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Date : 20210628


Dossier : T-1491-17

Référence : 2021 CF 673

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juin 2021

En présence de monsieur le juge Brown

DEMANDE PRÉSENTÉE EN VERTU DE l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13, relativement à la demande numéro 1,593,806 visant la marque de commerce TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD & Dessin

ENTRE :

BEVERLY HILLS JEWELLERS MFG LTD.

demanderesse

et

CORONA JEWELLERY COMPANY LTD.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

Table des matières

I. Faits et décision faisant l’objet du contrôle 4

A. Généralités 4

B. Facteurs pris en compte dans une analyse relative à la confusion 8

C. Litige connexe sur les diamants 10

D. Instance devant la COMC 11

E. Appel interjeté à la Cour fédérale conformément à l’article 56 12

II. Questions à trancher 14

III. Norme de contrôle applicable aux appels fondés sur l’article 56 15

A. L’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, établit deux voies de contrôle en appel 15

B. Qu’entend-on par norme de l’erreur manifeste et dominante applicable aux questions de fait et aux questions de fait et de droit? 17

C. Les questions de droit doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte 18

D. Critères relatifs à la preuve nouvelle ou additionnelle 18

(1) Qu’est‑ce qu’une nouvelle preuve pertinente? 18

E. Dates pertinentes 23

F. Analyse de la pertinence de la nouvelle preuve au titre du paragraphe 16(1) de la Loi 24

(1) Affidavit Vaccaro 2019 déposé par la demanderesse 26

(2) Affidavit Singh déposé par la demanderesse 35

(3) Affidavit Soare 2019 déposé par la défenderesse 36

(4) Résumé de l’analyse et conclusion concernant la preuve présentée comme nouvelle et pertinente 39

IV. Analyse de la décision de la COMC selon la norme d’appel de l’erreur manifeste et dominante établie dans l’arrêt Housen 40

A. Généralités 40

B. Qu’est-ce qu’une erreur manifeste et dominante? 42

C. Analyse au titre du paragraphe 16(1) 43

D. Pertinence et examen de la ou des décisions de l’examinateur dans le présent appel 43

E. Analyse au titre du paragraphe 6(5), partie 1 46

(1) Degré de ressemblance visé à l’alinéa 6(5)e) 48

(2) Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, visés à l’alinéa 6(5)a) 56

(3) Période pendant laquelle chacune des marques a été en usage visée à l’alinéa 6(5)b) 67

(4) Genre de produits et voies commerciales visés aux alinéas 6(5)c) et d) 69

(5) Circonstances de l’espèce 80

(a) État du registre 80

(b) Confusion réelle 84

F. Analyse au titre du paragraphe 6(5), partie 2 85

V. Conclusion 89

VI. Dépens 93

 


 

[1] La Cour est saisie d’un appel visant la décision par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce [la COMC] a repoussé, au nom du registraire des marques de commerce [le registraire], la demande d’enregistrement de la marque de commerce TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD et Dessin (la demande no 1,593,806) [la marque GOLD] présentée par la demanderesse :

La COMC a repoussé la demande [la décision] en raison de l’opposition déposée par la défenderesse [également désignée sous le nom de Corona], qui alléguait une confusion avec la marque de commerce CANADIAN CERTIFIED GOLD et Dessin (LMC767,318) [la marque CORONA] :

La COMC s’est concentrée sur la marque CORONA, estimant que la défenderesse n’aurait gain de cause à l’égard d’aucune de ses autres marques. La COMC a souscrit à l’opposition de la défenderesse, estimant que la marque GOLD de la demanderesse créait de la confusion avec la marque CORONA et a repoussé la demande de la demanderesse.

[2] La demanderesse interjette appel en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑ 13 [Loi] et sollicite une directive enjoignant à la COMC de rejeter l’opposition à la marque GOLD et les demandes de redressement connexes. La défenderesse demande quant à elle que l’appel soit rejeté et les demandes, repoussées, avec dépens.

[3] La Loi a été modifiée le 17 juin 2019 : elle a notamment été rebaptisée Trademarks Act en anglais. Cependant, le présent appel est régi par l’ancienne Loi dont le nom anglais comporte un trait d’union.

I. Faits et décision faisant l’objet du contrôle

A. Généralités

[4] La demanderesse a déposé sa demande relative à la marque GOLD en liaison avec des « [b]ijoux : or » sur le fondement de son emploi au Canada depuis le 1er janvier 2012. La demande a été déposée le 12 septembre 2012.

[5] D’après le dossier certifié du tribunal [le DCT], l’examinateur de marques de commerce [l’examinateur] a initialement refusé d’annoncer la demande relative à la marque GOLD en raison de la confusion avec la marque CORONA et d’autres marques appartenant au gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest [DCT, p 128]. La demanderesse a toutefois présenté d’autres observations à la COMC, qui a autorisé l’annonce [DCR, p 114 à 124].

[6] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 30 avril 2014.

[7] Le 26 juin suivant, la défenderesse a déposé une déclaration d’opposition fondée sur l’article 30, l’alinéa 12(1)d), le paragraphe 16(1) et l’article 2 de la Loi en invoquant sa marque CORONA :

[8] Les motifs d’opposition étaient la confusion avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au titre du paragraphe 16(1), la confusion avec une marque de commerce déposée au titre de l’alinéa 12(1)d), et le caractère distinctif au titre de l’article 2. L’opposition reposait également sur l’alinéa 30i) (mauvaise foi); ce motif a été rejeté par la COMC et n’a pas été présenté dans le cadre du présent appel.

[9] Comme l’a correctement expliqué la COMC au paragraphe 4 de la décision, « [l]es motifs d’opposition tels qu’ils sont invoqués concernent la probabilité de confusion entre la Marque [GOLD] et les marques de commerce suivantes de [la défenderesse], employées en liaison avec, entre autres, des [TRADUCTION] “bijoux; or” (collectivement, les Marques CORONA) ». Comme nous l’avons déjà noté, la COMC ne s’est attardée en fin de compte que sur la marque CORONA.

[10] Les principales dispositions invoquées à l’appui de ces trois motifs sont les suivantes; j’insiste sur la confusion visée au paragraphe 16(1), car le présent appel est tranché en fonction de ce motif :

  1. Confusion avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée : Aux termes du paragraphe 16(1), nul n’a le droit d’enregistrer une marque de commerce si, à la date où elle a été employée pour la première fois [le « premier emploi »], elle créait de la confusion avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada. En l’espèce, la marque CORONA avait été antérieurement employée ou révélée à la date de premier emploi de la marque GOLD :

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

Registration of marks used or made known in Canada

16 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

16 (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

  1. Confusion avec une marque de commerce déposée : Selon l’alinéa 12(1)d), une marque de commerce est enregistrable si, à la date de la décision (voir l’arrêt Park Avenue Furniture Corp. c Wickes/Simmons Bedding Ltd., (1991) 130 NR 223 (CAF) [la juge d’appel Desjardins] [Park]), elle ne crée pas de la confusion avec une marque de commerce déposée :

Marque de commerce enregistrable

When trade-mark registrable

12 (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

12 (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

(d) confusing with a registered trade-mark;

[…]

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

3. Caractère distinctif : L’article 2, soit la disposition générale contenant les définitions, exige que les marques de commerce soient « distinctives » en date du dépôt de l’opposition, voir Metro‑Goldwyn-Mayer Inc. c Stargate Connections Inc., 2004 CF 1185 [la juge Simpson] [Stargate] :

marque de commerce Selon le cas :

trade-mark means :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les produits fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou les services loués ou exécutés, par elle, des produits fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish goods or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

[…]

c) signe distinctif;

(c) a distinguishing guise, or

d) marque de commerce projetée. (trade-mark)

(d) a proposed trade-mark; (marque de commerce)

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

B. Facteurs pris en compte dans une analyse relative à la confusion

[11] Le paragraphe 6(5) de la Loi fournit une liste inclusive de facteurs à examiner pour décider si une marque de commerce crée de la confusion. Ces facteurs seront examinés en détail ultérieurement dans les présents motifs. La liste est inclusive, ce qui signifie qu’il peut y avoir d’autres circonstances pertinentes :

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

When mark or name confusing

6 (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

6 (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

Idem

Idem

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

[…]

Éléments d’appréciation

What to be considered

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

C. Litige connexe sur les diamants

[12] La présente affaire a été instruite par la COMC, puis par notre Cour, en même temps qu’un autre litige relatif à des marques de commerce opposant les mêmes parties et portant non pas sur des bijoux en or, mais sur des bijoux en diamants [le litige connexe sur les diamants]. Le litige en question concerne des demandes visant les marques de commerce FIRE AND ICE CANADIAN DIAMOND & Dessin (numéro de demande 1,615,226) et FIRE ON ICE CANADIAN DIAMOND & Dessin (numéro de demande 1,615,229) déposées par la même demanderesse le 22 février 2013. La défenderesse s’est opposée aux demandes présentées dans le cadre du litige connexe sur les diamants en raison d’une confusion avec sa marque verbale déposée MAPLE LEAF DIAMONDS (LMC688,061) et son dessin-marque déposé Dessin GÉOMÉTRIQUE (LMC677,376). Le litige connexe sur les diamants instruit par notre Cour fait l’objet du dossier numéro T‑1485‑17.

[13] La COMC a repoussé la demande visant la marque GOLD présentée par la demanderesse ainsi que les demandes que cette dernière a soumises dans le litige connexe sur les diamants. La demanderesse a interjeté appel devant notre Cour des décisions rendues par la COMC dans ces deux affaires conformément à l’article 56 de la Loi. La Cour a instruit l’appel relatif au litige connexe sur les diamants en même temps que le présent appel concernant les marques GOLD et CORONA et statue sur les deux affaires en même temps; les deux appels sont rejetés.

D. Instance devant la COMC

[14] Les deux parties ont déposé des affidavits devant la COMC. La demanderesse a déposé l’affidavit de M. Giovanni Vaccaro (président de la demanderesse), qui a fourni des renseignements concernant la marque GOLD et la situation générale de la société [l’affidavit Vaccaro 2015]. Elle a également déposé l’affidavit de Mme Elenita Anastacio (chercheure de marques de commerce pour les agents de la demanderesse) ainsi que la preuve de l’état du registre [l’affidavit Anastacio 2015]. La défenderesse a déposé l’affidavit de Mme Diana Soare (directrice de marketing de la défenderesse), qui contient de nombreux renseignements concernant l’emploi de sa marque, les ventes et les annonces s’y rapportant ainsi que d’autres renseignements sur la marque CORONA [l’affidavit Soare 2014].

[15] Aucun contre‑interrogatoire relatif aux affidavits n’a été déposé devant la COMC.

[16] Les parties se sont échangé des arguments dans le cadre de l’instance devant la COMC puis, à la suite d’une audience, la COMC a rendu sa décision le 31 juillet 2017. Elle a repoussé la demande en raison de la confusion entre la marque GOLD et la marque CORONA. La COMC a conclu à l’existence d’une confusion au titre de l’alinéa 12(1)d), du paragraphe 16(1) et de l’article 2 de la Loi.

[17] Le même jour, la COMC a rendu la décision par laquelle elle a repoussé la demande présentée dans le cadre du litige connexe sur les diamants en raison d’une confusion au titre de l’alinéa 12(1)d), du paragraphe 16(3) et de l’article 2 de la Loi.

E. Appel interjeté à la Cour fédérale conformément à l’article 56

[18] Le 2 octobre 2017, la demanderesse a déposé un avis de demande interjetant appel devant notre Cour de la décision de la COMC conformément à l’article 56 de la Loi. Elle a déposé le même jour un avis de demande relatif au litige connexe sur les diamants.

[19] L’article 56 crée un droit d’appel, mais avec ceci de particulier qu’il autorise le dépôt d’une preuve additionnelle à celle dont disposait le registraire. Si elle juge cette preuve pertinente et elle l’admet, la Cour est habilitée à exercer toute discrétion dont le registraire est investi. Les parties conviennent que la nouvelle preuve additionnelle doit être pertinente pour que la Cour puisse l’examiner dans le cadre d’un appel fondé sur l’article 56. Les paragraphes 56(1) et 56(5) prévoient :

Appel

Appeal

56 (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

56 (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

[…]

Preuve additionnelle

Additional evidence

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[20] La demanderesse a déposé deux affidavits dans le cadre de l’appel qu’elle a interjeté devant notre Cour, soit l’affidavit de M. Vaccaro souscrit le 12 avril 2019 [l’affidavit Vaccaro 2019] et l’affidavit de Sandy Singh, stagiaire en droit dans le cabinet d’avocats qui la représente, souscrit le 12 avril 2019 [l’affidavit Singh].

[21] La défenderesse a également déposé une nouvelle preuve dans le cadre du présent appel, à savoir l’affidavit de Mme Soare souscrit le 21 octobre 2019 [l’affidavit Soare 2019].

[22] M. Vaccaro et Mme Soare ont été contre‑interrogés au sujet des affidavits déposés devant notre Cour.

[23] Les parties ont obligeamment déposé un dossier conjoint ainsi qu’un cahier conjoint de textes faisant autorité, lesquels contiennent des documents pertinents au regard des marques dont il est question en l’espèce et dans le litige connexe sur les diamants. L’audition de l’appel relatif à ce litige connexe s’est déroulée à Ottawa et à Toronto par vidéoconférence sur ZOOM le 15 mars 2021 et une partie du lendemain. L’audition du présent appel s’est poursuivie aux mêmes endroits et par les mêmes moyens le reste de la journée du 16 mars 2021.

II. Questions à trancher

[24] Voici les questions à trancher :

  1. Quelles sont la norme de contrôle et la méthodologie juridique applicables en l’espèce?

  2. La preuve additionnelle présentée par la demanderesse satisfait‑elle au critère d’admissibilité à l’examen?

  • a) Si la preuve additionnelle satisfait au critère d’admissibilité, quelle est l’évaluation correcte cette preuve, évaluation qui se fera dans le cadre d’un examen de novo dans le présent appel?

  • b) Si la preuve additionnelle ne satisfait pas au critère d’admissibilité, quelle doit être l’issue appropriée du présent appel compte tenu des critères applicables au contrôle en appel confirmés dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen], à savoir la norme de la décision correcte pour les questions de droit, et celle de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait, ou de fait et de droit, y compris celles à l’égard desquelles le principe juridique n’est pas facilement isolable?

III. Norme de contrôle applicable aux appels fondés sur l’article 56

A. L’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, établit deux voies de contrôle en appel

[25] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], au para 37, la Cour suprême du Canada explique la démarche que doit entreprendre notre Cour lorsqu’elle est saisie d’appels prévus par la loi, comme le présent appel fondé sur l’article 56. L’arrêt Vavilov confirme essentiellement que deux normes de contrôle sont applicables en appel, la norme de la décision correcte pour les erreurs de droit, et celle de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait et les questions de fait et de droit lorsque le principe juridique n’est pas facilement isolable, conformément à ce qui a été décidé dans l’arrêt Housen :

[37] Il convient donc de reconnaître que, lorsque le législateur prévoit un appel à l’encontre d’une décision administrative devant une cour de justice, la cour saisie de l’appel doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision. Ainsi, la norme de contrôle applicable doit être déterminée eu égard à la nature de la question et à la jurisprudence de notre Cour en la matière. Par exemple, lorsqu’une cour de justice entend l’appel d’une décision administrative, elle se prononcera sur des questions de droit, touchant notamment à l’interprétation législative et à la portée de la compétence du décideur, selon la norme de la décision correcte conformément à l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8. Si l’appel prévu par la loi porte notamment sur des questions de fait, la norme de contrôle sera celle de l’erreur manifeste et déterminante (applicable également à l’égard des questions mixtes de fait et de droit en l’absence d’un principe juridique facilement isolable) : voir Housen, par. 10, 19 et 26‑37. Évidemment, si le législateur entend prévoir l’application en appel d’une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d’exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable.

[Non souligné dans l’original.]

[26] L’arrêt récent Clorox Company of Canada, Ltd. c Chloretec s.e.c., 2020 CAF 76 [le juge d’appel de Montigny] [Clorox], rendu par la Cour d’appel fédérale, va dans le même sens :

23 En conséquence, il s’agit désormais de la jurisprudence de la Cour suprême sur les normes de contrôle en appel (et, plus précisément, l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [arrêt Housen]) que la Cour fédérale et notre Cour doivent appliquer lorsqu’elles traitent un appel aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi. Je note qu’il s’agit effectivement la norme que la Cour fédérale a appliquée dans ce qui semble être le seul jugement publié jusqu’à présent concernant un appel sous le régime de la Loi : voir la décision Pentastar Transport Ltd. c. FCA US LLC, 2020 CF 367, aux paragraphes 42 à 45. Pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit (à l’exception des questions de droit isolables), la norme applicable est donc celle de « l’erreur manifeste et dominante ». Dans le cas des questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte.

[Non souligné dans l’original.]

B. Qu’entend-on par norme de l’erreur manifeste et dominante applicable aux questions de fait et aux questions de fait et de droit?

[27] Si notre Cour estime qu’il existe une question qui soulève des points de fait et de droit, elle la contrôlera selon la norme d’appel de l’erreur manifeste et dominante. Dans l’arrêt Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 [South Yukon], le juge Stratas explique ce que la demanderesse doit établir pour prouver une erreur manifeste et dominante en appel (cette question sera aussi analysée plus loin dans les présents motifs) :

[46] L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue : H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; Peart c. Peel Regional Police Services (2006), 217 O.A.C. 269 (C.A.), aux paragraphes 158 et 159; arrêt Waxman, précité. Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[Non souligné dans l’original.]

[28] Cette description de l’erreur manifeste et dominante a été adoptée par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. Voir les décisions plus récentes suivantes : Spectrum Brands, Inc. c Schneider Electric Industries SAS, 2021 CAF 51 [le juge d’appel LeBlanc], au para 7, Apotex Inc. c Janssen Inc., 2021 CAF 45 [le juge d’appel Locke], au para 44, Dixon c Groupe Banque TD, 2021 CF 101 [le juge Norris], au para 8.

[29] Dans l’arrêt Clorox, la Cour d’appel fédérale a également traité de la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante applicable aux erreurs de fait et aux erreurs de fait et de droit invoquées dans le cadre d’un appel fondé sur l’article 56 :

[38] L’appelante demande à présent à notre Cour de réévaluer la preuve et de parvenir à une conclusion différente de celle à laquelle la Commission et la Cour fédérale sont parvenues. Il s’agit d’une tâche difficile, car, en ce qui a trait aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit, la norme de contrôle est celle de l’erreur manifeste et dominante. En d’autres termes, l’appelante doit convaincre notre Cour que la Cour fédérale a commis une erreur évidente qui touche directement à l’issue de l’affaire : Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46, 431 N.R. 286. Il s’agit d’une norme de contrôle appelant un degré plus élevé de retenue que la norme de la décision raisonnable appliquée par la Cour fédérale.

[Non souligné dans l’original.]

C. Les questions de droit doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte

[30] Le contrôle en appel des questions de droit, y compris des erreurs de droit facilement isolables, est soumis à la norme de la décision correcte. C’est ce qu’explique la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen :

8. Dans le cas des pures questions de droit, la règle fondamentale applicable en matière de contrôle des conclusions du juge de première instance est que les cours d’appel ont toute latitude pour substituer leur opinion à celle des juges de première instance. La norme de contrôle applicable à une question de droit est donc celle de la décision correcte : Kerans, op. cit., p. 90.

[Non souligné dans l’original.]

D. Critères relatifs à la preuve nouvelle ou additionnelle

(1) Qu’est‑ce qu’une nouvelle preuve pertinente?

[31] Comme je l’ai déjà noté, trois affidavits ont été déposés dans le cadre du présent appel, deux par la demanderesse et un par la défenderesse. Cependant, ce ne sont pas tous les éléments de preuve déposés par une partie qui sont examinés dans le cadre d’un appel fondé sur l’article 56. La jurisprudence établit que la preuve déposée au titre de cette disposition ne sera considérée que si elle est « pertinente » ou « importante », termes qui ne sont pas définis dans la Loi, mais la Cour d’appel fédérale et notre Cour se sont interrogées sur les caractéristiques d’une preuve pertinente ou importante dans les décisions suivantes.

[32] Dans l’arrêt Clorox, le juge de Montigny a récemment confirmé que pour être jugée pertinente, la nouvelle preuve soumise au titre de l’article 56 doit être « suffisamment importante » et « de valeur probante » :

21 Lorsque les nouveaux éléments de preuve sont jugés pertinents – ce qui a été interprété comme signifiant « suffisamment important[s] » (Vivat Holdings Ltd. c. Levi Strauss & Co., 2005 CF 707, au paragraphe 27, 276 F.T.R. 40) et de « valeur probante » (Tradition Fine Foods Ltd. c. Groupe Tradition’L Inc., 2006 CF 858, au paragraphe 58, 51 C.P.R. (4th) 342) – le paragraphe 56(5) de la Loi dispose que la Cour fédérale « peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi ». Il s’agit d’un appel de novo et cela impose l’application de la norme de la décision correcte. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a clairement indiqué que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle présumée lorsqu’une cour de justice se penche sur le fond d’une décision administrative. Une telle présomption sera toutefois réfutée lorsque le législateur aura clairement signalé qu’une norme différente devrait s’appliquer. C’est précisément ce qu’indique le paragraphe 56(5), et je ne vois aucun motif de ne pas mettre en application cette intention du législateur.

[Non souligné dans l’original.]

[33] Voir également la décision Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707 [Vivat] [la juge Layden‑Stevenson] suivant laquelle la nouvelle preuve doit être suffisamment importante, être probante et ne pas consister à compléter ou à répéter tout simplement des éléments déjà mis en preuve :

[27] Pour avoir une incidence sur la norme de contrôle, la nouvelle preuve doit être suffisamment importante. Lorsque la preuve additionnelle ne va pas au-delà de ce qui a déjà été établi devant la Commission et a peu de poids, mais ne consiste qu’à compléter ou tout simplement répéter des éléments déjà mis en preuve, alors l’application d’une norme comportant une moins grande déférence n’est pas justifiée. Le critère en est un de qualité et non de quantité : Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.); Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA - Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.); Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 456 (C.F.).

[Non souligné dans l’original.]

[34] Dans l’arrêt Seara Alimentos Ltda. c Amira Enterprises Inc., 2019 CAF 63 [Seara] [la juge d’appel Gauthier] aux para 23‑25, la Cour d’appel fédérale confirme que seule la preuve qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait de la COMC ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est pertinente. La pertinence est un critère préliminaire visant à établir si notre Cour devra réévaluer en appel la preuve à l’égard d’une question donnée. Ce critère ne peut pas et ne doit pas comporter d’emblée un tel réexamen pour déterminer si cette preuve modifierait en fin de compte le résultat ou l’issue. Le critère de la pertinence renvoie à l’importance et à la valeur probante de la nouvelle preuve. Si la preuve produite ne fait que compléter ou confirmer les conclusions de la COMC, elle ne peut être jugée suffisamment « pertinente » pour être admise. La preuve additionnelle ne doit pas être répétitive et devrait renforcer la valeur probante de l’ensemble des éléments au dossier. Dans l’arrêt Seara, la Cour pose la question en ces termes : la nouvelle preuve aurait‑elle pu, en raison de son importance et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la COMC?

[23] Comme il a été signalé précédemment, le critère d’admission de nouveaux éléments de preuve en vertu du paragraphe 56(5) de la Loi consiste à rechercher, si ces éléments avaient été produits devant la Cour fédérale, [s’ils] « auraient pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire » (Brasseries Molson, au paragraphe 51, sous la plume du juge Rothstein, j.c.a.). Il faut lire les mots « would have » (« aurait pu avoir ») au regard du contexte. Décider si la Cour fédérale devra réexaminer les preuves sur une question donnée constitue un critère préliminaire. Par conséquent, ce critère ne peut pas et ne doit pas comporter d’emblée un réexamen en vue de déterminer purement et simplement si le résultat ou l’issue en serait modifié. Telle est la raison pour laquelle les mots « would have » dans la formulation du critère ont toujours été traduits en français par « aurait pu avoir » (voir par exemple Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, au paragraphe 71; Pizzaiolo Restaurants inc. c. Les Restaurants La Pizzaiolle inc., 2016 CAF 265, au paragraphe 2; Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, 2000 CanLII 17105 (CAF), [2000] 3 C.F. 145, au paragraphe 51 [C.A.]).

[24] De plus, il est bien reconnu que le critère de l’importance concerne la portée et la valeur probante de ce nouvel élément de preuve. Si la preuve présentée ne fait que compléter ou confirmer les conclusions de la COMC, celle-ci ne saurait être suffisamment importante pour justifier son admissibilité (voir U-haul International Inc. c. U Box It Inc., 2017 CAF 170, au paragraphe 26). Pour avoir de l’importance, la preuve additionnelle ne doit pas être très répétitive et elle doit renforcer la valeur probante de l’ensemble des preuves (Cortefiel, S.A. c. Doris Inc., 2013 CF 1107, au paragraphe 33, confirmée par 2014 CAF 255; voir aussi Servicemaster Company c. 385229 Ontario Ltd. (Masterclean Service Company), 2015 CAF 114, aux paragraphes 23 et 24).

[25] La question est donc la suivante : cette preuve supplémentaire aurait-elle pu, en vertu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la COMC? Autrement dit, dans le cadre de l’analyse sur la confusion en l’espèce, cette preuve résulterait-elle en une conclusion différente découlant d’un ou de plusieurs facteurs définis au paragraphe 6(5) de la Loi et une nouvelle conclusion sur la probabilité d’une confusion entre les marques?

[Non souligné dans l’original.]

[35] La jurisprudence suivante fournit des orientations additionnelles quant à la question de savoir si une nouvelle preuve est pertinente :

  • (i) Dans la décision Hawke & Company Outfitters LLC c Retail Royalty Company, 2012 CF 1539 [Hawke], le juge de Montigny, alors juge à la Cour fédérale, a estimé que la preuve pertinente ne se rapporte pas à des faits postérieurs à la date pertinente, et ne doit pas simplement compléter ou confirmer des conclusions antérieures :

[31] Il est bien établi que, lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés, le critère « est un critère de qualité et non de quantité » (Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA – The Engineered Wood Assn, [2000] ACF no 1027 (QL), 7 CPR (4th) 239 (CF) au paragraphe 36; Wrangler Apparel Corp c Timberland Co, 2005 CF 722 au paragraphe 7). Une preuve qui ne fait que compléter ou confirmer des conclusions antérieures ou qui se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente ne suffit pas pour écarter la norme déférente de la décision raisonnable.

[Non souligné dans l’original.]

  • (ii) Le juge LeBlanc, lui aussi alors juge à la Cour fédérale, s’est rangé à l’opinion du juge de Montigny dans la décision Kabushiki Kaisha Mitsukan Group Honsha c Sakura‑Nakaya Alimentos Ltda., 2016 CF 20 [Kabushiki] et a dit que la preuve qui ne fait que compléter ou confirmer des conclusions antérieures ou qui se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente n’est pas importante :

[19] […] Autrement dit, une preuve « qui ne fait que compléter ou confirmer des conclusions antérieures ou qui se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente ne suffit pas pour écarter » le fardeau. En outre, « le critère est un critère de qualité et non de quantité »; voir la décision Conseil canadien des ingénieurs professionels c. APA – Engineered Wood Assn., au paragraphe 36, et la décision Wrangler Apparel Corporation c. Timberland Company, 2005 CF 722, au paragraphe 7, 272 FTR 270.

[Non souligné dans l’original.]

[36] En résumé, la nouvelle preuve peut être pertinente si elle est suffisamment importante et probante (Clorox, au para 21; Seara, au para 24; Vivat, au para 27). Il doit s’agir du type de preuve qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (comme cela est expliqué dans l’arrêt Seara, au para 23). Cette preuve ne doit pas consister à compléter ou à confirmer tout simplement des éléments antérieurs (Seara, au para 24; Vivat, au para 27; Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19), ne doit pas se rapporter à des faits postérieurs à la date pertinente (Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19), ni être répétitive (Seara, au para 24). Le critère relatif à la pertinence est qualitatif et non quantitatif (Vivat, au para 27; Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19) et doit renforcer le caractère probant de l’ensemble des éléments au dossier (Seara, au para 24). La question est la suivante : « [C]ette preuve supplémentaire aurait‑elle pu, en vertu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la COMC? » (Seara, au para 25).

E. Dates pertinentes

[37] La nouvelle preuve pertinente doit être évaluée au regard de certaines dates pertinentes. Les parties sont d’accord quant aux dates pertinentes pour chaque motif d’opposition :

  • Paragraphe 16(1) : la date pertinente aux fins de la confusion avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée est établie au paragraphe 16(1) même de la Loi comme étant « la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée ». Je désigne cette date comme la date de premier emploi. En l’espèce, la date pertinente de premier emploi est le 1er janvier 2012;

  • Article 2 : la date pertinente aux fins du caractère distinctif de la marque de commerce est celle du dépôt de l’opposition (voir Stargate), soit le 26 juin 2014 en l’espèce;

  • Alinéa 12(1)d) : la date pertinente aux fins de la confusion avec une marque de commerce déposée est celle de la décision de la COMC (voir Park), soit le 31 juillet 2017 en l’espèce.

F. Analyse de la pertinence de la nouvelle preuve au titre du paragraphe 16(1) de la Loi

[38] Comme cette disposition est associée à la première des trois dates pertinentes, j’évaluerai en premier le caractère pertinent de la nouvelle preuve à l’égard du paragraphe 16(1) de la Loi à la date en question. La date pertinente est celle du premier emploi. Les parties conviennent qu’il s’agit du 1er janvier 2012. Le paragraphe 16(1) prévoit :

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

Registration of marks used or made known in Canada

16 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

16 (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[39] Il peut être utile de reprendre ici le résumé précédent sur la jurisprudence concernant la preuve pertinente. La nouvelle preuve peut être pertinente si elle est suffisamment importante et probante (Clorox, au para 21; Seara, au para 24; Vivat, au para 27). Il doit s’agir du type de preuve qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (comme cela est expliqué dans l’arrêt Seara, au para 23). Elle ne doit pas consister à compléter ou à confirmer tout simplement des éléments antérieurs (Seara, au para 24; Vivat, au para 27; Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19), ne doit pas se rapporter à des faits postérieurs à la date pertinente (Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19), ni être répétitive (Seara, au para 24). Le critère relatif à la pertinence est qualitatif et non quantitatif (Vivat, au para 27; Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19) et doit renforcer le caractère probant de l’ensemble des éléments au dossier (Seara, au para 24).

[40] À ce stade, la Cour effectuera une analyse préliminaire pour répondre à la question suivante : « [C]ette preuve supplémentaire aurait‑elle pu, en vertu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la COMC? » (Seara, au para 25).

[41] Dans l’analyse qui suit, je conclus que presque aucun des éléments de preuve nouveaux ou additionnels de la demanderesse ne remplit le critère de la pertinence au titre du paragraphe 16(1), principalement parce qu’ils se rapportent à des faits postérieurs à la date de premier emploi, ce qui est contraire aux principes énoncés dans Hawke, au para 31 et Kabushiki, au para 19, et au paragraphe 16(1) lui‑même. Ces éléments sont également inadmissibles dans la mesure où ils reprennent ceux figurant dans l’affidavit Vaccaro 2015. Je note que certains des éléments de preuve présentés comme étant nouveaux pourraient s’avérer pertinents au regard des observations soumises au titre de l’article 2 et de l’alinéa 12(1)d) de la Loi. Cependant, comme la demanderesse échoue dans le présent appel au titre du paragraphe 16(1), ces motifs supplémentaires ne sont pas examinés de manière plus approfondie.

(1) Affidavit Vaccaro 2019 déposé par la demanderesse

[42] Je commencerai par l’affidavit Vaccaro 2019 déposé devant notre Cour. M. Vaccaro a également déposé l’affidavit Vaccaro 2015, qui avait été soumis à la COMC.

[43] La demanderesse fait valoir que l’affidavit Vaccaro 2019 comporte de nouveaux éléments de preuve substantiels portant sur le rejet des demandes par la COMC. La défenderesse conteste la pertinence de la nouvelle preuve de la demanderesse au regard de l’analyse effectuée au titre du paragraphe 16(1) et soutient que l’ensemble de sa preuve se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente et est donc inadmissible. La date pertinente au titre du paragraphe 16(1) est celle du premier emploi, à savoir le 1er janvier 2012.

[44] Rappelons que l’analyse effectuée au titre du paragraphe 16(1) pose la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion avec une marque antérieurement employée ou révélée au Canada. Si tel est le cas, la demanderesse ne pourra pas enregistrer la marque :

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

Registration of marks used or made known in Canada

16 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

16 (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[45] L’affidavit Vaccaro 2019 fournit des éléments de preuve qui seraient nouveaux sous un certain nombre de rubriques. Après avoir expliqué son rôle de président de la demanderesse, M. Vaccaro a décrit ses responsabilités quotidiennes et exposé sa connaissance de la société, grâce à laquelle il est en mesure de fournir un affidavit sur le sujet. Il a ensuite fourni les renseignements supplémentaires suivants :

  • 1. Aperçu général de la demanderesse (para 4‑9) : M. Vaccaro donne un aperçu général de l’entreprise demanderesse, y compris de sa création; il décrit le rôle et les responsabilités qu’il assume au sein de cette société. Il déclare que la position de la demanderesse sur le marché est celle d’une société industrielle qui incorpore souvent dans ses bijoux des diamants et de l’or en provenance du Canada; il décrit sa taille, notamment en mentionnant le nombre d’employés, et mentionne les revues spécialisées dans lesquelles la demanderesse est présentée. M. Vaccaro affirme que la demanderesse [traduction] « vend ses produits à des utilisateurs finaux au Canada au moyen d’un réseau de plus de 1 000 détaillants un peu partout au pays, notamment dans dix provinces et deux territoires », et présente une copie de la marque GOLD. À mon avis et après une évaluation préliminaire, j’estime que cette preuve n’est pas pertinente pour plusieurs raisons. Premièrement, presque tous les renseignements de l’aperçu général de l’entreprise sont pratiquement identiques à la preuve qu’il avait fournie dans l’affidavit Vaccaro 2015 déposé devant la COMC. L’affidavit Vaccaro 2019 est donc répétitif et contraire aux principes énoncés dans Seara, au para 24, Vivat, au para 27, Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19. La différence dans la preuve n’est, à mon avis, ni suffisamment importante ni d’une grande, voire d’une quelconque, valeur probante, et n’aurait donc pas pu avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la COMC. En plus, cette preuve n’est pas pertinente, car elle se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi qui, selon ce dont les parties ont convenu, est le 1er janvier 2012. Par exemple, lorsque M. Vaccaro affirme que la demanderesse [traduction] « vend ses produits à des utilisateurs finaux au Canada au moyen d’un réseau de plus de 1 000 détaillants un peu partout au pays », il utilise l’indicatif présent pour décrire la situation qui existait le 12 avril 2019 lorsque son affidavit a été souscrit. Ces éléments nouveaux ou additionnels se rapportent donc à des faits survenus jusqu’à sept ans après la date de premier emploi de la marque GOLD, soit le 1er janvier 2012. Tous les renseignements de vente sont d’ailleurs postérieurs à la date pertinente de premier emploi visée par les motifs d’appel fondés sur le paragraphe 16(1), et ne sont donc pas pertinents selon les principes énoncés dans Hawke, au para 3, et Kabushiki, au para 19, en plus d’être contraires au paragraphe 16(1) lui‑même.

  • Adoption des marques GOLD au Canada (para 10‑12) : M. Vaccaro explique que la demanderesse avait prévu à la fin de 2011 de lancer une collection de bijoux comportant de l’or en provenance du Canada. Il affirme qu’il a créé à cette époque un élément de dessin floral qui est devenu la marque GOLD. Cette marque s’inspirait de la feuille d’érable et des éléments graphiques combinés d’une autre marque déposée de la demanderesse, le but étant de marquer la continuité de sa marque. Il précise que les termes TRULY [véritablement] et CANADIAN [canadien] provenaient également d’autres marques appartenant à la demanderesse. Toujours d’après M. Vaccaro, le 1er janvier 2012, la demanderesse a utilisé pour la première fois la marque GOLD. Il n’est pas contesté que cette date est celle du premier emploi visé au paragraphe 16(1), ce qui de toute façon reprend ce qui est déjà énoncé dans l’affidavit Vaccaro 2015. J’estime en toute déférence que cette preuve n’est ni pertinente ni probante au titre du paragraphe 16(1). La date de la création n’a aucune incidence sur l’analyse effectuée au titre du paragraphe 16(1), ni sur aucun des facteurs prévus au paragraphe 6(5), car il est admis que la marque GOLD n’a pas été employée avant la date pertinente de premier emploi visée au paragraphe 16(1), à savoir le 1er janvier 2012. Il est également admis que la marque GOLD a été créée deux à quatre ans après que la marque CORONA a commencé à être employée au Canada en 2008. La marque CORONA a été enregistrée le 19 mai 2010. Vu cette évaluation préliminaire, je ne puis conclure que la nouvelle preuve est suffisamment importante ni qu’elle a une grande, voire une quelconque, valeur probante, et aurait donc pu avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la COMC.

  • Emploi de la marque GOLD au Canada (para 13‑16) : M. Vaccaro affirme que la demanderesse utilise la marque GOLD depuis son premier emploi le 1er janvier 2012. Il soutient que la demanderesse utilise cette marque dans les emballages qui enveloppent ou accompagnent ses produits et fournit des exemples d’images. La défenderesse fait valoir, et je souscris en tout respect à son avis, qu’aucun élément de cette preuve n’est pertinent au titre des motifs d’appel fondés sur le paragraphe 16(1) parce que tous ces éléments se rapportent à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi, soit le 1er janvier 2012. Par conséquent, cette preuve n’est pas pertinente selon les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1) lui‑même.

  • Modes de vente des produits de la demanderesse (para 17‑ 22) : M. Vaccaro explique comment les détaillants achètent habituellement les produits de la demanderesse. Il affirme que la marque GOLD figure bien en vue sur des brochures et des catalogues, des présentoirs de bijoux et des affiches fournis aux détaillants. À mon avis, tous ces renseignements sont postérieurs à la date pertinente et ne peuvent être pris en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1) lui‑même.

  • Revenus (para 23‑25) : M. Vaccaro affirme que, depuis le 1er janvier 2012, la demanderesse a réalisé plus de 10 millions de dollars de ventes annuelles de produits arborant la marque GOLD au Canada. Il fournit des échantillons de factures et les explique. Il affirme que la marque GOLD figure bien en vue sur un grand nombre de catalogues et de brochures. J’estime en toute déférence, à l’issue d’une évaluation préliminaire, que cette preuve n’est pas pertinente, car elle se rapporte à des activités et à des événements postérieurs à la date pertinente, à savoir la date de premier emploi; elle ne peut être prise en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Promotion de la marque GOLD au Canada (para 26‑27) : M. Vaccaro affirme que la demanderesse a fait la promotion de la marque GOLD au Canada depuis le 1er janvier 2012 et ajoute que la fabrication des produits au Canada par des Canadiens lui tient vraiment à cœur – cet aspect est souligné dans le matériel promotionnel et les annonces ainsi que par les détaillants qui vendent les produits de la demanderesse. Même s’il fait d’autres déclarations, cette activité qui concerne la marque de commerce visée par la demande est, selon moi, postérieure à la date pertinente de premier emploi. J’estime en toute déférence, à l’issue d’une évaluation préliminaire, que cette preuve n’est pas pertinente parce qu’elle concerne des activités et des événements postérieurs à la date pertinente, à savoir la date de premier emploi; elle ne peut être prise en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Brochures et circulaires (para 28‑36) : M. Vaccaro affirme que la demanderesse crée, publie et distribue diverses brochures, catalogues et circulaires tout au long de l’année, lesquels font la promotion de la marque GOLD en liaison avec ses produits – durant les périodes de la St‑Valentin, du printemps et de Noël. D’après mon évaluation préliminaire, il s’agit essentiellement des mêmes renseignements que ceux ayant été présentés précédemment dans l’affidavit Vaccaro 2015. Par conséquent, je conclus que ces éléments de preuve ne sont pas pertinents, car ils ne font que reprendre la preuve présentée devant le tribunal d’instance inférieure et la complètent de façon mineure, allant ainsi à l’encontre des décisions Seara, au para 24, Vivat, au para 27, Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19. De plus, tous ces éléments de preuve se rapportent à des faits postérieurs à la date pertinente et ne peuvent être pris en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1) de la Loi.

  • Annonces dans des magazines (para 37‑41) : M. Vaccaro affirme que la demanderesse fait la promotion depuis 2012 de la marque GOLD en liaison avec ses produits dans des publicités qui paraissent dans des magazines imprimés et en ligne. Il donne des précisions concernant le nombre de personnes qui lisent en moyenne les différents magazines de bijouterie et la démographie et fournit des échantillons d’annonces et de factures. Encore une fois, cette preuve se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente, à savoir la date de premier emploi visée au paragraphe 16(1). Par conséquent, elle ne sera pas prise en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Site Web (para 42‑44) : M. Vaccaro déclare que, depuis janvier 2012 au moins, la demanderesse fait la promotion des marques GOLD en liaison avec ses produits sur son site Web et utilise depuis 2018 un portail interentreprises pour faire la promotion de ses produits auprès des détaillants. Encore une fois, j’estime à l’issue d’une évaluation préliminaire que toutes ces activités se rapportent à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi et qu’elles ne peuvent être prises en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Commandites (para 45‑47) : M. Vaccaro affirme que depuis 2014, la demanderesse commandite le Jewellers’ Golf Tournament [tournoi de golf des joailliers] et le Jewellers’ Ball [bal des joailliers]. Elle offre également la bourse de la famille Giovanni Vaccaro depuis 2013. Encore une fois, toutes ces activités se rapportent à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi; elles ne constituent donc pas une nouvelle preuve pertinente et ne peuvent être prises en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Expositions et salons professionnels (para 48‑49) : M. Vaccaro affirme que la demanderesse a assisté à un certain nombre de salons professionnels et d’expositions de bijouterie au Canada, où elle a fait la promotion de ses produits; il fournit une liste des salons en question et affirme que la marque GOLD fait l’objet d’une promotion depuis janvier 2012. Cependant, cet élément et d’autres connexes fournis par M. Vaccaro se rapportent à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi de la marque GOLD et ne constituent donc pas une nouvelle preuve pertinente; ils ne peuvent donc pas être pris en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Dépenses de promotion (para 50) : M. Vaccaro affirme que la demanderesse dépense bien au‑delà de 200 000 $ par année pour la promotion et l’annonce de la marque GOLD en liaison avec ses produits. Cependant, encore une fois, toute cette preuve se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi et ne peut être prise en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

  • Cas de confusion (para 51‑52) : M. Vaccaro affirme que toute question concernant la confusion créée par la marque GOLD lui serait ultimement adressée puisqu’il est le président de la demanderesse. Il affirme essentiellement que comme il n’a connaissance d’aucun cas de confusion dans l’esprit d’un client ou d’un détaillant, il n’existe aucune preuve de confusion. À mon avis, cette preuve se rapporte encore une fois à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi et ne peut être prise en compte au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1).

(2) Affidavit Singh déposé par la demanderesse

[46] L’affidavit Singh fournit des éléments de preuve recueillis le 10 avril 2019 en Ontario par la stagiaire en droit du cabinet d’avocats qui représente la demanderesse et porte sur des publicités affichées à des points de vente dans des espaces boutiques. Cependant, ces renseignements ont été recueillis bien après la date pertinente pour un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1), à savoir la date de premier emploi de la marque GOLD, le 1er janvier 2012. Ainsi, après évaluation préliminaire, je conclus que cette preuve présentée comme nouvelle n’est pas pertinente parce qu’elle se rapporte à des faits postérieurs à la date pertinente de dépôt de la demande, et qu’elle n’est donc pas pertinente au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1). Je note également que la demanderesse ne s’est pas référée à cette preuve dans ses observations écrites ou orales.

(3) Affidavit Soare 2019 déposé par la défenderesse

[47] La demanderesse a invoqué des parties de l’affidavit Soare 2019 dans son mémoire ainsi que dans sa plaidoirie :

  1. Origine des bijoux en or : Dans ses observations écrites et orales, la demanderesse s’appuie sur la partie de l’affidavit Soare 2019 et le contre‑interrogatoire y afférent où la souscriptrice de l’affidavit explique que la marque CORONA garantit aux clients que tout l’or a été extrait et raffiné au Canada. La demanderesse fait valoir que la défenderesse reconnaît que les mots de la marque CORONA indiquent à leurs clients que l’origine canadienne de l’or est certifiée. À mon avis, et à la suite d’une évaluation préliminaire, cette preuve n’est pas pertinente pour plusieurs raisons. Premièrement, cette information figure déjà au dossier puisqu’elle avait été incluse dans l’affidavit Soare 2014; elle est donc répétitive et incompatible avec les principes énoncés dans Seara, au para 24, Vivat, au para 27, Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19. Elle complète de manière mineure ce qui figurait déjà au dossier, ce qui est contraire aux principes énoncés dans Seara, au para 24. De plus, la différence dans la preuve n’est ni suffisamment importante ni suffisamment probante pour pouvoir avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la COMC au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1).

  2. Détaillants : Dans ses observations écrites, la demanderesse s’appuie sur une déclaration faite par Mme Soare lors de son contre‑interrogatoire, lorsqu’elle a convenu que les détaillants de la défenderesse connaissaient très bien ses marques de commerce, et que les consommateurs finaux pouvaient en savoir encore plus que ses détaillants. Voici la partie du contre‑interrogatoire en cause :

[traduction]
29. Q. Donc je déduis que les clients détaillants avec qui vous avez l’habitude de faire affaire, j’en déduis qu’il s’agit de bijoutiers expérimentés?

R. Je dirais oui et non.

30. Q. D’accord.

R. Certains d’entre eux viennent probablement tout juste d’ouvrir leur entreprise. D’autres sont assurément dans le domaine depuis, je ne sais pas, plusieurs années, mais il arrive que leurs enfants prennent la relève et il est possible qu’ils ne soient pas aussi expérimentés.

31. Q. D’accord. Et conviendriez‑vous avec moi quand même que les détaillants avec qui vous faites affaire ont plus d’expérience qu’un consommateur ou qu’un membre du public?

R. Je dirais dernièrement en fait, vous savez les consommateurs sont très – vous savez, ça a changé. Au fond, le consommateur a changé, avec Internet et tout ça, vous savez. Parfois ils en savent davantage que le détaillant juste, parce qu’ils font des recherches et [voient] comment les diamants sont extraits et comment ils sont coupés et des choses de ce genre. Donc je ne peux pas être d’accord avec vous à 100 %.

32. Q. D’accord. Donc le consommateur final à votre avis en sait parfois autant que certains bijoutiers.

R. Dans certains cas c’est possible.

[…]

302. Q. Bien. J’en déduis compte tenu évidemment du volume des ventes, etc., que les clients détaillants connaissent très bien vos produits et les marques de commerce qu’ils arborent?

A. Je dirais que oui.

[48] La demanderesse affirme que la défenderesse avance le même point de vue qu’elle avait fait valoir dans Gemme Canadienne PA Inc. c 844903 Ontario Ltd., 2007 CanLII 81543 (COMC) [Gemme], à savoir que les détaillants et les consommateurs finaux prennent des décisions mûrement réfléchies, ce qui réduit le risque de confusion même à la première impression. Cependant, la COMC a examiné cet argument dans sa décision :

[56] La Requérante soutient toutefois qu’elle et l’Opposante exercent toutes deux leurs activités dans le domaine de la bijouterie et vendent des produits que les clients achètent après avoir longuement réfléchi et avoir porté une grande attention aux détails. Par conséquent, soutient la Requérante, les clients qui achètent des produits de la Requérante sont susceptibles de porter une attention particulière à ce qu’ils achètent et sont moins susceptibles de croire à tort que ces produits sont fabriqués, vendus ou autrement liés à l’Opposante. De plus, la Requérante invoque la décision Gemme Canadienne PA Incorporated c 844903 Ontario Limited (Corona Jewellery Company), 2007 CanLII 81543, affaire dans laquelle il a été conclu que, malgré le fait que la Requérante et l’Opposante exerçaient toutes deux leurs activités dans le domaine de la bijouterie, il n’y avait pas de probabilité de confusion entre les marques des parties, et l’opposition avait été rejetée.

[57] L’Opposante n’est pas de cet avis et soutient que les diamants et les bijoux peuvent susciter des émotions et entraîner des achats impulsifs et que les consommateurs ne prêtent pas tous la même attention aux détails. L’Opposante cite l’affaire Masterpiece pour affirmer que, indépendamment du prix des produits, la confusion est néanmoins une question de première impression.

[49] Même si les produits des parties sont onéreux, le juge Rothstein confirme dans l’arrêt Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece], au para 67, que le critère demeure celui de la première impression, même si les consommateurs intéressés par des biens onéreux sont moins susceptibles d’être confondus. J’estime en toute déférence que la réponse fournie par Mme Soare concernant la connaissance des consommateurs est dans une certaine mesure conjecturale, et qu’elle ne révèle rien de notable sur les détaillants qui achètent chez la défenderesse. Du point de vue du consommateur, c’est une observation d’importance marginale. À mon avis, cette observation n’est ni suffisamment importante ni d’une valeur probante suffisante pour pouvoir avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

(4) Résumé de l’analyse et conclusion concernant la preuve présentée comme nouvelle et pertinente

[50] En résumé, je ne suis pas convaincu que la preuve présentée comme nouvelle qui a été déposée ou invoquée par la demanderesse est suffisamment importante ou probante (Clorox, au para 21; Vivat, au para 27; Seara, au para 24) pour considérer qu’elle aurait pu avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la COMC en ce qui touche l’appel de la demanderesse. Dans la plupart des cas, la preuve présentée comme nouvelle n’est pas pertinente parce qu’elle se rapporte à des faits postérieurs, et dans plusieurs cas bien ultérieurs à la date pertinente visée au paragraphe 16(1), soit la date de premier emploi, le 1er janvier 2012. Elle n’est donc pas pertinente selon les principes énoncés dans Hawke, au para 31, Kabushiki, au para 19, ou le paragraphe 16(1) lui‑même. De plus, comme nous l’avons vu, d’autres aspects de la preuve présentée comme nouvelle sont incompatibles avec la jurisprudence de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale, car elle est répétitive ou elle ne fait que compléter ou confirmer des éléments antérieurs (Seara, au para 24; Vivat, au para 27; Hawke, au para 31; Kabushiki, au para 19).

[51] Pour parvenir à cette conclusion, je me suis appuyé sur la jurisprudence établie de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale. À cet égard, la question sur laquelle la Cour doit se pencher dans le cadre de son analyse préliminaire de cette preuve présentée comme nouvelle et pertinente est la suivante : « [C]ette preuve supplémentaire aurait‑elle pu, en vertu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la COMC? » (Seara, au para 25). Au terme de l’évaluation préliminaire, je ne suis pas convaincu (le fardeau de me convaincre incombant à la demanderesse) que la preuve additionnelle présentée comme nouvelle appelle une réponse affirmative. J’estime en toute déférence que les éléments de preuve que j’ai rejetés n’auraient pas pu avoir une incidence sur les conclusions de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la COMC (Seara, au para 23).

IV. Analyse de la décision de la COMC selon la norme d’appel de l’erreur manifeste et dominante établie dans l’arrêt Housen

A. Généralités

[52] Comme nous l’avons vu, la Cour suprême du Canada établit dans l’arrêt Housen deux voies de contrôle en appel : l’une pour les questions de droit, y compris celles soulevant un principe juridique facilement isolable, à savoir la norme de contrôle de la décision correcte, et l’autre, réservée aux questions de fait et de fait et de droit, à l’exclusion de celles qui soulèvent un principe juridique facilement isolable, à savoir la norme de contrôle d’appel de l’erreur manifeste et dominante, énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen et confirmée dans l’arrêt Vavilov, au para 37 :

[37] Il convient donc de reconnaître que, lorsque le législateur prévoit un appel à l’encontre d’une décision administrative devant une cour de justice, la cour saisie de l’appel doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision. Ainsi, la norme de contrôle applicable doit être déterminée eu égard à la nature de la question et à la jurisprudence de notre Cour en la matière. Par exemple, lorsqu’une cour de justice entend l’appel d’une décision administrative, elle se prononcera sur des questions de droit, touchant notamment à l’interprétation législative et à la portée de la compétence du décideur, selon la norme de la décision correcte conformément à l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8. Si l’appel prévu par la loi porte notamment sur des questions de fait, la norme de contrôle sera celle de l’erreur manifeste et déterminante (applicable également à l’égard des questions mixtes de fait et de droit en l’absence d’un principe juridique facilement isolable) : voir Housen, par. 10, 19 et 26‑37. Évidemment, si le législateur entend prévoir l’application en appel d’une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d’exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable.

[Non souligné dans l’original.]

[53] En l’espèce, la défenderesse soutient que la demanderesse n’a soulevé aucune question de droit, ce que la demanderesse n’a pas contesté dans ses déclarations orales ou écrites. Par conséquent, la Cour présume qu’elle contrôlera la décision de la COMC selon la norme d’appel de l’erreur manifeste et dominante, conformément à l’arrêt Housen, à moins qu’elle ne soit convaincue que la norme d’appel de la décision correcte est requise, par exemple, à l’égard de questions de droit.

[54] Avant d’effectuer ce contrôle en appel, j’examinerai des questions préliminaires.

B. Qu’est-ce qu’une erreur manifeste et dominante?

[55] Pour que la demanderesse ait gain de cause en appel aux termes du paragraphe 16(1), la Cour doit relever au moins une erreur manifeste et dominante dans la décision de la COMC. Le juge Stratas explique cette norme dans l’arrêt Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [Mahjoub] :

[61] La norme de l’erreur manifeste et dominante est une norme de contrôle qui commande une grande déférence : arrêts Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, au paragraphe 38, et H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier. Voir l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, 431 N.R. 286, au paragraphe 46, cité avec l’approbation de la Cour suprême dans l’arrêt St-Germain, précité.

[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la doctrine de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[63] Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.

[64] Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

[65] Il peut également y avoir des situations où une erreur manifeste en soi n’est pas dominante, mais lorsqu’on la prend en considération avec d’autres erreurs manifestes, la décision ne peut plus être maintenue. Pour ainsi dire, l’arbre est tombé non pas après un seul coup de hache déterminant, mais après plusieurs bons coups.

[Non souligné dans l’original.]

C. Analyse au titre du paragraphe 16(1)

[56] La COMC a mené son analyse de la confusion au regard de l’alinéa 12(1)d). Elle a également expressément déclaré au paragraphe 81 de sa décision que ses conclusions « s’appliqu[aient] […] également » à son analyse relative à l’alinéa 16(1)a). Par conséquent, et comme je l’ai déjà indiqué, j’examinerai la question de la confusion à l’aune du motif d’appel de la demanderesse fondé sur le paragraphe 16(1). La décision de la COMC comporte des motifs supplémentaires à l’égard de cette disposition, et je les examinerai également. Je note à ce sujet que si l’appel de la demanderesse fondé sur le paragraphe 16(1) est rejeté, il ne sera pas nécessaire d’examiner les observations supplémentaires qu’elle a soumises au titre de l’article 2 et de l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

D. Pertinence et examen de la ou des décisions de l’examinateur dans le présent appel

[57] La demanderesse demande à la Cour d’examiner la décision rendue par l’examinateur sur la question de savoir si les demandes de marque de commerce projetées devaient être publiées. Elle allègue que l’examinateur a autorisé la publication de la marque, ce qui signifie qu’il n’a relevé aucune confusion; toujours selon elle, cette décision devrait être considérée comme une preuve qui contredit la décision de la COMC.

[58] J’ai examiné le dossier de la présente affaire. En fait, le DCT montre que l’examinateur a initialement rejeté la demande d’annonce de la marque GOLD en raison de la confusion avec entre autres la marque CORONA [DCT, p 128]. Cependant, la demanderesse a fourni d’autres observations à l’examinateur à la suite desquelles il a autorisé l’annonce [DCT, p 114 à 124]. Même si je conviens que l’examinateur a accepté d’autoriser l’annonce, il avait initialement décidé de la refuser. Il a en fait rendu deux décisions différentes. Je conviens que la seconde, qui autorise l’annonce, est différente de la décision initiale de la COMC de refuser l’enregistrement. Cependant, la décision initiale de l’examinateur concorde avec la décision portée en appel.

[59] J’estime en toute déférence que l’une et l’autre décision de l’examinateur devraient se voir accorder peu ou pas de poids, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, ce que l’examinateur a fait entre son refus initial et son autorisation subséquente de l’annonce s’est produit ex parte, c’est‑à‑dire à l’insu de la défenderesse ou sans que son avis n’ait été sollicité. Deuxièmement, l’examinateur a procédé au réexamen sans consulter la preuve qui a ensuite été déposée devant la COMC, qui disposait d’une quantité bien plus importante de renseignements sur lesquels fonder sa décision.

[60] Je conclus ainsi que la décision de la COMC est sensiblement plus éclairée, et donc plus fiable, et que les décisions de l’examinateur rendues dans un sens ou dans l’autre ne peuvent donc pas être considérées comme déterminantes; elles sont plutôt devenues caduques dès qu’elles ont été remplacées par le processus de la COMC.

[61] La demanderesse a invoqué l’arrêt Masterpiece pour faire valoir qu’une décision de l’examinateur devrait être prise en compte en l’espèce. Je suis en désaccord pour plusieurs raisons. Premièrement, les faits de cet arrêt sont assez différents de ceux dont il est question en l’espèce. Dans l’affaire Masterpiece, l’examinateur avait refusé d’envoyer la marque en vue de sa publication et rejeté la demande, mais il avait justifié sa décision par des motifs écrits. Aucune audience ne s’était déroulée devant la COMC. Dans l’affaire dont je suis saisi, l’examinateur a refusé d’autoriser la publication, mais a changé d’avis après avoir examiné les observations de la demanderesse. Après la publication, tout le processus de la COMC a été enclenché, ce qui a abouti à la décision, portée en appel, de ne pas autoriser l’enregistrement.

[62] Je note aussi que la Cour d’appel fédérale a examiné la pertinence d’une décision de l’examinateur dans l’arrêt Saint Honore Cake Shop Limited c Cheung’s Bakery Products Ltd., 2015 CAF 12 [le juge d’appel Boivin]. Il s’agissait également d’un appel d’une décision de la COMC. La Cour d’appel fédérale a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la décision de l’examinateur, car (comme en l’espèce) une distinction pouvait être établie entre les faits de cette affaire et ceux de l’arrêt Masterpiece, que la décision de l’examinateur n’était en aucun cas déterminante, qu’un tel argument ne tenait pas et qu’une distinction pouvait être établie :

39 Enfin, l’appelante soutient devant notre Cour que le juge n’a pas [TRADUCTION] « tenu compte de la décision rendue par le registraire à l’étape de l’examen » en lui permettant de publier ses marques de commerce aux fins d’opposition. Cette omission, selon elle, est contraire à ce qu’a conclu la Cour suprême du Canada au paragraphe 112 de l’arrêt Masterpiece, à savoir que la décision rendue à l’issue de l’examen aurait dû être prise en compte par le juge lors de son analyse relative à la confusion puisqu’il s’agissait d’une circonstance de l’espèce pertinente.

40 L’argument de l’appelante ne tient pas et une distinction peut être établie étant donné que l’affaire Masterpiece concernait la radiation d’une marque et que la seule décision du registraire était celle de l’examinateur. En l’espèce, l’affaire a donné lieu à une instance complète devant la Commission des oppositions. Dans Masterpiece, l’examinateur avait conclu à l’existence de confusion et avait donc refusé d’enregistrer les marques de Masterpiece Inc., alors qu’en l’espèce, l’examinatrice n’a pas abordé la question de la confusion et sa décision n’était aucunement déterminante (dossier d’appel, volume 3A, à la page 1482).

[Non souligné dans l’original.]

[63] Par conséquent, je conviens avec la défenderesse que je n’ai pas à tenir compte des décisions de l’examinateur. J’ajouterais que cette question n’a pas été soulevée dans l’avis de demande ni dans le mémoire des faits et du droit de la demanderesse et qu’elle n’a été soulevée que lors de sa plaidoirie.

E. Analyse au titre du paragraphe 6(5), partie 1

[64] Avant d’examiner les circonstances additionnelles, la COMC a évalué la confusion au regard de chacun des facteurs énoncés au paragraphe 6(5). Je ferai de même : il s’agira de chercher à savoir et de décider si la COMC a commis une ou des erreurs manifestes et dominantes au titre des facteurs prévus au paragraphe 6(5). Comme aucune preuve additionnelle n’a été admise, la norme de contrôle n’est pas celle de la décision correcte, mais, suivant la présomption, celle de l’erreur manifeste et dominante (Clorox, au para 21). La Cour prendra alors de la distance et décidera si la décision, dans son ensemble, est entachée d’une erreur manifeste et dominante qui touche directement à l’issue de l’affaire et doit, le cas échéant, être infirmée (Clorox, au para 38).

[65] Avant d’examiner l’analyse relative à la confusion, la demanderesse signale plusieurs désaccords quant à la décision de la COMC, comme nous le verrons plus loin. J’estime en toute déférence qu’elle tente de remettre en litige l’affaire et d’amener notre Cour à apprécier de nouveau la preuve à l’égard des questions sur lesquelles elle n’a pas eu gain de cause devant le tribunal d’instance inférieure. Il vaut la peine de répéter que la Cour contrôle la décision selon la norme de l’erreur manifeste et dominante et je dirais respectueusement que c’est une « tâche difficile », comme l’a confirmé la Cour d’appel dans l’arrêt Clorox :

[38] L’appelante demande à présent à notre Cour de réévaluer la preuve et de parvenir à une conclusion différente de celle à laquelle la Commission et la Cour fédérale sont parvenues. Il s’agit d’une tâche difficile, car, en ce qui a trait aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit, la norme de contrôle est celle de l’erreur manifeste et dominante. En d’autres termes, l’appelante doit convaincre notre Cour que la Cour fédérale a commis une erreur évidente qui touche directement à l’issue de l’affaire : Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46, 431 N.R. 286. Il s’agit d’une norme de contrôle appelant un degré plus élevé de retenue que la norme de la décision raisonnable appliquée par la Cour fédérale.

[Non souligné dans l’original.]

[66] Cette mise en garde vaut également pour le présent appel de la décision de la COMC interjeté à la Cour fédérale aux termes de l’article 56. Je souligne que la demanderesse ne peut pas se contenter, dans le cadre d’un appel fondée sur l’article 56, de remettre l’affaire en litige en invoquant la prépondérance des probabilités comme elle l’a fait devant le tribunal d’instance inférieure. Elle doit convaincre notre Cour que la COMC a commis une erreur manifeste qui touche directement à l’issue de l’affaire, c’est‑à‑dire prouver que la COMC a commis une erreur manifeste et dominante qui entraîne la chute de l’arbre, pour reprendre la métaphore de l’arrêt Mahjoub, au para 61.

(1) Degré de ressemblance visé à l’alinéa 6(5)e)

[67] Dans l’arrêt Masterpiece, la Cour suprême du Canada affirme que le degré de ressemblance est souvent le facteur législatif susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion au titre du paragraphe 6(5), et qu’il devrait en être le point de départ :

[49] En analysant la question de savoir si les marques de commerce en cause créaient de la confusion, le juge a appliqué dans l’ordre les facteurs énoncés au par. 6(5) de la Loi avant d’examiner si ces marques se ressemblaient. Bien que l’adoption d’une telle démarche ne constitue pas une erreur de droit, il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) (K. Gill et R. S. Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (4e éd. (feuilles mobiles)), p. 8-54; R. T. Hughes et T. P. Ashton, Hughes on Trade Marks (2e éd. (feuilles mobiles)), § 74, p. 939). Comme le souligne le professeur Vaver, si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires (Vaver, p. 532). En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion (ibid.).

[Non souligné dans l’original.]

[68] L’analyse 6(5)e) requiert une analyse sur le degré de ressemblance :

Éléments d’appréciation

What to be considered

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

[…]

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[69] Dans l’avis de demande, la demanderesse a soulevé les motifs d’appel suivants en ce qui touche la ressemblance :

[TRADUCTION]
12f) elle a conclu que les marques de commerce des parties présentaient un degré élevé de ressemblance visuelle;

12g) elle a conclu que l’inclusion de dessins de feuille d’érable, quoique très différents, dans les marques des parties contribuait au degré de ressemblance;

12h) elle a omis de prendre en compte l’inclusion du mot TRULY et la stylisation et mise en relief différentes de la Marque GOLD dans l’examen du degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties en cause;

[70] Après réflexion, je ne suis pas convaincu que la COMC a commis les erreurs alléguées par la demanderesse dans les motifs 12f), 12g) ou 12h) que je viens de reproduire. La COMC a appliqué le bon cadre juridique, a examiné les arguments des parties et est parvenue à une conclusion éclairée sur la question de la ressemblance. La COMC a décidé que la question de la ressemblance était favorable à la défenderesse, estimant que « si l’on considère les marques dans leur ensemble, celles‑ci se ressemblent beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées » :

[60] S’agissant du degré de ressemblance, dans l’arrêt Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada indique que la ressemblance est définie en tant que rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques (para 62) et que, pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander si l’un des aspects d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique (para 64). De plus, s’il est généralement admis que le premier élément d’une marque est souvent le plus important pour distinguer des marques entre elles, l’importance de ce facteur diminue lorsque le premier élément est suggestif ou descriptif [Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst); Sky Solar Holdings Co, Ltd c Skypower Global, 2104 COMC 262 (CanLII), aux para 48 à 50; Health4All Products Limited c The Nutraceutical Medicine Company Inc, 2012 COMC 194 (CanLII), aux para 61 et 62; International Business Machines Corporation c Loris Technologies Inc, 2013 COMC 136 (CanLII), au para 70; Reno-Dépôt c Homer TLC Inc (2009), 2010 COMC 11 (CanLII), au para 58]. Il est également bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit d’apprécier la probabilité de confusion, il faut éviter de décomposer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs; les marques doivent plutôt être considérées dans leur ensemble [United States Polo Assn c Polo Ralph Lauren Corp (2000), 2000 CanLII 16099 (CAF) 9 CPR (4th) 51 (CAF) au para 18].

[61] L’Opposante soutient que la Marque comprend la formulation de sa marque de commerce CANADIAN CERTIFIED GOLD & Dessin dans son intégralité et qu’elle comprend également un dessin de feuille d’érable.

[62] L’Opposante soutient que les mots « TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié véritablement canadien], en raison de leur position et de leur taille dans la Marque, représentent un élément dominant et font partie intégrante de la Marque. L’Opposante soutient que, bien que la demande d’enregistrement relative à la Marque renonce au droit à l’usage exclusif des mots « TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié véritablement canadien], la renonciation n’a aucune incidence aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion; même si un mot ou un élément fait l’objet d’une renonciation pour une marque, si l’élément qui fait l’objet de la renonciation est un élément dominant et fait partie intégrante de la marque, la renonciation n’a aucune incidence aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion [citant Standard Coil Products (Canada) Ltd c Standard Radio Corp (1971) CF 106].

[63] La Requérante soutient que sa Marque ne ressemble à aucune des Marques CORONA de l’Opposante. Plus précisément, la Requérante souligne que l’élément graphique de la Marque représentant une feuille et celui de la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante sont complètement différents, du fait que le dessin de feuille de la Requérante comprend une insertion ovale avec un dessin triangulaire et que la forme globale des marques est différente.

[64] En l’espèce, j’estime qu’aucun des éléments constitutifs des marques des parties n’est particulièrement frappant ou unique en soi; cependant, si l’on considère les marques dans leur ensemble, celles-ci se ressemblent beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées. Les marques des deux parties comprennent un dessin de feuille d’érable et la Requérante a intégré la formulation de la marque de l’Opposante dans son intégralité et a simplement ajouté un adverbe soulignant le sentiment véritable projeté sur le reste de la marque.

[65] Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise également l’Opposante.

[Non souligné dans l’original.]

[71] En toute déférence, je suis d’avis que la COMC a agi dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire et en s’appuyant sur le dossier dont elle disposait lorsqu’elle a conclu que « si l’on considère les marques dans leur ensemble, celles‑ci se ressemblent beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées ». Cela renvoie essentiellement au motif 12f) de l’avis de demande (la décision n’emploie pas l’expression [traduction] « degré élevé de ressemblance visuelle »). J’estime en toute déférence que la détermination du degré de ressemblance entre deux marques en général, et entre ces deux marques composées en particulier, suppose une décision extrêmement subjective. Cette conclusion n’est entachée ni d’un illogisme ni d’un mépris de la preuve suivant l’arrêt Mahjoub, au para 62. Je ne suis pas convaincu que la COMC a commis à cet égard une erreur manifeste et dominante.

[72] La COMC a jugé qu’aucun des éléments constitutifs des marques des parties n’était « particulièrement frappant ou unique en soi ». Cependant, lorsqu’elle a considéré les marques dans leur ensemble, elle a conclu qu’elles « se ressembl[aient] beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées », et noté qu’elles comprenaient toutes deux un dessin de feuille d’érable. La COMC a conclu que la demanderesse a intégré tous les mots de la marque CORONA en y ajoutant simplement un adverbe pour souligner le sentiment d’authenticité projeté sur le reste de la marque GOLD.

[73] La demanderesse ne souscrit pas à cette conclusion, et a fait remarquer que même si les deux marques comportent l’expression CANADIAN CERTIFIED GOLD [or certifié canadien], leur apparence est très différente. Les mots de la marque CORONA sont écrits en caractères ordinaires l’un en dessous de l’autre, le tout sous une feuille d’érable à dix pointes. La marque GOLD comporte en plus le mot TRULY [véritablement] et les termes sont mis en relief au moyen de polices de tailles différentes et du recours à une écriture stylisée, ce qui permet de distinguer les deux parties de la phrase, et montre une feuille d’érable comptant neuf pointes.

[74] Il ressort des paragraphes 63 et 64 des motifs de la COMC que nous venons de citer que cette dernière a examiné les arguments de la demanderesse à ce sujet. Elle n’y a toutefois pas souscrit et a jugé que les deux marques « se ressembl[aient] beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées ». Il lui était loisible de tirer cette conclusion. Je ne relève ni illogisme ni défaut d’adhérer à la preuve sur ce point, et cet aspect de la décision n’est pas non plus entaché d’une erreur manifeste et dominante.

[75] La défenderesse fait valoir que la demanderesse use d’une méthode incorrecte dans ses observations lorsqu’elle met les marques côte à côte en en décortiquant les éléments constitutifs. Je conviens que cette méthode n’est pas correcte; la COMC doit considérer les deux marques dans leur intégralité suivant les arrêts Masterpiece, au para 76, et Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée., 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot], au para 20, et j’estime que c’est ce qu’elle a fait. À mon avis, la COMC a examiné les marques dans leur intégralité et, ce faisant, a simplement traité d’un certain nombre de questions sur lesquelles les parties étaient en désaccord.

[76] Il était loisible à la COMC de conclure qu’aucun dessin des marques concurrentes n’était particulièrement frappant ou unique en soi. Cette conclusion répond à l’argument qu’avance la demanderesse au motif 12g), selon lequel les deux dessins de feuille d’érable étaient [traduction] « très différents »; la COMC est parvenue à une conclusion contraire et je ne suis pas convaincu qu’elle a fait preuve d’illogisme ou qu’elle a omis de tenir compte de la preuve à cet égard.

[77] Au motif 12h) de son avis de demande, la demanderesse fait valoir que l’ajout du mot TRULY et les différences de styles du dessin devraient permettre d’établir une distinction entre sa marque et celle de la défenderesse. La COMC a examiné ces observations et les a rejetées. La difficulté pour la demanderesse tient à ce que les termes ne sont pas seulement sensiblement les mêmes; ils sont identiques à l’exception du mot « TRULY » ajouté par la demanderesse. Comme l’a jugé la COMC, cela ne fait qu’accentuer l’impression associée au reste de la marque. La COMC a conclu :

[64] En l’espèce, j’estime qu’aucun des éléments constitutifs des marques des parties n’est particulièrement frappant ou unique en soi; cependant, si l’on considère les marques dans leur ensemble, celles-ci se ressemblent beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées. Les marques des deux parties comprennent un dessin de feuille d’érable et la Requérante a intégré la formulation de la marque de l’Opposante dans son intégralité et a simplement ajouté un adverbe soulignant le sentiment véritable projeté sur le reste de la marque.

[Non souligné dans l’original.]

[78] Je ne suis pas convaincu qu’un raisonnement illogique a été tenu ou qu’on a omis de tenir compte des éléments de preuve à cet égard, pas plus que je ne relève d’erreur manifeste et dominante dans la conclusion tirée à ce sujet.

[79] La demanderesse soutient que les éléments nominaux de la marque décrivent les produits et que tous les commerçants de l’industrie devraient pouvoir les utiliser. Elle ajoute que la défenderesse ne peut bénéficier d’un monopole sur les mots au point d’empêcher tous les autres marchands de bijoux de les utiliser. Cet argument est infondé. Premièrement, toutes les marques de commerce confèrent un monopole limité à leurs titulaires; c’est là leur vocation, que ce soit en vertu de la common law ou d’un enregistrement sous le régime de la Loi. De plus, le litige en l’espèce ne concerne pas un mot servant de marque, mais deux marques composées, c’est‑à‑dire constituées de mots associés à des dessins; c’est l’ensemble de la marque composée, ou la marque dans son intégralité, qui est protégée par l’enregistrement.

[80] La demanderesse déclare que la feuille d’érable à onze pointes (personnellement, je n’en vois que dix) de la défenderesse est couramment associée à l’or et aux bijoux, si bien que le consommateur moyen s’appuiera sur de petites différences entre les marques pour les distinguer compte tenu de la nature descriptive des éléments nominaux de la marque CORONA. Par conséquent, d’affirmer la demanderesse, la marque GOLD devrait se voir accorder une protection très limitée.

[81] En toute déférence, je suis d’avis que cet argument a été examiné et rejeté par la COMC : « Comme j’y ai fait allusion précédemment, le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la Marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante, et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques ». Cette analyse n’est entachée ni d’un illogisme ni d’un mépris de la preuve. Je ne suis pas convaincu qu’une erreur manifeste et dominante a été commise à cet égard.

[82] La COMC a conclu que les deux marques « se ressemblent beaucoup dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées ». J’estime en toute déférence qu’elle n’a pas non plus commis d’erreur manifeste et dominante lorsqu’elle a examiné la question de la ressemblance. La Commission a abordé cette question en adoptant le bon cadre juridique. Il lui était loisible de tirer les conclusions auxquelles elle est parvenue compte tenu du dossier, et en particulier de la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante. Les deux marques sont composées d’un dessin de feuille et des mots CANADIAN CERTIFIED GOLD. Il était certainement loisible à la COMC de conclure que la stylisation des éléments nominaux et les polices de caractère utilisées n’affecteraient pas la mémoire du consommateur moyen qui ne se souviendrait pas de petites différences, mais plutôt du message CANADIAN CERTIFIED GOLD. À mon avis, ces conclusions ne démontrent ni illogisme ni ignorance de la preuve. Aucune erreur manifeste et dominante n’a été commise à cet égard.

[83] En résumé, les motifs de la COMC ayant trait à la ressemblance ne contiennent aucune erreur manifeste et dominante.

(2) Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, visés à l’alinéa 6(5)a)

[84] L’alinéa 6(5)a) prévoit :

Éléments d’appréciation

What to be considered

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[85] Dans son avis de demande, la demanderesse fait valoir que la COMC a commis les erreurs suivantes :

[TRADUCTION]

12a) elle a conclu que les mots TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD contenus dans la marque de BHJ « avaient un faible caractère distinctif inhérent »;

12b) elle a déduit qu’une partie substantielle des chiffres de vente fournis dans la preuve de Corona se rapportait aux bijoux et à l’or associés à la Marque Corona alors que Corona évoque dans sa déclaration d’opposition l’utilisation de quatre autres marques de commerce et qu’elle n’a fourni aucune ventilation des chiffres de vente associés aux différentes marques de commerce qu’elle invoque dans sa preuve par affidavit;

[86] La COMC a donné raison à la défenderesse à l’égard de l’alinéa 6(5)a), concluant que les deux marques concurrentes présentaient un « certain » caractère distinctif inhérent. Elle a cependant conclu dans son analyse que la marque CORONA avait acquis un plus grand caractère distinctif en raison d’une période d’utilisation plus longue, de ventes considérables et d’une promotion importante.

[87] Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que le caractère distinctif exige d’examiner à la fois le caractère distinctif inhérent de la marque et la mesure dans laquelle celle‑ci a acquis un caractère distinctif grâce à son utilisation sur le marché : United Artists Corp. c Pink Panther Beauty Corp., [1998] ACF no 441 (CA) [le juge d’appel Linden] :

[23] Le premier élément énuméré au paragraphe 6(5) est la solidité ou le caractère bien établi de la marque. Cet élément se divise en deux : le caractère distinctif inhérent de la marque et le caractère distinctif qu’elle a acquis. Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’aiguille le consommateur vers une multitude de sources. La marque qui peut faire allusion à de nombreuses choses ou qui, comme je l’ai fait remarquer précédemment, se limite à décrire les marchandises ou leur origine géographique, jouira d’une protection moindre. Inversement, si la marque est un nom unique ou inventé, de sorte qu’elle ne peut faire référence qu’à une seule chose, la portée de sa protection sera plus grande.

[Non souligné dans l’original.]

[88] Je note aussi que dans l’arrêt Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 [Mattel], au para 75, la Cour suprême du Canada a déclaré que le caractère distinctif « est essentiel et constitue une exigence fondamentale », citant Western Clock Co. c Oris Watch Co., 1931 CanLII 372 (CF), [1931] Ex. C.R. 64 [le juge Audette], au para 67.

[89] S’agissant d’appliquer ces principes de droit aux faits de la présente affaire, la COMC s’est dite en désaccord avec la demanderesse et a donné gain de cause à la défenderesse en ce qui touche le caractère distinctif visé à l’alinéa 6(5)a) :

[41] L’examen global du facteur énoncé à l’article 6(5)a) exige de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques des parties.

[42] La Marque de la Requérante est constituée d’un dessin de feuille d’érable stylisée et des mots « TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié véritablement canadien]. D’autre part, la marque de l’Opposante est également constituée d’un dessin de feuille d’érable stylisée et des mots « CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié canadien].

[43] L’Opposante soutient que chacune des Marques CORONA possède un caractère distinctif inhérent en ce qui concerne les produits, à savoir des bijoux et de l’or. Plus précisément, en ce qui concerne sa marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin, l’Opposante soutient que cette marque comprend une combinaison unique de mots formulée d’une façon qui ne représente pas la façon normale de dire ces mots, ce qui donne à cette marque un certain caractère distinctif inhérent. D’autre part, en ce qui concerne la Marque de la Requérante, l’Opposante soutient que, dans l’ensemble, elle possède un caractère distinctif inhérent lié aux produits, mais que la partie nominale de la Marque en particulier est très suggestive des produits, à savoir des bijoux contenant de l’or canadien.

[44] La Requérante soutient que le dessin de feuille de la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante n’est qu’une feuille d’érable, ce qui est intrinsèquement faible, comme le démontre la preuve de l’état du registre produite par la voie de l’affidavit Anastacio. En ce qui concerne la partie nominale « CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié canadien], la Requérante soutient également qu’elle donne une description de l’or qui est certifié au Canada, le lieu d’origine des produits.

[45] En ce qui concerne sa propre Marque, la Requérante soutient que l’Opposante admet que la Marque possède un caractère distinctif. La Requérante soutient que la Marque contient un dessin distinctif de feuille d’érable qui ne comporte pas de tige comme l’une quelconque des Marques CORONA de l’Opposante, qui arborent un dessin de feuille d’érable, et que les mots « TRULY CANADIAN » [véritablement canadien] figurent en graphie cursive stylisée avec les mots « CERTIFIED GOLD » [or certifié] en caractères d’imprimerie, l’impact global étant assez distinctif.

[46] Bien que la représentation d’une feuille d’érable en soi ne possède pas de caractère distinctif inhérent [voir Maple Leaf Gardens, Limited c Barbarian Sportswear Mfg Ltd, 1994 CanLII 10101], j’admets que les éléments graphiques de feuille d’érable de la Marque et de la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante donnent un certain caractère distinctif inhérent aux marques des parties en raison de leurs dessins stylisés.

[47] En ce qui concerne les éléments nominaux des marques des parties, les mots « CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié canadien] et « TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié véritablement canadien] suggèrent fortement, s’ils n’en donnent pas une description claire, des bijoux et de l’or qui sont certifiés authentiques ou qui sont garantis quant à leur provenance du Canada. Ainsi, j’estime que les éléments nominaux augmentent peu le caractère distinctif inhérent des marques des parties.

[48] Néanmoins, une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l’emploi.

[49] L’Opposante soutient que, selon les pièces produites par la Requérante, la Marque ne semble pas avoir été employée avant la date de production de la demande du 12 septembre 2012. Cependant, je souligne qu’il existe une preuve de transaction datée du 4 septembre 2012 relativement à la vente de bijoux vendus sous la Marque (selon les factures jointes comme pièce B à l’affidavit Vaccaro). De plus, en ce qui concerne la promotion des produits en liaison avec la Marque, la preuve de publicité et de promotion produite fait référence aux brochures de Noël 2012 (pièce J de l’affidavit Vaccaro), dont 556 500 exemplaires ont été distribués au Canada. La preuve établit la publicité et la promotion continues des produits à partir de ce moment par la distribution de diverses brochures saisonnières partout au Canada, allant de 27 200 brochures distribuées pendant la saison du printemps 2014 à 506 201 brochures distribuées pendant la période de Noël 2013. Par conséquent, j’admets que la Marque était devenue connue partout au Canada dans une certaine mesure à la date pertinente. [Correction : La date pertinente de premier emploi visée à l’alinéa 12(1)d) est celle de la décision de la COMC, c’est-à-dire le 1er juillet 2017, cinq ans après la date de premier emploi].

[50] En revanche, l’Opposante soutient que les Marques CORONA étaient toutes largement employées depuis au moins aussi tôt que 2009 et sont devenues bien connues partout au Canada. À cet égard, l’Opposante soutient avoir distribué plus de 5 millions de brochures et de catalogues arborant une ou plusieurs des Marques CORONA chaque année partout au Canada à ses 200 détaillants et à leurs clients finaux. De plus, je suis disposée à inférer qu’une partie importante des chiffres de vente considérables attestés par Mme Soare se rapporte aux bijoux et à l’or vendus en liaison avec la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin, puisque la plus grande partie de la preuve de l’Opposante concernant l’emploi de ses Marques CORONA et leur promotion se rapporte précisément à la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin. Autrement dit, il s’agit de la marque qui figure systématiquement dans l’ensemble des brochures et des catalogues produits en preuve remontant à aussi tôt que mai 2008 (selon la pièce B de l’affidavit Soare, brochure/catalogue « Lasting Treasures » [trésors durables]). De plus, la preuve de l’Opposante établit également que cette marque est liée aux produits de l’Opposante vendus depuis 2008 (voir les pièces G, J et K de l’affidavit Soare).

[51] Compte tenu de la période d’emploi plus longue, des ventes considérables et d’une promotion plus importante sur une plus longue période de la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante, j’admets que la marque de l’Opposante est devenue connue au Canada, en liaison avec des bijoux et de l’or, dans une mesure beaucoup plus importante que la Marque. Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante.

[Non souligné dans l’original.]

[90] Dans cette analyse réfléchie, la COMC a conclu que le caractère distinctif inhérent favorisait également les deux parties. Selon la demanderesse, cette conclusion est erronée étant donné que son dessin de feuille d’érable est plus stylisé que celui de la défenderesse. Il ne s’agit pas d’une feuille d’érable à onze pointes : le dessin comporte des éléments graphiques additionnels et son caractère distinctif inhérent est plus important. J’estime en toute déférence que la COMC a évalué cet argument et n’a pas souscrit à l’opinion de la demanderesse, concluant que les marques des deux parties avaient le même caractère distinctif inhérent : les éléments graphiques « donnent un certain caractère distinctif inhérent aux marques des parties en raison de leurs dessins stylisés ».

[91] S’agissant des éléments nominaux des marques des parties, la COMC a jugé que les mots CANADIAN CERTIFIED GOLD et TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD « suggèrent fortement, s’ils n’en donnent pas une description claire, des bijoux et de l’or qui sont certifiés authentiques ou qui sont garantis quant à leur provenance du Canada. Ainsi, [elle] estime que les éléments nominaux augmentent peu le caractère distinctif inhérent des marques des parties ».

[92] Il était selon moi loisible à la COMC de tirer ces conclusions dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et de son jugement. À mon avis, l’évaluation du dessin ou des mots composant les deux marques de même que leur comparaison et leur évaluation globale ne révèlent ni illogisme ni ignorance de la preuve.

[93] Même si je comprends que la demanderesse ne souscrive pas à cette conclusion factuelle, je ne puis conclure que l’une ou l’autre conclusion ayant trait au caractère distinctif inhérent comporte une erreur manifeste et dominante. Cela règle la question du motif 12a) de l’avis de demande de la demanderesse.

[94] Cependant, en ce qui concerne le caractère distinctif acquis, la COMC a donné raison à la défenderesse en concluant que la marque CORONA avait acquis un plus grand caractère distinctif que la marque GOLD compte tenu « de la période d’emploi plus longue, des ventes considérables et d’une promotion plus importante sur une plus longue période ». La demanderesse soutient qu’elle dispose d’éléments de preuve solides démontrant l’usage et la notoriété de sa marque GOLD, et ne croit pas que sa marque soit moins connue. J’estime en toute déférence que cet argument est infondé. Premièrement, au vu de la preuve, la marque CORONA est utilisée depuis 2008, soit près de quatre ans avant la date pertinente de premier emploi de la marque GOLD pour la présente analyse fondée sur le paragraphe 16(3), soit le 1er janvier 2012.

[95] La défenderesse ajoute que la COMC a tenu compte de la position de la demanderesse et qu’elle est malgré tout parvenue à sa conclusion; je suis d’accord. Elle ajoute que, de toute façon, une erreur à cet égard ne serait ni manifeste ni dominante, et je suis également d’accord. La COMC a énoncé le cadre juridique. Elle a mené un examen prudent et équilibré du caractère distinctif inhérent et acquis, sans faire preuve d’illogisme, et ses conclusions sont certainement justifiées au vu du présent dossier.

[96] Je note que la demanderesse invoque la décision Gemme en ce qui touche le Dessin GÉOMÉTRIQUE de la défenderesse pour les bijoux en diamants. Dans cette affaire, la COMC avait déclaré que les marques de commerce comprenant un dessin de diamant et (ou) une feuille d’érable possédaient un faible caractère distinctif inhérent et évoquaient la « bijouterie » et le Canada. La demande de la défenderesse visant le Dessin GÉOMÉTRIQUE avait donné lieu à une opposition et la COMC avait tiré la conclusion suivante dans cette décision :

[20] Le dessin-marque de l’opposante possède peu de caractère distinctif inhérent du fait que le dessin du diamant qui est une composante de la marque suggère les marchandises et services de la requérante, soit la bijouterie et les pierres précieuses ou semi‑précieuses. L’autre dessin qui est une composante de la marque, soit l’image de la feuille d’érable, symbolise le Canada et, comme on peut le déduire de la preuve produite par Mme McDonald, est une caractéristique passablement répandue des marques de commerce sur la [sic] marché canadien. Par conséquent, la marque de l’opposante est une marque relativement faible.

[97] En toute déférence, je ne crois pas que cette décision soit déterminante en l’espèce étant donné qu’on peut établir une distinction. Dans Gemme, la COMC avait conclu que le dessin de l’opposante possédait un faible caractère distinctif inhérent si bien qu’il s’agissait d’une marque relativement faible. L’affaire reposait sur un dossier différent; la preuve démontrant que la marque de l’opposante avait acquis un caractère distinctif était négligeable, voire inexistante. Ainsi, l’opposition avait été rejetée et la marque, enregistrée. Il s’agit d’une situation très différente de celle du cas présent où la COMC a conclu que la marque de la défenderesse était associée à « [une] période d’emploi plus longue, [à] des ventes considérables et [à] une promotion plus importante sur une plus longue période » que celle de la demanderesse, et que la marque GOLD « est devenue connue au Canada, en liaison avec des bijoux et de l’or, dans une mesure beaucoup plus importante que la marque [de la demanderesse] ». Par conséquent, ce facteur est à mon avis favorable à la défenderesse.

[98] Je note encore une fois que la marque GOLD de la demanderesse n’était pas du tout utilisée avant le 1er janvier 2012, alors que la preuve a établi que la marque CORONA l’est depuis 2008 et qu’elle a été enregistrée en 2010, soit quatre ans et deux ans respectivement avant la date pertinente de premier emploi aux fins de la présente analyse fondée sur le paragraphe 16(3), à savoir le 1er janvier 2012. Non seulement les faits étaient différents, mais il est aussi bien établi en droit que chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits et du droit qui lui sont propres. La décision Gemme a également été rendue avant l’arrêt Masterpiece, qui a confirmé que le critère qu’il convient d’utiliser est celui de la première impression.

[99] S’agissant maintenant du motif 12b) de l’avis de demande, la demanderesse fait valoir que la COMC a commis une erreur lorsqu’elle a examiné les chiffres de vente de la défenderesse en présumant, sur le fondement des chiffres fournis pour cinq marques, que la majorité des ventes étaient associées à la marque CORONA alors qu’aucune ventilation des chiffres n’était fournie. Toujours d’après la demanderesse, la COMC a conclu, en s’appuyant sur cette conclusion erronée, que la marque CORONA était devenue connue « dans une mesure beaucoup plus importante » que la marque GOLD. J’estime en toute déférence qu’aucune erreur manifeste et dominante n’a été commise à cet égard. Il était selon moi loisible à la COMC d’inférer qu’une partie substantielle des ventes de Corona se rapportait à l’emploi de la marque Corona. Lorsqu’elle reproche à la COMC d’avoir tiré une inférence, la demanderesse n’est qu’en désaccord avec la manière dont elle a pondéré et évalué la preuve. Quoi qu’il en soit, la décision de la COMC reposait non seulement sur les ventes inférées, mais aussi sur la plus longue période d’utilisation, sur des ventes considérables, et sur la promotion plus importante effectuée sur une plus longue période.

[100] La demanderesse soutient par ailleurs qu’une partie ne peut être autorisée à monopoliser la feuille d’érable évocatrice dans l’industrie de la bijouterie. En toute déférence, je ne suis pas convaincu par cet argument. Je le répète encore une fois : chaque marque de commerce confère à son titulaire un certain monopole limité, que ce soit à l’égard de mots, de dessins ou d’une combinaison des deux. S’il est vrai que « personne ne devrait être autorisé à empêcher les autres membres de la communauté d’employer un mot qui renvoie à la nature ou à la qualité de marchandises pour les décrire », citation de l’arrêt Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2012 CAF 60 [le juge d’appel Nadon], au para 35, la demande de la demanderesse pourrait être rejetée pour ce motif. Plus fondamentalement, la défenderesse a obtenu une protection, par l’usage et l’enregistrement, à l’égard de l’ensemble de sa marque qui comprend à la fois son dessin stylisé d’une feuille d’érable et les mots CERTIFIED CANADIAN GOLD.

[101] La demanderesse affirme que la COMC a déraisonnablement rejeté la preuve relative à l’état du registre au motif que d’autres marques déposées ne comportaient pas l’expression CANADIAN CERTIFIED GOLD. L’affidavit Anastacio 2015 fournit une liste d’autres marques de commerce enregistrées qui arborent des dessins de feuille d’érable associés à des bijoux, à l’or et à des diamants. Selon la demanderesse, la COMC n’a pas tenu compte de la preuve démontrant que la feuille (qui, selon la COMC, constituait l’élément le plus distinctif) était courante dans l’industrie. Cependant, la COMC disposait de cette preuve et je ne relève aucune erreur manifeste et dominante dans la conclusion qu’elle a tirée sur la base du dossier qui lui avait été présenté.

[102] La demanderesse fait valoir par ailleurs qu’à compter de 2012, elle distribuait annuellement du matériel promotionnel arborant la marque GOLD et annonçait sa marque dans un certain nombre de salons professionnels. J’estime en toute déférence qu’aucune erreur manifeste et dominante n’a été commise à cet égard, encore une fois parce que je n’ai pas autorisé cette preuve présentée comme nouvelle au titre d’un motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1), étant donné qu’elle se rapportait à des faits postérieurs à la date pertinente de premier emploi et parce qu’elle n’était pas pertinente suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19, et le paragraphe 16(1) lui‑même.

[103] En résumé, la COMC a donné raison à la défenderesse pour ce qui est du caractère distinctif acquis et de la mesure dans laquelle la marque était devenue connue, mais a jugé les deux marques identiques quant à leur caractère distinctif inhérent. Ces conclusions sont étayées par le dossier. Je n’ai relevé ni illogisme ni mépris de la preuve. La COMC a mené un examen attentif et équilibré, tenu compte du cadre juridique adéquat et tiré selon moi des conclusions conformes au dossier et à la jurisprudence. Je ne suis pas convaincu que cet aspect de l’analyse relative à la confusion ayant trait au caractère distinctif est entaché d’une erreur manifeste et dominante.

(3) Période pendant laquelle chacune des marques a été en usage visée à l’alinéa 6(5)b)

[104] L’alinéa 6(5)b) prévoit qu’un autre facteur dont il faut tenir compte est la période durant laquelle chacune des marques a été en usage :

Éléments d’appréciation

What to be considered

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

[…]

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[105] Dans son avis de demande, la demanderesse fait valoir que la COMC a commis l’erreur suivante :

[traduction]
12c) elle a conclu que la période pendant laquelle les marques de commerce respectives des parties avaient été en usage « favorisait fortement » Corona;

[106] La COMC a conclu que le facteur mentionné à l’alinéa 6(5)b) favorisait fortement la défenderesse étant donné que la marque CORONA avait été en usage depuis plus longtemps, et je crois en toute déférence que c’était le cas. La demanderesse soutient que cette marque n’est pas en usage depuis très longtemps et, comme elle l’a déjà fait valoir, que les deux marques ont fait l’objet d’un usage et d’une promotion considérables au Canada. La COMC a rejeté la prétention de la demanderesse :

[52] Compte tenu de mon analyse menée au titre de l’article 6(5)a) de la Loi, je conclus que l’Opposante a établi l’emploi de sa marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin en liaison avec des bijoux et de l’or sur une période plus longue.

[53] Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise fortement l’Opposante.

[Non souligné dans l’original.]

[107] La défenderesse soutient, et je suis d’accord avec elle, que la COMC a estimé que ce facteur lui était fortement favorable en raison de sa preuve de l’usage sur une période que je considère longue et qui remonte au moins à 2008, soit jusqu’à quatre ans de plus que la marque de la demanderesse. À l’égard du motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1), la défenderesse fait valoir à juste titre que son usage de la marque CORONA à partir de 2008 précède de quatre ans le premier usage par la demanderesse de la marque GOLD, en janvier 2012. Il est important de noter que la marque GOLD n’était pas utilisée avant la date de premier emploi de la demanderesse, à savoir le 1er janvier 2012.

[108] J’estime en toute déférence qu’il était certainement loisible à la COMC de tirer la conclusion à laquelle elle est parvenue au vu du dossier. Encore une fois, je n’ai relevé ni illogisme ni mépris de la preuve. Je suis également d’avis que la conclusion de la COMC n’est entachée d’aucune erreur manifeste et dominante en ce qui touche l’alinéa 6(5)b).

(4) Genre de produits et voies commerciales visés aux alinéas 6(5)c) et d)

[109] Les deux parties ont fait valoir des arguments fondés sur les alinéas 6(5)c) et d) que la COMC a tranchés ensemble. Ces dispositions prévoient :

Éléments d’appréciation

What to be considered

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

[…]

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[110] S’agissant des alinéas 6(5)c) et d), la COMC a de nouveau donné gain de cause à la défenderesse :

[54] Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l’état déclaratif des services de la Requérante tel qu’il figure dans sa demande d’enregistrement avec les produits et les services visés par l’enregistrement de l’Opposante [voir Esprit International c Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 CPR (3d) 89 (COMC)]. Cet examen des états déclaratifs doit être effectué dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou la nature de commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Cependant, une preuve de la nature véritable du commerce des parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF)].

[55] Les parties ne semblent pas contester le fait que le genre de leurs produits et de leurs entreprises est le même ou que la nature de leur commerce est la même.

[56] La Requérante soutient toutefois qu’elle et l’Opposante exercent toutes deux leurs activités dans le domaine de la bijouterie et vendent des produits que les clients achètent après avoir longuement réfléchi et avoir porté une grande attention aux détails. Par conséquent, soutient la Requérante, les clients qui achètent des produits de la Requérante sont susceptibles de porter une attention particulière à ce qu’ils achètent et sont moins susceptibles de croire à tort que ces produits sont fabriqués, vendus ou autrement liés à l’Opposante. De plus, la Requérante invoque la décision Gemme Canadienne PA Incorporated c 844903 Ontario Limited (Corona Jewellery Company), 2007 CanLII 81543, affaire dans laquelle il a été conclu que, malgré le fait que la Requérante et l’Opposante exerçaient toutes deux leurs activités dans le domaine de la bijouterie, il n’y avait pas de probabilité de confusion entre les marques des parties, et l’opposition avait été rejetée.

[57] L’Opposante n’est pas de cet avis et soutient que les diamants et les bijoux peuvent susciter des émotions et entraîner des achats impulsifs et que les consommateurs ne prêtent pas tous la même attention aux détails. L’Opposante cite l’affaire Masterpiece pour affirmer que, indépendamment du prix des produits, la confusion est néanmoins une question de première impression.

[58] Bien que les produits des parties coûtent cher, le juge Rothstein confirme dans Masterpiece que, même si les consommateurs sur le marché des biens coûteux sont moins susceptibles de confondre deux marques, le test demeure celui de la première impression. Dans De Grandpré Joli-Coeur c De Grandpré Chait (2011) 94 CPR (4th) 129, aux para 97 et 98, le juge Sénécal de la Cour supérieure du Québec résume comme suit les observations que la Cour suprême du Canada a formulées sur cette question dans l’arrêt Masterpiece :

La Cour suprême indique, dans l’arrêt Masterpiece, que cela constitue une erreur le fait de croire que, étant donné que le consommateur à la recherche de biens et services onéreux consacre un temps appréciable à s’informer sur la source de tels biens et services, cela donne en général à penser que la probabilité de confusion dans un tel cas sera moindre. Il convient plutôt d’évaluer la confusion en se fondant sur la première impression du consommateur s’apprêtant à faire un achat coûteux lorsqu’il voit la marque de commerce. Il est sans importance qu’il soit peu probable que les consommateurs basent leur choix sur une première impression ou que, en règle générale, ils consacrent un temps appréciable à s’informer sur la source des biens et services qui coûtent cher. La possibilité que des recherches approfondies puissent ultérieurement dissiper la confusion ne signifie pas qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cesserait de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

De l’avis de la Cour suprême, il faut donc s’en tenir à la question de savoir comment le consommateur ayant un vague souvenir des marques d’une entreprise aurait réagi en voyant la marque de l’autre entreprise. La question du coût ne mènera vraisemblablement pas à une conclusion différente dans les cas où l’existence d’une forte ressemblance donne à penser qu’il y a probabilité de confusion et où les autres facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi ne militent pas fortement contre l’existence d’une telle probabilité.

[non souligné dans l’original]

[59] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ces facteurs favorisent l’Opposante.

[Non souligné dans l’original.]

[111] La COMC a conclu que le genre de produits et la nature du commerce étaient favorables à la défenderesse, car les parties ne contestaient pas le fait que leurs produits relevaient du même genre et que la nature de leurs affaires ou de leur commerce était identique. La demanderesse a reconnu que le genre de produits et les voies commerciales étaient substantiellement les mêmes, si bien que ce facteur milite en faveur de la défenderesse.

[112] Dans son avis de demande, la demanderesse fait valoir que la COMC a commis les erreurs suivantes :

[traduction]

12d) elle a conclu que le prix de ses produits n’entrait pas en ligne de compte dans l’examen de la confusion entre les marques de commerce des parties, alors que la demanderesse a déclaré que les clients achetaient des bijoux en réfléchissant longuement et en portant une grande attention aux détails, sans mentionner le prix;

 

12e) elle n’a pas tenu compte des conclusions tirées par le registraire dans Gemme;

[113] S’agissant du motif 12d), je conviens que la demanderesse a fait valoir que la défenderesse et elle sont dans l’industrie des bijoux et qu’elles vendent des produits que les clients achètent en réfléchissant longuement et en portant une grande attention aux détails. La demanderesse a ensuite affirmé que les clients qui acquièrent ses produits font probablement plus attention à ce qu’ils achètent et sont moins susceptibles d’être induits en erreur en s’imaginant que ces produits sont fabriqués, vendus ou autrement associés à la défenderesse.

[114] La défenderesse a toutefois avancé un contre‑argument, à savoir que les diamants et les bijoux peuvent donner lieu à des achats émotifs et impulsifs, et que ce ne sont pas tous les consommateurs qui font attention aux détails. Elle cite l’arrêt Masterpiece pour faire valoir que, peu importe le prix des produits, la confusion demeure une question de première impression.

[115] Je suis d’accord avec la défenderesse. Les produits des parties sont certes onéreux, mais le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la Cour, confirme au paragraphe 67 de l’arrêt Masterpiece que même si les consommateurs de produits onéreux sont moins susceptibles d’être confondus, le critère demeure celui de la « première impression » :

[67] La Cour a affirmé que les consommateurs qui sont à la recherche de biens onéreux sont moins susceptibles de confondre des marques de commerce, mais le critère demeure celui de la « première impression ». Dans ses motifs, le juge s’est fondé sur l’importance et le coût des biens et des services onéreux pour modifier le critère relatif à la probabilité de confusion. Selon lui, le critère applicable n’était pas celui de la première impression que laisse dans l’esprit des consommateurs la vue d’une marque de commerce, mais plutôt le « peu [de probabilité que les consommateurs] basent leur choix sur une première impression ». Cette démarche n’est pas compatible avec le critère en matière de confusion énoncé au par. 6(5) de la Loi, qui a été constamment repris par la Cour, tout récemment d’ailleurs dans Veuve Clicquot.

[Non souligné dans l’original.]

[116] En l’espèce, la demanderesse et la défenderesse fabriquent toutes deux des bijoux en or, et des bijoux en diamants dans le litige connexe sur les diamants. Lors de sa plaidoirie (mais pas dans son mémoire ni dans son avis de demande), la demanderesse a fait valoir une position différente, à savoir que le consommateur est une société de vente au détail avertie qui achète en gros des bijoux en or, par commandes relativement importantes (« en vrac »), chez elle ou chez la défenderesse, toutes deux fabricantes et grossistes averties. La défenderesse soutient en revanche que le consommateur en question est l’acheteur final dans un magasin de détail, et le critère est celui de la première impression et des vagues souvenirs.

[117] La jurisprudence fournit des orientations. Le critère classique formulé par la Cour suprême du Canada quant à l’identité du consommateur est énoncé dans l’arrêt Veuve Clicquot :

[20] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. […]

[118] La Cour suprême du Canada confirme qu’un « consommateur ordinaire » ne s’arrête pas pour examiner les marques minutieusement ni pour effectuer une comparaison directe afin de relever les différences qui les distinguent : voir Masterpiece. La Cour doit plutôt examiner la marque telle que le consommateur la voit, à savoir comme un tout, et sur la base d’une première impression :

[83] Dans l’analyse d’une marque de commerce, ni l’expert, ni le tribunal ne doit considérer chaque partie de celle‑ci séparément des autres éléments. Il convient plutôt d’examiner la marque telle que le consommateur la voit, à savoir comme un tout, et sur la base d’une première impression. Dans Ultravite Laboratories Ltd. c. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] R.C.S. 734, le juge Spence, qui devait décider si les mots « DANDRESS » et « RESDAN », en liaison avec l’élimination des pellicules, créaient de la confusion, a exprimé succinctement sa pensée aux p. 737 et 738 : [traduction] « [L]e critère qu’il convient d’appliquer est celui de la personne ordinaire à la recherche d’un produit et non pas celui de la personne versée dans l’art du sens des mots. »

[Non souligné dans l’original.]

[119] Dans l’arrêt Clorox, la Cour d’appel fédérale confirme que le critère renvoie à la première impression du consommateur ordinaire, et précise aussi que le consommateur peut être différent sur les marchés à créneaux ou de biens onéreux :

[32] Il n’existe aucun litige entre les parties en ce qui concerne le critère qu’il convient d’appliquer en matière de confusion. Ce critère a été énoncé par la Cour suprême au paragraphe 20 de l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée., 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[33] La Cour fédérale était parfaitement au courant de ce critère et a d’ailleurs cité ce même extrait. Il est également bien établi qu’au moment d’appliquer le critère de confusion, le juge des faits doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment les critères énumérés expressément au paragraphe 6(5) de la Loi. Encore une fois, c’est précisément ce que la Cour fédérale a fait en l’espèce, en soulignant, comme l’a fait le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387 (au paragraphe 49) [arrêt Masterpiece], que le critère le plus important est celui de la ressemblance entre les marques.

[34] Clorox a toutefois soutenu que la Cour fédérale avait commis une erreur en déclarant par écrit qu’un consommateur « n’est pas toujours pressé au même degré » lorsqu’il s’agit de biens de grande valeur ou qui relèvent d’un marché spécialisé.

[35] Je ne relève aucune erreur dans cette déclaration. Bien au contraire, elle est conforme à la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Mattel, selon laquelle les consommateurs seront plus prudents et prendront plus de temps dans certaines circonstances :

De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention. Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen [...].

Arrêt Mattel, au paragraphe 58, citant l’arrêt General Motors Corp. v. Bellows, [1949] R.C.S. 678.

[36] Contrairement à l’argument de Clorox, le degré d’attention du consommateur concerné peut varier selon les circonstances, et il faut également tenir compte des voies de commercialisation normales pour une marchandise en particulier. Cela est nécessairement le cas de l’eau de Javel JAVELO dont la livraison se fait sur commande par camion-citerne. La Cour fédérale a donc pu tenir compte de ce critère pour évaluer le risque de confusion et, ce faisant, elle n’a commis aucune erreur de droit.

[120] Dans la décision Gemological Institute of America c Gemology Headquarters International, 2014 CF 1153 [Gemological] [la juge Kane], le consommateur ordinaire englobait à la fois le détaillant et le consommateur final :

[85] En outre, le risque de confusion est évalué du point de vue du client ou du consommateur mythique (Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 [Mattel], aux paragraphes 56 à 58; ce consommateur englobe tout le monde, que ce soient les plus importants grossistes, les bijoutiers, les grands et petits détaillants ou finalement, le consommateur final.

[121] Dans l’arrêt Masterpiece, le juge Rothstein écrit :

[40] Il est utile, en commençant l’analyse relative à la confusion, de se rappeler le critère prévu dans la Loi. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824, par. 20, le juge Binnie a reformulé la démarche traditionnelle de la façon suivante :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Le juge Binnie renvoie avec approbation aux propos tenus par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202, pour faire ressortir ce qu’il ne faut pas faire, à savoir un examen minutieux des marques concurrentes ou une comparaison côte à côte.

[Non souligné dans l’original.]

[122] Je conclus que la définition du consommateur formulée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Veuve Clicquot est pertinente quel que soit le type de produits, de services ou de marché. En fin de compte, dans la présente affaire, l’acheteur final de bijoux en or qui se procure de tels bijoux pour son plaisir personnel ou pour en faire cadeau à quelqu’un d’autre dans la chaîne menant au receveur final doit, dans un cas comme celui qui nous occupe, revêtir une grande importance dans l’analyse de la perspective du consommateur.

[123] Comme l’ont déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Clorox et la juge Kane dans Gemological, les différents consommateurs de la chaîne de receveurs, allant du fabricant au consommateur final, peuvent porter plus ou moins d’attention aux différences entre les marques, qu’elles soient plus marquées ou plus modestes.

[124] De telles circonstances sont pertinentes et doivent être prises en compte, mais en fin de compte, le critère est celui formulé dans l’arrêt Veuve Clicquot et plus récemment dans l’arrêt Masterpiece, à savoir celui de la première impression et des vagues souvenirs. À mon avis, cela est d’autant plus vrai dans le cas des bijoux en or (ou en diamants, ou en or et en diamants) comme ceux dont il est question dans l’affaire qui nous occupe. Ainsi, même si le degré de connaissances et l’expertise d’un grand distributeur faisant affaire avec un gros fabricant ou grossiste et la relation qu’ils entretiennent s’avéreront pertinents, la perspective de leurs clients ultimes entre en jeu lorsque, comme en l’espèce, le critère applicable est celui de la première impression et des vagues souvenirs.

[125] À mon avis, les motifs de la COMC énoncent le critère adéquat en l’espèce en ce qui concerne la confusion, à savoir la première impression et les vagues souvenirs :

[56] La Requérante soutient toutefois qu’elle et l’Opposante exercent toutes deux leurs activités dans le domaine de la bijouterie et vendent des produits que les clients achètent après avoir longuement réfléchi et avoir porté une grande attention aux détails. Par conséquent, soutient la Requérante, les clients qui achètent des produits de la Requérante sont susceptibles de porter une attention particulière à ce qu’ils achètent et sont moins susceptibles de croire à tort que ces produits sont fabriqués, vendus ou autrement liés à l’Opposante. De plus, la Requérante invoque la décision Gemme Canadienne PA Incorporated c 844903 Ontario Limited (Corona Jewellery Company), 2007 CanLII 81543, affaire dans laquelle il a été conclu que, malgré le fait que la Requérante et l’Opposante exerçaient toutes deux leurs activités dans le domaine de la bijouterie, il n’y avait pas de probabilité de confusion entre les marques des parties, et l’opposition avait été rejetée.

[57] L’Opposante n’est pas de cet avis et soutient que les diamants et les bijoux peuvent susciter des émotions et entraîner des achats impulsifs et que les consommateurs ne prêtent pas tous la même attention aux détails. L’Opposante cite l’affaire Masterpiece pour affirmer que, indépendamment du prix des produits, la confusion est néanmoins une question de première impression.

[58] Bien que les produits des parties coûtent cher, le juge Rothstein confirme dans Masterpiece que, même si les consommateurs sur le marché des biens coûteux sont moins susceptibles de confondre deux marques, le test demeure celui de la première impression. Dans De Grandpré Joli-Coeur c De Grandpré Chait (2011) 94 CPR (4th) 129, aux para 97 et 98, le juge Sénécal de la Cour supérieure du Québec résume comme suit les observations que la Cour suprême du Canada a formulées sur cette question dans l’arrêt Masterpiece :

La Cour suprême indique, dans l’arrêt Masterpiece, que cela constitue une erreur le fait de croire que, étant donné que le consommateur à la recherche de biens et services onéreux consacre un temps appréciable à s’informer sur la source de tels biens et services, cela donne en général à penser que la probabilité de confusion dans un tel cas sera moindre. Il convient plutôt d’évaluer la confusion en se fondant sur la première impression du consommateur s’apprêtant à faire un achat coûteux lorsqu’il voit la marque de commerce. Il est sans importance qu’il soit peu probable que les consommateurs basent leur choix sur une première impression ou que, en règle générale, ils consacrent un temps appréciable à s’informer sur la source des biens et services qui coûtent cher. La possibilité que des recherches approfondies puissent ultérieurement dissiper la confusion ne signifie pas qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cesserait de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

De l’avis de la Cour suprême, il faut donc s’en tenir à la question de savoir comment le consommateur ayant un vague souvenir des marques d’une entreprise aurait réagi en voyant la marque de l’autre entreprise. La question du coût ne mènera vraisemblablement pas à une conclusion différente dans les cas où l’existence d’une forte ressemblance donne à penser qu’il y a probabilité de confusion et où les autres facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi ne militent pas fortement contre l’existence d’une telle probabilité.

[non souligné dans l’original]

[Non souligné dans l’original.]

[126] Encore une fois, la demanderesse invoque la décision Gemme pour le motif 12e) de son avis de demande. S’agissant du coût des produits des parties, ce précédent est sans fondement. Il est bien établi en droit que chaque affaire doit être tranchée en fonction de ses propres faits. L’affaire Gemme concernait d’autres parties, d’autres marques, et des éléments de preuve différents. Elle a également été tranchée avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Masterpiece. Je répète que, selon moi, la décision Gemme ne permet pas d’étayer les arguments que la demanderesse avance contre cette conclusion de la COMC tirée sur le fondement du présent dossier.

[127] En résumé, s’agissant des alinéas 6(5)c) et d), je ne puis relever ni illogisme ni mépris de la preuve. De plus, compte tenu de la situation factuelle et de la concession inévitable de la demanderesse, ainsi que des conclusions de la COMC qui en découlent, je ne peux pas conclure que cet aspect de la décision est entaché d’une erreur manifeste et dominante.

(5) Circonstances de l’espèce

(a) État du registre

[128] Le paragraphe 6(5) autorise la Cour à examiner des facteurs sur la confusion autres que ceux énoncés aux alinéas 6(5)a) à e). Une circonstance de l’espèce souvent examinée est l’état du registre des marques de commerce. Le registre a été examiné par la COMC, qui s’est prononcée encore une fois en faveur de la défenderesse.

[129] La demanderesse fait valoir dans son avis de demande que la COMC a commis l’erreur suivante :

[traduction]
12i) elle n’a pas tenu compte de la preuve sur l’état du registre déposée par la demanderesse;

[130] Dans son analyse, la COMC commence par mentionner la pertinence limitée que confère la jurisprudence à la preuve fondée sur l’état du registre. L’on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que si « l’on relève un grand nombre d’enregistrements pertinents » – ce qui n’a pas été le cas en l’espèce :

[66] La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions quant à l’état du marché, et l’on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que si l’on relève un grand nombre d’enregistrements pertinents. [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[67] La Requérante soutient que la preuve de l’état du registre produite par la voie de l’affidavit Anastacio établit que de nombreuses marques qui comprennent les mots « MAPLE LEAF » [feuille d’érable] ou un dessin de feuille d’érable enregistrées en liaison avec des bijoux et des produits et services connexes coexistent déjà au registre.

[68] L’Opposante soutient toutefois que, après examen de la preuve de l’état du registre, aucune marque comprenant un dessin de feuille d’érable et la formulation CANADIAN CERTIFIED GOLD [or certifié canadien] n’a été relevée. De plus, je souligne qu’un examen de la preuve établit également qu’aucune marque comprenant les mots « CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié canadien] ou une formulation semblable n’a été relevée.

[69] Par conséquent, j’estime que la preuve de l’état du registre n’est d’aucune utilité pour la Requérante.

[Non souligné dans l’original.]

[131] La Cour d’appel fédérale a déclaré que lorsque plusieurs enregistrements pertinents figurent dans le registre, des inférences peuvent être tirées au sujet du marché en l’absence d’autres éléments de preuve. Dans l’arrêt Maximum Nutrition Ltd. c Kellogg Salada Canada Inc., [1992] ACF no 562 [le juge d’appel Stone], il est écrit ceci :

14 On a jugé que la présence d’un élément commun dans les marques de commerce a une grande incidence sur la question de la confusion, comme l’a exprimé le Contrôleur général dans l’affaire Re Harrods Ltds. Appl’n précitée, à la page 70 :

[traduction] C’est maintenant un principe reconnu, dont il faut tenir compte pour déterminer la possibilité de confusion entre deux marques de commerce seulement, que lorsque ces deux marques de commerce comportent un élément commun qui est également compris dans un certain nombre d’autres marques de commerce employées dans le même marché, cet emploi commun dans le marché incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux autres traits des marques de commerce respectives et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres traits.

Le même point de vue a été exprimé dans l’affaire Re Beck, Koller & Co. (England). Ltds., Appl’n précitée. Dans la décision Molnlycke, précitée, le juge Cattanach a fait le commentaire suivant à propos de l’importance d’une caractéristique commune et de la nature de la preuve nécessaire. Il a déclaré ce qui suit, à la page 348 :

Si les marques qui présentent des caractéristiques communes sont enregistrées au nom de différents propriétaires, on présume alors que ces caractéristiques communes constituent un trait commun de l’entreprise et l’enregistrement devrait être accordé. Le fait que les marques appartiennent à différentes personnes tend à nier l’importance de l’existence du trait commun et favorise ainsi la personne qui demande l’enregistrement.

[…]

En l’espèce, la Commission des oppositions et le juge de première instance estimaient tous deux qu’aucune des marques en cause n’avait un caractère distinctif inhérent. Je suis d’accord avec cette constatation. Lorsque les marques n’ont que peu ou pas de caractère distinctif inhérent, comme cela est mentionné dans l’ouvrage de Fox, précité, aux pages 152 et 153, [traduction] “de petites différences permettent de les distinguer”.

[132] La demanderesse fait valoir que la COMC a déraisonnablement conclu que la preuve sur l’état du registre était dépourvue de pertinence parce que les résultats ne contenaient pas l’expression CANADIAN CERTIFIED GOLD et qu’elle n’a pas tenu compte des éléments montrant que le dessin d’une feuille d’érable – qu’elle a jugé plus distinctif – était couramment utilisé dans l’industrie. Je ne suis pas d’accord. Non seulement la demanderesse n’a pas réussi à trouver un grand nombre de demandes ou d’enregistrements, mais elle n’en a trouvé aucun à l’égard de CANADIAN CERTIFIED GOLD et dessin. J’estime en toute déférence qu’il s’agit d’une réponse importante, fondée sur la preuve, à cet aspect de l’appel interjeté par la demanderesse .

[133] La demanderesse affirme que notre Cour devrait considérer le caractère potentiellement déraisonnable d’une décision de la COMC qui confère un monopole trop important, comme elle l’a fait à l’égard de RED HORSE et Dessin et BLACK HORSE dans San Miguel Brewing International Limited c Molson Canada 2005, 2013 CF 156 [le juge Phelan] :

[40] La Commission n’a pas considéré que ce qu’elle faisait consistait, en fait, à accorder à Molson le monopole d’une marque de commerce sur le mot HORSE de n’importe quelle couleur (verte, dorée, brune, bleue, etc.) en liaison avec de la bière. L’étendue de ce monopole est déraisonnable.

[134] La COMC a examiné et rejeté les arguments de la demanderesse liés à RED HORSE. De plus, j’estime en toute déférence que, dans la présente instance, aucun monopole déraisonnable à l’égard des mots CANADIAN CERTIFIED GOLD n’a été conféré. La décision laisse plutôt sur le registre une marque plus ancienne (la marque CORONA), une marque composée qui, je me dois de le préciser, a été déposée antérieurement. La marque CORONA de la défenderesse était employée quatre ans avant celle de la demanderesse. La COMC a refusé d’enregistrer la marque GOLD en raison du risque de confusion avec l’emploi antérieur par la défenderesse de sa marque CORONA. En d’autres mots, la demanderesse a échoué à cet égard parce qu’elle n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait aucun risque raisonnable de confusion entre sa marque et la marque CORONA. C’est une question de pondération et d’évaluation de la preuve et je ne relève aucune erreur manifeste et dominante.

[135] De plus, et comme je l’ai déjà noté, toutes les marques de commerce confèrent un monopole limité à leurs titulaires. En l’espèce, il n’existe aucun monopole sur les mots, qui ont fait l’objet d’un désistement, mais uniquement un monopole limité sur les mots CANADIAN CERTIFIED GOLD pris ensemble et associés au dessin stylisé d’une feuille d’érable.

[136] Je ne relève ni illogisme ni mépris de la preuve quant à cet aspect des circonstances de l’espèce. Je ne suis pas convaincu que la décision de la COMC est entachée d’une erreur manifeste et dominante.

(b) Confusion réelle

[137] La Cour suprême du Canada a déclaré que l’absence de preuve d’une confusion réelle est une circonstance de l’espèce pertinente, voir Mattel, au para 89. Dans la décision Monsport Inc. c Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée., [1988] ACF no 1077 [le juge Addy], au para 11, notre Cour a jugé qu’elle était en droit de tirer des conclusions défavorables à l’égard des arguments d’une opposante si aucune confusion réelle n’est démontrée malgré une période substantielle de coexistence sur le marché.

[138] La demanderesse soutient que les marques coexistent depuis au moins janvier 2012 et affirme qu’elle n’a connaissance d’aucun cas de confusion réelle dans l’esprit du consommateur malgré un recoupement direct des produits et des voies commerciales. Elle invite la Cour à tirer une inférence défavorable contre la défenderesse. Cependant, toute la preuve soumise à cet égard est postérieure à la date du premier emploi, et elle n’est donc pas pertinente au titre des motifs d’appel fondés sur le paragraphe 16(1) suivant les principes énoncés dans Hawke, au para 3 et Kabushiki, au para 19, en plus d’être contraire au paragraphe 16(1) lui‑même.

[139] La demanderesse fait valoir dans son avis de demande que la COMC a commis l’erreur suivante :

[traduction]
12j) elle a accordé du poids à l’absence de confusion réelle dans l’esprit du consommateur suscitée par les marques des parties mais a conclu malgré tout qu’il existait un risque de confusion entre les marques de commerce;

[140] J’estime en toute déférence qu’aucune erreur n’a été commise à cet égard, et encore moins une erreur manifeste et dominante.

F. Analyse au titre du paragraphe 6(5), partie 2

[141] Comme je l’ai déjà mentionné, la COMC traite à deux reprises des éléments propres à la confusion visés au paragraphe 6(5). Elle le fait une première fois au regard de l’alinéa 12(1)d), et la COMC a déclaré au paragraphe 81 de sa décision que les conclusions tirées à cet égard « s’appliqu[aient] […] également » à son analyse fondée sur le paragraphe 16(1), que notre Cour vient de contrôler en appel. Deuxièmement, la COMC a traité du paragraphe 16(1) dans des motifs supplémentaires succincts et a de nouveau donné gain de cause à la défenderesse. Elle a conclu au paragraphe 81 que les facteurs mentionnés aux alinéas 6(5)a) et b) « favoris[aient] davantage l’Opposante au titre de ce motif d’opposition, puisque la preuve d’emploi de la Marque de la Requérante est postérieure à la date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition » :

[75] L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les Marques CORONA de l’Opposante, qui avaient été employées et déposées antérieurement au Canada.

[76] Pour s’acquitter de son fardeau, l’Opposante doit démontrer qu’une ou plusieurs des Marques CORONA de l’Opposante étaient employées ou révélées à la date de premier emploi revendiquée (1er janvier 2012) et qu’elles n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce.

[77] En premier lieu, je souligne que l’Opposante a tenté dans ses observations de s’appuyer sur les droits qui sont conférés par la common law à l’égard de ce motif d’opposition en ce qui concerne l’emploi des mots « CANADIAN CERTIFIED GOLD » [or certifié canadien]. Cependant, je conviens avec la Requérante que cette marque n’a pas été invoquée dans la déclaration d’opposition ni mentionnée dans l’affidavit Soare.

[…]

[80] Quoi qu’il en soit, compte tenu des conclusions que j’ai tirées dans mon analyse menée ci-dessus au titre des articles 6(5)a) et b) à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), j’admets que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau en ce qui concerne sa marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin. L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe donc à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante.

[81] La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur ma conclusion en ce qui concerne la confusion entre les marques des parties et mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) s’appliquent donc également ici. En réalité, les facteurs énoncés aux articles 6(5)a) et b) favorisent davantage l’Opposante au titre de ce motif d’opposition, puisque la preuve d’emploi de la Marque de la Requérante est postérieure à la date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition.

[82] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement est également accueilli, mais là encore, uniquement en ce qui concerne la marque CANADIAN CERTIFIED GOLD Dessin de l’Opposante pour les raisons énoncées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

[Non souligné dans l’original.]

[142] La COMC a essentiellement conclu que la défenderesse s’était acquittée de son fardeau à l’égard de la marque CORONA en liaison avec ses bijoux. Elle a expressément conclu que la preuve démontrait que la marque CORONA était en usage avant la date pertinente de premier emploi visée au paragraphe 16(1), à savoir le 1er janvier 2012. Il lui était certainement loisible de conclure au vu du dossier que la marque CORONA était en usage depuis 2008, comme nous l’avons déjà noté au paragraphe 91.

[143] Cette conclusion a eu pour effet de transférer le fardeau à la demanderesse, qui devait établir qu’il n’existait aucun risque raisonnable de confusion entre sa marque GOLD projetée et la marque CORONA. La COMC a simplement jugé que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau et que ses conclusions précédentes favorables à la défenderesse au titre de l’alinéa 6(5)a) – caractère distinct inhérent et acquis –, et de l’alinéa 6(5)b) – facteurs touchant à la période relative d’usage – l’étaient encore davantage au regard du paragraphe 16(1). Elle a tiré cette conclusion parce qu’à la date pertinente de premier emploi visée au paragraphe 16(1), c’est‑à‑dire au 1er janvier 2012, la demanderesse n’avait en fait jamais utilisé la marque GOLD ni n’avait acquis la moindre réputation à son sujet.

[144] J’estime en toute déférence que la COMC n’aurait pas pu parvenir à une conclusion contraire compte tenu du dossier dont elle disposait. Je ne relève aucun illogisme et cette conclusion est étayée par le dossier. Par conséquent, je conclus qu’aucune erreur manifeste et dominante n’a été commise à cet égard.

[145] Avant de conclure, je dois traiter des derniers motifs de l’avis de demande, selon lesquels la COMC a commis les erreurs suivantes :

[traduction]
12k) elle a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les marques de commerce respectives des parties au titre de l’alinéa 12(1)d);

12l) elle a conclu que la demanderesse n’avait pas le droit d’enregistrer la Marque GOLD au titre de l’alinéa 16(1)a);

12m) elle a conclu que la Marque GOLD n’était pas distinctive de la demanderesse, qu’elle n’était pas adaptée pour l’être et qu’elle ne permettait pas dans les faits de distinguer les produits de la demanderesse de ceux de Corona.

[146] Le motif 12k) est un motif d’appel passe‑partout qui remet en cause l’ensemble des conclusions et des motifs de la COMC sur la confusion, qu’ils soient fondés sur le paragraphe 16(1), l’alinéa 12(1)d) ou l’article 2. Le motif 12l) est un autre motif passe‑partout qui aurait pour effet, s’il était retenu, de priver la défenderesse de la mesure de réparation à laquelle elle a droit en raison de son succès devant la COMC et la confirmation de cette décision dans le présent appel. Ces deux motifs attaquent l’ensemble de la décision de la COMC. En toute déférence, je suis d’avis que j’ai déjà examiné cette décision avec suffisamment de minutie pour conclure qu’il n’est pas nécessaire d’en dire davantage dans les présents motifs.

[147] Le motif 12 n’est pas pertinent. Il concerne, semble-t-il, le caractère distinctif au titre de l’article 2 de la Loi, sujet qui n’est pas traité; la Cour rejette dans les présents motifs l’appel en vertu du paragraphe 16(1), si bien qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’article 2. Les présents motifs traitent toutefois du caractère distinctif inhérent et acquis au titre de l’alinéa 6(5)a) aux paragraphes 84 à 103 ci‑dessus.

V. Conclusion

[148] Dans le présent appel, j’ai examiné la nouvelle preuve proposée et l’ai jugée inadmissible au titre du motif d’appel fondé sur le paragraphe 16(1), en grande partie parce qu’elle se rapportait à des faits postérieurs à la date pertinente visée à cette disposition, à savoir la date de premier emploi convenue, le 1er janvier 2012. J’ai tiré cette conclusion conformément au paragraphe 16(1) lui‑même et en m’appuyant sur la jurisprudence établie, notamment Hawke, au para 31, et Kabushiki, au para 19.

[149] J’ai ensuite mené l’analyse relative à la confusion en fonction de chacun des facteurs du paragraphe 6(5) et j’ai examiné les circonstances de l’espèce, y compris les motifs d’appel pertinents soulevés dans l’avis de demande ainsi que dans les observations écrites et orales. J’ai mené ce contrôle en appel selon la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante établie à cette fin dans l’arrêt Housen. J’ai conclu que la COMC n’avait à aucun moment commis d’erreur manifeste et dominante.

[150] Si je prends du recul et examine la décision dans son intégralité, je ne puis conclure qu’elle est, en tout ou en partie, erronée de façon manifeste et dominante. Bien que la COMC se soit prononcée à certains égards en faveur de la demanderesse, elle a donné raison à la défenderesse à l’égard de presque tous les motifs fondés sur le paragraphe 6(5), y compris sur les questions importantes de la ressemblance, conformément à l’arrêt Masterpiece, et du caractère distinctif, conformément à l’arrêt Mattel.

[151] Par conséquent, la défenderesse a gain de cause dans sa contestation du présent appel. La COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante dans son analyse de la confusion menée au titre de l’alinéa 12(1)d), qui, selon elle, s’appliquait également à son analyse du paragraphe 16(1). Cela étant, et conformément au paragraphe 16(1) de la Loi, la demanderesse n’a pas « droit, sous réserve de l’article 38, d’[…]obtenir l’enregistrement » de sa marque :

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

Registration of marks used or made known in Canada

16 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

16 (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[152] Je me tourne maintenant vers l’article 38, qui prévoit entre autres que toute personne – comme la défenderesse – peut déposer une déclaration d’opposition contre la demande d’enregistrement d’une marque de commerce en s’appuyant sur quatre motifs énumérés. L’un de ces motifs prévoit que « le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement ».

[153] En l’espèce, la Cour conclut que la demanderesse n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement. Par conséquent, la COMC, agissant conformément au paragraphe 38(8) de la Loi, a repoussé à juste titre les demandes d’enregistrement de la demanderesse à l’égard de sa marque GOLD, à savoir TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD et Dessin (numéro de demande 1,593,806) :

Déclaration d’opposition

Statement of opposition

38 (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

38 (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

Motifs

Grounds

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

(b) that the trade-mark is not registrable;

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

(d) that the trade-mark is not distinctive.

[…]

Décision

Decision

(8) Après avoir examiné la preuve et les observations des parties, le registraire repousse la demande ou rejette l’opposition et notifie aux parties sa décision ainsi que ses motifs.

(8) After considering the evidence and representations of the opponent and the applicant, the Registrar shall refuse the application or reject the opposition and notify the parties of the decision and the reasons for the decision.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[154] Par conséquent, je rejetterai l’appel et repousserai la demande d’enregistrement de la demanderesse visant la marque TRULY CANADIAN CERTIFIED GOLD et Dessin (numéro de demande 1,593,806).

[155] Comme j’ai rejeté l’appel de la demanderesse fondé sur le paragraphe 16(1), il n’est pas nécessaire que j’examine les autres observations qu’elle a soumises au titre de l’article 2 et de l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

VI. Dépens

[156] Suivant les pratiques de la Cour fédérale et la directive de procédure du juge en chef Lufty, en date du 30 avril 2010, intitulée « Les dépens dans la Cour fédérale », les deux parties ont sollicité les dépens en cas de succès et se sont ensuite mises d’accord sur une demande commune en la matière : [traduction] « Les parties ont convenu de fixer à 20 000 $ le montant des dépens dans les deux instances d’appel instruites sous les numéros de dossier mentionnés ci‑dessus, comprenant les débours et les taxes ». Je ne vois aucune raison justifiant que les dépens ne suivent pas l’issue de la cause. Exerçant mon pouvoir discrétionnaire, je conclus qu’il est raisonnable que la demanderesse verse à la défenderesse des dépens fixés à 20 000 $ dans chacune des deux instances d’appel (dossiers T‑1485‑17 et T‑1491‑17), montant comprenant les taxes et les débours.


JUGEMENT dans le dossier T-1491-17

LA COUR STATUE que

  1. L’appel est rejeté.

  2. La demanderesse versera à la défenderesse des dépens fixés à 20 000 $ dans chacune des deux instances d’appel (T‑1485‑17 et T‑1491‑17), montant comprenant les taxes et les débours.

  3. Une copie du présent jugement sera placée dans les dossiers de la Cour T‑1485‑17 et T‑1491‑17.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1491-17

 

INTITULÉ :

BEVERLY HILLS JEWELLERS MFG LTD. c CORONA JEWELLERY COMPANY LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 15 ET 16 MARS 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

JUGE BROWN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 28 JUIN 2021

COMPARUTIONS :

Kenneth D. McKay

Sanjukta Tole

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brandon L. Evenson

Jennifer P. Ponton

 

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marks & Clerk Law LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Borden Ladner Gervais, S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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