l’obtention des documents de voyage, la lettre d’équité procédurale adressée au tiers indique ce qui suit :

[traduction]

1. [Le tiers] a été arrêté en vue de son renvoi du Canada, puisqu’il a refusé de se plier à la procédure de renvoi. Plus précisément, il a refusé d’accepter une directive lui enjoignant de se présenter en vue de son renvoi. Il a refusé de répondre à des questions concernant son renvoi. Il a refusé de signer des documents liés à son renvoi. Il n’a pas permis à l’ASFC de prendre des photos et de prélever ses empreintes. [Le tiers] a troublé l’ordre public à l’aéroport international de Montréal le 16 juin 2019 alors que l’ASFC procédait à son renvoi, ce qui a obligé les agents d’escorte de l’ASFC à le sortir de l’aéroport.

2. [Le tiers] n’a pas coopéré pour essayer d’obtenir un document de voyage, a fait de fausses déclarations concernant ses efforts en vue d’obtenir un document de voyage et a tenté d’influencer négativement la décision du pays émetteur de délivrer un document de voyage. [Le tiers] n’a pas fourni de document de voyage à l’ASFC après avoir été mis en liberté le 3 décembre 2011 à la condition de le faire. L’ASFC a obtenu un document de voyage par elle-même.

[10] Bien qu’une communication complète, détaillée ou exhaustive appuyant ou suggérant un manquement aux conditions ne soit ni attendue ni exigée, une justification minimale, telle que des détails du manquement, s’impose pour aviser le garant et lui permettre, s’il le souhaite, de prendre part au processus prévu, sans quoi l’équité procédurale pourrait être compromise (voir le guide d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Garanties, ENF 8, 8.19, aux pages 38‑40).

[11] Dans les cas où les lettres d’équité avaient été adressées à l’avocat, la Cour se serait attendue à des questions, ce qui aurait rendu théorique la question de l’équité. Ce n’est cependant pas le cas en l’espèce. Le demandeur se retrouve plutôt avec des lettres d’équité indiquant la nature du manquement et l’invitant à présenter des observations, rien de plus, rien de moins. Ces lettres sont inutiles comparativement à la lettre d’équité envoyée au tiers près d’un an auparavant, qui contenait des détails du manquement.

[12] Pour ces motifs, la Cour conclut à un manquement à l’équité procédurale. L’affaire est renvoyée devant une nouvelle instance en vue de permettre au demandeur de faire, s’il le souhaite, des observations concernant le manquement allégué comme il est prévu pour qu’elles soient prises en compte dans la réalisation des garanties. Pour ne pas s’arroger les fonctions de l’instance, il ne convient pas que la Cour se prononce sur le caractère raisonnable des motifs à ce stade-ci.

[13] La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3443-20

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre décideur de l’ASFC pour qu’il l’examine à nouveau. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sophie Reid-Triantafyllos


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3443-20

 

INTITULÉ :

SUKHWINDER SINGH c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JUIN 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 16 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

Isaac Owusu-Sechere

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jennifer S. Bond

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sechere Law Office

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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